Corpus Essonnien

Histoire et patrimoine du département de l'Essonne

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Les pressoirs seigneuriaux à Longpont Plan d'intendance de Longpont (1787). Les parcelles jaunes sont plantées de vignes.

…….. de 1061 à 1789

Novembre 2007

C Julien

Chronique du vieux Marcoussy

Cette Chronique présente les pressoirs seigneuriaux qui existaient dans la paroisse de Longpont (cant. Montlhéry, arr. Palaiseau, Essonne). Rappelons que sous l'Ancien régime, on comptait deux seigneuries : la seigneurie laïque de Villebouzin et la seigneurie ecclésiastique du prieuré Notre-Dame de Longpont.

Les pressoirs du prieuré

Même si l'absence de documents anciens concernant les pressoirs de Longpont est patente, c'est vraisemblablement au XIIème siècle, dès la fondation du prieuré de Longpont que la seigneurie possédait son pressoir. En effet, le pressoir était la prérogative de la seigneurie ecclésiastique, c'était son ban, c'est-à-dire le monopole auquel les vignerons étaient tenus d'utiliser moyennant la redevance dite de « pressurage ». Depuis 1061, les donations successives reçues par la «grange de Longpont», avaient grossies le vignoir du prieuré ; sur l'étendue de la paroisse, les vignes étaient groupées autour du hameau de Guiperreux au sud, et sur les terres des Villarceaux et de la Croix-Rouge -Fer au centre.

Dès la mise en exploitation, les moines organisèrent leur ban en recevant de Guy 1 er de Montlhéry le moulin hydraulique de Groteau en 1074. Propriétaires de nombreuses vignes et mettant à profit le droit de dîmage sur le vin, les religieux édifièrent un pressoir avec la cave du prieuré au début du XIIème siècle. La seigneurie ecclésiastique possédait deux pressoirs : celui du bourg et celui de Guiperreux. Le pressoir du bourg était installé dans le bâtiment face à la ferme au lieu-dit « carrefour du pressoir ». Une immense cave proche des bâtiments conventuels permettait la conservation des futailles. Le pressoir de Guiperreux était situé sur la Grand-rue , installé dans une grange appartenant aux religieux. L'abbé Lebeuf écrit en 1756 sur le prieuré « outre la dixme et censive à Longpont, le monastère y a encore le droit de pressoir banal ».

Une charte du prieuré (1216) fait état d'une donation par Winnes de Vallegrufa ( Guillaume de Vaugrigneuse ) de cinq sols de cens à l'église de Longpont, sur une portion de terre située proche le pressoir, avec le droit de certaine justice, &c., & en échange, les religieux de Longpont cèdent quatre sols de cens qu'ils percevaient sur Jean Crouleurs, proche Villebouzin.

Un acte de 1500 est explicite sur le pressoir du bourg. « Bail à cens par la communauté des Religieux de Notre-Dame de Longpont d'une masure dans laquelle souloit avoir un colombier et remise à Longpont à Jean Laumonier. Contenant 3 quartiers ou environ, joignants la maison de Laumonerie dudit Longpont et le pressoir dudit lieu, un jardin au dessus de ladite masure contenant 1 arpent et demi ou environ, joignant la Couture de messire de Longpont. Moyennant 8 sols parisis de cens, savoir ladite masure 3 sols et ledit jardin 5 sols » (1). Nous savons que le pressoir est situé face à la ferme de Longpont et contigu à la grande pièce de terre appelée la Couture .

Ainsi le fondé de pouvoir du Prieuré établit un obit le 25 novembre 1524, « Fondation de 50 sols tournois de rente affectée sur trois-quarts de prés assis Chaussée de Longpont, un quartier de vigne au Bas-Gauderon et six quartes de vigne au chantier de la Folye , ladite rente créée par Jean Laumonier, prêtre curé de Longpont au profit des religieux prieur et couvent N.-D. de Longpont à la charge pour eux de dire et chanter à voix haute sur la sépulture dudit Laumonier par chaque dimanche de l'an un deprofondis qui se dira à la fin de la procession desdits religieux et à la fin dudit deprofondis jetter de l'eau bénite et dire telles oraisons que bon semblera sur ladite sépulture pour le repos de l'âme dudit deffunct, les parens et amis trépassés ».

