Corpus Essonnien

Histoire et patrimoine du département de l'Essonne

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La fin du château de Marcoussis

Chronique du Vieux Marcoussy ————————————- _———————-Novemembre 2009

Vue estimée 1806?

JP. Dagnot

Cette chronique a pour but, comme celle du Déluge, d'en finir avec quelques erreurs faites par Malte-Brun et ensuite recopiées fidèlement par tous les narrateurs qui utilisent ses références: Morize (pour le Déluge ordre Templier), l'instituteur dans sa monographie (1804: le marquis Armand de Puységur, propriétaire de la forteresse, ayant appris qu'on en voulait faire une prison d'état, la fit raser !!!! ), Germain qui continue et quelques autres qui recopient…

Partie d' un tableau existant à l'école d'horticulture d' Auteuil.

Le point avant la Révolution

La dernière personne résidant au château fut Louise de Xaintrailles qui y décéda en 1744.

Avant l'achat du château par Elizabeth Chevalier (devenue par la suite comtesse d'Esclignac) en 1751, des procès-verbaux de visite de cette demeure “à l'antique” comportaient de nombreuses locutions de la forme mauvais fourneau, mauvais châssis, pierre à laver cassée … ceci quelque soit l'étage du bâtiment. La conclusion à la fin des visites: le château est un ancien château fort aux bâtiments duquel il y a nombre de grosses réparations à faire sans lesquelles il ne peut être habité.

La comtesse a néanmoins acheté la seigneurie de Marcoussis, pour accroître ses biens et ses revenus, et certainement ne pas en faire une résidence. En effet, elle possédait au Plessis-Pâté un château avec parc qui faisait référence en région parisienne. Un état des lieux réalisé à son arrivée confirme que celui de Marcoussis est inhabité et ne contient que des objets sans valeur, restent quatre tableaux dans la chapelle.

Vers 1785, une ventilation des revenus de la seigneurie confirme que le château n'est d'aucun rapport.

Fin 1789, le bailli de Marcoussis effectue une de ses dernières prestations comme juge civil de la châtellenie de Marcoussis, assisté de son greffier, d'un hôtelier, du régisseur de Bellejame et du procureur fiscal de la paroisse (notables de la municipalité). Laurent Poullet, procureur fiscal est également en charge du château de Marcoussis, il déclare que l'on s'est introduit dans un appartement du château, la chambre numéro 24 qui se trouve au-dessus de la grande porte d'entrée du château ayant vue sur la cour… Il s'agit d'un vol de galon et le château est inhabité.

Deux ans plus tard, le citoyen Ladey, notaire résidant à Marcoussis, receveur & régisseur de la seigneurie de Marcoussis, déclare aux officiers municipaux de la commune que du résultat des comptes de recette & dépense des terres de Marcoussis…. en outre que l'argenterie et meubles meublants existant dans les trois chambres à feu et antichambre du premier étage donnant sur le jardin du cy-devant baillage, tout ce qui est dans l'étude et dans l'audience et ceux étant dans le nouveau salon par bas à cheminée, enfin tout ce qui appartient aux héritiers, sont sous la garde de Jean Baptiste Cheval par moy commis , plus tous les meubles et effets étant dans le château, bois de charpente, échelles, vieilles menuiseries étant dans le grand salon, linge, sont à la garde d'Alexandre Lebas à cause de sa femme qui est depuis longtemps portière et gardienne desdits effets.

Toutes ces dires se confirment l'année suivante, début de la “Terreur”. A cause de l'émigration de trois des héritiers de la succession de la comtesse d'Esclignac, la Nation hérite de leur part (ces dernières sont indivis). De ce fait le château est gardé pour éviter un pillage non des meubles, il ne représentent que 3.000 livres, mais des matériaux (le revenu de la terre de Marcoussis pour comparaison est de 130.000 livres).

Notons au passage que le fanatisme à Marcoussis va jusqu'à faire retourner dix plaques de cheminées de ce château inhabité afin de ne plus voir les emblêmes de la royauté (mémoire de massonnerie et fourniture de plâtre, le tout employé par ordre du maire et des officiers municipaux pour retourner les plaques de cheminée des cidevant chateau, baillage et ferme de Marcoussis). La somme n'est pas énorme 25 livres pour le château !

