Corpus Essonnien

Histoire et patrimoine du département de l'Essonne

Outils pour utilisateurs

Outils du site


dagnot:chronique11.04

Page en chantier


Le marché de Montlhéry (991-1754)

Mars 2008

J.P. Dagnot

C. Julien

Chronique du vieux Marcoussy

Cette chronique relate l'histoire du marché de Montlhéry depuis l'arrivée de Thibaud en 991 jusqu'à la Révolution. Parmi les villes dont le marché assurait la provision des denrées à Paris, Montlhéry était un centre important pour l'approvisionnement en céréales venant de Beauce mais aussi des environs.

Les anciens documents

Le marché de Montlhéry est connu depuis des temps immémoriaux puisqu'à la fin du premier millénaire, la charte de donation faite en 991 par le roi Hugues Capet à Thibaud File-Etoupe (1), son forestier, mentionne déjà son existence « avec toute la justice, domaine, métairie, terres, maisons, bois, vignes, pressoirs, …, ensemble le marché dans la ville de Montlhéry avec le droit d'étalonnage, péage, roage, etc. à charge qu'il relève pour toujours en foi et hommage de l'église Notre-Dame de Paris et de payer comme vassal douze marcs d'argent pur, vérifié et essayé … ».

Le marché était une source de revenus pour le seigneur de Montlhéry qui affermait les divers droits de marché. Le fermier jouissait des droits de plaçage, minage et hallage alors que le droit d'étalonnage était tenu par le prieur de Saint-Pierre-du-Château. Sans oublier le « tonlieu » qui taxait la circulation de marchandises ainsi que l'emplacement du commerçant sur la place du marché. On payait les droits d'entrée (cf. chronique le “péage de Montlhéry”) à toutes les portes de la ville (2).

En 1142, le roi Louis VII, actant comme seigneur éminent, autorise le transfert du marché de Montlhéry à Longpont pendant l'octave de la Vierge « forum quoque de Monte Leherico, quod infra octobas evenerit, apud Longum Pontem sicut & feria tenebitur » (charte III). Tous les droits de tonlieu et de sauvegarde sont également transportés « Dum autem ipsi mercatores in castello nostro erunt, si aliquid vendiderint vel emerint, theloneum nostrum & quod consuetudinarium est habebimus » (2).

Le marché hebdomadaire se tenait le lundi . C'était un grand jour pour la châtellenie : la population des environs se rassemblait dans le bourg pour les achats et les ventes, pour causer affaire en buvant des pintes dans les cabarets alentour. Nous avons vu que les moines des Vaux de Cernay possédaient une taverne sur la place du marché où ils vendaient leur propre production viticole (cf. chronique). Tout comme Chevreuse et Limours, Montlhéry était renommée pour la vente des céréales. Au Moyen Âge le marché se tenait sur la place de la Souche , autrefois appelée place du Vieil Marché . Bien d'autres denrées produites dans les environs étaient proposés à la vente : légumes, fruits, gibiers, poissons, etc. Sur l'actuelle place du Marché, étaient installées plus de 40 petites boutiques où étaient proposés des produits manufacturés.

La halle de Montlhéry

Nous apprenons par divers textes qu'une halle avait été construite sur la place du Marché au cours du XVIIe siècle. On pourrait y voir une construction identique à celle d'Arpajon (sœur jumelle de celle de Milly, construite au XVe siècle, qui fait l'orgueil de la ville), mais en réalité ce fut un bâtiment plus rudimentaire.

Vers 1640, un inventaire fut établi à l'arrivée aux affaires de François de Dinan. On peut lire « ce marché se tenoit anciennement dans le carrefour de la rue des Jardins à présent place de la Souche , et depuis a été transporté, dans un endroit spacieux où il ne manque que la construction d'une hale ». En marge de l'acte, le prévôt royal note « ce qui a été fait par les soins que j'ai pris, et l'autorité de mes avis, ayant fait abastre ces echoppes et fait construire les halles en deux lignes couvertes de las (?) convenable à la grandeur du lieu, au lieu d'un tas de petites eschoppes couvertes de chaume qui en blessoient la veue …». Puis, la tenue du marché est confirmée tous les lundis « qui sont également les jours de plaidoirie solennelle ». Le document mentionne également « le nouveau marché a fait disparaistre, par sa construction 48 à 50 boutiques ».

Ce document, d'une grande importance pour ce qui nous préoccupe, contient : - une partie plus lyrique « ce qu'il y a de particulier dans ce marché, c'est qu'il y a dans cette place un endroit d'où un merveilleux écho reçoit et renvoye avec une fidélité extraordinaire, toutes les paroles qui luy sont portées, et le fait servir le soir au divertissement de la vie après en avoir fourni le matin toutes les nécessités ». - et bien évidemment sa part juridique « la place du vieil marché appelée la Souche ».

