Corpus Essonnien

Histoire et patrimoine du département de l'Essonne

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Le moulin du Pré dit moulin Carouge

Chronique du Vieux Marcoussy –Marcoussis——— —— ———ajout septembre 2010 octobre 2008

Extrait carte des Chasses.

JP. Dagnot

Cette chronique relate l'histoire d'un moulin à eau assis sur la rivière Orge en la paroisse de Brétigny-sur-Orge (Essonne).

Recherchant l'étymologie de “Carrouge”, nous trouvons, que ce mot désignant l'arbre ou le fruit agréable et sucré de cet arbre (caroubier) a été formé de « carrubium » (Gilles Ménage, Dictionnaire étymologique de la langue françoise , 1750). Il semble qu'à Brétigny la véritable étymologie viendrait plutôt de « quadrivium », qui signifie carrefour, de « quadri vium » quatre voies (Auguste Longnon, les noms de lieux de la France , 1889). En Touraine on disait un carroué, pour une place centrale, comme de quadriga on a fait carroie et carrosse.

Moulin du Pré et homonymie

L'histoire de ce moulin situé à Brétigny sur la rivière Orge apparaît pour la première fois dans les déclarations de foi et hommage et d'aveux formulés par les seigneurs de Brétigny, vassaux de leurs homologues de Vaugrigneuse. Il faut cependant se méfier de la dénomination « moulin du Pré » qui existe aussi pour un autre moulin sur l’Orge, situé à quelques kilomètres en amont, à Chastres (Arpajon). En effet, Madame Pluquet a publié, dans le bulletin de l’association Art et histoire du pays de Châtres, l'histoire de ce dernier, en dessous du château de Chanteloup. Pour compléter l'histoire de ce moulin dépendant du seigneur de Cheptainville, ajoutons à son article sur le moulin du Pré à Arpajon : - En 1384, dans l'aveu fait au roi par Jacques de Chetainvilliers, citons: « un fief situé à Chastres sur le moulin du pré prisé cinq muids de bled ». - En 1410, l'aveu des enfants de Clément de la Neufville, Jehanne de la Neufville ayant la garde des enfants dudit Clément, advoue tenir en fief à une foy et hommage de noble et puissant seigneur, monseigneur comte palatin (loys de Bavière) , à cause de son hostel et seigneurie de Chetainville, trente septiers de froment à cause de quatre parts… sur le moulin du pré assis à Chastres … - En 1483, même déclaration par Charles de Villiers - En 1672, même déclaration par Christophe de Sève, le fief du moulin consistant en maison jardin et bâtiment, droit de colombier à pied.

Mentionnons également un autre moulin du Pré à Orsay.

Les premiers textes sur le moulin du Carouge (XIVe-XVe siècle)

Revenons au moulin de Brétigny, la première citation date de 1367. C'est une mention faite dans un aveu et dénombrement donné au roi, par Mahy, marchand demeurant à Montlhéry, d'un fief de quatre arpents de pré sis en la prairie d'Orge, proche la chaussée de Guiperreux, tenant au chemin qui va au long de ladite chaussée « du côté du moulin du Pré » et aux prés Saint-Ladre de Linas. Bertrandy-Lacabane, archiviste de l’ancien département de Seine-et-Oise dans le dernier tiers du XIXe siècle, dans son essai sur Brétigny, nous apporte ensuite l’information suivante: En 1446, dans un aveu et dénombrement il est question d'un « grand chemin qui tend du moulin du pré par devers l'église St Philbert […] ».

Cinquante après, un premier acte concerne directement le moulin et ce qui est rarissime, il s'agit d'une prisée suivie d'un bail. Le document, d'une écriture difficile avec ratures, est de plus endommagé par l'eau et rongé sur les bords. Pour compliquer la tache, il est rédigé pour deux moulins, Basset et le Pré, le passage de l'un à l'autre assez folklorique! La prisée au début, et le bail à la fin, sans espace pour différencier les moulins. C'est la raison pour laquelle, après traitement numérique par zone , que cet ajout est apparu: Ledit jour fut prisé le molin du pré assis au val de Brétigny, dessous lostel de Moulxmuys? assis en la paroisse de Saint Philbert de Brétigny; à la requeste de noble damoiselle Françoise de Marigné, veufve de feu noble home Jaques de Saint Benoist, en son vivant seigneur de Brétigny & de Guyon de Saint Benoist, fils de ladite demoiselle et dudit deffunt, par Jehan Chevrau charpentier et par Gervais Poynet meusnier pour Anthoine Poirier… lesquels ont fait le rapport en la manière qui sensuit: - premièrement ont prisé la roue larbre et le rouet ensemble viii livres, - item le chevestre dudit arbre xxvii sols, - item les vanes qui vallent x sols, - item paire de chasse et pouillier, xxv sols … la meulle, la huche,… - les deux meulles dudit molin ensemble xix pousses deppaisseur xxiii livres …, Tout laquelle prisée dudit molin se monte pour la some de xxxiii livres et vi sols.

