Corpus Essonnien

Histoire et patrimoine du département de l'Essonne

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Alphonsine et les Malte-Brun

Ex libris d'un exemplaire de l'histoire de Marcoussis par V-A Malte-Brun, ayant appartenu à l'arrière-grand-père d'un lecteur.

Avril 2008

J.P. Dagnot

Chronique du vieux Marcoussy

Comme à l'habitude, le but est d'apporter de l'originalité et de ne pas recopier les travaux déjà publiés. Il s'agit de retracer la vie des Malte-Brun et notamment ceux de Marcoussis, ainsi que celle d'une jeune personne ayant vécu avec le géographe.

Conrad Malte-Brun

Plutôt qu'une recopie de données, vous trouverez ci-dessous la vie de ce géographe tiré d'un dictionnaire du 19ème siècle. C'est le père de Conradin et de Victor Adolphe qui ont séjourné à Marcoussis. Le texte se suffit à lui-même pour cette chronique.

Conrad Malte-Brun Portrait de Conrad Malte-Brun

François Conradin Malte-Brun

Fils aîné de Conrad et de Victoire, ce personnage peu connu est considéré comme peintre de genre et a exposé au salon de Paris entre 1834 et 1849. On connaît de lui des portraits de Louis XI et Quentin Durward. Il demeure à Paris rue de l'école de médecine. Contrairement à ce qui se colporte, il n'est pas décédé en 1850 car il n'avait pas encore acheté la propriété de Marcoussis.

Voilier sur la grève par Conradin Malte-Brun

Comme nous le verrons dans une chronique à venir, Marcoussis plait aux peintres qui y viennent ou s'y installent depuis la fin du 18ème siècle. Conradin a certainement dû visiter Joachim Dumax (peintre souvent cité en raison des visites de son ami Corot), qui habitait dans les locaux actuels des établissements Giagnoni matériaux). C'est ainsi qu'il a repéré une maison et un jardin, derrière la propriété de Dumax, dans l'ancien chemin de Montlhéry à Marcoussis (Rue Malte-Brun actuelle).

Il fréquente et reçoit Hyppolyte Forest. Des tableaux de ce peintre de genre sont retrouvés lors de la succession de Conradin.

Maison de Conradin Malte-Brun

A l'époque cette maison est composée au rez-de-chaussée de deux chambres à feu dans l'une d'elles se trouve un four. Au premier étage également une chambre à feu avec grenier au dessus, grange à côté, étable à la suite. Egalement une cave sous une des chambres à feu (qui existe toujours). Un chemin de sable descendant de la colline sépare la maison du jardin.

Conradin s'installe à Marcoussis et fait construire un bâtiment dans le jardin. C'est probablement comme pour les autres peintres de Marcoussis, un atelier de travail. On sait peu de choses sur cet artiste qui décèdera vers 1860 (on cite souvent qu'il est mort âgé de 35 ans, étant l'aîné de la famille ce n'est pas possible). Notons que c'est depuis la maison de Dumax que Corot peint la maison de Conradin.

Il décède à Paris et laisse pour seul héritier son frère Victor Adolphe. De ce fait le géographe recueille la maison dont nous venons de parler.

Victor Adolphe Malte-Brun

Ce qu'en dit le Larousse du 19ème siècle:

Suite au décès de son frère, comme il cite dans son histoire de Marcoussis, “des circonstances particulières m'ont conduit à Marcoussis”. Il est considéré comme résidant à Paris. C'est là qu'il trouve “de douces et salutaires distractions à ses occupations de la ville”. Nous trouvons trace de Victor Adolphe à Marcoussis à partir de 1860.

Deux ans après, le curé de Marcoussis décède. Au cours de sa succession, ses héritiers, étrangers à Marcoussis, se séparent des meubles, et l'on vend un bureau et une armoire ayant appartenu à Monsieur Malte-Brun. Probablement un don de Conradin avant son décès.

Malte-Brun a quitté l'enseignement et s'attelle à l'histoire de Marcoussis. Quelques documents mentionnent des demandes sur ses recherches aux archives de Seine-et-Oise. Notre géographe installe dans sa maison de Marcoussis, un cabinet de travail dans la partie ouest au dessus de la cave. Cette pièce comporte un plan de la vallée de Marcoussis et une bibliothèque. Egalement des tableaux des amis de Conradin: Debled, Forest et Noel.

En 1865, il est nommé chevalier de la Légion d'Honneur, comme secrétaire général de la société de géographie, sous le nom de Maltebruun dit Malte-Brun.

La vie du géographe à Marcoussis est indissociable de celle d'Alphonsine Charpentier. Cette dernière est née en 1850, elle entre à son service et y reste jusqu'à la fin du géographe. Il est son aîné de 34 ans.

