Corpus Essonnien

Histoire et patrimoine du département de l'Essonne

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Les seigneurs de Janvry (1100-1553)

Jean-Pierre Dagnot
Chroniques du Vieux Marcoussis 1.1
Juillet 2007

Cette chronique est la première d'une série consacrée à un domaine situé à Janvry et dont le château existe encore.

Les documents les plus anciens

Vers 1100, extrait du cartulaire de Longpont, “Simon de la Brosse donna à Sainte Marie de Longpont toute sa terre qu'il possédait au Plessis 1) et pas les bois qu'il avait là”. Également un autre document à la même période mentionne comme présent “Groffin de Genveriis” (Janvry).

En 1159, le pape Adrien IV, confirme dans les biens et privilèges de l'abbaye Saint Magloire. Pour notre secteur il s'agit des églises Saint Denis et Sainte Croix de Briis-sous-Forges, avec les dîmes d'Invilliers et de Saneivry (Janvry). Tiré des pouillés de la province de Sens publiés par Auguste Longnon, la première mention de “Genvries” apparait pour son église dépendant du “decanatu de Castri Fortis” (Chateaufort), avec une taxe de vingt livres, classé aux environs de 1205.

Trois ans plus tard, dans le cartulaire latin de Linas, Hécelin, seigneur dudit lieu, autorise un clerc du fils du roy de france, à tenir une chambre et partie de maison … en la présence d'Adam prestre de Briis et de Rondus prestre de Janveriis (Janvry).

Il faut attendre soixante dix ans pour voir un autre document, tiré du même cartulaire, où cette fois c'est la ville de Janveriis qui est concernée. En effet Jehan de Maudestour, escuyer, ainsi que sa femme Lucienne vendent au chapitre Saint Médéric de Linas des biens & redevances “apud villam de Janveriis”, pour la fondation d'une chapelle. Dans cet acte il est fait mention de l'approbation de Jehan de Brocia, escuyer, premier seigneur, Robert de Espinciaco, second seigneur, avec une ratification de Jehan dit Brun, chevalier, sire de Palaiseau et de Briis, et Jehanne sa femme comme troisième seigneur. Les biens cédés consistent en “une rente de trente deux sous de cens en la ville & appartenances de Janveris & une droiture, & une masure qui fut à une droiture, des terres venant de Jehan de la Broce et de Robin, afin que le chapitre les tiennent en main morte à toujours”.

Janvry au 14ème siècle

Les documents se font rares, c'est l'abbé Lebeuf dans sa description de Linas, qui nous apprend que dans le registre de visite des léproseries du diocèse, la léproserie de Linois accueillait les malades de seize paroisses dont Janveries. Nous sommes alors en 1351.

L'année suivante, le pouillé de Sens, cite Genveriis pour 20 lb, et sa cure pour 13 sols & 4 deniers.

La guerre de Cent Ans arrive avec son lot de destructions, et en 1389, nous trouvons dans le trésor des chartes une supplique des habitans de la ville & paroisse de Genveris en la chatellenie de Montlhéry, disant qu'anciennement à Gommetz la ville, qui est proche Genveris, “eust place à louer les ouvriers pour aider à faire leurs labourages & des longs temps à la ville de Gommetz a esté tant pour les guerres come pour les mortalités désert & sans aucun ou au moins peu dabitans par quoy aucuns ouvriers ny sont venuz a esté ladite place délaissée et par ce défaut lesdits suppliants soient alez en autres villes voisines à une lieue ou à deux, quérir des ouvriers qui a esté un retardement de leurs labourages et du bien publiq, si come ils disent pourquoi nous au cas dessus octroyons de notre grace & autorité royale que en leur ville, ils puissent avoir place convenable pour leur louer les ouvriers qui de toutes parts vouldront venir afin que mieux ils puissent faire faire leur labeur,qui touche le bien publique et demandons au prévost de Montlhéry de publier notre décision.”