Bail fait par noble damoiselle Françoise de Marigné, veufve de … , à Anthoine Poirier, musnier demeurant à présent au molin du Petit Paris en la paroisse de Leuville. C'est à savoir : - le molin du Pré avec les jardins dessous, un pastilz à vaches … assis entre la rivière d'Orge et lostel de Maulmys?, le val de Brétigny en la paroisse de saint Philbert de Brétigny, - item deux arpens de pré assis en la prairie dudit Brétigny … - item une pièce de 10 arpens le long de la bouelle L'état du document ne permet pas de connaître le montant du fermage, déchiffré deux chappons, et tenir ledit molin en bon et suffisant estat…

Le moulin du Carouge au XVIe siècle

Un siècle plus tard, l'on retrouve Antoine Lesné, acquéreur de Jean Lesné, charpentier, mort en 1572. Cette propriété se composait « d'une maison moullin, couverte de thuiles, contenant trois espaces, une grange couverte de chaume de deux espaces, et deux petites étables, jardin devant, aunaie et saussaie en ung pourpris, contenant 5 arpents, assis au lieu dit le Cas-Rouge, aultrement dit le moullin du pré … ». Les informations qui suivent sont le résultat d'un dépouillement systématique des études notariales de Montlhéry, ainsi que du greffe de la prévôté de la même ville. Ce sont pour la plupart des baux, prisées et procès, qui nous informent notamment sur les propriétaires et meuniers qui se sont succédés au moulin du Carouge. En 1584, une sentence des eaux et forêt de Montlhéry condamne la dame de Brétigny, Françoise de Goupil, à réparer le versoir de la chaussée de Guiperreux à hauteur raisonnable. Il s'agit d'un incident classique du moulin aval de Basset, gênant le Carouge en amont. En effet, souvent le moulin aval bloquait ses vannes empêchant le déversement optimal du moulin en amont, empêchant la chute d’eau. C’est d’autant plus vrai qu’entre les deux moulins il n’y a quasiment pas de pente et l’Orge forme un marais entre eux appelé la Prairie de Brétigny. Cette dame, seigneur de Brétigny, pour éviter les ennuis mentionnés ci-dessus, rachète un an plus tard, à « Jehan Lesné, musnier du moulin Neuf, paroisse de Bruyères le Chastel, et Jehan Brancheron du même estat demeurant au Val-Saint-Germain, les deux sixièmes de parts desdits Lesné et Brancheron. Ces biens viennent de la succession d'Anthoine Lesné et Pierrette Val audit Bellejambelet leur père et mère, d'ung moullin appelé le moullin du pré assis sur la rivière d'Orge ». Ce moulin « se consiste en maison manable estable meubles, tournants, travaillants et ustancilles du moullin ». L'origine de propriété de ces biens vient d'un bail à rente fait en 1509 par damoiselle Françoise Lhuillier, alors « dame de Brétigny, myneure, ayeulle paternelle de ladite dame de Goupil, à titre de pur chef cens ».

