Corpus Essonnien

Histoire et patrimoine du département de l'Essonne

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dagnot:chronique08.03

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Le prieuré Saint-Wandrille de Marcoussis (631-1500)

Chronique du Vieux Marcoussy –Marcoussis————— _———————___—_–décembre 2007

Extrait du plan d'intendance de Marcoussis .

JP. Dagnot

C. Julien

Les premiers documents

Les origines du prieuré de Marcoussis sont imprécises et contreversées. Toutefois un chercheur du début XXème siècle publia une étude critique de l'histoire du prieuré Saint-Wandrille de Marcoussis et construisit son texte autour d'un manuscrit du XVIème siècle.

La donation de 663 par Hartbain, fils d'Erambert de Fillancourt à Saint Wandrille d'une terre nommée Bution « quod cum praedium nomine Butionem donavit, ubi aedificata ecclesia, habitacula servorum Dei constructa et collocati … ». C'était du temps du roi Clovis III qui séjournait à Palaiseau où il rencontra le fondateur de l'abbaye de Fontenelle qui sollicitait confirmation de son monastère (1).

Le diplôme de confirmation de 704 par le roi Childebert III énonce les multitudes possessions de l'abbaye normande dans les diocèses de Paris, Beauvais, Amiens et Chartres. Marcoussis figure sous la mention « Marchoucies et ecclesiam cum decima et hospitibus », c'est-à-dire l'église avec les dîmes et des exploitation agricoles (hostises). Les chercheurs n'ont accordé aucune créance à ce texte qui est considéré comme un faux (2).

La charte de 854 de Charles le Chauve affectait aux moines de Saint-Wandrille divers biens-fonds dont « in Parisio, Bucionem cum vineola in Marcocincto ». Toujours ce lieu Bution qui n'a pas été localisé (3). D'autres prieurés dépendant de Saint-Wandrille sont aussi cités.

Le cartulaire du prieuré de Longpont (1110) mentionne à plusieurs reprises Buison et Fontenelles. La charte 131 évoque le pâtre Etienne redevable de 2 sols pour sa terre de Fontenelle « Fontis » et 9 deniers de la vigne de Robert de Buisun. Aymon Aries prenant les habits de moine donna une mine de froment sur le champart qu'il collectait à Buisun « plenam minam frumenti apud Buisun ubi champartum ejus suerit collectum ». Vers 1120, la charte n°247 mentionne que le curé de Marcoussis, Pierre « Petro presbitero de Marcociis », est témoin de la donation d'une vigne à Sceaux ainsi que Evrold, vassal du seigneur Ansold.

Une bulle du pape Innocent II en 1142 confirme les possessions de l'abbaye « decimam Marescolie in vino et annona » qui fut reprise dans les mêmes termes par le pape Eugène III en 1145. Une charte composée en 1177 par le roi Louis VII confirme les possessions dans les diocèses de Beauvais, Amiens, Paris et Chartres « Marchoucies et ecclesiam cum decima et hospitibus ».

À la fin de sa vie en 1196, Maurice de Sully, évêque de Paris, délaisse le droit de présentation de Marcoussis qu'il s'était abusivement arrogé. Ce sont les vicaires épiscopaux qui restituent les droits « Robertus, sancti Victoris abbas, et Reginaldus, sancti Marcelli deecanus … cum itaque Ricardus, prior de Marciciis, ad nos veniens, patronatum ecclesie ejusdem ville et prosentacionem ad se pertinere … ». Un procès-verbal d'installation du curé de Marcoussis, un nommé Simon, est présenté par le prieur Richard.

Un certain Anselme, seigneur de Marcoussis donna au prieuré de Saint-Wandrille, en 1204, avec le consentement de sa femme et de ses enfants, 20 arpents de bois en la forêt de la Châtaigneraie à Valauron.