Les premiers seigneurs de Janvry connus

Tout d'abord expliquons que Janvry est une paroisse qui est composée de plusieurs fiefs. C'est ainsi qu'au dix-septième siècle on dénombre : Janvry, Marivault, la Brosse, Mulleron, Freneaux grand et petit, l'Hôtel Dieu, ces lieux, soit terre & seigneurie, soit fief, chacun d'eux dépendent d'un suzerain. Donc, pour traiter ces sujets nous prendrons chaque fief isolémént. Commençons par la terre & seigneurie de Janvry.

Le document le plus ancien concernant la seigneurie de Janvry remonte fin quatorzième, où la dame de Bruyères présente ses hommages: “Nous Marguerite de Bruyères, dame des Bordes et dudit lieu de Bruières advoue tenir en une seule foy et homage à Guy Judas, escuier, à cause de son hostel de Buc, toutes les choses qui ensuivent, un arpent de terre ou environ séans à .. de Janvris, trois arpents, suivent des terres en quantité relativement faible quelques arpents. également une maison que tient Robin Denise”. Au dos du document la mention adveu pour le fief de Janvriis. Pour clarifier, signalons qu'il s'agit de Buc proche Versailles et que la terre de “Janvriis” dépendra de ce seigneur, jusqu'à la Révolution.

Vingt ans plus tard, la même Marguerite réitère l'aveu ci-dessus mouvant de Guy Judas, seigneur de Buc, “les possessions assis es villes de la Broce & Janvrys, quinze sols de menus cens et 42 arpens en plusieurs pièces”, advoués au domaine de mon hostel de la broce. L'acte est passé au château de Bruyères…

Nous sommes après la défaite d'Azincourt, avec la guerre entre Armagnacs & Bourguignons, et Marguerite en janvier 1418 doit se démettre de sa châtellenie au profit du roy; c'est ainsi que Thomas de Voisins, chevalier, chambellan de Charles VI, présente ses hommages pour ladite châtellenie de Bruyères. On peut penser que les 42 arpents de Janvry ne pèsent guère dans les changements et doivent rester associés à Bruyères. La guerre de Cent Ans continue, en 1422 sous occupation anglaise, la châtellenie est confisquée et attribuée au chambellan du duc de Bourgogne David de Brimeu. À la fin de la guerre, on retrouve la famille Voisins déclarant par Philippe ses hommages pour Bruyères. Cette famille restera jusqu'en 1457. Arrivée ensuite de la famille de la Rochette avec Loys Bohan I, dit de la Rochette. Malgré des aveux détaillés pour Bruyères en 1462, le suzerain n'étant pas le même que celui de Janvry, nous ne voyons donc rien pour la terre de Janvry, ce qui parait logique.

La période est trouble les actes difficiles à trouver ….Un mémoire du 18ème siècle concernant un différent entre le seigneur de Janvry et celui d'Orsay sur trois petits fiefs assis à Janvry, nous apprend, que depuis 1400 les seigneurs de Briis étaient en même temps seigneurs de Janvry. Nous doutons de cette affirmation non confirmée par des actes et que nous retiendrons qu'à partir de l'union de Philippe du Moulin avec une damoiselle de la Rochette. La seule information sur Janvry pendant cette période est donnée par l'abbé Lebeuf qui mentionne la Sainte Vierge patronne de l'église, en 1473.

En 1494, Philippe du Moulin, seigneur de Briis et dudit Janvris rend hommage au seigneur du Marais pour deux fiefs assis à Janvris, “ à cause de sa femme” de la Rochette. Les deux fiefs relevant de la seigneurie de Guisseray. Il s'agit d'un mémoire et non d'originaux.

Dix ans plus tard, Philippe du Moulin escuyer, seigneur de Briis, et sa compaigne et espouze damoiselle Marie de la Rochette, & toujours à cause d'elle, rend hommage pour ung fief qui fut anciennement à Guillaume le Borgne, assis à Janvry. Ladite Marie héritière de Messire Loys de la Rochette en son vivant chevalier seigneur de Bruyères le chastel son père et par partage fait avec ses cohéritiers ….les biens mouvant du seigneur Jehan de Chaslons, héritier de Guyot Judas, à cause de son hostel de Buc.