Dans la complexité juridique de l'Ancien régime, le marché de Montlhéry comprend plusieurs fiefs avec les bénéficesattachés: - fief des marchands, en la place du marché, consistant en cinq sols de cens qui fut à Noel Marchand prévost des marchands; - fief Courtillier qui fut à Jean Courtillier bourgeois de Paris consistant en 35 sols de cens qui se percevoient devant le puits du marché.

Mais, c'est l'inventaire du 17 septembre 1764 qui précise l'état de la halle du marché de Montlhéry. L'estimation du domaine de Montlhéry avait été dressée à la demande de Philippe de Noailles, duc de Mouchy, le nouveau propriétaire de Montlhéry. Voici ce que nous lisons : «Marché public trois halles construites en charpente sur poteaux soutenus par des dés de grès et couverte de thuile en comble droit à deux égouts formant pignon par les bouts recouvert de plastre par dehors chacune desdites halles de douze travées de longueur et de dix à douze pieds de milieu en milieu sur dix pieds de large hors œuvre élevées d'environ six pieds réduits sous l'égout et distantes d'environ neuf pieds entre chacunes d'elles. Nous avons trouvé que la charpente desdites halles est assez faible nottamment les poteaux, que le recouvrement en plastre des pignons est dégradé parties de plastre détachées en plusieurs endroits, que les sablières sous les égouts sont pliés et baissées en plusieurs endroits… ».

En 1771, l'échange du comté de Montlhéry contre 492 arpents de bois dans la forêt de Senonches est envisagé entre le roi et le Comte de Noailles. Le projet d'échange mentionne «… et une partie de la ville les halles qui sont sur la place du marché, le bâtiment qui sert d'auditoire, et de prison appelée la geôle , la justice haute moyenne & basse dans l'étendue de la châtellenie, le droit de péage qui se perçoit à Montlhéry ».

L'année suivante, une évaluation des bâtiments du domaine de Montlhéry est faite. Le commissaire écrit : « consistoient dans les mazures de l'ancien château et tour, les murs fortifications et fossés de la ville, l'auditoire et les prisons, les halles qui sont sur la place du marché … ». Le procès-verbal dressé sur les lieux par Dumas, maçon expert, termine en estimant les réparations à y faire « pour les [bâtiments] mettre en bon état à 1.241 livres et celles à faire aux halles trouvées en assez bon état, l'entretien annuel des halles à de 182 livres et de l'auditoire et prison à 180 livres par chaque année ».

Les seigneurs engagistes

Revenons au XVIe siècle quand le comté de Montlhéry passa plusieurs fois dans les mains des seigneurs engagistes installés depuis 1529 (3). Chaque contrat d'engagement mentionne les droits seigneuriaux afférents au marché. Dans celui passé par Claude de Clermont le 1er mars 1543, le seigneur engagiste possède « la justice haute, moyenne et basse, …minage, mesurage, hallage, foire des Plissons, le poids du Roi, et la ferme du marché du lundi » (4).

Le 3 mars 1547, c'est la vente et adjudication du domaine de Montlhéry à François Olivier, seigneur de Leuville, chancelier de France, à titre d'engagement « de la seigneurie, domaine et revenus de la ville, prévôté & chastellenie royale de Montlhéry, maisons, manoirs, cens, rentes, haute justice, moyenne, basse, lods & ventes, …….moyennant 11.600 livres ». L'acte contient également « la cession de la ferme du marché du lundy et le droit de minage ».

Dès son arrivée sur le trône le 13 février 1575, Henri III vend le domaine royal à François de Balsac pour 6.000 livres avec toujours la clause du droit de rachat. Dans le contrat d'engagement passé le 23 août 1586, il est question de la fameuse foire des Plissons. Le droit de marché exclue « le onzième lundi pour chacun an dudit minage et mesurage dudit marché de Montlhéry adjugé par provision au prieur de prieuré de St-Pierre de Montlhéry et excepté l'hôtel et maison séant devant l'église et prieuré du châtel de Montlhéry avec les terres et vignes qui en dépendent contenant deux arpents possédés par le prieur de ce lieu ». Le fief du prieur fut bien souvent contesté par les seigneurs engagistes. Un registre entier contient « les droits de poids, hallage et de placage le onzième lundy dans le marché de Montlhéry » et procédures faites à ce sujet contre le prieur de Saint-Pierre de Montlhéry. Le 9 mars 1765, un arrêt du Parlement accorde au comte de Noailles la perception du droit de hallage et placage sur le marché du onzième lundi.