Plusieurs diplômes royaux et pontificaux confirmèrent les biens du prieuré de Saint-Wandrille à Marcoussis, celui du roi Louis IX « ecclesiam cum decima » en 1277, celui du pape Clément V en 1306, celui du roi Philippe V qui posa à nouveau son sceau au bas du diplôme en 1319 « confirmat Marcoussis, ecclesiam cum decima et hospitibus, Alpicum, Rivecourt, Rodonium, Califurnum, etc., tempore Willermi Le Douillie abbatis, et ipsum monasterium Santi Wandregisili Fontellanensis sancto Wandregisilo …».

Le prieuré bénédictin de Marcoussis est donc sans contestation de fondation royale .

Mais, deux questions importantes restent sans réponse. Quelle est la relation entre Marcoussis et Bution qui a disparu des chartes du XIIème siècle ? Quand fut édifiée l'église de Marcoussis ?

Il semble que Bution fut usurpé peu après 854 par des chevaliers de Montlhéry (3) et que l'abbaye installa son prieuré à Marcoussis où elle possédait une vigne. Il faut également remarquer que la bulle de 1142 n'évoque pas l'église de Marcoussis mais que dans le même temps le cartulaire de Longpont parle du curé de cette paroisse. Le territoire du prieuré avait pris le nom de Fontenelle, vocable qui est nommé dans les chartes de Longpont. On y voit de nombreuses donations de toute espèce : terre, hôtes et principalement des dîmes. Ne serait-ce pas le fief de Bution usurpé par ces mêmes donateurs ?

On y voit Aveline, fille de Gautier Pinel, donner cinq hostises de terre à demi cultivées, Milon Basset léguer un arpent de terre chargé de 12 deniers de cens. Anseau, chanoine de Saint-Pierre-de-Montlhéry donna une hostise qu'il possédait à Fontenelle ; ce bien était chargé de deux pains rendus à la nativité du Seigneur, deux chapons, deux setiers [de blé] et six d'avoine à payer le jour de la Nativité et en mars deux deniers, et en mai deux deniers et 13 deniers de vin le jour de la Saint Rémi. Arnulf Malviel légua, avec le consentement de ses fils Eudes et Adam moines à Longpont, 8 deniers de cens à Fontenelle « octo denarios de censu apud Funtenelleas ». Sa femme Adèle donna la part de dîme qu'elle avait en ce lieu, puis est venu Raoul de Solers qui offrit également les dîmes de Fontenelle qu'il tenait d'Arnulf Malviel « de cujus feodo erat ». Un nommé Johannes de Fontenellis fut témoin. Quelque templs plus tard, c'est Milon de Linas qui, en tant que suzerain, accepte la donation de la moitié de la dîme de Fontenelle par Raoul, fils de Gautier, voyer de son état.

De tous ces actes, il est évident que, pendant des périodes troublées, le domaine de Bution fut accaparé par les chevaliers de Montlhéry dont les descendants ont préféré transférer les droits au prieuré de Longpont qui jouissait d'une plus grande réputation au XIIème siècle.

Le prieuré au Moyen Âge

Reprenons le cours des donations en cette époque très mystique peu après l'an mil. C'est en 1010 ou 1015 que le chevalier Ansoud (ou Ansold) Le Riche et sa femme Rotrude donnèrent au prieuré Saint-Denis-de-la-Châtre de Paris toutes les dîmes de cultures qu'ils possédaient à Marcoussis « jure perpetuo ad possidendum, de episcopali feodo unum videlicet arpennum terre cum omnibus ejusdem arpenni consuetudinibus, apud villam que dicitur Marescalceis , et totam decimam culturarum duarum villarum, quarum villarum altera Marescalceis ». L'acte fut signé par l'évêque de Paris et seize autres prélats car ces droits dîmiers étaient dans le fief de l'évêché par suite des échanges entre celui-ci et la grande abbaye de Saint-Denis. Cette charte fut confirmée un siècle plus tard par Girbert, évêque de Paris.

