Corpus Essonnien

Histoire et patrimoine du département de l'Essonne

Outils pour utilisateurs

Outils du site


dagnot:chronique07.02

Page en chantier


Les dîmes de Nozay Extrait d'une carte de l'archidiaconné de Josas

…….. de 1122 à 1790

Novembre 2007

C. Julien et JP Dagnot

Chronique du vieux Marcoussy

Cette chronique concerne les dîmes de Nozay, village du Hurepoix (cant. Montlhéry, arr. Palaiseau, Essonne) dont l'église relevait du prieuré de Longpont. Ainsi le prieuré bénédictin de Longpont, présentateur de Nozay, nommait le curé qui était également soumis aux visites archidiaconales de l'évêque de Paris.

La paroisse du doyenné de Châteaufort

La paroisse de Nozay et son annexe La Ville-du -Bois étaient situées dans l'évêché de Paris, archidiaconé du Josas, doyenné de Châteaufort. Dès 1194, Châteaufort était considéré comme le siège du doyenné occidental de l'archidiaconé de Josas, et il figure au même titre en divers textes du XIIIème siècle commençant. Son titulaire est néanmoins qualifié doyen de Saclay en 1232 et doyen d'Issy en 1261, tandis qu'un document rédigé vers cette dernière date substitue l'expression de doyenné de Massy à la locution de doyenné de Châteaufort ( decanatu Castri Fortis ) qui ne tarde pas néanmoins à prévaloir définitivement. C'est sous le nom de doyenné de Linas ( decanatu de Linais ) que le pouillé de 1205 désigne la partie orientale de l'archidiaconé de Josas, mais d'autres monuments du XIIIème siècle l'appellent doyenné de Longjumeau ou doyenné d'Essonnes, et c'est vers 1352 seulement qu'apparaît l'expression doyenné de Montlhéry ( decanatu de Monte Letherico).

Dans le Pouillé du diocèse de Paris de 1205, il est écrit « in decanatu Castri Fortis , ecclesia de Noorcio, prioris Longi Pontis ». C'était le prieur de Longpont qui nommait le curé de Nozay. Celui-ci en recevait une rétribution appelée le gros (nous reviendrons sur cet aspect plus tard). Par contre, l'évêque de Paris avait droit de visite à Nozay, il recevait du curé la procuration ou décime somme d'argent payable le jour de la venue du vicaire archidiaconal. En 1352, les comptes des décimes énoncent 13 s. 4 d. au curatus de Noreyo pour 20 l .t. de taxatio (Plus exactement la taxe correspondant au trentième de la taxatio ). Dans le Pouillé de 1525, il est écrit que le bénéfice de l'église paroissiale de Nozay ( Noreyo ) appartenait au prieur de Longpont.

Il semble que Nozay ne participa pas au “compte du piment” alors que Gometz-le-Châtel, Marcoussis et Saulx-les-Chartreux étaient tenus de fournir le piment à la cathédrale de Paris. Le piment est une plante de la famille des labiées que l'on nomme en français réglisse qui servait, paraît-il, à joncher le sol de l'église cathédrale pour le fête patronale du 15 août. Le chapitre de N.-D. de Paris exigeait qu'à tour de rôle, les prieurs de la région du sud parisien, qui dépendait du doyenné de Châteaufort, lui en livrassent annuellement, la veille de l'Assomption, une pleine charrette.

Le prélèvement dîmier à Nozay

Au sens propre du mot, la dîme est un droit ecclésiastique. Lors des premières mutations féodales au VIIIème siècle, les seigneurs laïcs s'étaient appropriés ce droit, en même temps que les églises et chapelles auxquelles ce droit était dû. Dès la fin du IXème siècle, l'Eglise s'était efforcée de reconquérir les dîmes laïques (1). L'élan religieux changea la donne. Au fur et à mesure des legs et des fondations, les dîmes revinrent dans le patrimoine du clergé séculier. Toutefois, bien que n'ayant pas vocation à recevoir des dîmes, les monastères furent admis à en acquérir. Afin de limiter l'influence des seigneurs laïcs, on observait de nombreuses donations aux couvents, les rois en donnèrent l'exemple, la papauté et l'épiscopat les approuvèrent.

