Corpus Essonnien

Histoire et patrimoine du département de l'Essonne

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1792, étrange année à Marcoussis (2)

La première chronique révolutionnaire sur Marcoussis concerne l'année 1792. Le début de la Révolution sera repris ultérieurement.

J.P Dagnot - Février_ 2007

Vue de l'église du monastère des Célestins avant démolition.

Pour entrer dans le sujet, un rapide rappel de ce qui se passe en France, de manière inhabituelle, en ne reprenant pas les textes classiques, mais en relevant des lois et décrets.

Lois et décrets de l'année 1792

- Le 12 février, “après avoir décrété l'urgence, l'assemblée nationale déclare que les biens des Emigrés sont mis sous la main de la nation” …

A Marcoussis cela revient à dire que dans la succession de la comtesse d'Esclignac (dernière dame de Marcoussis), des cinq héritiers concernés par Marcoussis, deux sont restés en France et la nation met sous séquestre les 3/5. Un additif à cette loi est publié en septembre et concerne la vente des biens des émigrés. Ceux qui seront pris les armes à la main seront condamnés à mort. Le bannissement à perpétuité pour ceux qui ont quitté la France, enfin des certificats de résidence seront demandés aux familles qui sont restées.

- Toujours en février, la même assemblée voulant assurer l'achèvement du Panthéon François, décrète attribuer la somme de 1.469.478 livres, payée par la trésorerie nationale à raison de 50.000 livres par mois.

- En mars, un décret concerne la peine de mort,“L'humanité exige que la peine de mort soit la moins douloureuse possible”. L'assemblée préconise l'emploi d'une machine pour faire la décollation que l'on testera sur des cadavres et des moutons vivants. Il est signé par Louis XVI!

- Toujours en mars, l'assemblée instaure l'obligation d'avoir un passe-port pour se déplacer à l'intérieur du royaume…

- En avril, l'assemblée nationale considérant que la cour de Vienne n'a cessé d'apporter une protection ouverte aux “François rebelles” … déclare la guerre au Roi de Hongrie & de Bohême.

- Juin voit une loi additionnelle, pour raison d'économie, concernant “le Brûlement des titres de noblesse” existants dans les dépôts publics, comme à la bibliothèque nationale. “Il est dispendieux de conserver de tels documents et il faut les annéantir d'urgence”. Le même jour un discours plus réaliste du nouveau ministre de l'intérieur, ne cautionnant pas les excès commis envers les fanatiques religieux.

- Le 13 juillet, l'assemblée décrète que la trésorerie nationale tiendra à disposition la somme de 3000 livres pour “la position de la première pierre de la colonne qui doit être élevée sur les ruines de la Bastille”.

- A Paris le 13 août, la famille royale est internée, le 14 à Marcoussis, la municipalité pose “les scellés sur tous les bâtiments de la ci-devant Abbaye des Célestins qui sont occupés par Louis XVI”.

-Le 22 Septembre, la République est proclamée par la Convention (qui a remplacé l'assemblée législative).

Pour terminer sur les décrets et lois de la même année, citons en quelques uns présentant un caractère anecdotique:

- Bourg la Reine devient Bourg l'Egalité.

- Les passeports sont suspendus pour permettre la circulation des approvisionnements.

- L'argenterie des églises sera portée à l'hôtel des monnaies. Ces ustensiles en or ou argent, employés au service du culte sont de pure ostentation . Exception faite des soleils ciboires et calices.

- Brisement des ornements de la royauté et sceaux de l'Etat.

- Arrêt de la possibilité d'acheter des bâtiments par les communes.

- Création de la loi sur le divorce.

- Création des registres d'état civil.

- Réunion de la Savoie à la “République Françoise”. Autre décret donnant la souveraineté aux peuples des pays que les armées de la République occuperont. A l'intérieur peine de mort pour quiconque tentera de rompre l'unité de la République.

- Le 3 décembre, concernant la situation personnelle du roi, la Convention déclare que Louis XVI sera jugé par elle. Le 4, elle décrète que quiconque tentera de rétablir la royauté sera puni de mort. Le 5, elle fixe les modalités du procès du roi, et du 9 au 15, les procédures et les 33 chefs d'accusation …

Cette énumération parait longue et pourtant elle ne représente que bien peu par rapport aux plus de 1200 textes publiés pendant la seule année 1792. Notons que contrairement à ce qui se passe aujourd'hui, lorsqu'un texte est voté, ce dernier est appliqué dans les jours qui suivent.

Mais revenons maintenant à Marcoussis….

La vie à Marcoussis

Un courrier anonyme adressé au district de Versailles signale que la terre de Marcoussis est d'un très grand revenu qui appartient à cinq héritiers* de “feue madame Desclignac”, est régie par des intendants “qui en distribuant quel que pain au pauvres pour faire taire, font passer de gros fons au émigrés”;

* des cinq héritiers deux ou trois sont émigrés.

Les habitants, quant à eux, toujours dans une certaine euphorie révolutionnaire, sont avides de réalisations et changements rapides, aveuglés peut être par la lourdeur des taches à réaliser.

C'est ainsi qu'ils demandent au district deVersailles:

- de refaire les chemins,

- de construire des bancs dans l'église,

- d'avoir une maison commune (le baillage appartient aux héritiers Esclignac et est sous scellés!),

- de déplacer des Célestins vers l'église paroissiale les 36 stalles, l'autel, les lambris ( au final, la Ville du Bois en récupérera plus que Marcoussis ) et de reposer l'horloge (ce qui sera fait).