En 1201, le seigneur Le(i?)siard, partant pour Jérusalem « dominus Lestardus de Marchocies ad visitandum Domini sepulchrum », donne « pro Dei amore et pro anime sue et antecessorum suorum salute » au prieuré le cens et le pressorage de deux vignes qui se trouve à Val-Heroart et tous les revenus attenant aux vignes que le chevalier Isambert avait donné aux moines. Le legs est consentit par Pierre et Hervé les frères du donateur avec le témoignage de Guillelme leur frère cadet. Cette donation fut l'objet d'une légende que les habitants récitaient encore au XVIème siècle.

Le droit d'affouage « consuetudinem ad ignem » reconnu sur l'étendue des bois du seigneur de Marcoussis fut appliqué au bois de construction pour le prieur et ses serviteurs « ont le droict de prendre du boys pour leur chauffer et leur usage, toutesfoys que mestier en ont, par toutes les forestz des seigneurs de Marcoussis ». Ce droit continua jusqu'en 1789.

Eudes, évêque de Paris, confirme en 1206 les privilèges de Marcoussis en précisant l'exemption de la procuration pour la visitation. La bulle de Clément IV (26 octobre 1267) confirme les biens de Saint-Wandrille à Marcoussis « quod habetis in villa de Marescochies , cum decimis, terris, redditibus et aliis pertinanciis suis et jus patronatus quod in ejusdem vill ecclesia obtinetis » ; c'est-à-dire tous les droits acquis par le prieuré.

En tout état de cause, le prieuré de Marcoussis ne fut jamais très peuplé : en 1251, le prieuré est occupé par le prieur et un seul moine ; en 1298 deux moines sont présents. En 1304, Guillaume le Douillé écrivait « devant la pauvreté du prieuré de Marcoussis, qui ne peut entretenir qu'un religieux statue que le trésorier du couvent lui versera 30 livres ».

En juillet 1300, c'est le curé Pierre Le Blont qui jure fidélité à l'abbé de Saint-Wandrille et au prieur de Marcoussis. Le partage des revenus est précis : le prieur retient toutes les dîmes, le curé prend un arpent et demi de vigne ainsi que trois quartiers qui ont toujours été dans les mains des curés précédents, trois muids de blé et trois mines de revenu annuel pris sur les dîmes du prieur, la menue dîme sur 4 maisons, une mesure de vin, un minot à prendre sur le moulin de Guillerville et 18 sols de cens (5). Le curé se réservait aussi les oblations.

Vers 1330, le prieur Nichole de Torchy achète à Rogier de Choisy (ou Soisy) « escuier » la petite terre, contiguë au jardin du prieur et d'un bout au manoir d'Adam de Marcoussis, appelée le jardin de la Planche moyennant la somme de 20 livres parisis. Cette parcelle était dans la mouvance de la seigneurie de Marcoussis et occasionna un contentieux sur la suzeraineté des terres du prieuré. La renonciation de Guillaume de Préaux éteignit le conflit sur le patronage de l'église et le droit de justice. «… nous delaissons et renonchons du tout en tout à toutes les chozes dessus dites et chacune d'icelles et par especial·au patronage de l'église de Marcoussis; à toutes les dismes et revenuez d'icelle et de lad. prieuré, sans ce que nous, nos hoirs ne autres quelconques ayant cause de nous puissions desormais en avant sur les chozes dessus dictes ou aucune d'icelles, soit a cause de haulte justice, de moyenne, de ressort … ». Par cette convention le prieuré retrouvait tous les droits féodaux.

Le 18 septembre 1373, la vente d'une pièce de terre contenant «ung arpent au lieudit Lepreux, tenant à ….., Raoul Lavenant, aboutissant au grand chemin qui tend au Déluge, en la censive dudit prieuré à la charge de douze deniers de cens deubz par an, cette vente faicte pour le prix de seize sols parisis » par Henriette Mary âgée de 19 ans à frère Benoist Gaon prieur de Marcoussis. En 1399, la vente de terres et vignes par Guillaume de Bellejambe à Jean de Montagu fait mention de 4 septiers de vin de pressoir à revenir annuellement au prieur de Marcoussis.