La nation propriétaire du château

Nous arrivons au 16 juin 1798, date du partage de la terre de Marcoussis en cinq lots. En effet jusqu'à cette date les biens étaient restés en indivis avec la Nation. Le château, troisième lot sera attribué à cette dernière : le cidevant château, cour avant cour fossés remplis d'eau vive jardin et pré en dépendant le tout pour 5 ha, estimé 17.305 frs (équivalent au prix de la terre). Notons ce qu'en rapporte Jean-Loup Lemaitre dans “ le livre du chapître des Célestins de Marcoussis ” : “ ce château fut démoli en 1807 par Joseph Boutron et Jean Donnat, qui l'avaient acheté le 28 prairial an VI (16 juin 1798)”. Il y a confusion par cet auteur entre les bâtiments des Célestins et le château de Marcoussis. Ces personnages n'auraient certainement pas attendu plusieurs années avant d'en retirer les profits!

L'année suivante l'administration des Domaines se pose la question d'améliorer les biens qui lui sont confiés, en ce qui concerne le château: - la hauteur des pièces est trop importante pour une maison bourgeoise, - les réparations à faire seroient très coûteuses pour le rendre habitable. - la commission nous a invité à vendre le chateau et les prés en bordure séparément, le plus avantageux pour la République.

Début du 19ème siècle, les Domaines estiment qu'il n'a plus de valeur locative: les parquets et boiseries ont disparu. Le directeur des Domaines nationaux, vu la pétition du maire de Marcoussis, ordonne l'adjudication du bail à ferme du château, dont le bail en cours expire le 12 novembre; la valeur locative est estimée à 200 francs soit le pré et les pièces d'eau.

A la suite de cette demande, un cahier des charges nous rappelle sa description: - la cour de 7×15 toises, - quatre tours de 60 pieds, - haute & basse chapelle, prisons & caves le tout en mauvais état & à l'antique, - fossés de 16 pieds de profondeur rempli d'eau vive, - tourelle dans l'avant court couverte en ardoise servant de bucher, - jardin de 50 perches où sont les ouvertures des caves tant sous le chemin que dans le grand parc, - pré de 11 arpens attenant le jardin & le château dans lequel est une pièce d'eau vive de 92 perches, tenant au chemin de la porte du maître.

Le receveur des Domaines nationaux écrit au préfet: le château de Marcoussis n'a selon moi aucune valleur locative, étant privé de boiseries et parquets, mais avec le terrain on peut espérer 240 francs de loyer. Dans la foulée, l'état loue les terres autour du château, ce dernier en prime, la durée du bail est fixée à trois ans. Le bail est adjugé à Jean Bressière, charpentier de Versailles. Ce dernier sous-loue ces biens à la dame Renoult, fermière de la ferme du château, pour la même durée.

Le retour d'Antoine Hyacinthe Chastenet de Puységur

A la mi-1801, le préfet de Seine-&-Oise fait procéder au tirage au sort des trois parts de la Nation. Il s'agit des lots 3, 4 & 5 échus à la République en l'an 6. Desquels trois lots, il en demeure encore deux attribués à la République par représentation d'Antoine Hyacinthe Anne et Jacques Maxime Paul Chastenet de Puiségur et l'autre appartient à Antoinette Vidard de St Clair, héritière d'Antoinette Louise Maxime Chastenet de Puiségur. De ce tirage il est résulté que le troisième lot est échu à Antoine Hyacinthe Chastenay Puiségur…

Cet homme avait émigré car il était militaire. Original, nous notons à son sujet: “Antoine Hyacinthe, Comte de Chastenet (1752-1809), officier de marine, introduit le magnétisme à la colonie française de Saint-Domingue. S'il faut en croire son frère Armand de Puységur, c'est lui qui découvrit ” à travers le chaos des premiers baquets, la cause principe de leurs effets “, le somnambulisme.” (*)

Revenons comme lui à Marcoussis en 1802. Le grand juge et ministre de la justice délivre au citoyen Chastenet Puységur (Antoine), un certificat d'amnistie ordonnant la levée du séquestre existant sur les biens de son héritage. L'administration générale des forêts de Paris, via le conservateur du premier arrondissement, vu l'arrêté du préfet de Seine-&-Oise, confirme qu'il s'agit du troisième lot composé de bois, le château n'est pas mentionné (services administratifs différents).

Donc Antoine est de retour en France. Il est connu comme propriétaire, et demeure ordinairement à Paris, place du corps législatif n°1550. Il possède un château en bon état près de Chinon, en Indre-et-Loire.

