Corpus Essonnien

Histoire et patrimoine du département de l'Essonne

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Le cellier des moines à Bruyères-le-Châtel

Extrait de « l'Archevêché de Paris divisé en ses trois archidiaconez et en ses deux archiprêtrez et sept doyennez ruraux » par Jean Besson, géographe (1706).

Mars 2008

C. Julien

Chronique du vieux Marcoussy

Cette chronique rassemble les nombreuses chartes de l'abbaye des Vaux de Cernay (1) relatives à Bruyères-le-Châtel (cant. Arpajon, arr. Palaiseau, Essonne) où le monastère avait son vignoble. De nos jours, on trouve encore à Bruyères, les toponymes qui renseignent sur l'existence de ce village en tant que “pays de vignes” : rue des Moines Blancs, chemin des Vignes, chemin du Clos, butte du Prieur, allée de la vigne Dieu.

Les documents anciens

C'est encore une fois le Cartulaire de N.-D. de Longpont qui fournit les noms des chevaliers ou seigneurs de Bruyères (dominus Brueriis) qui firent de nombreuses libéralités au couvent. Un certain Thomas de Bruyères et son frère Hugues sont contemporains de Guy Troussel quand, faisant la paix avec le roi Louis VI le Gros, il lui confie Montlhéry et Longpont (charte XLII).

On retrouve les premiers seigneurs de Bruyères-le-Châtel lors des cérémonies de Longpont. Thomas 1er assiste ses neveux Pierre et Roger, les fils d'Agnès, Milon Partitus et sa femme Ricolde, quand ceux-ci donnent leur terre de Bruyères au couvent de Longpont. Vers 1100, Pierre « filius Agnetis de Brueriis» et son fils Rainald cèdent toutes leurs dîmes de Marolles «omnem decimam quam habebat in alodio predictorum monachorum, quod est apud Merrolas» (charte CCXLII). Puis avec le témoignage de son oncle Hugues, Pierre confirme le legs du fief allodial de Marolles fait par sa mère (charte CCXLIV). En 1112, Thomas est présent lors de la signature du pacte entre Eudes de Ver et les moines de Longpont dont l'objet est la charrue d'Orangis.

Membres de la puissante familia de Mons Lethericus & Rupes Fortis ces seigneurs étaient feudataires des sires de Montlhéry et possédaient des fiefs avec les devoirs auxquels ils étaient tenus. Ils sont appelés Milites de Fisco Montis Letherici. Cent ans plus tard, Thomas de Brueres apparaît dans la liste des chevaliers, hommes liges de Philippe Auguste qui assurent le guet au château de Montlhéry.

Après 1118, Montlhéry tomba dans le domaine royal et les petits féodaux du Hurepoix se tournèrent vers les nouvelles puissances du Hurepoix, les Montfort et les Garlande. Avec la fondation de l'abbaye cistercienne des Vaux de Cernay, les donations reprirent de plus belle pour constituer le temporel de ce couvent.

Carte topographique de la seigneurie des Vaux de Cernay, copie d'un plan de 1785 exécuté en l'an XI. ADY.

Dans son Histoire du Diocèse de Paris, l'abbé Lebeuf n'évoque que timidement la présence des moines de Cernay à “ Brocaria ” comme suit : • Thomas IV (m. 1351) donna aux moines des Vaux de Cernay le fief dit des Moines Blancs, • dans Gallia Christiana, un fragment de titre fait mention d'un cellier que l'abbaye des Vaux de Cernay avoit à Bruyères en 1226. Serait-ce la même chose que la seigneurie de Verville qu'elle possédoit encore en 1580 ?

Le vignoble monastique

Le dictionnaire topographique de Merlet renseigne sur toutes les terres appartenant à l'abbaye des Vaux de Cernay dans la seigneurie de Bruyères-le-Châtel, notamment : terroir de vignes de Bachelfons (Bacheau-Fontaine), vigne de Bernon, chantier de Buisson, vinea de Judeo, vigne de Lavalcèle, Plesseium-juxta-Bruerias, vigne du Preux, Repenti ( Arpenty ), lieu de la Rué , vigne Tramier, Viler-juxta-Bruerias, pressoragium de Villariis, pressoragium vinea de Buhot, etc.

