Corpus Essonnien

Histoire et patrimoine du département de l'Essonne

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Ansold et Rotrude

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de 941 à 1201

Novembre 2007

C Julien

Chronique du vieux Marcoussy

À Nozay (cant. Montlhéry, arr. Palaiseau, Essonne), il existe une rue Ansold et Rotrude située dans le nouveau quartier de la Futaie Saint-Clair. Cette chronique rapporte l'histoire de ces deux personnages qui furent contemporains, au début du second millénaire, des rois Hugues Capet et Robert le Pieux.

La famille Le Riche

Selon un acte daté du mois de novembre 941, la famille Le Riche était originaire du Gâtinais. Lisiard donne au monastère de Saint-Germain-sur-Loire son domaine de Sceaux-en-Gâtinais avec les églises, les manoirs et les serfs qui en dépendent. C'est un acte avec réserve d'usufruit pour son fils Joseph, sa fille Elisabeth et son fils qui deviendra Renaud II évêque de Paris. L'ascension de cette famille fut assurée à travers ses alliances sous les premiers Capétiens car on voit la signature de Hugues le Grand, comte de Paris (1), dans l'acte de 941. On peut juger du rang de Lisiard par l'importance des garants du précaire accordé à ses enfants. Un autre fils naquit sous le nom d'Ansoud.

Ansoud devint officier de Hugues le Grand et épousa Raingarde, ancienne maîtresse du duc qui lui avait donné un fils naturel devenu évêque d'Auxerre « Heribertus, Francigena, filius Hugonis ducis cognomento Magni, ex concubina Raingarda nomine, nobilitatem paternam materna disparitate oblliquavit ». De son union avec Raingarde, postérieure au 17 juin 956, Ansoud Le Riche eut au moins cinq enfants : Ansoud, Lisiard, Jean, Mainard et Raoul. Lisiard devint évêque de Paris (vers 984), Jean fut évêque d'Auxerre (997), Mainard fut abbé de Saint-Maur-des-Fossés et Raoul fut administrateur royal à Senlis.

Ansoud II le Riche de Paris (notre Ansold à Nozay) joua un rôle très important dans les affaires de son temps en tant que lieutenant de Hugues Capet (2). Il devint l'administrateur du Parisis et en fit une charge héréditaire possédant une infinité de biens ecclésiastiques qui furent peu à peu restitués à l'Eglise. Les dîmes et les patronages d'églises de presque toute la banlieue parisienne se trouvèrent au XIème siècle dans les mains de puissants chevaliers. C'étaient pour la plupart les débris du patrimoine des abbayes de Saint-Denis et de Saint-Germain-des-Prés dont les ducs de France avaient pris le titre d'abbés héréditaires.

Une charte de l'abbaye de Cluny datée de juin 990 nous renseigne sur la vie privée d'Ansoud II Le Riche. Il était marié à Reitrude ou Rotrude « Ansalt et uxor sua Rotrudis ». En tant que conseiller royal, il était l'ami de Bouchard de Corbeil. De son mariage avec Reitrude, Ansoud II eut au moins sept enfants. Thion d'Etampes obtint la charge de prévôt de Paris en 1082 ; Guérin fut dénommé comme baron de Paris « Guarinus miles Parusius » ; Lisiard fut archidiacre de Meaux en 1011 ; Gautier ; Guy fut vicomte de Dijon ; Herbert ; et Hécelin de Paris vivait en 1035 (3).

Les Le Riche tenaient de nombreux fiefs dans la région parisienne. Vers 1082, Geoffroy Le Riche (Dives), témoin d'une donation, est nommé comme vassal du chevalier Hervé de Montmorency. La seigneurie de Palaiseau est une de celles qui appartient aux Le Riche. Vers 1073, Hugues de Palaiseau donna l'aître et l'autel de Clamart à Saint-Martin-des-Champs (4). D'après la note du cartulaire, vers 1159, Achard, abbé de Saint-Victor, “ concedit quicquid ecclesia sua habet in decima de Palesel domno Ferrico de Paris ; ejusdem castri domino ”. C'est ce Ferri, conseiller de Louis VII, que ce prince appelle en 1151 “ miles noster ”. On a de lui une charte solennelle, où il s'intitule “ ego Fredericus miles Parisiensis ”; le sceau représente un chevalier armé. La seigneurie de Bagneux se retrouve au XIII e siècle aux mains de la famille Le Riche. Dans une charte de 1230, de vastes terrains à Bourg-la-Reine sont cédés à Sainte-Geneviève par la dame de Bagneux, Petronilla relicta defuncti Roberti Divitis de Balneolis, femme de feu Robert Le Riche et ses fils Hugues, Guérin, Mathieu, Bernard .