Le moulin ne doit pas être une affaire de premier ordre, toujours un an plus tard, le nouveau propriétaire, Hiérosme Lemaistre, seigneur de Bellejambe, à Marcoussis, baille à titre de « ferme et moison de grain, jusqu'à trois ans, à Pierre Jeulin, musnier demeurant à Longpont , un moullin à eau à faire de bled farine qui se consiste en : - ung corps dhostel ou y a maison manable couverte de thuiles, estables couverte de chaulme, court, jardin avec aulnoy et pasture appelé le moullin du pré ». - plusieurs parcelles de terre et de prés. Le bail est conclu « moyennant troys muids de bled mousture, loyal, marchant, à la mesure de Montlhéry, et deulx chappons à porter en son hostel seigneurial audit Bellejambe ». Le bail sera renouvelé, au même meunier, mais « moyennant cinq escus sol et deulx chappons ». Il doit y avoir problème, l'année suivante c'est le tour de « Guillaume Beaulvre, musnier de Basset » de prendre la relève. A cette occasion une visite est faite par ledit Beaulvre, Nicolas Colau, domestique du seigneur de Bellejambe, Symon Petit masson de Linas et Jehan Lesueur charpentier de Marcoussis, pour faire la prisée des tournants du moulin du Carouge, malheureusement Jeulin étant absent, sa femme refuse la visite. En effet à chaque changement de meunier, le meunier sortant doit régler l'écart existant entre la valeur du matériel composant le moulin, au propriétaire, et le meunier entrant doit entériner la même « prisée ». Il faut attendre 1594 pour voir la seconde prisée connue de ce moulin, faite par Michel Jamet charpentier de la grande coignée demeurant à Linas et Michel Beauvairs meunier du moulin d'Aulnay à Leuville sur Orge. Hiérosme Lemaistre en est toujours le propriétaire et le meunier est Marin Sancyer. « Description des moullans tournans travaillans et ustancilles [du moulin du Carouge]: - une roue garnye de ses aunes et noyaux avec ses embrassures, l'arbre tournan garny de des quatre frettes et deulx torillons, prisés ensemble 14 escus et demy. - ung rouet garny de son embrassure et chevilles avecques la lanterne garnye de sept fuseaulx et deulx frettes, prisés 8 escus sol. - item la meulle servant de courant de cinq pieds quatre pouces de haulteur et six pouces despaisseur prisée deulx escus sol. - item la meule de dessoulz servant de gisant de cinq pieds quatre pouces de hauteur huit pouces d'espaisseur prisé quatre escus sol. - item deulx chevestres servant à porter l'arbre tant par dedans que par dehors prisés ung escu sol. - item le grand engin et le petit servant à lever la meulle avecq la huche et les charge (?) prisés ung escu cinquante sols. - item une mille (?) garnye de son fert prisé six escus sol. - item les poiss,(?) garnyes de deux chaises […] prisés dels escus. - item les cloches d'autour la meulle servant à couvrir les meulles prisés un escu ». Malheureusement les dimensions de la roue et de l'arbre du moulin ne sont pas indiquées. Les quantités de grain à moudre sont telles que Jeulin, meunier acquiert le droit de chasse attaché au moulin à vent du Plessis-Pâté qui appartient à Messire François Blosset seigneur du Plessis, « pour faire mouldre les bleds & autres grains dépendants de ladite seigneurie, sujette à son moulin, s'étendant sur les villages du Plessis, Chercoix, la Justice. Le bail est fait pour trois années consécutives, à charge par le meunier à bien servir les sujets de la chasse et outre moyennant deux muids de bled méteil mesure du Plessis dans les greniers dudit seigneur ». La même année, le seigneur, de Brétigny, Messire François de Houdetot, à cause de dame Françoise de Goupil son épouse, présente ses foi et hommage au seigneur de Vaugrigneuse. Cet acte mentionne le droit sur le moulin du Pré (du Carouge), d'une mine de blé, provenant d'une rente perpétuelle que doit acquitter le seigneur de Beljambe. Hiérosme Lemaistre baille en 1594, à titre de « ferme et loyer jusqu'à troys ans à Marin Sancyer, musnier y demeurant, ledit moulin du Carouge, le loyer est composé de vingt cinq escus d'or soleil au seigneur de Beljambe, cinq escus d'or et deux chappons à la dame de Brétigny, de rente qu'elle a droit de prendre ». Signature de Marin Sancyer, meunier du Carouge De 1595 à 1599, le cahier de comptes du curé de Saint-Pierre de Brétigny mentionne des envois de « bled mestail » au moulin du Carouge, pris chez monsieur Husson. Le moulin du Pré (du Carouge) acquittant des droits au seigneur de Brétigny, c'est probablement à ce moulin qu'ils étaient destinés. Pascal Herbert propose que ce monsieur Husson pourrait être Isaï Husson, procureur de la prévôté de Montlhéry. Pour exemple : « Le mercredy auparavant le samedy vigile monsieur saint Michel, 28e desits mois et an [1596], le meusnier du Carouge m’emena deux septiers troys minots dudit bled mesteil aussy a comble qui est le tout ensemble la quantité de trois septiers cinq boisseaux et demy blé froument et quatre septiers demy boisseau de bled mesteil pour ce icy ». 1595, de nouveau une sentence des eaux et foret de Montlhéry condamne la dame de Brétigny à réparer le versoir de la chaussée de Guiperreux du moulin de Basset à hauteur raisonnable pour ne pas nuire au meunier du Carouge.