Dans son diplôme de 1226, Amaury VI de Montfort concède «in puram & perpetuam elemosinam» les droits d'usage dans la forêt d'Yveline «foresta Aquiline» pour l'abbaye et ses dépendances dont le «cellarii de Brueriis» ; il accorde le bois mort pour le chauffage, le droit de glandée et le bois pour la construction excepté les échalas «vivum scilicet nemus ad edificia et ad usus necessarios, eceptis eschalaciis» (charte CCLXVIII).

Au cours des XIIe et XIIIe siècles, les moines reçurent de nombreuses libéralités nobles qui leur permirent de constituer un cellier dans le vignoir de Bruyères-le-Châtel « vinea de Brueræ » ou «vineam de Brueriis» (au XIIIe s.) ou «vinearum apud Bruerias» (2). Ce vignoble produit exclusivement du vin blanc destiné à l'office et à la consommation quotidienne de l'abbaye. Le vin blanc du sud parisien est issu des cépages nobles de chardonnay, de pinot blanc et de meunier. La vallée de l'Orge présente des caractéristiques physiques et climatiques qui ont facilité l'implantation de la vigne.

Accord entre l'abbaye des Vaux-de-Cernay et l'abbaye de Bourgueil pour l'exploitation des vignes à Bruyères-le Châtel (1194)

À Bruyères-le-Châtel, le coteau dont le sol constitué de gravelle aérée, est propice à la viticulture avec un ensoleillement maximum sur la rive gauche de la Remarde et de l'Orge exposée au sud. D'ailleurs, le toponyme du village Bruyères de Brocaria vient du latin broccus, une proéminence qui domine la vallée où la Remarde rejoint l'Orge.

Le vignoir de l'abbaye des Vaux de Cernay

Au cours des premiers siècles les libéralités faites aux moines des Vaux de Cernay ont été assez nombreuses pour constituer un établissement viticole de première importance à Bruyères-le-Châtel. Ce sont des donations nobles constituées d'une part de terres et d'autre part des droits féodaux associés : cens, champart, dîme, droit de pressoir, etc. Si la production est le fruit de l'exploitation du «domaine seigneurial» et des «tenures vigneronnes», le pressoir banal est un instrument efficace de pouvoir de l'abbaye (3).

En 1156, Gui de Bruyères lègue une maison avec une chapelle et tout son terrain aux moines des Vaux qui lui verse une somme de 40 sols ; sa femme Incga et son fils Pierre donnent leur consentement ainsi que Henri de Bruyères dont la maison est dans son fief et Bernard, l'archidiacre de Paris qui accepte le transport de l'autel à l'abbaye des Vaux. Nanter et Radulf d'Ollainville sont témoins de cette transaction (charte XII). C'est l'hôtel nommé «les Moines-Blancs» qui, au Moyen Âge est le centre du cellier des Vaux de Cernay «celarii de Brueriis» (4).

En 1156-1157, le diplôme de l'évêque de Paris, Théobald, confirme les biens reçus par l'abbaye des Vaux de Cernay. Gui Parvus, fils de Thomas, avait donné un terrain pour construire une maison à Bruyères-le-Châtel ; son père Thomas avait concédé une vigne contenant un arpent et demi. Puis, Thomas de Bruyères donna 2 deniers de cens sur le pré du prêtre Hubert. Le même Hubert donna un terrain et une maison située à Bruyères avec l'approbation du roi Louis et du seigneur Thomas qui détenaient les droits féodaux. Rodolphe d'Ollainville donna un muid de vin à prendre chaque année. Guillaume de Grand-Champ avait abandonné la garde des vignes de Béchau-Fontaine à Bruyères-le-Châtel «Radulphus de Grandi Campo custodiam vinearum de Barchelfonte remisit in perpetuum» (charte XIII).