La dîme (latin decima, de decimus, «dixième») est l'impôt prélevé par l'Église sur les récoltes agricoles. En fait, il convient de dire les dîmes car le prélèvement s'effectuait de fraction variable sur les produits agricoles. En premier lieu, c'est la grosse dîme sur les céréales, blé froment, seigle, avoine, orge et la paille. Sur les légumes, les fruits, le chanvre, le lin, les haricots, c'est la menue dîme ou dîme verte . Sur les animaux, les porcs, les brebis, les moutons, c'est la dîme de charnage . Sur les fonds nouvellement cultivés, issus des défrichements, c'est la dîme novale . Elle se prélevait sur les champs la première, elle était multiple, elle était variée. Elle était le revenu le plus important de l'église. Nous avons vu que la grosse dîme de Nozay pouvait rendre plus de 2.000 pains de 9 livres en 1383.

Nozay faisait partie du canton dîmier de la seigneurie ecclésiastique de Longpont. Ce prieuré bénédictin de l'Ordre de Cluny qui était le principal décimateur de la région de Montlhéry. Il prélevait toutes les dîmes sur Longpont. Il partageait les différentes dîmes de Montlhéry avec le chapitre de Linas, et le prieuré clunisien Saint-Pierre et Saint-Laurent du château de Montlhéry qui était dans son temporel (2). Il prélevait la grosse dîme à Nozay et La Ville-du -Bois. À cet effet, les moines avaient fait construire à Nozay une immense grange comme celle qui existait à Longpont, pour engranger les céréales. La dîme verte restait à la cure de Nozay-La Ville-du-Bois, qui formaient une seule paroisse. A Marcoussis, c'était le prieuré de Saint-Wandrille qui prélevait les dîmes, le curé recevant son gros.

Église abbatiale du prieuré bénédictin de Longpont, présentateur de Nozay.

Le transfert des dîmes inféodées

Retournons à l'été 768 quand la santé de Pépin le Bref déclina fortement « in extremo vite positus » ; le roi désirant être inhumé à l'abbaye Saint-Denis légua le Hurepoix central à ce couvent. Par cet obit, Nozay entrait dans le fief ecclésiastique qui, plus tard, changea de main par échange à l'évêché de Paris. A cette époque les dîmes avaient été confisquées par des seigneurs laïcs et constituent un arrière-fief épiscopal « de episcopali feodo ».

Dès le commencement du XII ème siècle le prieuré de Saint-Martin-des-Champs avait eu une part des dîmes de Nozay suite au legs du chevalier Ansoud le Riche (ou Ansold) et Reitrude, sa femme en faveur du prieuré Saint-Denis-de-la-Châtre (3). « quidam miles, Ansoldus et uxor ejus Retrudis dederunt prefate ecclesie B. Dionisii de Carcere, jure perpetuo ad possidendum, de episcopali feodo unum videlicet arpennum terre cum omnibus ejusdem arpenni consuetudinibus, apud villam que dicitur Marescalceis , et totam decimam culturarum duarum villarum, quarum villarum altera Marescalceis , altera vocatur Noereiz ». Gilbert II (Girbert), évêque de Paris certifia ces libéralités par les lettres épiscopales de 1122 et Thibaut l'un de ses successeurs, lui confirma la jouissance vers 1150 marquant dans la charte « et quod habent in decima de Noorio ». Cette charte est d'un intérêt considérable pour l'histoire de Nozay et la famille Le Riche. Elle nous apprend que biens provenaient de démembrements du fief épiscopal parisien. « de episcopali feodo ». Elle attribue nettement au couple Ansoud-Reitrude la fondation de l'église Saint-Denis-de-la-Châtre, et la dotation de la collégiale à l'aide de biens dépendant en fief de l'évêché de Paris. Parmi ces biens Marcoussis « Marescalceis »et Nozay « Noereiz » se retrouvent aux mains des Le Riche issus de Lisiard, fils d'Ansoud III. Leur rattachement au couple Ansoud-Reitrude est donc démontré, non seulement par l'indice onomastique (relèvement du nom) mais par l'indice héréditaire (transmission des domaines inféodés).