Le pressoir de Longpont fut affermé pour cinq ans le 27 juillet 1627 à Antoine Menessin, tailleur d'habits, demeurant à Longpont moyennant un loyer de 45 livres par an. Ce bail fut encore renouvelé par le prieur de Longpont en 1637. Le même jour, c'est René Martin, vigneron, qui afferme le pressoir de Guiperreux pour 50 livres. Les pressoirs de Longpont et Guiperreux furent affermés à René Martin, en date du 5 janvier 1640 moyennant 100 livres tournois payables à la Saint-Martin d'hiver. La déclaration des revenus de 1655 mentionne que « le pressoir de Longpont est affermé à trois muids de vin blanc dudit vignoble, le pressoir de Guiperreux est affermé à 3 muids de vin ». Le 25 juillet 1681, c'est Jean Dumes, le fondé de pouvoir du receveur général du prieuré qui passe un bail à ferme à Etienne Caille, vigneron « du pressoir à vin de Guiperreux, paroisse de Longpont. Ledit bail pour huit ans moyennant 100 livres par an ». Dans le mémoire de 1660 transmis à la diète de Cluny, dans le chapitre des dépenses pour la réparation du prieuré, on lit « 36 livres tournois à Renoirs, charpentier, pour une vis qu'il a fournie au pressoir de Guiperreux et quelques ouvrages qu'il a fait au moulin de Grouteau ». Notons qu'à cause des mauvaises récoltes de cette année 1660 des rabais sont consentis aux fermiers du prieuré « 300 livres au fermier du Mesnil [Brétigny] , 130 livres au fermier de Nozay ».

Les produits viticoles du prieuré de Longpont de 1714 sont « de la vigne du clos de 2 arpents et demy et de celle de la cure on a eu cinq poinçons de vin blanc, du pressoir de Longpont quatre poinçons de blanc et un poinçon de rouge ». À cette époque le vin était estimé à « 18 livres tournois année commune ». En 1756, les moines de Longpont déclarent posséder dans leur cave « 40 pièces de vin pour la consommation des Religieux et des domestiques ». Il semble donc que la production viticole à Longpont représente un rendement assez faible de 13 hectolitres à l'hectare.

Le vin conservé dans les caves du prieuré de Longpont provenait de la directe, des dîmes et du droit de pressoirage ; en 1715, les récoltes étaient les suivantes : « de la vigne du clos onze poinçons de vin blanc et de celle de la cure un poinçon et demy, du pressoir de Longpont 6 poiçons de blanc, du pressoir de Guypereux 5 de rouge et 8 de blanc, de la dixme 7 poinçons le reste a été payé en argent, la veuve Cordeau nous a donné 2 acomptes, ce qui fait en tout quarante poinçons et demy». L'année 1716 fut catastrophique, puisque 21 poinçons de vin seulement ont été récoltés à Longpont. La récolte de 1719 fut médiocre, la grêle hacha les vignes au printemps, le procureur des religieux de Longpont écrivit « on a refait la plus grande partie des vitres de l'église qui avoient été rompues par la gresle arrivée le jour de l'Ascension, ce qui fait 112 livres tournois ».

Dans le partage de 1737 du temporel du prieuré, parmi les articles du premier lot revenant au prieur commendataire, on note les pressoirs de Longpont et Guiperreux estimés à 200 livres par an, la ferme de Longpont avec 66 arpents de terre pour 1.200 livres, la seigneurie de Longpont avec tous les droits féodaux pour 100 livres, les bois de Longpont pour 270 livres, etc. En 1741, les pressoirs sont affermés moyennant 3 muids de vin blanc chacun.

Le pressoir de Villebouzin

Depuis l'époque gallo-romaine, la vigne était cultivée à Villebouzin. Cette seigneurie avait des vignes sur les chantiers des Fonceaux, des Graviers des Echassons et du Boulay.

La seigneurie de Villebouzin possédait un pressoir installé dans le fief du Mesnil. Dans l'aveu et dénombrement du 22 janvier 1629 donné au roi et à M. le duc d'Orléans comme seigneur de Montlhéry, par le seigneur Jean Grisson, maître d'hôtel du roy, on peut lire « premièrement les deux tiers de deux espaces de grange dans lesquelles il y a un pressoir à roue situé au Mesnil, paroisse de Longpont, appelé pressoir du Mesnil ». Ce seigneur possédait les fiefs du Mesnil, des Fontenelles, du Boulay et des cens communs sis en la paroisse de Longpont dans la mouvance de Montlhéry (2).