En 1613, fut présent «en sa personne haut et puissant seigneur Messire Charles de Balsac, seigneur de Marcoussis & Montlhéry, tant en son nom que comme se portant fort de ses frères & soeurs, tous héritiers par bénéfice d'inventaire de deffunt haut & puissant seigneur Messire François de Balsac leur père, seigneur desdits lieux, lequel en ces noms a fait & constitué son procureur général & spécial pour l'effet qui s'ensuit, Jehan Gourby, le jeune, marchant demeurant à Montlhéry, auquel il a donné plain pouvoir et puissance avec mandement spécial, pour et au nom dudit seigneur constituant recepvoir tous & chacun les droits et revenus appartenant & deppendant du domayne dudit Montlhéry, c'est à savoir, le péage qui est à Lynois, le mesurage tant du marché, des foires dudit lieu et de St Lazare, les menus droits de la foire, le revenu de la garenne autour du chasteau. Plus les cens et rentes lods et ventes deffaulx & amandes dudit Montlhéry, le tabellionnage dudit domayne, revenu de la geolle, et tous autres menus droits deppendants du domayne. Faire les baulx, recevoir les sommes, grains, quittances des gaiges des officiers, payer les réparations de la geolle & auditoire, frais de poursuite des procès, curieux pas de mention de rétribution dudit Gourby ».

En 1622, Montlhéry passe dans les mains d'Armand du Plessis, cardinal de Richelieu, le premier ministre de Louis XIII. L'acte d'engagement mentionne « fut présent illustrissime & révérendissime seigneur Armand cardinal de Richelieu, comte des comtez de Montlhéry, estant de présent audit Montlhéry, lequel vollontairement recongnoit & confesse avoir baillé & délaissé à titre de ferme & loyer, à Maitre Pierre Beauperrin notaire royal héréditaire en la ville prévosté et chatellenie de Montlhéry, ce bail fait aux charges de payer aux [héritiers de]François de Balsac moyennant 4.500 livres ». Dans ce fermage, le notaire Beauperrin est associé au sieur Hargenvilliers, marchand demeurant audit Montlhéry pour « tous les revenus du dymage de Montlhéry consistant tant en péage, mynage, mesurage, & au marché dudit Montlhéry foires, plus le foirage, tabellionnage, cens, rentes, lods et ventes, plus les amendes tant dudit Montlhéry que forest de Séquigny, garennes, etc. » .

Les baux du marché de Montlhéry

Le marché de Montlhéry constituait un fief affermé le plus souvent à un marchand ou un bourgeois de Montlhéry qui percevait les droits seigneuriaux. Ainsi le « petit marché ou placeage loué » est affermé 380 livres à la fin du XVIIe siècle. Les fermiers généraux du domaine sont issus des catégories sociales aisées: notaire, marchand, artisan, notable et même seigneur. Ainsi le 9 avril 1657, Josias de Rouen, seigneur de Courtabeuf, agit en tant que « recepveur du Compté de Montlhéry » et baille pour sept années à Jacques Rangeard, marchand boucher, « le droit de péage qui se prend au bourg de Linois, avec les petits droits du marché de Montlhéry et des quilles ». Parfois le fermier sous-loue une partie de sa ferme comme le concierge des prisons qui baille le droit de plassage du marché en janvier 1693.

Après la prise de possession par le cardinal de Richelieu, le sieur Vincent Hargenvilliers distribue les places du marché le 7 décembre 1624. On peut lire “ recepveur du domayne dudit Montlhéry , lequel confesse avoir baillé par ces présentes, à titre de loyer & prix d'argent, …, à Jacques Rousseau, pottier d'estain demeurant audit lieu preneur, une place de halle assize dans la place du marché de Montlhéry, joingnant & attenant à la halle de Jullien Beauvais, le bail faict moyennant 40 sols de loyer … . Il fait de même avec un mercier pour une place joignant plusieurs aultres de mercier moyennant aussy 40 sols par an ”. Un calcul rapide montre que le revenu annuel de la halle s'élève à plus de 600 livres.

Le jour de la St-Sylvestre 1681, un nouveau bail est signé pour le « plassage, peage, alnage des jours de marché des marchands qui occupent présentement les halles qui sont dans la place du marché audit Montlhéry ».

Le 12 mars 1688, Antoine de Roucy, bourgeois, comme fondé de procuration de Noel Baratier, fermier général des domaines de la généralité de Paris, accorde le bail du minage et mesurage à Antoine de Bacquemont « sur les bleds qui se vendent au marché, moyennant 4.000 livres par an ». L'acte passé devant des notaires au Châtelet, mentionne un problème de troubles et d'empêchement. Nous reprendrons cet aspect d'une manière approfondie dans la suite.

Pendant la période 1697-1709, les revenus du domaine de Montlhéry proviennent de différents fermages dont le petit marché au plaçage 380 livres et les halles 220 livres. Les droits de forage étaient affermés moyennant 300 livres par an (1).