La réforme grégorienne de 1078 faisait défense aux laïcs de conserver ou vendre les dîmes. Elle ramena les droits dîmiers au sein de l'église. Toutefois, on remarque que quelques seigneurs laïcs prélevaient encore des dîmes au XVIIIème siècle. On dit qu'il s'agissait de dîmes inféodées . C'était le cas à Guillerville où le seigneur de Bellejame avait ce droit. La description de ces dîmes est faite dans le Code rural du XVIIème siècle : « I. Toutes les Dixmes dans leur institution étoient ecclésiastiques ». « II. Les dixmes inféodées sont celles qui ont été aliénées & données en Fief à des seigneurs, pour les engager à prendre la défense de l'Église contre les ennemis de la Foi. On tient communément que ce fut Charles Martel qui donna ainsi ces Dixmes aux Seigneurs & Gentilshommes qui l'avoient aidé à combattre les Sarrasins, lors de la victoire signalée qu'il emporta sur eux auprès de Tours en 732 ». « III. Ceux qui prétendent avoir ces Dixmes inféodées, doivent être fondés en titre antérieur au troisième Concile de Latran, tenu sous Alexandre III, en 1179, qui a confirmé ces Dixmes ».

D'importants legs concernant les dîmes de Nozay sont inscrites dans les chartes du Cartulaire de Longpont. Au fur et à mesure des donations, les droits dîmiers passèrent des mains des seigneurs laïcs dans celles des religieux bénédictins. La cause vient qu'à cette époque le prieuré clunisien était très en vogue, car il reçut plus que d'autres maisons religieuses. Donner au couvent de Longpont était prestigieux. Plusieurs raisons peuvent être évoquées : la renommée de l'abbaye de Cluny, le parrainage direct et la protection éminente du pape, la dédicace de Longpont à la Vierge , la réputation des moines pour la prière des morts. Entraînés par les seigneurs de Montlhéry, tous les feudataires participèrent à la “ grande œuvre ”. Pour construire l'église et les bâtiments conventuels, les apports pécuniaires furent les bienvenus pour “ la gloire de Dieu et de Sainte Marie ”, mais aussi pour “ le salut de l'âme des donateurs ”.

Une grande cérémonie était organisée le jour du legs. Le ban et l'arrière-ban de la région étaient présents dans l'église Sainte-Marie pour assister à la grand'messe et à la bénédiction du donateur. Toute l'aristocratie de la châtellenie de Montlhéry était placée au premier rang assistant le légataire. Celui-ci réalisait la tradition franque, dans les mains du prieur, par la remise d'un petit morceau de bois qui est ensuite posé sur l'autel de la Vierge «… et de hoc misit donum per quandum porciaunculam ligni in manu Henrici prioris ». Le symbole du morceau de bois représentait l'objet du don, la chose elle-même (4).

Qui étaient les détenteurs des dîmes et pourquoi les rétrocédaient-ils ?

De toute évidence, au XII ème siècle, les familles aristocratiques avaient trouvé ces dîmes inféodées dans leur patrimoine ou en avaient hérité. La majeure partie des restitutions se firent sans l'intermédiaire de l'évêque. Les mobiles les plus souvent invoqués étaient la maladie et la crainte d'une mort prochaine. Le legs permettait aux donataires, les moines clunisiens, d'intercéder auprès du Ciel pour la tranquillité de l'âme du donateur. La mort des proches pouvait aussi inciter les donateurs à s'assurer des prières des moines. C'était pour le repos de l'âme de son fils Garin, qu'Ansold avait donné la totalité de sa terre de Villiers près de Nozay. Des dîmes pouvaient aussi constituer la dot du futur moine lors de son entrée en religion. Ainsi Renaud Cornut, prenant les habits au convent de Longpont (on disait qu'il abandonnait le siècle), concéda la dîme du vallon de Nozay qui jouxtait le bois de Gui Andegavens (5). Enfin la nécessité de se mettre en règle avec l'Église incitait les legs.