Le 22 février 1676, le couvent de Longpont fonda une rente sur des biens-fonds situés au vignoble du Mesnil, chantier des Jardins et au vignoble de Villebouzin, chantier des Bas-de-Foux. «Constitution de 14 livres 18 sols de rente annuelle pour la communauté des Vénérables Religieux de Longpont contre Daniel Bouquet, vigneron demeurant à Longpont, Martin Michaud et Loüise Bouquet sa femme pour lesquels lesdits religieux ont remboursé à Martin Heurtault, vigneron à La Ville-du -Bois auquel lesdits Bouquet et consorts doivent la rente au moyen de quoy lesdits religieux demeurent subrogés aux hypothèques dudit Heurtault ladite rente au principal de 298 livres payable le jour de Saint-Martin d'Hyver et affectés sur tous les biens dudit Bouquet et Michaud prix provenant des rentes remboursées audits religieux au rapport de Dom René Nouët, fondé de pouvoir desdits religieux pour créer ladite rente de 14 l .t. 18 s. ».

Après la mise sous séquestre, le domaine de Villebouzin fut affermé en sept lots dont le vignoble « 225 perches de vignes dans lesquelles sont plantés 27 arbres fruitiers à hautes tiges vivantes, et un arbre fruitier à hautes tiges mort. Tenant d'un côté à la pièce de luzerne, d'autre et d'un bout par bas aux 10 arpents de terre à bled, et par haut au mur du parc. L'adjudicataire sera tenu de tailler les vignes, fumer et entretenir les échalas en temps et en saisons convenables, labourer le tour desdits arbres et les entretenir, tailler et éplucher s'ils en sont susceptibles ».

Après la Révolution, le pressoir de Villebouzin fut transporté dans la ferme d'Henry-Barnabé Cossonnet, cultivateur à La Grange-aux-Cercles. Ce pressoir était chargé de 50 francs de contribution foncière.

Le ban des vendanges

Faisant partie du droit féodal, le ban des vendanges était très strict : obligation de presser au pressoir banal, dates d'interdiction de la vente du vin et date d'autorisation de la récolte du raisin. Ce sont le droit de banvin, et de banalité de pressoir. Les infractions relevant de la basse et moyenne justice, sont sévèrement punies : amende, confiscation des récoltes, saisie du matériel, destruction des pressoirs clandestins. - 30 mai 1390, le seigneur Jean Labbé de Villiers fait savoir « que le raisin sera amené au pressoir de Launay, au plus tard le lendemain, sous peine d'une amende de 60 sols parisis ». - 6 septembre 1777, Mme de Bréhant annonce « que toute personne qui récoltera le raisin avant la date fixée, sera condamnée à une amende ; que le raisin cueilli, les seaux et paniers utilisés seront confisqués ».

Ce rappel du règlement se fait par avis verbaux, par voie d'affichage, par l'annonce faite par le curé de la paroisse, lors de son prône, durant la messe dominicale. La dissuasion est également préventive, mais il arrive quelquefois que le coupable malgré avertissements et condamnations, refuse de se soumettre, il devient récidiviste. Les peines sont alors accrues et appliquées de façon impitoyable. À Saint-Michel-sur-Orge, l'histoire de Martin Charpentier « récalcitrant » fut exemplaire. Surpris à presser chez lui en septembre 1636, il fut condamné à démolir son pressoir et sommé « de payer l'amende qu'il doit, pour avoir tenté de se soustraire au pressoir banal ». Son mobilier fut vendu le 26 octobre de la même année et sa veuve dut payer le reliquat après sa mort en 1637. Parfois par crainte de la perte de leur récolte, due à la grêle, la désobéissance est collective.

Le droit de banvin permettait au seigneur d'interdire la vente du vin, pendant une période de 4 fois 15 jours dans l'année afin d'être le seul à vendre du vin. En principe la fiscalité royale s'appliquait sur les quantités et la qualité de vin dans la cave, mais vu la fraude qui était grande, la taxation se fit sur la base de l'arpent de vigne. Le vigneron était astreint à deux droits : le droit de rouage et le droit de forge. Le droit de rouage consistait à faire payer au vigneron 60 sols par tonneau vendu. Sur chaque muid mis en perce, le vigneron devait payer la valeur d'une pinte de vin.

