Corpus Essonnien

Histoire et patrimoine du département de l'Essonne

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Les premiers seigneurs de Marcoussis

Avril 2008

C. Julien

JP. Dagnot

Chronique du vieux Marcoussy

Cette Chronique donne un aspect inédit de l'histoire de Marcoussis concernant les premiers détenteurs de fiefs ou premiers seigneurs. Ce texte couvre la période qui débute au XIe siècle et s'arrête en 1386 quand le roi Charles VI confisque le domaine de Marcoussis pour l'échanger à son secrétaire, l'évêque d'Auxerre Ferry Cassinel.

La famille Le Riche

Sous les derniers Carolingiens, les ducs des Francs ont alors besoin de barons, de comtes, d'hommes sur lesquels ils peuvent s'appuyer pour faire face aux transformations politiques qu'ils envisagent dans le royaume. Ces barons sont choisis dans les grandes familles franques aisées, comme la famille des Le Riche de Paris « Divitis Parisiacæ civitatis ». Auguste Longon identifie Ansold ou Ansoud 1er le Riche, issu des seigneurs de Sceaux-en-Gâtinais, comme familier d'Hugues le Grand dont il épousa vers 956 la concubine nommée Raingarde. En tant qu'alliés des Capétiens, les Le Riche obtiennent la charge de prévôt héréditaire de Paris qu'ils conservèrent jusqu'au début du XIIe siècle. Ils furent souvent titrés comtes ou vicomtes de Paris (1).

Les chartes des prieurés clunisiens de Longpont et de Saint-Martin-des-Champs nous renseignent sur les membres de la famille Le Riche, propriétaires de terres et fiefs dans le sud parisien (2). Dans un acte établi à Orléans en 1006, le roi Robert confirme les libéralités faites à l'église Saint-Denis de la Châtre par « quidam nostrorum militum fidelum, nomine Ansoldus et uxor sua Reitridus » (3). Il s'agit du village de Limoges-en-Brie. Cent ans plus tard, en 1122, Gilbert II, évêque de Paris, produit un diplôme de confirmation des libéralités d'Ansoud le Riche et Reitrude, sa femme, à St-Denis de la Châtre provenant de démembrements du fief épiscopal qu'Ansoud tenait à Marcoussis et Nozay (cf. Chronique “les Dîmes de Nozay”) « de episcopali feodo unum videlicet arpennum terre cum omnibus ejusdem arpenni consuetudinibus, apud villam que dicitur Marescalceis, et totam decimam culturarum duarum villarum, quarum villarum altera Marescalceis, altera vocatur Noereiz ».

Cette charte est d'un intérêt considérable pour l'histoire de la famille Le Riche à Marcoussis. Parmi les biens dépendant en fief de l'évêché de Paris, Marcoussis et Nozay se retrouvent dans les mains des Le Riche issus de Lisiard, fils d'Ansoud III. D'ailleurs Joseph Depoin rappelle que leur rattachement au couple Ansoud-Reitrude est démontré « non seulement par l'indice onomastique, relèvement de nom, mais par l'indice héréditaire, transmission des domaines inféodés ». Ansoud Le Riche de Paris fut un des quatre signataires habituels des premiers diplômes émanés du roi Robert II avec les comtes Bouchard de Corbeil, Hugues de Dreux et le vicomte Hugues de Meulan.

En 1064, Urson Le Riche « Ursi Divitis, patris Theudonis » et son fils Teudon sont installés à Etampes et possèdent une terre allodiale (charte CCCXIII). Vers 1100, à Montlhéry-Marcoussis, Lisiard « Lethardus, Lisiardus » est le fils d'Ansoud III le Riche. Ses descendants prirent habituellement son prénom comme surnom patronymique.

Avec les précautions d'usage, on pourrait relier certains chevaliers à la famille Le Riche par l'onomastique et les indices vassaliques du Hurepoix. En 1050, le moulin du Breuil sur l'Orge est dans la mouvance de Guérin de Guillerville. Au XIIe siècle, Thomas de Châtres cède le village de Villiers-sur-Orge à Ansold. Passé dans les mains de son fils Pierre, ce dernier vend, en 1211, les droits sur le moulin du Breuil à l'abbaye de Saint-Germain des Prés. La vente comprend la moitié du moulin, le bief de l'Orge et ses vannages moyennant 150 livres parisis.