Le suzerain Judas, est cité dans les actes du début et fin quinzième siècle. Cette pièce relie les actes venant de Marguerite de Bruyères via leurs seigneurs. Malgré le manque de documents, on comprend le passage des Bohan de la Rochette aux du Moulin, l'omission de la période où Marguerite de Bruyères rend ses biens, ainsi que la période anglaise.

Janvry au 16ème siècle

Cette période est caractérisée par des déclarations plus claires, ainsi en 1507: “Je Philippe du molin escuier seigneur de Briis, mary & époux de damoiselle marie de la Rochette, ma compaigne advoue tenir en une seule foy & homage à cause de ladite demoiselle, mouvant de noble home Jehan Denize, seigneur de Buc, en partie à cause de sa seigneurie dudit lieu, un fief assis au village & terroir de Genvris duquel la déclaration s'ensuit & lequel fief fut & appartenint à feu noble home Louys de la Rochette en son vivant chevalier, seiggneur de Bruyères, père de ladite damoiselle marie, & auparavant à dame Madame Marguerite de Bruyères, venu et eschu à icelle demoiselle à cause de la succession de sondit feu père et par partaige fait avecques ses héritiers: 1°) 20 arpents de terre ou environ séans à l'orme de Genvris 2°) item trois arpents et trois quartiers de terre assis aux eschifflies? tenant à maistre Audry le preux d'une part et d'autre à maire?.., — item un lieu masure troys quartiers de terre, — item troys arpens & trois quartiers à le feme? tenant à Robon Denise ou ses ayeux — item troys quartiers au chemin de paris tenant audit Audry & à Robin Denise ou à leur ayeux, — item deux arpens & ung quartier à lorme, tenant au chemin de paris d'une part & d'autre au chemin des ruelles, — item en un lieu six arpens ung quartier tenant au chemin de Paris & à Jehan de Sainct Regalt? — item troys arpens et demy en ce lieu masure tenant au chemin de ? (effacé) Ces terres dessus franches de dixme, — item huit arpens & demy de boys tenant aux boys de Soucy, — item demy arpen de pré que Robin Denise tient de nous, — item soulloient revenu par chacun an le jour de festes aux mors, quinze sols six deniers de cens ?? qui ne sont? point sur les terres de Vaularon, — item sur une maison séant à Genvris que tient à présent Robin Denise avec le pré dessus & autres héritages anciennement vingt sols de rente que de présent reviennent que dix sols parisis chacun an, le jour de la st Rémy …” Nous sommes très loin des 824 hectares de la commune !!!!. Donc à part l'hypothèse faite pour le passage de Marguerite de Bruyères à Philippe Dumoulin, tous les actes qui suivront sont réels. Notons aussi que la confusion avec les seigneurs de Bris peut s'expliquer en ce sens que les deux fiefs relevant de Guisseray sont des fiefs à Janvry & non des fiefs de Janvry.

Dix ans se passent, décès de Philippe et comme c'est la règle après le partage entre héritiers, le nouveau seigneur présente ses hommages au suzerain. C'est Guillaume du moulin, escuyer, seigneur de Briis et de Vaugrigneuse, qui déclare le fief dit de Vaugrigneuse en la paroisse de Briis venant de feu son père, lui aussi seigneur des mêmes lieux, avec le chateau, ..apparamment le tout en ruynes, et 400 arpents… Le seigneur mentionne ensuite ses arrières fiefs également tenus de la seigneurie de Vaugrigneuse, … “et premièrement les hoirs de feu Messire Loys de la Rochette en son vivant seigneur de Bruyères le chastel avec la Brosse & Gommetzois et le terroir d'icelle assiz en la paroisse de Janvrys et est ledit fief eschu à la mère dudit advouant en son partaige fait avesques ses cohéritiers dudit seigneur de Bruyères son père”…

Vers 1525, on retrouve dans un terrier du chapitre Saint Merry de Linois (Linas), à la rubrique Brys, la mention de “noble homme Guillaume du Moulin seigneur de Brys et de Janveris doibz pour chacun an au jour de la saint Rémy, quarante sols parisis de droits audit Janveris …” . Il doit s'agir des mêmes droits venant de Jehan de Maudestour de la fin treizième.