Vers 1100, le chevalier Robert de Porte, surnommé Payen céda la dîme prise sur toutes les richesses agricoles qu'il possédait à Villiers « omnem decimam quam habetat apud Villarem ». Ce droit féodal concernait autant la grosse dîme sur les moissons « de omnibus rebus, seu de frugibus » que la dîme de charnage sur les bêtes « seu de bestiis ». La donation fut remise dans les mains du prieur Henri avec l'accord d'Aldeburge et celui de Robert surnommé Cometisse, les mère et fils du donateur. Le consentement familial était essentiel, car chaque parent avait le droit d'intervenir personnellement et le refus d'un seul compromettait la validité de l'acte. Malgré leur autorité morale, les moines ne pouvaient éviter l'intervention des parents maîtres de leurs droits au moment de l'acte, sous peine de paralyser indéfiniment sa validité. On s'en tenait là, on provoquait un acte amiable en veillant à ne pas sacrifier le droit des mineurs voire celui des enfants à naître. Le droit des gens mariés remontait aussi par les habitudes juridiques du droit francique. La femme en se mariant apportait d'ordinaire des biens immobiliers qui lui étaient remis par ses parents « proprium matii munium ». Très souvent les époux agissaient conjointement comme lorsqu'il s'agissait d'un propre du mari. Parfois, c'est la femme qui effectuait l'aliénation avec l'assentiment formel du mari « consedente viro suo ».

L'église et le presbytère devenu mairie de Nozay en 1790 (dessin de C. Julien).

La charte CCLXXXIX nous apprend que, vers 1100, Ansold, fils de Lisiard donna la totalité de la terre à Villiers près de Nozay ( apud Vilers juxta Nooreium ) pour sauver l'âme de son fils Garin « pro anima Guarini filii sui ». Cette terre lui venait de Robert de Porte, surnommé Payen et rapportait douze deniers de cens à ce même Robert. La donation comporta aussi un champ à côté de l'église de Nozay pour construire une maison pour y déposer la dîme « & quandam plateam juxta ecclesiam de Nooreio ad donum faciendam, proper decimam reponendam » (charte LXXXI). Toutefois, cette charte reste ambiguë, il y a lieu de penser que la maison pour y déposer la dîme est une grange dîmière ; mais s'agit-il d'une réparation ou d'une nouvelle construction ? Un peu plus tard, ce même Ansold de Paris, fils de Lisiard légua ce qu'il avait en droit dîmier à Nozay « quicquid habebat in decima que est apud Noorium » à Sainte-Marie de Longpont en présence de son écuyer Hugues et des chevaliers Bernard de Villebon, Arnulf de Longjumeau et Simon de La Brosse (charte CCXC).

Vers 1140, Jean Andegavens, au dernier moment de sa vie « moriens », transmit, « pour le salut de son âme à Dieu et à Sainte Marie de Longpont et aux moines qui servent Dieu dans ce lieu », la moitié de la dîme qu'il possédait près de la route qui conduit à Nozay « medietatem decime sue quam habetat juxta viam que ducit ad Noereium ». Sa femme Lancia, son fils Baudouin et ses deux filles approuvèrent ce don et posèrent l'acte sur l'autel. Parmi les témoins, on comptait Roger, le père de Jean et Manases, frère de Lancia.

Vers 1150, Renaud, surnommé Cornut, prenant les habits de moine au convent de Longpont « monachicum habitum suscipiens », concéda la dîme du vallon qui vient en dessous de Nozay jusqu'au bois de Gui Andegavens « decimam vallis que subjacet vie que venit a Nooreio usque ad boscum Guidonis Andegavenis » (charte CCCV). Il donna aussi trois sols de cens que rendaient les tanneurs Georges Saccus et Radulf. Ce don fut fait avec l'accord de sa femme Odeline et son fils Jean, lui-même accompagné de sa femme.