Les anciens documents

Au début du XIIe siècle, Pierre Lisiard « Petrus, filius Hugonis Lisiardi » atteste la libéralité d'Osanna de Chouanville qui dépose sur l'autel de Ste-Marie de Longpont le don de l'hostise d'André avec toute la terre attenante « Osanna, filia Hungerii de Cavanvilla, dedit … apud Chavanvillam, unum hospitem, Andeam nomine, cum omnibus tenoriis suis » (charte LXXX). La même année, Garin IV, fils de Lisiard « Garinus, filius Lisiardi » assiste Eudes de Ver quand celui-ci lègue une terre au Perray avec 60 sols de cens (charte CCXII). Puis Hugues, le fils de Lisiard, vient à Longpont pour assister à la cérémonie de la donation d'une hostise du vigneron de Champlan par Guillelme Cochivi (charte CCXXVII). Le même Hugues est encore témoin du don de Milon Partitus de Bruyères et Ricolde, sa femme.

En 1105 à Longpont, Ansoud « Ansoldus, filius Lisiardi » assiste à l'arbitrage donné par Gui Troussel, seigneur de Montlhéry et par d'Etienne, l'archidiacre du Josas, au sujet d'un bornage de terre à Savigny (charte CLXXIV). Familier de la famille de Montlhéry, Ansoud est présent en 1106, lors de la confirmation, par Philippe de Mantes mari d'Elisabeth de Montlhéry, du diplôme de donation du village de Ver reçu par le prieuré Sainte-Marie (charte CXCVII). En 1108, Ansoud est également témoin du testament de Gui Troussel qui est son suzerain. Auparavant, étant décidé d'appliquer les consignes du pape Grégoire, Ansoud avait transféré les dîmes de Nozay « decima que est apud Noorium » au prieuré de Longpont. Puis, pour le salut de son fils Garin, Ansoud donne toute la terre de Villiers-sous-Nozay « Vilers juxta Nooreium », chargé de 12 deniers de cens que tenait Robert de Porte. Il cède également un terrain contigu à l'église pour y construire une grange dîmière (charte CCLXXXIX).

Un des fils cadets de Lisiard, Ansoud « Ansoldus, canonicus sancti Petri de Monte Letherii » prit le froc de chanoine au prieuré Saint-Pierre de Montlhéry (charte XCIII). Vers 1110, son legs au prieuré de Longpont comprenait la terre de Fontenelles, une hostise chargée de deux pains rendus à la nativité du Seigneur, deux chapons, deux setiers de blé et six d'avoine à payer le jour de la Nativité. Les droits attachés à la donation se montaient à 17 deniers de cens payables en quatre termes et la dîme de vin et d'annone. A la même époque, avec le chevalier Hunger de Chouanville, il est témoin de Gui de Linas. Accompagné d'Hugues de Bruyères-le-Châtel et de Robert de Repenti, Etienne, le frère d'Ansoud, assista le prieur Henri quand celui-ci donna deux hôtes à Fontenelles (charte CXII).

Vers 1150, Ansoud Le Riche intervient dans la vente de la moitié de la dîme de Nozay « medietas decime de Nooreio » par Bouchard moyennant 21 livres parisis et 6 livres et demie provinoises. Gui l'Angevin qui detient un fief à La Ville-du -Bois est aussi témoin de l'acte de vente. Bouchard de Chailly est le fils d'Hugues et cousin germain de Milon de Marcoussis.

L'acte de donation d'Adelaïde, nous renseigne sur les membres de la famille Le Riche en 1120. La femme de Manassé lègue un arpent de vigne dans son clos de Sceaux-les-Gâtinais avec l'appropation de son beau-père Guérin. Manassé est le frère de Milon de Montlhéry et d'Ansold ou Anseau, les trois fils de Guérin IV Le Riche « concesserunt Guarinus, pater Manasse, & Milo atque Ansellus, filiii ejus » . On trouve également la signature de Pierre, curé de Marcoussis, l'oncle de Milon « Petro, presbitero de Marcociis » (charte CCXLVII) . Parmi les témoins, on trouve Evrold, le vassal d'Ansold et Herbert le serf de Guérin.

Filiation des premiers seigneurs de Marcoussis

D'après ce qui vient d'être dit, il semble que les premiers seigneurs de Marcoussis reçurent leur terre au Xe siècle, à l'époque où les Robertiens prirent le pouvoir royal. La seigneurie de Marcoussis était dans la mouvance de la châtellenie de Montlhéry qui avait été donnée à Thibaut File-Etoupe, seigneur de Bray. Ce dernier était feudataire de la cathédrale de Paris et était redevable de douze marcs d'argent à chaque nouvel évêque de Paris le jour de son investiture dudit évêché.