Vers 1162, plusieurs seigneurs firent des libéralités aux moines des Vaux de Cernay. Reginald d'Ollainville concéda 4 deniers de la vigne Rogi. Thomas de Bruyères et son fils Gui cédèrent le pourpris de Cruce et le pré du prêtre Hubert chargé de 2 deniers de cens (charte XXIV). A la même époque les moines reçurent un muid de vin d'Eudes Durdos de Chastres et un autre de Payen d'Aulnay.

Une convention fut passée en 1192 entre l'abbaye de Bourgueil représentée par l'abbé Hilaire, le prieur Ferry et l'aumônier Guillaume d'une part, et l'abbaye des Vaux de Cernay représentée par l'abbé Gui, le prieur Jean et le sous-prieur André pour la gestion de neuf arpents de vigne à Saint-Rémy-lès-Chevreuse et à Bruyères. Les vignes avaient été données par Barthélemy de Chevreuse quand celui-ci prit les habits monastiques. L'accord stipule que la vendange sera partagée en deux parts, ainsi que le vin obtenu pour être gardé dans le cellier de Bruyères «in cellario suo Brueriis» (charte XCVII).

Cette même année, un accord est passé qui éteint la controverse entre le prieuré de Bruyères, dépendance de l'abbaye Saint-Florent de Saumur, et l'abbaye des Vaux de Cernay pour les dîmes de vins à Bruyères. «cum controversia diutius verteretur inter abbatiam Sancti Florenti et fratres de Sarnaio super quibusdam decimis, que in parrochia de Brueriis continebantur». Il s'agit d'un costeret de vin de dîme rendu aux moines du prieuré Saint-Didier de Bruyères, non pas de pressoir, mais à prendre sur la récolte «quod vinum non de torculari, sed ad cubam accipietur». La dîme de céréale est perçue à raison d'une demi mine d'annone sur chaque arpent cultivé, moitié en blé méteil, moitié en avoine, sur les terres possédées par les frères des Vaux «pro unoquoque arpenno bladato dimidiam minam annone, mediam partem de mexteil et mrdiam partem avene» (charte XCVIII).

Deux ans plus tard, un pacte similaire fut établi une nouvelle fois entre les deux couvents. On apprend que la vigne de Bruyères cédée par Barthélemy de Chevreuse avait une surface considérable «vinearum apud Bruerias, de acquisitione Bartholomei de Cabrosia, scilicet vii arpennos et dimidium». Cette vigne était chargée de 3 sols 5 deniers de cens payable chaque année à la saint Rémy. Parmi les témoins du côté des Vaux, on trouve l'abbé Gui, le prieur Jean, le chantre Roger et le sommelier Simon (charte C).

En 1201 Thomas de Bruyères fait une donation à la chapelle Saint-Thomas du Plessis en la paroisse de Bruyères-le-Châtel dont la présentation appartient à l'église Notre-Dame de Paris.

En 1206, le seigneur Simon de Neaulfe préside à la vente d'une terre de 6 arpents dans la plaine de Bruyères faite par Hugues, fils de Reanaud de Plesiz aux moines des Vaux de Cernay avec l'approbation des frères du vendeur, Philippe et le prêtre Geoffroy, qui détenaient les droits de censives. Leur suzerain Philippe Furrer approuve également cette vente en délaissant ses droits féodaux (charte CXXXVIII).

Le plein essor du cellier de Bruyères

Bien que le vignoble de Bruyères ait atteint son expansion maximale, les donations redoublent au temps du seigneur Thomas III, dit Pons 1er , qui avait été couvert d'honneur et de gloire au cours de la croisade contre les Albigeois (1210). Compagnon de Simon de Montfort, celui-ci lui avait attribué plusieurs seigneuries languedociennes autour de la ville de Chalabre. Partageant ses richesses avec les moines des Vaux de Cernay, il suscita un nouvel élan de libéralités.

En décembre 1223, Jean Fillon de Bruyères donne en toute propriété aux moines des Vaux de Cernay la vigne de Béchau-Fontaine (charte CCXLII).