En 1154, le legs de la dîme de Nozay fut plus délicat car il s'agissait, en fait, d'une vente qui causa des tourments au prieur « notum facere fatago » puisque les achats de dîmes étaient strictement interdits. Le prieur demanda l'accord de Thibaut, évêque de Paris et le conseil de ses amis parmi lesquels était Ansold Divite de Chailly. La femme du donateur fut aussi consultée. Finalement, Thibaut 1 er , dixième prieur conventuel de N.-D. de Longpont, accepta la transaction. La moitié de la dîme de Nozay « empta sit medietas decime de Nooreio » fut cédée à bon compte par Bouchard, fils d'Hugues de Chailly moyennant 21 livres parisis ou 6½ livres provinois. Ces deniers furent payés par les moines du prieuré Saint-Julien-le-Pauvre (6) donnant sans réserve puisqu'ils étaient redevables de cette somme. De ce fait, Milon de Marcoussis, seigneur suzerain de Nozay, consentit sans réserve « condonavi », parce que le droit féodal était aussi dans sa mouvance. Les autres membres de la famille de Chailly furent aussi consultés : Gila, la petite-fille d'Ansold Divite, Ansold et Gislebert, les fils de Gile et Eremburge, leur sœur (charte CCLXXXVIII ).

Carte donnant le temporel du prieuré N.-D. de Longpont dans la subdivision de Montlhéry. Les communes (étoile) sont celles où le prieuré était présentateur de l'église ou possédait des droits dîmiers. Les autres communes sont celles où le prieuré percevait des droits seigneuriaux, cens et rentes .

En étudiant ces donations, on peut voir que l'assiette de la dîme n'était pas précisée : la coutume locale suffisait ; on indiquait le lieu-dit sur lequel la dîme était prélevée. Issu des héritages successifs de la dîme inféodée, le morcellement était extrême et pouvait varier entre la moitié et le sixième de la dîme d'une paroisse. Ainsi la part de dîme que Jean Andegavens possédait près de la route qui conduisait à Nozay ne concerne que la moitié du droit utile. Elle fut reçue au prieuré de Longpont vers 1140. Un aveu et dénombrement fut rendu au roi par le prieuré de Longpont en 1383. Cet aveu fut donné à Charles de Mondunchel commissaire du roi Charles VI qui venait de succéder à Charles V. L'acte présenté à la Chambre des Comptes déclare « En la mairie de Nozay, la dixme valant huict muids de grains dont deux muids pour le gros du curé, la dixme de vin valant quatre queues, une grange, cour et jardin d'environ 2 arpens ». L'aveu confirme donc la possession des moines sur la grange de Nozay. Tout indique que la grange de Nozay était située près le l'église à l'emplacement du presbytère construit au XVI ème siècle.

Le revenu de la dîme

Une enquête fut diligentée le 13 février 1244 à la requête de l'abbé de Cluny sur le revenu de toutes les cures du diocèse de Paris, dont le patronage appartient à son ordre « Petrus , subcamerarius Sancti Martini de Campis Parisiensis, peteret, procuratorio nomine pro abbate et conventu Cluniacensi ». Les dépositions des titulaires furent reçues sous la foi du serment par le délégué des commissaires apostoliques. Cette enquête présente un intérêt considérable pour l'histoire économique et religieuse de l'Ile-de-France. Elle donne, au temps de Saint Louis, l'échelle relative des produits cultuels, en fonction de la densité de la population et de sa richesse. Le prêtre de Nozay (Gilbert) rendait 12 livres parisis « Guibertus, prestiber de Nooreio, ecclesiam suam valere XII lib. Paris ».

À la fin du Moyen Âge, la collecte des dîmes est confiée à un fermier, le plus souvent le curé de la paroisse. En 1539, le prieuré de Longpont baille les grosses dixmes de Nozay à François et Adam Lebourrelier dont 1/4 pour le curé; Collin Bourrelier est chargé de la gestion des dixmes. Le 2 décembre 1551, un bail à ferme des revenus de la cure de Nozay est passé entre Jean Cadiot, curé de Nozay et Gilles Guillemyn, vicaire de Longpont.