En 1867, il publie son histoire de Marcoussis et offre le premier exemplaire à la Comtesse de la Baume Pluvinel. Dans sa dédicace, il la compare à la Comtesse d'Esclignac pour sa charité et ses bienfaits. Un autre exemplaire est offert à la commune. A ce jour ces deux exemplaires doivent faire partie du patrimoine municipal. Le premier exemplaire, vu dans l'ancienne bibliothèque aux Célestins, il y a une dizaine d'années, l'autre exemplaire demandé à l'ouverture de la médiathèque, sans résultat, mais existant du fait de la dédicace montrée sur wikipedia. Récemment une demande a été faite au maire actuel de Marcoussis pour examiner ces ouvrages.

Il fait également don à la bibliothèque scolaire de Marcoussis, d'un exemplaire de la dernière édition de son magnifique ouvrage de la France illustrée. Le conseil municipal, appréciant la valeur du don lui vote à l'unanimité les remerciements les plus chaleureux.

Du point de vue fiscal, il est considéré comme n'habitant pas la commune, mais à ce titre il participe comme horsin à la répartition des impôts.

En 1887, il rédige son testament et nomme Alphonsine, qui le sert avec dévouement, sa légataire universelle et ce à l'exclusion formelle, de tous parents: cousins, cousines, arrière-cousin arrière-cousine à la seule charge de distribuer à quelques amis qu'elle connaît, des livres tableaux ou autres objets en souvenir. Je distrais de ma succession une somme de dix mille francs … consacré à la fondation d'un prix annuel (médaille d'or ou d'argent), au nom de mon père Conrad Malte-Brun ….

Il décède deux ans plus tard, âgé de 72 ans. Pour assurer la succession, Alphonsine est aidée par Charles Debled, artiste peintre, demeurant à Linas. Le testament est appliqué avec en sus deux donations aux municipalités de Marcoussis et Montlhéry: - pour Marcoussis, Melle Charpentier, légataire du géographe Malte-Brun, domiciliée à Marcoussis, a fait don à ladite commune de nombreux ouvrages de géographies et autres, provenant de la bibliothèque ou des oeuvres de Malte-Brun, de notes manuscrites et d'un fac-similé d'une ancienne charte du roi Louis VII concernant l'histoire de Marcoussis. Le conseil appréciant la valeur du don vote ses plus sincères remerciements. - pour Montlhéry, Alphonsine Charpentier a donné à la ville les objets suivants provenant de la succession de V.A. Malte-Brun: 1°) trois volumes reliés dos en marocain rouge que Malte-Brun avait acquis à la vente de la bibliothèque du docteur Payen portant au dos les mots de Montlhéry Linas et contenant de nombreux documents intéressant Montlhéry et les environs. 2°) une brochure de 23 pages, numérotée en chiffres romains, ayant pour titre catalogue des livres composant la bibliothèque de feu Mr le docteur JF Payen et contenant outre un catalogue avec notice sur le Dr Payen signée Jules le Petit. 3°) une brochure de 8 pages avec couverture bleue, ayant pour titre notice extraite des annales de Montlhéry par Al Hxxx (le nom est complété à la main Al Hautefeuille maître de pension). 4°) un manuscrit de 24 feuillets (n°1) ayant pour titre Montlhéry ville et château, comté, prévosté, baillage et châtellenie mouvante du roy à cause de son comté. 5°) un autre manuscrit dans une enveloppe portant ce titre “curieuses remarques sur les environs de Paris de Dulaure par Huard vers 1820 (manuscrit n°2) 10 feuillets. 6°) autre manuscrit (n°3) commençant “incipit vita sancte theobaldi abbati vallium Cernay cistercien contenant 8 feuillets. 7°) autre manuscrit contenant 19 feuillets écrits et une couverture avec titre “histoire du château et des lieux de Montlhéry (fait en 1843 n°4). Dans ce manuscrit se trouvent huit autres pièces. 8°) 66 pièces qui sont des notes renseignements dessins gravures lithographies cartes décalques plans etc …

Il serait intéressant de faire un point des documents existant encore dans ces deux communes. Ceci d'autant plus qu'à Montlhéry, le registre des délibérations de Montlhéry mentionne: le maire informe le conseil qu'il a reçu de Melle Alphonsine Charpentier, rentière à Marcoussis, légataire universelle de Malte-Brun auteur d'une histoire de Montlhéry, pour être conservée dans les archives de la ville, divers manuscrits dont plusieurs sont reliés et forment trois volumes, ainsi que des notes, renseignements, dessins, gravures, lithographies concernant Montlhéry, plus une carte de France, le tout provenant de la succession du géographe. Il explique que la donatrice exécutant la pensée du deffunt a exprimé le voeu que les pièces soient décrites dans un catalogue afin qu'elles ne puissent être distraites.!!!!