En août 1225, le chevalier Jean de Soisay, Alix sa femme et Jean leur fils aîné cèdent plusieurs bien-fonds apud Bruerias dans la censive de Jean, afin d'intercéder la grâce divine. Les moines reçoivent une terre d'un arpent et demi chargée de 30 deniers et obole, un pré d'un demi arpent pour 2 deniers, le pré de Beler pour 3 deniers et obole, la vigne du Tertre pour 15 deniers et obole. De plus, le donateur se défait pour toujours ce qu'il avait promis de donner, à savoir le pré d'un arpent dont le revenu annuel est de 15 sols (charte CCLIX). Nous avons vu qu'en 1192 Barthélemy de Chevreuse avait donné à l'abbaye de Bourgueil neuf arpents de vigne à Bruyères-le-Châtel (5). Ce même Barthélemy vivait encore en 1208 : c'est de lui, sans aucun doute, que Jean de Soisay tenait les droits de censives qu'il donne ici à l'abbaye des Vaux.

En avril 1226, Gosselin de Lèves agit en tant que seigneur justicier pour effacer le contentieux entre les moines des Vaux et le chevalier Gautier de Bruyères au sujet de 6 deniers de cens que le nommé Gautier détenait sur la maison libérée par Pierre Brione et précédemment occupée par le défunt Rodolphe Gaubert. En présence de Gosselin de Lèves, son fils Thomas et sa femme Marguerite de Bruyères, la transaction est faite de la manière suivante : Gautier et sa femme Héloïse concède le cens aux moines et reçoivent une soulte de 30 sols de la part du couvent (charte CCLXIII).

Etabli en mai 1226, le diplôme du comte Amaury VI de Montfort accorde l'usage de la forêt d'Yveline à l'abbaye des Vaux de Cernay «et cellarii de Brueriis, in dicta foresta Aquiline usagium suum» (charte CCXVIII).

En septembre 1229, Hugues de Verville, écuyer, donne, sur la moitié d'une vigne au terroir de Vilers jouxtant Bruyères, la moitié de son droit féodal qui consiste en un denier de cens payé à la saint Remy. Cette vigne avait été donnée par feu Renard de Sarmeses. La redevance correspond au quart du cens perçu sur la vigne, l'autre quart est dans les mains du chevalier Symon de Cernay (charte CCCII).

En 1232, le chevalier Pierre Mallart donne un arpent de vigne situé dans son fief de Mont-Rouge à Bruyères-le-Châtel. Cette vigne était dans le patrimoine de sa femme Ameline. Il concède également toute la justice, le droit de guerre et le droit de pressoir (charte CCCXXIX).

En 1234, le seigneur Thomas de Bruyères (Pons 1er) et sa femme Agnès font des libéralités à l'abbaye des Vaux de Cernay. Il s'agit de : • 2 prés dont celui de Jean, appelé le pré de la Trameriole, • le pressoir à vin de Buhot, • le pressoir à vin du ru de Hervi, • le pressoir à vin de Villers qui appartient à Renard de Sarmeses, • le cens sur plusieurs maisons dont celle de Mathieu Pailevilain, de Robert de St-Maurice, de Gebert de Corbole, de Pierre Brione.

De plus Agnès [de Melun] donne une terre proche du clos des moines à Bruyères contre un muid de blé que les moines possèdent au moulin de La Faleise (charte CCCL). On comprend bien à la lecture de cette charte l'importance du cellier de Bruyères qui ne possédait pas moins de 4 pressoirs à vin.

La même année, le seigneur Thomas de Bruyères approuve les libéralités faites à l'abbaye des Vaux de Cernay par Pierre d'Ollainville et sa femme Lucienne et il cède ses droits féodaux. Ce sont toutes les dîmes de vin dans le clos de Soflet, la vigne du Pressoir, la vigne d'Ollainville, celle de Bernon, celle de Tramier et celle de Lavalcele (charte CCCLI).

En 1238, Thomas de Bruyères “ dominus Brueriacum ” cède les droits féodaux de nombreux biens dont les moines des Vaux entrerons en possession au décès des tenanciers : la vigne de Jean Fillon, la vigne de maître Michel, le pré donné par Jean de Soisay, un arpent et demi de terre à Buison donné par Roger, l'arpent et demi situé à Boscum et le pressoir de Villaris (Charte CCCLXXXIX).