Le 18 avril 1651, Marie Bazile, veuve Mesnard afferma tous les revenus du Petit Couvent de Longpont. Ce bail comprenait donc la collecte des dîmes de Nozay « ledit bail pour six ans moyennant 800 livres par an ». En 1696, les dîmes de Nozay et La Ville-du -Bois étaient affermées à Charles Roger moyennant 400 livres par an. En 1706, lors de la prise de possession du prince Frédéric de la Tour d'Auvergne, prieur commendataire de Longpont, les dîmes de Nozay étaient affermées pour 250 livres au curé Dom Le Sage. Rappelons qu'à cette époque un muid de vin valait 30 l .t. et un setier de blé valait 10 livres (7). Au début du XVIII ème siècle, on trouve encore plusieurs cures qui collectaient elles-mêmes la dîme, à Brétigny, à Nozay, à La Ville-du -Bois, et à Montlhéry, mais à la suite de nombreux procès le prieur de Longpont qui était gros décimateur sur ces paroisses confia les collectes à des fermiers laïcs de la région.

Une procédure sur les dîmes de Nozay et La Ville-du -Bois se termina le 22 septembre 1744 par un arrêt du Grand Conseil qui condamna le seigneur de Villarceau et ses fermiers à payer aux religieux de Longpont, la dîme de plusieurs pièces de terre faisant partie du domaine de la Saussaye.

En 1726, Messire Jean Paul Bignon, conseiller d'état, bibliothécaire du roy, prieur commandataire du prieuré ND de Longpont, demeurant à Paris en l'hôtel de la bibliothèque de sa majesté, rüe de Richelieu, paroisse st Eustache, lequel en conséquence de la sentence rendue au praesidial du chatelet du 11 décembre dernier entre le seigneur abbé Bignon, Mr Michel Meusnier vicaire perpétuel de Nozay & ville du bois, & Michel Quatrehomme fermier des dixmes dudit Nozay par laquelle le bail fait desdites dixmes le bail fait par Bignon est déclaré nul, et que le seigneur baille à Jean Baptiste Goix et Henri Robin, c'est à savoir toutes les dixmes grosses menues, vertes, de charnage, autres tant en vin qu'en grain… à continuer de payer le gros au sieur curé, vicaire perpétuel, deux muids de bled , un muid d'avoine, 75 livres d'argent, et une pièce & demi de vin à livrer au sieur vicaire pour lui tenir lieu des novalles… et de payer au prieur 550 livres par chaque année, 18 bons chappons gras en vie, et 6 dindons de pareille nature en son hôtel à Paris.

Des baux des dîmes réalisés par le prieur de Longpont et les religieux assemblés en 1747, 1756, 1765, 1775. ils sont conçus sur le même canevas. Notons l'étendue de perception desdites dîmes: depuis la Croix st Jacques, le long du grand chemin de Paris à Orléans au lieu où estoit le pont sur le Maurû (mort ru) qui estoit le pont au pain sur le grand chemin royal supprimé … A noter le loyer descend régulièrement, de 550 à 240 livres. En 1775, le bail est pris en charge par le curé de Nozay lui-même.

À la veille de la Révolution les prélèvements dîmiers étaient unifiés dans la région. Le pourcentage a presque toujours disparu, que la récolte soit bonne ou mauvaise ; pour la dîme des grains, les paysans devaient remettre les gerbes à l'arpent à 4 pieds de grosseur. Tous grains confondus. Quant à la dîme du vin, elle était la suivante: « 2 pintes par barique mesure de Montlhéry» ou «10 pintes de vin par chacun arpent de vigne» sauf à Montlhéry, Linas et Marcoussis où elle n'était que de 8 pintes ; l'on trouve également 36 livres pour 100 arpents. La plus répandue était 10 pintes par arpent de vigne. Elle avait surtout pour but d'éviter la fraude par fausse déclaration.

La dîme de charnage se faisait à Nozay sur la base de 2 sols par bête à laine. Quand on sait l'importance de l'élevage des moutons dans la plaine de Nozay, cette dîme constituait donc un important revenu pour le curé à qui elle revenait. À Saint-Jean-de-Beauregard, la dîme de charnage était plus compliquée ; elle s'effectuait sur la base d'un treizième agneau le 1 er juin et la treizième toison des moutons et brebis ne portant pas agneau au jour de la Saint-Jean -Baptiste. Nous n'avons pas trouvé la valeur pour le cochon, mais, on peut penser que c'était le treizième également, car l'indication porte « suivant la coutume des lieux ». À Saint-Clair, le prieur déclarait en 1790 le revenu produit par la dîme s'élevant à 40 l .t. sur les agneaux et à 24 l .t. sur le chanvre, lin et volailles.