Le legs des dîmes

Dans l'Histoire du prieuré de Saint-Martin-des-Champs, il est évoqué une charte de confirmation de Girbert, évêque de Paris, datée de 1122 par laquelle il est certain que plus de cent ans auparavant, un chevalier nommé Ansold et son épouse Reitrude avaient transmis des biens aux chanoines de Saint-Denis-de-la-Châtre. Mais dans son chapitre consacré aux prieurés parisiens, l'abbé Lebeuf dit «… des chartes du même Roy [Robert le Pieux], lesquelles confirment à ces Chanoines le don qu'un Chevalier appelé Arnold, et Reitrude, sa femme, leur firent de leurs Domaines situés à Limoges et à Fourches, villages du Diocèse de Paris. L'une des deux est de 1013 …». Cette description confirme que le chevalier Ansold possédait des fiefs dans la région. Dans son histoire de Paris, Dulaure décrit la basilique Saint-Denis-de-la-Châtre et évoque « deux chartes du roi Robert, données en 1014, confirmant les donations du chevalier Ansold et sa femme Reitrude avaient faites à cette l'église ».

En réalité, il existe trois chartes dans le Cartulaire du prieuré de Saint-Martin-des-Champs. Les deux premières du 11 novembre 1006 décrivent le legs que firent Ansoud et Reitrude aux chanoines de Saint-Denis-de-la-Châtre (5), à savoir sept manses et demie à Fourches « Furcas » dans le Parisis et le village de Limoges-en-Brie « Lemovecas » (6). Le legs fut ratifié par Renaud II, comte de Melun et évêque de Paris et confirmé par un diplôme du roi Robert le Pieux. « nomine Ansoldus, et uxor sua Reitrudis, sumissa prece petiit quatinus Sancti Dionisii de Parisiaco Carcere canonicis, inibi Deo famulantibus, assensu Rainoldi Milidunensis pagi comitis et Parisiacae sedis episcopi, septem mansos et dimidium qui sunt in comitatu Parisiaco, in villa que dicitur Furcas ».

Un acte postérieur attribue à Ansoud et Reitrude la fondation de l'église Saint-Denis-de-la-Châtre, et la dotation de la collégiale devenu prieuré à l'aide de biens dépendant de en fief de l'évêché de Paris. Le prieuré fut échangé en 1133 à Saint-Martin-des-Champs avec l'approbation de Pierre le Vénérable, abbé de Cluny « ac priorem Sancti Martini de Campis domnum Teobaldum, et conventum, solenniter peractam, de ecclesia videlicet Montis Martyrum et de ecclesia Sancti Dionisii de Carcere approbo et concedo » (7).

L'acte de l'an 1010 ou 1015 concerne la donation d'un arpent de terre labourable avec les droits féodaux (cens) à Marcoussis et toutes dîmes de culture tant à Marcoussis qu'à Nozay. « dedit canonicis Sancti Dionysii de Parisiaco à carcere , quarum Villarum altera Marescolœis, altera vocatur Noereiz ». On trouve la confirmation de Gilbert II dans le cartulaire de Saint-Martin-des-Champs, pour les libéralités d'Ansoud le Riche et Reitrude, sa femme, à Saint-Denis-de-la-Châtre, provenant de démembrements du fief épiscopal qu'Ansoud tenait à Marcoussis et Nozay. « Ansoldus et uxor ejus Retrudis dederunt prefate ecclesie B. Dionisii de Carcere, j ure perpetuo ad possidendum, de episcopali feodo unum videlicet arpennum terre cum omnibus ejusdem arpenni consuetudinibus, apud villam que dicitur Marescalceis , et totam decimam culturarum duarum villarum, quarum villarum altera Marescalceis , altera vocatur Noereiz , quicumque eas culturas excolat sive possideat ». L'acte fut signé par l'évêque de Paris et seize autres prélats.

Ici, il faut comprendre que le fief épiscopal avait été démembré par Hugues Capet et confié à Ansoud le Riche qui le rétrocédait à l'Eglise. Ce transfert des droits dîmiers était devenu un acte courant au cours du XIème siècle et fut imposé quelque temps plus tard par la réforme grégorienne. Les deux seigneuries de Marcoussis et Nozay se trouvaient encore, un siècle plus tard, entre les mains de la famille Le Riche issus de Lisiard, fils d'Ansold, ainsi qu'il apparaît dans le Cartulaire de Longpont. Ce sont Ansold suzerain de Evrold (charte n°247). Vers 1120, Ansold Le Riche et son neveu Lisiard en tant que suzerains acceptent la donation par Guillaume Zonsi de deux sols de cens à Longjumeau au profit du couvent de Longpont. Vers 1150, Burchard de Chailly a vendu vend la moitié d'une part de dîmes à Thibaud, prieur de Longpont (charte n°288) pour la somme de 21 livres parisis. Cette transaction est consentie par Milon de Marcoussis, Ansold Le Riche de Chailly « Ansoldus Dives de Calliaco » dont les droits étaient dans leur mouvance.

La charte de 1122 est d'un intérêt considérable pour l'histoire de la famille Le Riche. Elle attribue nettement au couple Ansoud-Reitrude la fondation de l'église Saint-Denis-de-la-Châtre, et la dotation de la collégiale à l'aide de biens dépendant en fief de l'évêché de Paris. Parmi ces biens Marcoussis et Nozay se retrouvent aux mains des Le Riche issus de Lisiard, fils d'Ansoud III. Leur rattachement au couple Ansoud-Reitrude est donc démontré, non seulement par l'indice onomastique (relèvement du nom) mais par l'indice héréditaire (transmission des domaines inféodés).