Initialement sous la dépendance de la famille dominante de Montlhéry, les seigneurs de Marcoussis deviennent vassaux directs du Roi après 1118 (4). Le prévôt « prepositus regis » détenait le pouvoir de la châtellenie « castellania Montis Letherici » et assurait la garde conjointement avec les chevaliers « miles de fisco Montis Letherici » qui en relevaient. C'est pour cette raison qu'ils devaient deux mois de garde au château en temps de troubles.

Lisiard « Lethardus, Lisiardus » est le neveu de Milon 1er qui a vu ses biens confisqués à Sevran servirent à doter le prieuré Saint-Martin-des-Champs. Milon est cité en 1047 avec son frère Ansoud dans un diplôme du roi Henri 1 er « in presentia …optimatum palatii regis, videlicet … Ansoldi quoque et Milonis fratris ejus ».

Ansoud V, le fils de Lisiard « Ansoldus filius Lisiardi de Parisius » est encore témoin d'une charte de Louis le Gros donnée en 1108 peu avant son avènement. Son frère Guérin IV « Garinius filius Letardi » souscrit un diplôme du même roi pour Saint-Magloire en 1112. Il eut trois fils, Manassé, Milon et Anseau, cités avec leur oncle Pierre, curé de Marcoussis. De Milon, fils d'Ansoud Lisiard, cité en 1146 sont issus les seigneurs de Courtry ; de Milon, fils de Guérin IV, ceux de Marcoussis, vassaux des Courtry au XIIIe siècle.

Milon de Marcoussis, « Milo de Marcolciis » est contemporain du prieur Thibaud de Longpont vers 1154. Lisiard II, se croisant en 1201 « Dominus Lestardus de Marchocies ad visitandum Domini sepulerum iter arripuit », concède au prieuré Saint-Wandrille des droits de pressurage sur des vignes du monastère ; ses frères Pierre et Hervé, « fratres jamdicti Lesiardi » y ajoutèrent le don d'une vigne dite Vinea Letardi . Un autre legs concerne les biens du Val Hérouart donnés en aumône au prieuré « censum et pressoragium duarum vinearum que sunt in valle Héroart ».

En 1150, Milon de Marcoussis approuve la vente de la dîme de Nozay, en tant que seigneur dominant puisque Nozay est dans sa mouvance, alors qu'Ansoud est accompagné par sa nièce Gile et ses petits-neveux « Ansoldus Dives, de Calliaco ; Gila, neptis ejus ; Ansoldus & Gislebertus, filii ipsius Gile ; Remburgis, soror eorum ».

Les fiefs de Marcoussis

Chouanville était un fief important de Marcoussis (cf. Chronique à paraître). La famille de Chouanville a fourni des chevaliers, vassaux de Montlhéry qui devaient la garde du château. Au moment de partir pour la Croisade , Raimbert de Chouanville, donne aux moines de Longpont, un demi arpent de vigne situé à Luisant, mais son frère Pierre chicane ce don et le retient quelque temps ; puis « inspiré par Dieu » il se repentit, accepte le legs et cède un demi boisseau de vin pour absoudre son offense (charte LXIX).

Vers 1100, Pierre, fils de Hugues Lisiard est témoin dans l'église de Longpont de la donation d'Osanna la fille d'Hunger de Chouanville. Pour le salut de son âme et celle de ses ancêtres, cette dame lègue au prieuré une hostise du nommé André « unum hospitem, Andeam nomine » avec toute la tenure et toute la terre qu'elle possédait à Gandramuler (charte LXXX). Le jour de son enterrement, son mari Hugues Bacheler déposa l'acte de donation sur l'autel Ste-Marie en donnant 6 autres arpents pour éteindre la chicane que les parents d'Osanna avaient provoquée.

À la même époque Bertrand entouré de ses oncles Odon et Hugues prend le froc à Longpont et apporte sa dot qui consiste en une hostise à Marcoussis « apud Marcocias, in Burco Medio » et toute la dîme du Chêne-Rond « omnem decimam de Lachieinrem ».

Au début du XIIe siècle, Isembert de Marchociis , sa femme et ses fils Radulf et Herbert donnent aux moines de Longpont, un arpent de vigne dans leur fief en présence du maire Arnoul, du boulanger Ascelin, et des moines Garnier, Bernard, Renier et Baudouin. L' Anastase situe la donation par Isembert au prieuré de Saint-Vandrille en 1201 en le qualifiant de chevalier.

Donation d 'Ysembertus de Marchociis au prieuré Notre-Dame de Longpont. (charte LXVII).