Vers 1400, Jean de Montagu commença les transformations à Marcoussis par l'édification du château féodal, la fondation du couvent des Célestins et la construction du chœur ( chap ) de l'église priorale « fit faire le chasteau de Marcoussis ; item le chancel de l'église parrochial et la closture de mur du parc ». Le prieur Pons de La Marette fit opposition à cette œuvre craignant la main mise du puissant seigneur sur le prieuré de Saint-Wandrille.

En 1404, un échange entre Guillaume Leroy et Jehan Bouchier de septs quartiers d'aulnoy assis près du moustier tenant d'une part à Jehan Mare et d'autre part au prieur de Marcoussis aboutissant au chemin du roy en la censive dudit prieur pour quatorze denier parisis de cens envers luy le jour de la St Rémy.

Dans le nécrologe de N.-D. de Paris (XIII e s.) on peut lire : « Nomina Priorum qui tenentur soivere pigmentum in Festo Assumptionis B. M. Virginis, Prior de Marcouciis qui solvit anno 1288. Item solvit anno 1314 ». Marcoussis participait au “ compte du piment ” et était tenu de fournir le piment à la cathédrale de Paris. Le piment est une plante de la famille des labiées que l'on nomme en français réglisse qui servait, paraît-il, à joncher le sol de l'église cathédrale pour le fête patronale du 15 août.

La période sombre et la ruine

Dès février 1424, l'absence du personnel monastique est constatée du prieuré de Marcoussis. Cette vacance correspond à l'occupation anglaise de la région de Montlhéry. En effet, après le désastre de la chevalerie française à Azincourt (1415), la triste chronologie peut se résumer : la prise du château de Marcoussis par le duc de Bourgogne (1417), la chevauchée de Tannegui du Châtel à Montlhéry « ou moys de janvier oudit an [1418] fut le prevost de Paris devant Montlehery, et luy rendirent ceulx [de] dedens de par traictié d'argent », son échec en 1421, et enfin l'arrivée des Anglais commandés par le duc de Bedford en juin 1423. « celuy an [1418], demeuroient les blez et les advoynes [aux champs] à sayer tout autour de Paris, que nul n'y osoit aller pour les Arminaz qui tuoient tous ceulx qu'ilz povoient prendre qui etoient de Paris. Pour quoy la commune de Paris s'esmut et allerent devant Montlehery, et y furent x ou xii jours et firent le mieulx qu'ilz porent … ». Dans le journal d'un bourgeois de Paris on peut lire « la IIe sepmaine de juing, allerent les Angloys devant Oursay qui tant avoit fait de mal en France, especialment autour de Paris, de toutes pars ; car les larrons qui estoient dedens le chastel, estoient pires que Sarazins qui oncques feussent ». Les Anglais quittèrent le pays ravagé en 1436 « les Angloys furent moult long temps gouverneurs de Paris, mais je cuide en ma conscience que oncques nulz ne fist semer ne blé ne advoyne » (6).

Pendant plus de 25 ans , de 1423 jusqu'à la prise de possession de la seigneurie par l'amiral Louis de Graville (7), Marcoussis ne montre que « ruynes et devastations ». Il faut ajouter que les seigneurs laïcs Jean I et son fils Jean II Malet de Graville se sont montrés rarement à Marcoussis laissant le domaine à l'abandon. Un seul acte de vente de 140 arpents de terres et bois mentionne la présence de ce dernier en 1452. Le petit-fils va être considéré comme le refondateur.

En 1440, le curé de Marcoussis, Mahy de Boisgiloust dit Routier « lequel confesse qu'un procès au Châtelet de Paris entre ledit curé demandeur & à l'encontre de Michel Bourdon, Guillaume Chartier marguilliers Guillaume & Jehan Petit paroissiens de l'église paroissiale de Saint-Wandrille dudit Marcoussis pour raison d'une pièce de pré de six arpens. Le curé aurait droit de prendre à cause de sa dite cure troys muids et trois mynes de grain sur toutes les dixmes du prioré appartenant au prieur, contestations les habitans disent que ladite dixme est pour la fabrique ». Il semble que non seulement les aristocrates mais aussi le tiers-état attaque les prérogatives de la seigneurie ecclésiastique.