Plan de Paris (1730) montrant l'église Saint-Denis-de-la-Châtre.

Le canton dîmier de Nozay

Une fois établie l'entrée des droits féodaux dans le ban clunisien par la filiation priorale-abbaye Saint-Denis-de-la-Châtre ? Saint-Martin-des-Champs ? Cluny, les dîmes de Nozay furent transférées, un peu plus tard, au prieuré de Longpont. Aucun document n'a été découvert à ce jour. Est-ce par échange, par simple transfert, ou par le jeu des bénéfices ? On sait que plusieurs prieurs de Saint-Martin-des-Champs possédaient le bénéfice du priorat de Longpont.. Dans la charte de 1203, Guillaume II de Milly, prieur de Longpont depuis 1198, fait un échange en tant que nouveau prieur de Saint-Martin-des-Champs . Cet acte fut approuvé ensuite par Hugues V, abbé de Cluny. En avril 1225, c'est Baudoin qui possède le bénéfice du priorat de Saint-Martin-des-Champs et de Longpont. Le transfert eut lieu pour faciliter une gestion efficace à cause de la proximité du terroir de Nozay avec Longpont. En effet, Longpont était chef du réseau clunisien dans le sud parisien alors que Saint-Martin-des-Champs tenait les terres plus au nord.

Les libéralités de la famille Le Riche continuèrent au XIIème siècle. Le cartulaire de Longpont nous apprend que, vers 1100, Ansold, fils de Lisiard donna la totalité de la terre à Villiers près de Nozay ( apud Vilers juxta Nooreium ) pour sauver l'âme de son fils Garin « pro anima Guarini filii sui ». Cette terre lui venait de Robert de Porte, surnommé Payen et rapportait douze deniers de cens à ce même Robert. La donation comporta aussi un champ à côté de l'église de Nozay pour construire une maison pour y déposer la dîme « & quandam plateam juxta ecclesiam de Nooreio ad donum faciendam, proper decimam reponendam ». Toutefois, cette charte reste ambiguë, il y a lieu de penser que la maison pour y déposer la dîme est une grange dîmière ; mais s'agit-il d'une réparation ou d'une nouvelle construction ? Un peu plus tard, ce même Ansold de Paris, fils de Lisiard légua ce qu'il avait en droit dîmier à Nozay « quicquid habebat in decima que est apud Noorium » à Sainte-Marie de Longpont en présence de son écuyer Hugues et des chevaliers Bernard de Villebon, Arnulf de Longjumeau et Simon de La Brosse.

Finalement, les textes montrent que toutes les grosses dîmes (céréales et vin) de Nozay étaient entrées dans le ban de Longpont avant le XIIIème siècle (cf. Chronique « les dîmes de Nozay »).

Notes

(1) Hugues le Grand ( né en 897 à Fontaines-en-Sologne, mort à Dourdan le 17 juin 956 ) est le fils du roi Robert 1 er et père de Hugues Capet. Il devint duc de France « dux francorum » le 26 juillet 936. Il tenta d'imposer sa tutelle au jeune roi Carolingien Louis IV d'Outremer comme les maires du palais d'antan l'avaient fait aux derniers Mérovingiens. Louis IV se rebella contre cette autorité et son règne fut une succession de crises plus ou moins graves issues de la lutte d'influence entre le roi et le duc de France.

(2) Rappelons le fils d'Hugues le Grand devint le premier roi de la dynastie des Capétiens suite à son élection le 3 juillet 987 au détriment de Charles de Basse-Lotharingie. Il s'appuya sur les barons qui l'avaient élu et distribua de nombreux fiefs dont ceux extraits du patrimoine de l'évêché de Paris. En héritage de son père, il devient comte d'Orléans et abbé laïc de Saint-Martin-de-Tours, de Marmoutier, de Saint-Germain-des-Prés et de Saint-Denis.

(3) Thibaud File-Etoupe, forestier du roi et souche par les femmes des seigneurs de Montlhéry, est considéré comme fils d'Ansoud (?) par le père Anselme dans son Histoire de la maison de France (XVIIème s.).

(4) Gui le Rouge de Montlhéry avait abandonné ses droits sur Clamart depuis 1085 au profit de la communauté de Saint-Martin. Guy avait reçu deux palefrois et sa femme 40 sols.

(5) Saint-Denis-de-la-Châtre était un prieuré parisien tenu par des chanoines. Ce surnom lui vient d'une prison ou chartre ( carcere ) localisée dans le voisinage. Située dans la Cité, à l'extrémité méridionale du pont Notre-Dame et au coin septentrional de la rue du Moulin. L'église fut démolie en 1810.

(6) Limoges-Fourches, cant. Brie-Comte-Robert, arr. Melun, Seine-et-Marne.

(7) Cartulaire du prieuré Saint-Martin-des-Champs (charte n°200).

dagnot/chronique07.01.txt · Dernière modification: 2020/11/11 02:31 de bg