Le 7 septembre 1245, devant le prêtre de Longjumeau, l'écuyer Guillerme de Ballainvilliers cède au couvent des Vaux tous ses droits de censives sur trois quartiers de vigne à Bruyères dont le principal avait été donné autrefois par le maître Michel de Bruyères pour fonder un obit, de 13 quartiers de vigne. Guillerme vend les dîmes et droits de censives moyennant 75 sols parisis avec l'approbation de sa femme Aline (charte CCCCXLII). Le même mois, Guillerme de Ballainvilliers et Aline déposent officiellement leurs droits de censives dans les mains des moines des Vaux en présence du curé de Longjumeau.

En juin 1249, Pierre, fils de feu Jean dit Foullet accepte de donner aux moines des Vaux sa vigne sur le terroir de Bechau-Fontayne dans la censive de Bruyères contiguë à la vigne du couvreur Didier, toutefois Pierre retient l'usufruit de ce bien.

En 1304, le seigneur de Thomas de Bruyères, chevalier, cède les droits de censives sur plusieurs biens. Premièrement, une masure avec son terrain situé à Bruyères-le-Châtel, tenant d'un côté à la maison des moines et d'autres à celle de Pierre de Porte. Les moines possèdent ce bien en mainmorte (6). La masure appartenait à Girard de Ferté que sa fille Aveline et son gendre Jean Litout ont échangé avec les religieux contre un champ chargé de 12 deniers dans la censive de la seigneurie de Bruyères payable à la Toussaint. Item, les religieux obtiennent en mainmorte un terrain contigu à la masure de Pierre de Porte, un terrain appartenant à Jean dit Gonais, un terrain que les religieux ont acquis d'Eugène de St Evrard et sa femme, chargé de 6 deniers de cens payable à la Toussaint au seigneur de Bruyères (charte MXIII).

Le 7 septembre 1307, un acte de donation est passé devant Thomas Borchepois, le prévôt de Montlhéry, par Richart de Samouri et Agnès « sa fame, demouranz à Montlehery considéranz et regardanz, pour le salut de leurs ames, que les [prières] des religieuses et bonnes personnes de ce siècle sont et administrent à l'ame la voie du ciel » au profit de l'abbaye des Vaux de Cernay. Le legs comprend une vigne de deux arpents « qu'il avoient, si comme il disoient, assis entre Chastres et Dolainville » (charte MXX).

Le 12 février 1356, un concordat est signé entre Thomas, sire de Bruières-le-Chastel et l'abbé et couvent des Vaulx de Sarnay ayant pour cause le ban des vendanges dans la vigne du Preux à Bruyères-le-Châtel qui n'a pas été respecté par les moines. «que nul, de quelle condiction que il fust, ne povoit ne se devoit vendengier vingnes aucunes, ésdiz terrouers et chantiers de Bruières ou de environ, sanz le congié de nous ou de nos gens pour nous». Pour ne pas perdre la face, Thomas accepte la conciliation sous la forme d'un obit pour son frère Jean «pour le remède de nostre très chier frère feu Jehan de Bruières, qui gist et repose en ladicte église». Les religieux sont autorisés à vendanger en dehors du ban «cuellir, vendengier et lever pour le temps avenir, toutes foys que il leur plera, les fruits croissans en ladicte vingne du Preux». De plus Thomas leur cède le droit de pâturage sur les communaux de Bruyères. Cet acte a été établi au «Pleseis de Bruières» (charte MLXII).

Le cellier de Bruyères en 1511

La déclaration de l'abbé des Vaux de Cernay à la Chambre des Comptes en 1511 fait état des «Héritages en la chastellenie de Bruyères-le-Chastel».