La dîme verte se payait en argent, sans pouvoir préciser le tarif. Tous les produits étaient concernés : pois, choux, épinards, artichauts, haricots, vesses, etc. Dans les registres de la cure de Ballainvilliers, on trouve: « reçu en argent pour dîme de pois, pour dîme d'artichaut, pour dîme de aricots ». À Brétigny, on peut lire que la dîme collectée sur les pois, vesces, haricots et filasse, a rapporté 36 livres et 2 chapons.

L'évolution des revenus dîmiers est montrée sur le graphique. Le curé de Ballainvilliers notait dans ses registres, année par année, le montant de la dîme sur la paroisse. On peut identifier les revenus des paroisses de Ballainvilliers et Nozay puisque leur population était identique. Toutes dîmes confondues, le revenu s'élevait à 483 livres pour la mauvaise récolte de l'année 1780, alors qu'il atteignit 1.314 livres en 1785.

Le revenu de la dîme dans la paroisse de Nozay à la veille de la Révolution.

La dîme de 1790, affermée au sieur François Britte, curé de Nozay, se décompose comme suit dans le livre de comptes du prieuré : - 100 arpents de vignes à 8 pintes l'arpent, ce qui fait 800 pintes à 6 sols la pinte année commune, sur le vin….240 lt. - 700 arpents en terres labourables assolées ou laissées telles dont aire tiers par an soit 233,33 à 4 gerbes l'arpent vaut 932 gerbes plus les pailles, sur le blé….1110 lt 2 st 6 dt. total général……1350 lt 2 st 6 dt

Ainsi, les sommes collectées sont considérables par rapport au maigre revenu du paysan de Nozay. Toutefois, la plus grande partie des redevances dîmières partait vers le haut clergé comme le prieur commendataire de Longpont, qui, en 1696, touchait une rente annuelle de 10.000 lt . Le curé de campagne qui collectait n'en conservait qu'une infime partie. C'est la grande remontrance de tous les cahiers de doléances d'avril 1789. Pour un terrain de moins de deux arpents, appelé le Cimetière de Saint-Martin à Savigny-sur-Orge, la dîme de 1746 s'éleva à trois pintes de vin évaluées à 18 sols et, 10 sols, pour une partie du terrain ensemencée en pois. Ce paysan devait donc s'acquitter d'une somme considérable de 28 sols équivalents à 336 deniers tournois.

La collecte de la dîme avait lieu de différentes manières. Elle variait selon la coutume du lieu et la nature de la redevance. L'assiette était bien codifiée. En général les grosses dîmes étaient prises en nature directement prélevées sur le terrain. Les menues dîmes pouvaient être prises en nature ou en argent. Cette dernière perception était plus avantageuse pour le collecteur qui estimait le prix des produits agricoles selon les mercuriales du marché de Montlhéry. Sous l'Ancien régime, le Code rural prescrit : « Ceux qui ont les Dixmes inféodées n'ont communément que les grosses Dixmes : cependant les menues & vertes Dixmes peuvent aussi avoir été inféodées ; mais il faut que le titre en fasse mention, sinon le Seigneur n'a de droit que sur les grosses Dixmes ».

Les conflits et les procès

Le 8 juillet 1475, une sentence du Châtelet de Paris fut rendue pour le procès entre messire Guillaume de Condat, prieur commendataire du prieuré de Longpont, et messire Philibert Asse, curé de Villejust. Le juge déclara que la créance des dîmes de Nozay et Fretay et autres lieux devra être adjugée audit prieur (8).