Quelques pistes pour le XVIIe siècle

Aveu du fief de St Philbert et des Voisins en 1600: « François Martel, escuier, seigneur de Brétigny, cappitaine de 50 hommes d'armes des ordonnances du roy, lequel avoue tenir en une seulle foy et hommage de Charles Duval seigneur de Vaugrigneuse à cause de ladite seigneurie, venant de la succession de Françoise de Goupil sa mère … Item sur le moulin du Pré assis sur la paroisse de St Philbert sur la rivière d'Orge, une mine de bled de rente annuelle et perpétuelle pour chaque muid ». La suite des actes serait fastidieuse à énumérer, elle permet néanmoins de suivre les locataires, les loyers, l'évolution des bâtiments et du moulin ainsi que les incidents qui se sont produit. Notons néanmoins que Hiérosme Lemaistre poursuit l'action de son aïeul Geoffroy en accroissant ses biens sur Brétigny, Montlhéry et alentours. Notons une ferme à Brétigny avec 80 arpents.

Baux

Au fil des années, les actes deviennent de plus en plus longs, les conditions associées aux baux deviennent de plus en plus contraignantes. Année

Meunier

Montant du loyer

Droits perçus

Propriétaire 1509

Françoise Lhuillier 1584

Antoine Lesné 1585

Françoise Legoupil 1586

Pierre Jeulin

3 muids, 2 chappons

5 escus

Hiérosme Lemaistre 1589

Guillaume Beaulbre

5 escus, 2 chappons

1592-1594

Marin Sancyer

2 muids

5 escus, 2 chappons

Hiérosme Lemaistre 1599

François Lesné

1600

1 mine de blé

1601

Marin Sancyer

2 muids

5 escus sol, 2 chappons

Jean Michel Asselin

1605

Pierre Loschard

… livres

3 chappons gras

1607

André Bréman

150 livres

15 livres, 2 chappons

Hiérosme Lemaistre 1612

André Beauvairs

dito

dito

dito 1617

Anthoine Musnier

220 livres

dito

dito 1620-1621

Noel Moulin

dito

dito

dito 1633

Anthoine Musnier

1636

Jean Philibert

1637

Georges Coignet

250 livres

14 livres 16 sous, 2 chappons

Jean Crécy 1649

Yves Tamponnet

Marie Boucher 1649-1655

dito

Jean & Pierre Crécy 1655

dito

500 livres

dito 1660

Pierre Fichet

700 livres

14 livres 16 sols, 2 chappons

dito

Prisées

Elles sont peu nombreuses et peu précises, rares sont les dimensions hormis les meules, néanmoins on peut admettre que les moulins sont relativement rustiques, les trémies et autres accessoires n'apparaissent pas, et il est préférable pour mieux connaître les moulins d'associer les prisées par époque et par famille (rivière et ruisseau). Cette étude sera faite après dépouillement de la vingtaine de moulins autour de Montlhéry.

Différents avec le bailleur

« Renée Lefèvre, espouze de Hiérosme Lemaistre contraint Pierre Lochard, qui est de présent musnier du moullin de Basset, à respecter les clauses du bail de 1605, en loccurence, de curer la rivière du moullin du Carouge, appelé le moullin du Pré, restablir la séparation du jardin et des pastures, avec des menaces de dommages et intérest au profit du musnier actuel, André Bréman ». L'année suivante, c'est le mari qui fait condamner le sieur Bréman, son meunier, pour non paiement de neuf livres pour le loyer d'une grange. Quelques années après, Hiérosme Lemaistre, dans son différent avec André et Amable Bréman, fait saisir les biens jusqu'à l'emprisonnement pour 40 livres. En 1621, un procès entre le meunier du moulin de Francherette et le propriétaire du moulin du Carouge tourne à l'avantage du seigneur de Beljambe qui reçoit 48 livres tournois pour un problème de « curure ».

Travaux

La même année, on retrouve « noble Dame Renée Lefébvre, espouze de Hiérosme Lemaistre », faisant un marché avec Anthoine Castang, charpentier de Linois pour des ouvrages de charpenterie sur son « moullin de Carrouge » : un pont avec vannage sur la rivière d'Orge à la sortie dudit moulin, suit la description des bois et des arbres à abattre. Le marché est conclu moyennant 25 livres. Il est fait mention de Noel Moullin, marchand, demeurant « audit moullin du Carrouge ».

Remerciements à Dominique Bassière, Pascal Herbert et Christian Julien.

à suivre …

dagnot/chronique01.05.txt · Dernière modification: 2020/11/10 23:48 de bg