Réintégré dans ses biens à Marcoussis, il s'empresse de les vendre ou de percevoir les revenus y afférant: - percevoir le loyer des prés et du château que l'état avait loué et que règle la fermière de la ferme du château (autre chronique), une somme de 400 francs a été payée à Mr Chastenet de Puységur pour l'année de loyer du château et dépendances échue le 20 brumaire an 12 . Armand son frère représenté par Leroux, a reçu 9175 frs pour le loyer de la ferme, et Alexandre Delamyre, 2259 frs à comme troisième héritier de la branche d'Elizabeth pour des terres. - il vend à Pierre Laurent Frizon, ancien inspecteur des subsistances militaires, demeurant à Bellebat, deux pièces de terre, la première d'un hectare à la garenne de Bellebat, l'autre de 2500 m2 au buisson rond ou hautes maresses… - également il rencontre Jean Dieudonnat, entrepreneur des routes nationales qui demeure à Marcoussis et lui vend treize hectares de bois, friches et roches, dits des bois de Monsieur, moyennant 5.000 francs. Nous sommes donc arrivé à l'époque de la démolition du château. Il n'y a aucune ambiguité, le propriétaire n'est pas Armand mais Antoine son frère. - Antoine Hyacinthe rendu méfiant par son exil, rédige des actes sous seing privé. Ainsi on apprend qu'il a vendu à Eugène Louis Philippe de Salperwick, propriétaire demeurant à Versailles la superficie de 65 ha appelés “ la vente des roches & de la justice”, moyennant 40.732 frs. L'acte mentionne que les bois tiennent à Frizon, traversé par la route de Versailles à Orléans, d'autre aux enfants mineurs de l'acquéreur, et aux terres & bois de la Grange aux Moines. Cette vente est importante bien que non passée devant notaire …

Anthoine Hyacinthe est sur la fin de sa vie et il règle ses affaires. Connaissant Dioudonnat qui à cette époque a déjà à son actif la démolition des bâtiments des Célestins, il n'est pas trop osé de penser que les deux hommes ont fait un accord où chacun va trouver son compte en ce qui concerne la démolition du château de Marcoussis. La transaction ayant pu se faire sous seing privé et devenir caduque les travaux considérés comme terminés. La question de l'arrêt des travaux en laissant subsister une tour peut se comprendre par la dureté de certains ciments utilisés lors de la construction. En effet ayant effectué quelques travaux sur ce site, j'ai pu constater que même des marteaux piqueurs classiques n'arrivaient pas à bout de certaines portions de la construction … Dioudonnat continuera ses démolitions ensuite avec la ferme du Mesnil-Forget à Nozay et du château de Crosnes.

Le fameux Armand achète l'emplacement du château

Reprenons le fil du récit, donc le château de Marcoussis appartient à Antoine. Arrangement de famille, peu avant sa mort en 1809, il voit son frère Armand demeurant au château de Buzancy près de Soissons, et décide de lui vendre les cinq hectares de terres, friches, fossés, pièce d'eau, et “terrain composant l'emplacement du chateau de Marcoussis”, suit la description de la situation géographique du lieu, ce bien provenant du troisième lot attribué à la Nation en l'an six…la vente est réalisée moyennant 5.000 francs deniers en espèces sonnantes…

Restes de la démolition

A Linas, la construction d'un lavoir à la source de la Pellerine, est décidée en 1809. “On alla chercher les pierres et le pavé pour les murs et le fond du lavoir, on acheta au château de Marcoussis des dalles de grès piqué provenant de démolition, et l'on en couvrit le pourtour des murs et le quartier de la pellerine pût jouir d'un lavoir public pour douze femmes ensemble”.

Extrait du plan napoléonien terminé en octobre 1809

La vie continue, Armand décède en 1826 et laisse une femme et des enfants. La succession vu le nombre des héritiers, pose problème : les biens de Marcoussis vont être mis aux enchères, vingt cinq lots sont créés. Tous les héritiers délaissent à Barbe Pauline Chastenet de Puységur: - une maison en construction non achevée, située sur partie de l'emplacement des bâtiments de la ferme, du surplus de ces bâtiments de tout le terrain y attenant, comprenant le surplus dudit emplacement des cours abreuvoir jardin de la ferme (pavillon à l'italienne visible en arrivant aux orphelins d'Auteuil); - de l'emplacement de l'ancien château avec une tour en ruines y existant, des cours fossés et jardins dudit château avec partie du petit parc laquelle est en marais terres labourables prés et canal, tout ce que de dessus clos en murs. - terres hors les murs avec l'ancienne avenue conduisant au château et au nouveau bâtiment le tout pour huit hectares. Sont également inclus des pièces de bois, charpentes, tuiles, carreaux, boiseries, menuiserie et autres matériaux qui se trouvent invendus dans les bâtimens et sur les lieux qui viennent d'être indiqués.

Vue des ruines vers 1830

À éclaicir: si la datation de cette vue est bonne, la chapelle n'est pas encore construite. Barbe Pauline est décédée en 1827 et sa sépulture s'y trouve vingt ans plus tard. Au premier plan, cave sous les chapelles du château. Notons également la quantité importante des gravats restants.

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