À Montlhéry, en 1681, ce ne fut pas un simple différend entre curé et prieur, mais toute la population rangée derrière le prévôt, le procureur du roi, le syndic et des habitants (9). « Contre ledit sieur prieur de Saint-Pierre et Saint-Laurent-de-Montlhéry, que contre les religieux de Longpont, autres gros décimateurs de cette paroisse » (10). Et d'ajouter « …charge Messire Gérard Meley, procureur au Parlement, déjà chargé des intérêts de la communauté» …« de faire tout ce qui conviendra pour l'intérêt de la communauté tant contre ledit prieur de Saint-Pierre et Saint-Laurent, que contre les prieurs et religieux de Longpont ». Suivent les noms, qualités et signatures de tous les notables, commerçants, artisans et vignerons de Montlhéry. Cette pétition se termine par : « Tous les habitants propriétaires de fonds de cette ville et paroisse y ont signé ». En fait, le différend portait sur la forme de la redevance. À la suite des nombreux mouvements monétaires, les moines considéraient que l'assiette de la dîme était devenue ridicule, comme je le montre par la suite. Pour les gens de Montlhéry, une somme fixe d'argent suffisait à s'acquitter du droit dîmier, pour les moines la dîme était la dixième partie de la récolte qui devait être acquittée en nature. La raison non avouée était de rattraper les effets de la dévaluation monétaire.

La sentence du 10 novembre1752 ordonna que Jean-Baptiste Féragu, curé de Nozay continuera de jouir des menues dîmes et dîmes vertes en dépit de la procédure engagée par les religieux de Longpont. Le 15 décembre suivant une transaction est passée entre les mêmes intervenants pour que la sentence arbitrale puisse avoir son entière exécution sur les dîmes de Nozay et La Ville-du -Bois.

Une Chronique sera prochainement consacrée au développement des conflits entre Nozay et son chef de réseau, le prieuré de Longpont.

Notes

(1 ) Le concile de Tours, en 1060, les conciles de Poitiers et de Rome en 1078 interdirent aux laïcs de conserver, de vendre ou donner les dîmes en bénéfice et les obligèrent à les restituer aux églises [S. LEFÈVRE, Le prieuré Saint-Martin et Saint-Laurent d'Orsay, Bulletin de la SHACEH (Corbeil, 1982), p. 77.

(2) Le prieuré Saint-Denis-de-la-Châtre, situé dans l'île de la Cité à Paris était une dépendance du prieuré Saint-Martin-des-Champs, l'un des quatre principaux couvents de l'abbaye de Cluny.

(3) Ce prieuré fut rattaché à Longpont en 1154 grâce à l'intervention du roi Louis VII. Il possédait des censives à Longpont (chantier du Prieuré Saint-Pierre) à Montlhéry et à Linas.

(4) Ni en droit romain, ni en droit germanique, la propriété ne s'acquérait par le seul accord des volontés ; il y fallait, en outre, un élément extérieur, la tradition, qui se réalisait selon des procédés divers, mais dont le but essentiel était de rendre publique l'aliénation effectuée.

(5) C'est la première fois que le nom de La Ville-du -Bois (Villa Nemoris) est évoqué. Andegavens vient du latin Andegavi , les Andégaves, peuple de la Lyonnaise.

(6) Le prieuré clunisien Saint-Julien-le-Pauvre, situé à Paris près de Notre-Dame appartenait à Longpont depuis la donation de 1120. Il était l'un des huit prieurés du réseau régional clunisien de Longpont. Il fut cédé par échange à l'Hôtel-Dieu de Paris en 1655.

(7) L'utilisation des revenus de la dîme était codifiée par des concordats de co-propriété appelés “partage du temporel en tiers-lots” entre le prieur commendataire et les moines. En 1737, le prieur consentit à hypothéquer une somme de 200 l .t. sur la dîme de Nozay pour l'entretien des lieux réguliers et autres charges claustrales.

(8) Dans les affaires civiles, après l'ajournement, l'ouverture d'un procès est conduite par le lieutenant général, juge au Châtelet, qui provoque une enquête. La sentence est annoncée en assemblée générale après que les conseillers et audienciers aient donné leurs conclusions. Dans le cas d'un appel non reçu, le demandeur payait une amende appelée “fol appel”.

(9) Tout le terroir de Montlhéry faisait partie du canton dîmier de Longpont. Dans le mémoire de l'abbé Dominge (1737) on peut lire “ les dixmes de Longpont à Molery de 550 l .t. ”.

(10) Gros décimateur signifie collecteur des grosses dîmes.

dagnot/chronique07.02.txt · Dernière modification: 2020/11/11 02:32 de bg