Corpus Essonnien

Histoire et patrimoine du département de l'Essonne

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dagnot:chronique01.02

Les seigneurs de Marivaux (1302-1553)

Jean-Pierre Dagnot
Chroniques du Vieux Marcoussis 1.2
Mars 2006. < Ajouts en mars 2013 >.

Cette chronique est le premier volet de l'histoire d'un lieu nommé Marivaux qui est un écart de Janvry situé entre le village et l'ancienne commanderie du Déluge. Il sera à l'origine des futurs seigneurs de Janvry après Jehan de Baillon.

Les origines lointaines

Reprenons donc l'histoire de Janvry en nous attachant à Marivaulx; nous sommes en décembre 1307, un échange entre le seigneur de Bruyères le Châtel et le commandeur du déluge :

Vinrent en jugement devant Fremin de Quoquerel, garde de la prévosté de Paris, frère Guillaume de Sancerre commandeur de Hessend, frère Jehan de Montlhéry commandeur du Déluge, & Roger de Gildesbourg élève procureur de Guillaume de Tochalle, prieur de la saincte maison de lhospital de sainct Jehan de Hiérusalem en Angleterre, que eulx au nom dudit prieur et pour le proffit de la maison du déluge font eschange & permutation de biens avec Monseigneur Thomas de Bruière, chevallier, des héritages qui ensuivent, savoir le déluge donne:
— 32 sols de cens sur plusieurs maisons en la ville de Bruières,
— derechef 17 sols sur des terres au terroir de Soucy,
— derechef 10 sols sur plusieurs maisons en la ville de Lopigny,
— derechef une pièce de bois à Marivaulx, qui soulloit estre tenu de lhostel du déluge à deux deniers de cens par an, …
En contre eschange Thomas de Bruyères cède:
— 32 sols parisis sur plusieurs maisons à Chastres (Arpajon), en la rue Moran, …
Ces eschanges but à but, sans soulte
.”

On voit déjà que le Déluge est un ordre hospitalier et non templier (deux mois après le début de la célèbre répression); qu'il dépend à cette époque d'une direction anglaise. Les lieux cités ont conservé leur appellation, Loppigny moins connu se situe dans la vallée au delà de la ferme de la Forêt. Après 1307, et pour plus d'un siècle, nous entrons dans une période assez floue où les informations sont rares. Un certain nombre d'actes ont visiblement disparu suite à la guerre de Cent Ans et à ses ravages dans la région. Au sortir du conflit, un commandeur du déluge fait établir un cueilloir pour faire le point des biens appartennant à la commanderie. De ce document, retenons qu'au chapitre Marivaulx, il est dit “oultre le moulin à vent du Déluge avoit une maison tenue en fief jadis dudit Déluge avec cent arpens” apparamment en friches pas de nom en face, autres terres citées…

La solution pour les seigneurs laïcs ou religieux, pour revaloriser leurs biens en ruines est alors de bailler à cens portant vente, c'est à dire louer à vie moyennant un loyer très faible (ensuite, au fur & à mesure les baux se verront réduire en durée).

La naissance du lieu

La seconde moitié du 15ème siècle marque la fin d'une longue période troublée. Nous arrivons en 1481 avec la rédaction d'un acte très important. Cette année là, un bail à cens est fait par “religieuse personne frère Anthoine Combemont, licensiyé en droit, commandeur du déluge de l'ordre de lospital sainct Jehan de Hiérusalem, à Thomas Letelier et Roger Vautier laboureurs demeurants au Déluge”, lesdits se voient proposer pour eulx leurs hoirs, “185 arpens de terre au lieu qu'on dit Marivaulx lez ledit déluge, des terres qui ne sont point du domaine et labour dudit hostel du Déluge, de présent en friche et non valeur”, pour en jouir, “cette prinse faicte moyennant six deniers parisis de cens pour chacun arpen. Lesdites terres par ce moyen quites des arrérages quils soulloient devoir audit hostel”. Acte signé par Pinot & Belin.

Cinq ans après devant les mêmes notaires, “Nicolas Vaultier seigneur de Montigny les Cormeilles en Parisy”, ayeul maternel du futur seigneur de Marivaux, retient à titre de rente de Jehan Vaultier son frère, la moitié par indivis d'une maison court jardin assise au “village de Maribas” (Marivaux), paroisse de Janvry avec 185 arpens de terre au même lieu de Marivaulx les Déluge et 20 arpens de pré assis à Mulleron prez ledit Marivaulx à la charge de 18 septiers de grain (deux parts bled une part avoyne). La relation entre Roger & Nicolas n'a pu être trouvée. En 1464, Nicolas Vaultier, alors estudiant en l'université de Paris, achète le fief de Montigny.