En 1443, on trouve la nomination de Vincent Méquet prieur de Marcoussis. En 1454, un dénombrement du prieuré en la Chambre des Comptes « disant que les maisons sont ruynes & décadence à l'occasion de la guerre, et y avoit terres jardins dixmes rentes revenus noblesse de fief ». Fin décembre 1458, un acte latin mentionne Guillaume le Villain « prestre de Saint Vandrille de Marcouciaco ». Messire Guillaume Boyvin, demeurant à Brières prez Montlhéry, fut vicaire de Marcoussis cet an par trois ans soubz messire Guillaume le Villain curé dudit Marcoussis, « dit ledit Boyvin que audit temps ladite paroisse estoit tout en boys buissons & en toute toute ruyne, tenoit ladite cure & prieuré dudit lieu pour quatre escus par an ». A la même époque un curé nommé Vincent « avoit gagné le procès des dixmes contre les Célestins au Châtelet de Paris et qu'il ne falloit plus que le juger ledit procès ».

En 1461, le village est toujours déclaré en ruynes . C'est le 6 octobre que l'archidiacre du Josas visite l'église paroissiale de Marcoussis (8). Le prélat note que le curé Guillaume Villain est absent et « visite ensuite du prieuré que nous avons trouvé en ruyne et inhabité ». Pierre du Doit est vicaire desservant des cures de Marcoussis et Nozay.

Le relèvement de Marcoussis

Après la guerre de Cent ans, comme partout dans la région, la paroisse « estoit tout en boys et buissons et en toute ruyne » constate en 1461 le vicaire Guillaume Boyvin. C'est en 1458, par donation entre vifs, que Jean II Malet de Graville transmit à son fils cadet Louis, la seigneurie de Marcoussis. Celui-ci releva les ruines et restaura Marcoussis.

Le prieuré Saint-Wandrille est alors évoqué dans plusieurs actes notariés. En 1463 une vente de troys arpens de terre assis sur l'estang neuf, tenant d'un costé du prieur de la Madeleine. En 1479, Mr Loys de Graville bailla à fieffe à Guillaumme Gaignat 4 arpens et demi de pré tenant au seigneur de St Wandrille. L'année suivante, le curé Gervais Gosse joue le rôle de tabellion au prieuré pour un bail à cens de 9 arpents à Jehan Lehourt.

Dès sa prise de collation en 1491, le prieur Pierre Montelle voulut relever le prieuré et reprendre les biens usurpés. Dans un premier temps, il s'adresse à Louis de Graville qui n'intervient pas pour le recouvrement des terres ; mais finalement accepte sous la menace de sanctions ecclésiastiques « je ne sçaurois acquitter ma conscience dud. Prieuré si je ne faisois jecter aucunes contre ceux qui detiennent et empeschent les droita et emolumens dud. Prieuré ». Le relèvement du prieuré est entrepris par l'affermage du 6 février 1491 pris par Gervais Gosse, curé de Marcoussis moyennant 4 livres parisis par an avec obligation de faire des réparations. « Par devant Jehan Pinot & Jehan Belin, notaires au Châtelet, fut présent maistre Gervais Gosse, prestre curé de Marcoussis, lequel de son bon gré confesse avoir pris et retenu de religieuse et honneste personne Dom Pierre Montelle prestre religieux proffes de l'abbaye St Wandrille, prieur du prieuré de Marcoussis, à titre de viager pour luy et ses ayans, ledit prieuré avesques le manoir d'icelluy assis audit lieu duquel a ung coulombier ancien, ensemble toutes les dixmes, proffits revenus appartenances & émoluments quelconques dicelluy prieuré pour en jouir sa vie durant. Cette prise faicte pour quatre livres parisis par chacun an durant ledit viager, ledit preneur promet de paier à Toussaint et Penthecouste. Ledit preneur sera tenu de faire réparer et mettre en valeur ledit coullombier, et aussy faire faire une maison sur la cave dudit hostel & manoir du prix de douze francs seulement, dont le bailleur paiera la moitié et le preneur l'autre moitié le tout dedans trois ans et oultre confesse ledit preneur et assirme pour vérité que ledit prieur dudit prieuré a droit de prendre les dixmes dudit Marcoussis et du terroir d'environ comme les autres prieurs voisins, sur quoy ledit curé a droit de prendre son gros accoustumé et baillera déclaration de trois ans en trois ans, sera tenu de garder lesdits dixmes ensemble».