En 1754, un bail à ferme est passé à Paris par Mr Philipeaux, seigneur de Montlhéry à Thomas Pierre Guiler, marchand audit Montlhéry et sa femme « pour 9 années commencées à la Toussaint 1755 des droits de plaçage et poids du Roy, plus les halles du marché, plus le péage dudit Montlhéry, plus les terres et héritages autour de la Tour de Montlhéry consistans en 14 ou 15 arpens moyennant 1.275 livres de fermage ».

La police du marché

La maréchaussée était tenue de saisir et d'arrêter ceux qu'elle trouvait en contravention, de les conduire dans les prisons du lieu où ils avaient donné à jouer et de remettre entre les mains des officiers dudit lieu, avec le procès-verbal de saisie, les chevaux, marchandises et équipages des contrevenants, ainsi que l'argent du jeu. La maréchaussée de service dans les foires devait surveiller aussi les regrattiers car, s'il était permis d'acheter des grains aux marchés pour son usage, il était défendu d'en acheter pour les revendre.

La justice royale de l'Ancien régime était fondée sur la condamnation et la punition. En 1589, la place du marché de Montlhéry fut le lieu d'une triple exécution publique. « Par devant le substitut du procureur du roy, lequel nous a demandé pour trois prisonniers ung nommé Guillaume Dumand, Innocent Morau & Ollivier Hurtault …. du vol par eulx commis sur la personne d'ung home…Concludz pour le roy que lesdits Dumand Hurtault & Morant, accusez pour réparations … soient à estre penduz et estranglez à une potence qui pour ce faire sera mise & plantée en la place du marché dudit Montlhéry pour leurs corps mortz y demeurer penduz l'espasse de vingt quatre heures & après leurs corps mortz estre portez aux fourches patibulaires dudit Montlhéry pour y demeurer penduz, leurs biens estre déclarés acquis et consignés » (5).

Le 29 avril 1663, la sentence prononcée contre Julienne Chicot arrêtée au marché de cette ville pour infraction condamne « la nommée Chicot pour paiement de 36 livres pour la capture et emprisonnement ».

Une sentence du Châtelet, du 8 juillet 1740, défendait aux laboureurs et fermiers de venir acheter des grains sur le carreau des halles et sur les ports de la ville de Paris pour en faire le regrat ; une autre sentence, du 11 août 1741, défendait aux producteurs de vendre leurs grains dans leurs fermes et dans leurs greniers, leur enjoignait de les faire conduire sur les carreaux des halles et marchés et interdisait aux meuniers d'acheter des grains ou farines dans lesdits marchés. La maréchaussée dressait procès-verbal des contraventions et saisissait les blés ainsi que les moyens de transport.

À la fin du XVIIe siècle, le marché de Montlhéry est le théâtre d'évènements qui préfigurent la Révolution française. C'est la crise frumentaire qui, commencée vers 1680, ne cessera jamais complètement au XVIIIe siècle, pour atteindre son point culminant lors des émeutes d'avril 1789. Cette histoire sera relatée dans la prochaine Chronique.

À suivre…

Notes

(1) La charte de 991 donne le surnom de Philoscrite à Thibaud. Certains auteurs ont attribué la filiation de la maison de Montlhéry à la famille Le Riche ; c'est une thèse qui semble invraisemblable. Les armoiries de Montlhéry, avec 4 alérions d'azur, font pencher vers Montmorency dont Thibaud, second fils de Bouchard 1er , serait un rejeton.

(2) J. Marion, Cartulaire du prieuré N.-D. de Longpont de l'Ordre de Cluny (Impr. Perrin & Marinet, Lyon, 1879).

(3) Le domaine de Montlhéry a été engagé par le roi François 1er au profit de François d'Escars, seigneur de la Vauguyon pour le dédommager des terres en Flandres qu'il avait laissées en application du traité de Cambrai (5 août 1529).

(4) Le minage et le hallage sont des droits perçus par le Roi, un seigneur ou une municipalité sur les grains et les autres marchandises vendues dans les foires et les marchés. Suspendu par Turgot en 1775, le minage n'avait pas totalement disparu à la veille de la Révolution. (5) Les potences et fourches patibulaires de Montlhéry étaient installées sur le chantier appelé encore de nos jours « la Justice ». Le Chemin de la Justice suit d'est en ouest la crête de la colline qui domine la vallée. Sous l'Ancien régime, les accusés étaient jugés dans l'ancien auditoire des prisons de la prévôté. Les coupables condamnés à la pendaison devaient traverser la ville, accompagnés de leur bourreau et gravir les pentes de Montlhéry le Haut jusqu'au lieu du supplice. Les cadavres des condamnés se balançaient à la vue de tous pour servir d'exemple.

dagnot/chronique11.04.txt · Dernière modification: 2020/11/11 18:27 de bg