À partir de cette époque, la famille Vaultier via Nicolas, seigneur de Montigny, achètera des terres pour agrandir le domaine:
— à Jehan Desmoulins laboureur de Fresneau, dix arpens moyennant 30 livres tournois;
— à Thomas Bequot, laboureur de Marivaulx, seize arpents de pré et un jardin audit Marivaulx, moyennant 22 livres (ces biens venant de Thomas Letellier qui était associé à Roger Vaultier);
— à Pierre Magault, prêtre & Jehan Magault, son frère, laboureur de Fontenany les briis, un arpent de pré.

Ces transactions se déroulent sur deux décennies. Les actes retrouvés sont peu nombreux.

Durant cette période, Philippe Vaultier, fille de Nicolas, s'unit à Jehan de Janailhac, qui devient seigneur de Montigny. En 1512, devenue veuve, Philippe Vaultier épouse Adam de Baillon. De cette seconde union vont naître au moins sept enfants, dont cinq seront concernés par le domaine de Marivaulx.

Jehan de Baillon, seigneur de Marivaulx

En 1538, plusieurs échanges entre quatre enfants d'Adam de Baillon et de Philippe Vaultier vont conduire à la récupération par Jehan de Baillon, l'aîné, d'une grande partie de Marivaulx, à savoir:
— Jacques de Baillon transporte à “Jehan l'aisné” son frère, le cinquième lui revenant de la ferme de Marivault, moyennant 20 lt (livre tournois) de rente,
— Maistre Jehan de Baillon le jeune, vend à Jehan de Baillon son frère ainé, 10 arpents et toutes les parts par luy acquises de son beau-frère Nicole Beauclerc advocat et de Radegonde de Baillon, sa femme; parts qu'ils avaient en la maison & ferme de Marivault, moyennant 120 livres tournois;
— Adam de Baillon, notaire & secrétaire du roy, transporte également le cinquième d'un tiers lui revenant de ladite ferme.

Les transactions terminées Jehan de Baillon baille pour neuf années ladite ferme à Gabriel Jubin, moyennant cinq muids et demi de grain, “deux parts bled mestail un tiers avoyne”. le bail passant à six muids au bout de deux ans. Le loyer en grains est à acheminer en l'hôtel parisien du dit Jehan de Baillon.

L'appétit du futur seigneur de Janvry ne s'arrête pas pour autant. Nous savons par quelques documents retrouvés, qu'il accroît son domaine, à l'est du côté de la ferme de la Forest, et qu'il baille des terres à St Germain des prez. Il est également à cette époque, receveur des aydes & des tailles en l'élection de Senlis, agissant aussis par procuration pour Jehan Duval, trésorier de l'épargne du roy, dont il vise l'office.

Notre seigneur de “Marivaulx les Janvris”, décide de se marier en 1542, avec Valentine Leclerc, fille mineure de feu Michel, notaire & secrétaire du roy, et de Madeleine Alard, qui lui apporte 4.000 livres tournois dans la corbeille. De son côté, l'époux se contente de douer sa future de 100 livres tournois de rente. Leur courte union leur donnera trois enfants dont seul Guillaume survivra. Valentine meurt à la fin de l'année 1546. < De son inventaire après décès, nous aurons la confirmation de l'ascendance des Baillon, Adam son père et Michel son grand-père, vicomte de Caudebec. >

Quelques mois après son mariage il acquiert l'office de receveur des tailles en l'élection de Paris moyennant 8.500 livres tournois.

Notons également que notre dynamique personnage, se constitue un lieu de villégiature à Antony, ne négligeant pas pour autant son extension à Marivaulx et alentours, notamment en rachetant aux héritiers de l'union de 1481 entre Letellier & Vaultier.

Un examen attentif des actes qui nous sont parvenus permet de penser que plusieurs familles vivaient alors au lieu de Marivault: les locataires de la ferme, une partie de la famille Letellier, et le seigneur utilisant Marivault comme un pied à terre.