Le temporel du prieuré

Divers titres donnent une description précise du prieuré en cette fin de XVème siècle. D'abord un extrait d'aveu et dénombrement de 1492 puis une déclaration de 1494 des biens baillés au curé Gervais Gosse.

«Déclaration des terres appartenant au prieur baillé par moy Gervais Gosse, prestre curé dudit lieu et fermier de la prieuré de Marcoussis (9): - une masure et terres labourables contenant deux arpens derrière l'église, aboutissant au cimetière, - une autre pièce de terre sept arpens près Lestang neuf nommé la Haye du prieur, tenant aux terres de Chenanville aboutissant d'un bout audit estang neuf et d'autre au chemin qui va de Marcoussis à la Roé , - … jardins de la planche rivière entre deux d'un bout à la granche de Marcoussis, - item une maison et masure laquelle est enclose dedans le prieuré que Guillaume Jacquemart a prise à titre de cens, de laquelle j'ai jouy longtemps, - item une masure court & jardin contenant un arpent tenant audit prieuré, - item une autre pièce nommée le champ du prieur prez l'église de la Madeleine , - item une autre pièce de terre, contenant cinq quartiers ou environ, au dessus de l'estang neuf, tenant d'une part aux terres de Chenanville, d'autre part à Loys Petit, aboutissant d'un bout au chemin qui va des célestins à la Roe & d'autre bout à Monseigneur de Montagu (étang parallèle au chemin), - autre pièce de sept arpents au Vaugoulans, - autre de pièce de quatre arpens nommé la Haye Marade , tenant de tous côtés au seigneur, - item autre pièce de terre de sept arpens, - item autre pièce de deux arpens prez l'église.

Le contentieux sur les dîmes du prieuré continua pendant plusieurs années (10). Bien que sans cesse confirmé par les plus hautes autorités (rois, papes), on se souvient du diplôme de 1343 par Guillaume Despréaux qui confirma la justice et les dîmes de Marcoussis. La guerre de Cent ans avait aussi engendré des désordres dans les affaires patrimoniales. En juillet 1497, un mandement de l'official de Paris touchait « ceux qui contestent les dixmes de Marcoussis à Dom Montelle prieur dudit lieu ».

Pour finir cette période, nous donnons un document préparé en raison du différend avec Louis de Graville ( dit l'Admiral ) en 1500. Ce texte est explicite quant au temporel du prieuré Saint-Wandrille.