Guillaume du Moulin et Katherine de Lhospital préparent leur succession font des donations à leurs enfants. Ils possèdent des biens en plusieurs lieux, vivent à Paris, et Janvry représente peu de chose dans leurs biens. Leurs enfants sont au moins six, parmi lesquels Anthoine, qui nous intéresse et n'est pas l'ainé; il reçoit en 1550 de sa sœur Philippe la terre du Mesnil à Tournant en Brie “affin qu'il ayt mieulx de quoy soy entretenir en son estat à l'advenir” . Curieux il est déjà mentionné, seigneur de Janvry avant même la donation par ses parents. Anthoine à partir de cette époque va constituer un nouveau patrimoine, vend des rentes notamment à Janvry, et se prépare à être seigneur de Roinville.

Enfin, l'échange recherché plusieurs années entre ledit Anthoine et Jehan de Baillon: il s'agit de la terre & seigneurie de Janvry et du fief de la Brosse contre une rente de 500 livres. L'acte: …“noble homme Anthoine du Moulin, escuyer, seigneur de Vaugrigneuse, tant en son nom, que comme procureur en partie de ses parents qui devront ratifier, noble homme Guillaume du Moulin, escuyer, seigneur de Brÿs et de Janvrÿs, fait eschange avec noble homme Jehan de Baillon, seigneur de Marivaulx, et transporte sans soulte la terre & seigneurie de Janvrÿs ses appartenances & deppendances, avec le fief de la brosse, assis en la paroisse de Janvrÿs. Ces biens venant de l'héritage du seigneur de Brÿs son père auxquels les fiefs seigneuries advenus du trépas de Marie de la Rochette mère du seigneur de Briis qui se consistent en: — maisons granches estables cour jardins, — 130 arpents de terres labourables, cinq de pré en plusieurs pièces, — 60 lt de menus cens, toutes les volailles, rentes droits proffits, mouvant en fief, à savoir: a) terre & seigneurie de Janvry, et ses appartenances, relevant de feu Guillaume Deschallans en son vivant seigneur de Bucq en partie & l'autre partie du fief de Montjay prez de Gommetz le chastel; b) fief de la brosse et ses appartenances audit Anthoine du Moulin, à cause de sa terre & seigneurie de Vaugrigneuse, chargé de 40 sols envers les religieux de st Merry de Lynoys, - une autre maison seigneurie & appartenance qui fut à un nommé Boudet que ledit Anthoine du Moulin a dit luy appartenir de son conquest, attenant les maisons granches estables tenant au jardin, d'autre bout sur la rue, en la censive de l'hotel dieu, baillé à moison à Jehan Corvau, demeurant audit lieu de Janvrÿs… En contre eschange ledit de Baillon transporte but à but sans soulte 500 lt de rente du prévost des marchands”.

Curieusement quatre mois plus tard, Guillaume Dumoulin père d'Antoine, fait donation à son fils du bien échangé. En outre, Antoine devra payer à Charlotte Dumoulin sa sœur, femme de Nicolas Courchon, seigneur de Maupas, la somme de 2.000 livres avant un an suivant le décès des donateurs. Également, à Marie Dumoulin religieuse à Poissy et Magdeleine religieuse à St Pierre de ?, une pension viagère… Cette donation est ensuite ratifiée devant Nicolas Royer juge de la justice de Briis, et le tabellion juré de ladite prévosté, par Catherine de l'hospital, mère d'Antoine. Notons qu'à ce moment Janvry ne possède pas de château.

À suivre… Pour former une histoire cohérente, aller à La seigneurie de Marivaux.

Jean-Pierre Dagnot

1)
Ce lieu non précisé dans la version de Marion peut correspondre à :
— Plessis saint Thomas paroisse de Bruyères, cité dans une bulle du pape Urbain III en 1186 est le lieu le plus proche de Janvry;
— Plessis saint Père à Ballainvilliers, proposé par un lecteur de cette chronique;
— Plessis Paté et Plessis le comte (Fleury Mérogis), mentionné plusieurs fois dans le mémoire de Christian Julien sur ce cartulaire, ainsi que par Lebeuf p 353.
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