Naturellement soucieux de son confort,“noble homme maistre Jehan de Baillon” fait construire une maison et un clos fermé de fossés pour sa résidence de Marivault; pour cette entreprise, il s'adresse à Nicolas du Perier, pionnier demeurant à “Chastignes paroisse de Brys Vaugrigneuse à costé de Montlhéry”, qui s'engage de faire la quantité de 400 toises de fossés, “en ce qu'il conviendra en ung cloz que ledit de Baillon veult faire finir en sa maison assise à Marivaulx, paroisse de Janvrys, pour y faire planter arbres fruitiers; commencer sa bezongne par ledit du Perier dès la mi septembre sans discontinuer à faire les fossez jusqu'à la perfection, faire lesdits fossez de six pieds d'ouverture …. planter les espines blanches qui lui seront baillées espassées de huit pouces ….

Infatigable, notre homme reçoit une maison à Paris rue de la Harpe, qu'il loue sur le champ. Il continue à acheter et échanger des terres & des bois autour de Marivaulx, vend des rentes (pour lui & sa belle mère). Lors de l'inventaire après décès de Valentine, il est qualifié de seigneur de Marivault. Il intervient dans cet acte, en son nom et comme tuteur de Guillaume de Baillon, son fils mineur. L'inventaire est réalisé tant à Paris rue saint-Antoine, “à l'Image St Claude”, qu'à Marivault, en la ferme “montrée” par Gabriel Jubin, le locataire du moment, on peut noter les pièces suivantes:
— une chambre au premier étage,
— en une chambre sur la cuisine,
On ne peut parler de logis seigneurial, bien que les pièces ne comportant pas d'effets ne soient pas citées.

La vie continue, il se remarie avec Marie de Hacqueville, fille du seigneur de Garges & d'Attichy, les achats reprennent aussi, l'appétit du nouveau seigneur s'étendant tous azimuths: Mulleron, Bruyères & Dollainville (Ollainville), n'oubliant pas de récupérer aux héritiers Letellier les biens communs. Notons qu'il rachète trois pièces de terre à Janvry, à Olivier Vaultier, prestre vicaire de la paroisse, son oncle.

< Commence aussi en 1548, la construction du premier manoir de Janvry: Christophe de Vaulx, maçon demeurant à Limoux, confesse avoir promis à noble homme Jehan de Baillon, receveur des tailles, … de lui faire en ses terres de Marivaulx ung grand corps dhostel de onze toises de long de dehors et de vingt ung pieds de large, de deux pieds depuis le rez de chaussée en fondation jusqu'au un pied et demy … massoné de moeslon chaulx et sable garny de huit chesnes de pierres de grais taillés pour supporter les poultres en les quatre encoingures, aussy de pierres de grais taillés par dedans faire la vis dudit grand corps dhostel… par dehors faire les portes des perrons de troys pieds trois poulces de large et six pieds de hault et lhuisserie du cellier le tout de pierre de grais taillées, … faire les jambages et manteaux de cheminées tout de plastre par dedans les chambres faire lestuyaux qui passeront dans le grenier,… faire les cloisons des chambres garde robbes et chapelle de plastre faire une petite saillie au hault dudit corps dhostel pour gueter les ?… commencer à besongner les grais… ce marché fit moyennant 15 sols par chacune toise . La semaine suivante, il passe un second marché avec Jehan Decroix et Sébastien Poullain massons en plastre demeurant à Chastres soubz Montlhéry qui confessent avoir promis au seigneur de Marivaulx…., de mettre la thuille à saulnette pour couvrir un corps dhostel audit lieu de Marivaulx… ce marché fait moyennant 26 lt. >

Il fait également ériger à Verrières un corps d'hotel de trois travées et annexes où on peut retrouver les marchés passés: serrurerie, menuiserie, portes, fenêtres, charpente, venant de différents corps de métiers, jusqu'à tirer des pierres la quantité qu'il convient pour la maison & les bâtiments dudit Verrières.

On note également que Jehan de Baillon, seigneur de Marivault, baille à titre de ferme & moisson de grain jusqu'à six ans à Jehan Vaultier, son neveu, laboureur à Janvry, absent, et à Olivier Vaultier, son oncle, prêtre vicaire dudit Janvry, une pièce d'ung arpent à la Mare aux Vaches, …. moyennant trois minots de grain rendu en son hôtel audit Marivaulx. On reste en famille!!

Arrive l'année 1553 où s'effectue l'eschange entre Anthoine du Moulin avec Jehan de Baillon de la terre & seigneurie de Janvris (ses appartenances & deppendances) avec le fief de la Brosse, moyennant 500 livres tournois de rente. À partir de cette date, Jehan de Baillon deviendra seigneur de Janvry.

Le troisième épisode va conduire notre personnage jusqu'à la seigneurie de Bruyères & d'Ollainville.

À suivre ..

dagnot/chronique01.02.txt · Dernière modification: 2020/11/10 23:15 de bg