- De la même manière on espère recevoir les dotations que les Célestins et autres fondations attribuaient notamment à l'école de la paroisse!

Pour assurer la défense, il est demandé à la mi-juin, de créer dans le cadre de la garde nationale, trois compagnies d'environ cent hommes, dont une sera commune avec Nozay:

- A Marcoussis , les citoyens actifs se réunissent “dans l'église des cidevants Célestins ” pour constituer deux compagnies, la première contenant l'enceinte du bourg et le haut Gué, la seconde, le Ménil, la grand rue, le Bouchet, le Déluge, le Chênerond, Beauvert et le bas Gué.

- A Nozay, même processus mais à l'issue de la messe, l'élection des effectifs de la compagnie commune comprendra 42 marcoussissiens nommés (sans mention de leur lieu d'habitation).

Le dépouillement du monastère des Célestins

Le dernier chapitre de la chronique se déroule au monastère des Célestins. Rappelons que jusqu'aux dernières années de la royauté, “ce lieu servait pour les équipages, aux chasses du roi, lorsqu'il venait chasser à Marcoussis”.

Début janvier, le maire et ses conseillers municipaux vont constater un vol de plomb du clocher de l'église. A cette occasion, on prévient Versailles que l'église contient à l'intérieur quantité de menuiserie, une grille de choeur, trois autels, la boiserie du choeur composée de 36 stalles, et une vierge de pierre, comme lesdits objets ne sont pas en sureté, il serait “à propos de vendre ou de les donner à l'église paroissialle qui en a besoin”.

A la mi-juin débute le procès verbal très détaillé d'estimation des biens des cidevants Célestins, document préparatoire à l'estimation des biens nationaux. Retenons particulièrement ici ce qui se trouve à l'intérieur de l'église: - les objets décrits déjà décrits par la municipalité, - le tombeau de Montagu, - une plaque de cuivre de 2x1m, en six pièces dont une a été volée; en dessous plusieurs cercueils de plomb; une autre plaque de cuivre; - six chandeliers, un crucifix, le tabernacle et une lampe enlevés “à force armée” par les habitants de Marcoussis, avec l'horloge déposée en l'église de la paroisse. - deux mausolés en marbre noir, représentant l'un un homme cuirassé et une femme habillée à l'antique, l'autre les trois Balsac (donc les tombeaux des Balsac représentés par Gaignières). - deux cloches dans la flèche, la couverture de l'église en tuiles de Bourgogne en bon état. Ce procès verbal prouve à l'évidence, qu'en juin 1792, rien n'a encore été ni dilapidé, ni détérioré.

Le 7 septembre, le Ministre de la Guerre propose d'établir aux Célestins un dépôt de chevaux destinés à la remonte de l'armée. Courant octobre la noyade d'un employé de ce dépot atteste sa création.

De fin septembre à la mi-décembre, le maire encourage un certain nombre de personnes par des pintes, chopines, et du pain, pour assurer le “transport de matériaux”, provenant des Célestins. Le chaudronnier est rétribué pour la fonte de plomb, et deux autres personnes sont payées “pour avoir vidé tous les cercueils, également des chopines pour ceux qui ont vidé les os”.

Le 11 décembre, la municipalité organise une “vente aux enchères du plomb lui appartenant ”. Un décret octroit aux municipalités 1/16 des biens nationaux vendus …

le 19 du même mois, le plomb fut pesé. On récolta environ 1500kg (3124 livres). A raison de 10 kg par cercueil … le plomb fut adjugé pour 871 livres. Le site était désormais “nettoyé” prélude à la vente du monastère qui interviendra quelques années plus tard.

Le 21 décembre, entrée de l'hiver, Marcoussis plante son arbre de la liberté (coût 8 livres. les bénévoles ayant disparu).

Le 25, jour de Noël, notre curé Lenoble, devient officier public chargé de l'état civil, et enregistre désormais les naissances, mariages, décès de ses “paroissiens”.

Nota: les patronymes ont été volontairement omis.

Additif sur les cercueils des Célestins

Pour en terminer avec cette chronique macabre, il est bon de signaler que certains restes ont échappé à la profanation. En effet, le Vicomte de la Noue, ayant acheté le château des Célestins, a acquis pour 300 francs, dans le cimetière actuel, un terrain avec une concession perpétuelle, destiné à recevoir sept cercueils. Ils renferment les restes mortels de religieux célestins, exhumés des caveaux mortuaires du château. Ces ossements ont été probablement trouvés lors de travaux de pose de calorifères sous le rez-de-chaussée du bâtiment.

Cette plaque existe encore dans le cimetière et fait partie du patrimoine de notre commune. En 1997, votre serviteur a demandé de resceller cette plaque et à vérifier dans quel état étaient les restes, seule la maçonnerie a été faite, n'ayant pas été prévenu lors des travaux…

Dans le château actuel, côté ouest, une cave existe sous une salle de réunion. Ces restes proviennent, soit de cet endroit, soit de tranchées existant au dessus, vues lors de travaux de carrelage ces dernières années.

Vue de la cave sous le château des Célestins où étaient inhumés les religieux.

dagnot/chronique02.04.txt · Dernière modification: 2020/11/10 23:56 de bg