Une commission sera nommée pour classer ces pièces: il s'agit de MM Choffaupin, Choisie et Vallet. En 1904, mentionné dans le registre des délibérations de Montlhéry: le maire examine le meuble destiné à enfermer la collection Malte-Brun Debled construit par Nectour sous l'inspiration de Mr Allorge architecte, et est d'avis de remercier les auteurs pour le bon goût et également Mme Debled (Alphonsine), pour l'offre généreuse de sa collection. Ce meuble existe encore au premier étage de l'ancienne prévôté mais malheureusement ne contient pas ce à quoi il était destiné!

On pourrait également, si les documents restants sont considérés sans intérêt, les porter à la maison du patrimoine de Montlhéry (ancienne prévôté) où ils auraient leur place avec la vitrine.

Alphonsine Charpentier

Pour terminer ce récit, revenons à Alphonsine. Cette jeune personne fait partie d'une famille de onze enfants dont sept survivront. Ils habitent tout d'abord au Gué, le père est cerclier. Ils déménagent à l'Etang Neuf à l'époque où V-A Malte-Brun y arrive. Le père est devenu treillageur. Cette famille est d'origine modeste et paie peu d'impôts. De ce fait on ne trouve pas trace d'Alphonsine à l'école de Marcoussis. La situation de cette famille se dégrade au fil du temps et bénéficie alors de l'instruction scolaire gratuite.

Vers 1865, Victor, qui demeure principalement à Paris, adresse un courrier à Alphonsine: il lui dit d'habiller Marie de pied en cape à ses frais pour sa première communion. Marie est une soeur d'Alphonsine.

Dépendant économiquement de la vigne, la famille Charpentier subit les effets de la crise due au phylloxéra et quitte Marcoussis, faute de travail.

L'intimité entre le géographe et la servante demeurera jusqu'au décès de Victor. Elle vend après son décès, à Charles Debled artiste peintre et ancien maire de Linas, la maison de Conradin. Cela permet à notre acheteur de rejoindre physiquement, le quartier des peintres et également Alphonsine… Il est à cette époque l'époux d'Honorée Rontard. Cette dernière décède deux mois plus tard.

Alphonsine épouse cinq mois après, le sieur Charles Eusèbe Debled, âgé de plus de 68 ans, veuf sans enfant. Notons les invités présents: Saintin le maire de Montlhéry, Prou conseiller d'arrondissement, Alfred Dubois maire de Marcoussis. Les parents de la mariée sont plus jeunes que l'époux! Relevons également qu'elle demeure déjà à Linas et que la propriété des époux n'est autre que la partie orientale de la halte garderie actuelle avec le jardin de la Fontaine jusqu'à la Sallemouille. L'habitat est composé: - d'une cuisine au premier, salle à manger à la suite, salon à la suite. Deux autres chambres à la suite. - au rez-de-chaussée, vestibule, chambre avec vue sur jardin, autre petite chambre avec vue sur la rue, atelier ouvrant sur le jardin avec une fenêtre donnant sur la ruelle. Ces informations extraites d'un inventaire mentionnent aussi le jardin jusqu'à la Sallemouille, une cave et une buanderie.

Elle apporte ses habits 6.000 frs et 3.500 frs de rente. Lui apporte la moitié de ses biens et l'usufruit du tout ce qui représente pour l'enregistrement 100.000 frs. Le contrat de mariage est fait sous le régime de la séparation des biens.

Deux ans passent, la persuasion aidant, elle obtient de son conjoint la rédaction d'un testament déclarant que ce dernier lui lègue tout ce qu'il possédera le jour de son décès, tels que biens meubles et immeubles, sans être tenu de faire un inventaire. Il entend également qu'elle puisse percevoir tout remboursement sans le concours de ses héritiers. Elle vit avec l'artiste jusqu'en 1905. Son train de vie s'inscrit avec les notables. Charles étant malade, Alphonsine essaie de faire vendre un immeuble à Paris, sans résultat faute d'adjudicataire. Par contre, la maison de Marcoussis est vendue à sa soeur “la fameuse Marie habillée par Malte-Brun” et son époux Joseph Rongier.

Les deux successions sont à chaque fois avalisées par les tribunaux civils, de Rambouillet la première fois, et de Corbeil la seconde. Les testaments excluent les héritiers possibles. La voici à l'abri du besoin pour finir ses vieux jours. Elle décèdera en mai 1917.

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