« Estimé, déclaration des droits franchises, libertés, terres héritages, cens, rentes, revenus, que le les religieux abbé & convert de l'abbaye de st Wandrille ont à Marcoussis estant en la fondation royale membre dépendant, de ladite abbaye augmentée par les seigneurs dudit lieu de Marcoussis: - lesdits religieux ont ung prieuré audit lieu de Marcoussis fondé et … à ladite abbaye par le roy de France nommé Hildebert en l'an de grâce 704 (?) à cause de laquelle fondation dotation ou augmentation ils ont audit lieu manoir coullombier, domaine, terres, vignes, cens, rentes, revenuz, champs, hostes, resseaug au bourg avenants et autres justisable, court & usage haulte & moienne justice & juridiction sur les subscrits et tenant dudit prieuré droits et devoirs seigneuriaux patrons ou présentateurs à l'église paroissiale dudit lieu avec plusieurs autres baulx droits à ladite église, les dixmes grosses & menues et novalles venant naissant et croissant en toute ladite paroisse et prieuré de Marcoussis et aussi ont droit de prendre du boys pour leur chauffe et usage toutte foys que mestre en ont en toutes les forests des seigneurs de Marcoussis avec plusieurs autres droits, franchises libertés seigneuriales redevances, - item leur appartient deux jardins contenant deux arpens nommé le jardin de la Planche que tient & occupe hault & puissant monseigneur l'Admiral dont feu maistre Gervais Gosse fermier dudit prieuré en a jouy par long temps au nom & comme fermier dudit prieuré, jusques à ce que feu le procureur dudit Admiral quy joignit les deux jardins à la grange dudit seigneur Admiral, - item une autre masure et jardin estant dedans le clos dudit prieuré que tient & occupe la veuve de Pierre Leroux dont ledit Gosse fermier a joy au nom dudit prieuré, - item leur appartient une masure et terres labourables tenant ensemble le tout contenant deulx arpens que tient & occupe Jehan Gouffet dit Hanot, - item leur appartient deux arpens que tient Jehan Renault, - item sept quartiers de terre prez les terres de Chenanville que tient ledit Gouffart, - item leur appartient cinq quartiers de pré assis au dessus lestang neuf (11) que tient ledit Gouffart. De toutes lesquelles feu Gervais Gosse curé de Marcoussis, fermier du prieuré a joy sa vie durant selon bail. Toutes lesdites parchemynures ont esté données par les prédécesseurs dudit Admiral.

à suivre…

Notes

(1) Comme l'abbé Lebeuf, Malte-Brun donne la date de 661. Cossonnet donne 663.

(2) Le XIIème siècle a produit des fausses chartes afin de sauvegarder les fiefs secondaires pour lesquels les diplômes anciens avaient disparu.

(3) Certains auteurs évoquent Bution, Buison, Bisson ou Bissone qui serait localisé proche de Palaiseau, d'autres près de Châtres (Arpajon) ou bien à Marcoussis même. Dans sa monographie (1933), Maumené identifie Butio à Villebouzin (?). Malte-Brun, après l'abbé Lebeuf, situe Bution à l'emplacement du moulin de Guillerville et du territoire qui s'étend entre ce moulin et le parc de Bellejame. Cette attribution semble plausible et pourrait s'étendre jusqu'à l'Orge (la sallemouille ayant également porté ce nom).

(4) Au XIIème siècle, Guillaume de Guillerville, désigné comme homme-lige du roi, est à la tête du fief de Bution.

(5) Le minot à percevoir sur le moulin de Guillerville peut signifier l'ancienneté avec Bution.

(6) Jean de Lancastre, duc de Bedford fut régent de France après la mort du roi Henri, « dévoré par le chagrin que lui causait l'écroulement de la domination anglaise ne put supporter la ruine de toutes ses espérances après la conclusion du traité d'Arras et mourut au château de Rouen le 14 septembre 1435 ».

(7) Louis Malet de Graville (1438-1516) devint le « très hault et puissant » seigneur de Marcoussis à la mort de son frère Jean VII Malet. Conseiller et chambellan de Louis XI, il exerce alors une grande influence sous la régence auprès d'Anne et Pierre de Beaujeu et puis de Louis XII; il fut amiral de France (1497) et gouverneur de Paris (1505).

(8) Au XVème siècle, les visites archidiaconales du Josas étaient assurées par le diacre Mouchard assistés des prêtres circonvoisins.

(9) On note qu'au Moyen Âge parfois « prieuré » est féminin pour le sens équivalent à une « seigneurie ».

(10) Remarquons que les droits dîmiers ont été de tout temps sources de conflit entre seigneurs laïcs et ecclésiastiques. C'était à cause de l'assiette de la contribution basée sur l'économie plutôt que sur le monétaire qui dévaluait sans cesse.

(11) Ces mentions de l'étang neuf serviront lors de la chronique sur cet étang.

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