Chaque vigne était lourdement chargée de plusieurs impôts : un cens, un droit de pressurage et bien souvent d'une rente rachetable constituée lors d'un obit ou d'un emprunt pour replanter le vignoble ou payer des dettes. Vers 1450, le droit de pressurage s'élevait à 12 deniers par quartier (4 sols parisis par arpent). Le 22 janvier 1455 « Bail à cens par les frères et soeur de l'Hôtel-Dieu de Paris à Michel Levasseur, demeurant à Guiperreux, d'un demy arpen de vignes en friches, assis au Gravier du Pressoir le Roy. A charge de 6 deniers parisis de cens et 2 sols parisis d'amortissement de pressoir ». Aussi le 6 juin 1632, Jean Goix était ruiné ; ne pouvant payer les 30 sols dus aux moines il délaissa sa vigne qu'il tenait dans la censive du prieuré « Transport par Jean Goix vigneron demeurant au Mesnil, paroisse de Longpont, au profit de Jean Boudrier, vigneron demeurant à Longpont, d'un demy arpent moins 4 perches de vignes en deux pièces assises au vignoble dud. Longpont, chantier des Tuyaux. A la charge de payer annuellement le jour de la Saint Matin d'hyver 2 sols tournois de cens par arpent et quatre années d'arrérages de prossoirage à raison de 30 sols à monseigneur le prieur de Longpont ».

Le déclin du vignoble

Un rapport au chapitre général de Cluny, établi le 28 avril 1765, mentionne : « Depuis le dernier chapitre les Religieux de Longpont ont eû des récoltes très modiques par tant en vin puisqu'ils ont été obligés d'en acheter l'année dernière 5 pièces pour leur consommation ; ils ont perdu, en 1762, 80 pièces de vin qui s'est entièrement gaté de sorte qu'ils ont été obligé de le vendre à 11 et 12 livres tournois la demi-queue d'Orléans qu'ils auroient vendû en 1763 jusqu'à 70 livres la demi-queue , ils ont d'ailleurs perdû l'année dernière deux jeunes chevaux de labour et ont été obligés d'en acheter deux autres qui ont couté 763 livres ; ils ont donné 550 livres pour aider à faire un remboursement de 1.500 livres ; ils ont donné à M r Guillet 557 livres à compte de 600 livres tournois par an pour les honoraires de commissaire à terrier ; ils ont payé 551 livres en 1763 pour acquérir les droits de mutation par échange ; ils ont payé, en 1763, 606 livres pour l'achat de deux chevaux sçavoir un bidet et un autre pour lever la dixme ». Pour cette même année, on peut lire : « le foin est prisé 18 livres le cent de bottes pour la mausvaise qualité au lieu de 24 livres tournois ». D'autres déclarations à la diète du chapitre général mentionnent « depuis la dernière visite ils ont fait rétablir presque neuf leurs deux pressoirs banaux dont la réparation a couté 800 livres tournois, du 6 aoust 1754 », et encore « payé 1.200 livres tournois de réparation à leurs pressoirs et 500 livres pour la couverture de tous les batimens de leur ferme, du 6 may 1759 »

Le vin est un des principaux produits de la dîme. « La dixme de vin a rapporté environ 13 pièces de vin [1735], pour chaque arpent de vigne doit 8 pintes de vin. Dans cinq pièces de vin il se trouve deux mille six cents pintes laquelle quantité de 2.600 pintes fait celle de 325 fois 8 pintes et à 8 pintes par arpent 325 fois huit pintes font 325 arpents ». On comprend l'étendue de la vigne sur le canton dîmier de Longpont . Le poinçon de vin est vendu 50 livres en 1726. La récolte de 1745 fut assez bonne puisque le régisseur écrit le 8 juin 1746 « Plus ils ont dans leur cave 87 pièces de vin dont 5 pièces de vin blanc qui a été tourné et 22 de la dernière récolte qui a été très mauvaise tant pour la quantité que pour la qualité ». Les années 1771 à 1780 enregistrent un recul considérable de la production vinicole et les prix sont au plus haut, 39 livres le poinçon. Les bonnes vendanges, surtout de 1781 et 1785 voient baisser le prix du vin à 24 livres le poinçon.

Il est donc évident que la vie rurale de Longpont concernait aussi pour une part importante la culture de la vigne. En général les personnes qui possédaient un vignoble le conservaient, c'était une propriété que l'on transmettait dans les familles, la vendant très rarement, acensée, elle était chargée de rentes seigneuriales. En 1700, un arpent de vigne valait 500 livres et était loué annuellement pour 20 livres soit le double du bail de la terre labourable.

Notes

(1) Depuis la réforme du XVème siècle, les biens du prieuré étaient partagés en plusieurs lots. Vers 1500, le pressoir était dévolu à l'aumônerie du prieuré. Par « messire de Longpont » il faut entendre messire le prieur commendataire de Longpont.

(2) Depuis 1629, le roi Louis XIII avait réuni le comté de Montlhéry et le duché de Chartres pour les donner en apanage à son frère Gaston d'Orléans.

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