L'abbaye des Vaux de Cernay possède: Un hostel et manoir, chappelle, granche, estable, court et jardin, et le lieu, ainsi qu'il se poursuit et comporte, clos à murs, de présent nommé les Moines-Blancs, assis dedans le village de Bruyères-le-Chastel ; et avec ce, toutes les dixmes venans et croissans audict manoir, et semblablement és vignes et autres terres ci après déclarées; Item une pièce de terre, conteant trois arpens ou environs, close de vieils murs, nommée le clos aux Moines-Blancs; Item une pièce de terre, assise au Champs-Cordeau, contenant trois arpents et un quartier; Item un arpent trois quartiers et demy de terre, assis au terroir de Dolainville; Item une pièce de pré, contenant trois arpens, assise près du moulin de Tournoye; Item une autre pièce de pré, contenant trois arpens, assise en la prairie de Bruyères, au dessous du moulin de Trumerolles; Item sept quartiers de vignes, assis au chantier du Perreux.

La fin du cellier de Bruyères

Finalement, en 1575, le fief et seigneurie des Moines-Blancs, situé en la paroisse de Bruyères-le-Châtel, fut vendu, en 1575, par Mathurin Vincent, sous le même prétexte de taxe et subvention, à Pierre de Freton, conseiller du Roy et trésorier des épargnes, pour la somme de 1.725 livres, à charge de tenir ledit fief en foy et hommage de l'abbaye des Vaux de Cernay.

En fait, il faut voir ici le déclin de l'abbaye survenant dès le commencement des guerres de religion (1562) et accéléré par la mise en commende.

Notes

(1) Fondée vers 1118 par Simon de Neauphle qui y appela des moines de Savigny, près d'Avranches, l'abbaye passa aux cisterciens en 1147. Comblée de dons par tous les seigneurs des environs, elle fut à son apogée au milieu du XIIIe siècle, mais tomba en ruines après les guerres de religion. Saint Thibaud de Marly (+1247) est l'abbé et le moine le plus connu de cette maison. Restaurée au XVIIe siècle, l'abbaye et ses dépendances furent vendues comme biens nationaux à la Révolution. La famille Rothschild racheta le domaine et y effectua d'importants travaux. Il reste les ruines de l'église (fin du XIIe s.), d'un grand bâtiment à étage, d'une chapelle.

(2) On dit que le vignoble de l'Île-de-France a connu son apogée au XVIIIe siècle avec une surface plantée de 42.000 hectares.

(3) Au Moyen Âge, toutes les abbayes parisiennes possèdent leur vignoble. Le foyer central du vignoble d'Île-de-France est l'abbaye de Saint-Denis avec son cru d'Argenteuil. Le prieuré de Saint-Martin-des-Champs est installé à Pringy, l'abbaye Saint-Victor à Fontenay-sous-Bois, Orgenoy et Boissise, le prieuré de Longpont à La Ville-du -Bois et à Milly, les chanoines de Notre-Dame de Paris produisent du vin à St-Fargeau. L'abbaye St-Germain-des-Prés possédait des plants sur 1.062 hectares dont la célèbre vigne de Suresnes et Epinay-sur-Orge.

(4) Le fief des «Moines blancs» a appartenu jusqu'au XVIe siècle à l'abbaye des Vaux de Cernay et a fait place, au XVIIIe siècle, au château dit de Morionville ou Moreauville. Les familles d'Assy et de Ferrièrres sont celles des propriétaires successifs du château de Morionville, jusqu'en 1945.

(5) La présence de croix est très fréquente dans les campagnes, le long des chemins et tout particulièrement aux abords des vignobles. Dans les communautés villageoises, on allait planter de petites croix dans les terres et les prés pour les Rogations afin d'appeler les faveurs du Divin sur les récoltes.

(6) Les biens de mainmorte étaient les biens possédés par des congrégations ou des hôpitaux : leur possesseur ayant une existence indéfinie, ils échappent aux règles des mutations par décès. En compensation, ils doivent régler les droits d'amortissement pour le roi, l'indemnité seigneuriale, le droit d'homme vivant et mourant et le droit de nouvel acquêt. Pour éviter la prolifération des biens de mainmorte, donc une diminution des droits de succession, de nombreuses ordonnances royales précisent que la création de telles communautés, et l'acquisition par elles de biens ne peuvent se faire qu'après enquête et approbation du roi, en 1749 pour tout le royaume.

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