En 1156-1157, le diplôme de confirmation des donations faites à l'abbaye des Vaux de Cernay mentionne que Guérin de Guillerville donne sa vigne qui est située entre les étangs « alium in perpetuum in vinea que sita est inter duas aquas ». Ours, le curé de Marcoussis , lègue une vigne à Luisant d'une contenance d'un arpent que les moines possèderont après son décès « Ursio, clericus, de Marcociis arpentum vinee in Lucente, post obitum suum » et Gui d'Angers donne également une vigne dans son fief de La Ville-du -Bois « Guido Andegavensis, dimidium ibidem ».

Dans la complexité féodale, on trouve que le territoire oriental de la plaine de Marcoussis, sur l'ancien emplacement du prieuré St-Wandrille, l'antique Butio , était devenu le fief de Guillerville. Cette terre fut acquise par un certain Guillaume de Guillerville « Guillelmus de Guillervilla » qui est nommé comme chevalier assurant la garde de Montlhéry sous le roi Louis VIII.

Vers 1105, le moine Théodore de Marcoussis est témoin de la donation d'Ursus, fils d'Herbert qui, pour son salut, cède la terre de l'hostise qui est située entre l'hostise de Frambald et celle de Gérard (charte CCCXVII).

En avril 1216, le chapitre de Linas reçoit une redevance en la « paroisse de Marcocis de sept sextiers de bled à la mesure de Montlhéry ». Le 9 août 1273, en présence du prieur de Saint-Clément de Chastres « prioris de Castris », les chevaliers nommés Geoffroy Tracerel et Adam de Marcoussis « Gaufirdo Tracerel, Adam de Marcoucis, militibus » signent au bas de la charte CCLXXX du cartulaire de Notre-Dame de Paris. C'est Philipa, veuve du comte Pierre de Beaumont qui donne à l'évêque de Paris le fief parisien appelé terre de Térouane « terra Morinensis Parisius ». Vers 1276, un acensement est consenti par Jehan “ chevalier & sire de Bruières ”, au profit de Jean Roussel, du fief qu'il tenait de Jehan de Marcoucis, escuier, et d'un arrière-fief en la ville de Chastres.

Les Préaux

La famille de Préaux apparaît à Marcoussis à la fin du XIIIe siècle. Selon le scribe notarial on peut lire indifféremment : Préaus, Préaux, Préaulx, Prayaulx et même Despréaulx. Nous opterons pour Préaux pour suivre l'exemple de Malte-Brun. Etablie en Touraine, c'était une ancienne famille normande dont un des chevaliers, Guillaume de Préaulx avait été remarqué par Philippe Auguste à cause de sa bravoure à la bataille de Bouvines (1214). Les Préaux s'installèrent à Marcoussis pendant moins d'un siècle ; on trouve Pierre l'aîné, marié à Yolande de La Marche , puis leur fils Pierre le jeune et enfin le fils cadet Guillaume de Préaux. Les de La Marche ne sont pas des inconnus à Montlhéry puisqu'en 1270 Gautier de La Marche et son fils Ascio détiennent une terre à Buison dans le fief de Pierre d'Aulnay.

Vers 1284-85, Pierre de Préaux et sa femme sont nommés pour avoir acquis différents biens du chapitre de Linas « à tous ceux qui par ces présentes verront & oirons Pierre de Préaus, chevalier, sire de Marcoucis & de Breuillet & Yolande sa femme, salut »…

Ce couple a quatre enfants Renaud, Drouet, Pierre et Guillaume. Au décès des parents, l'aîné Renaud est déclaré fol enfan. Son frère puiné Drouet également fol enfan.

En 1312, devant Jehan Plorebaut, garde de la prévôté de Paris, “Pierre de Préaux, clerc, fils de feu Pierre de Préaux jadis chevalier et de feu dame Yolent de La Marche, sa femme, fait la donation à son frère Guillaume de Préaux de l'héritage de leur mère qui comprend le manoir de Marcoussis”, … lequel manoir devant dit et toutes les terres, vignes, bois, cens, rentes … en droit que il auroit tenoit et possedoit de son propre héritage a lui venu et eschu de ladite dame Yolent sa mère ». Du fait des “fol enfan”, et selon la Coutume de Paris, le droit d'aînesse attribué à Renaud, puis transporté sur Drouet, échoit à Pierre qui renonce « à toutes les choses qui lui appartiennent ». Le legs est reçu comme la dot du mariage de son frère Guillaume avec Gile de Hodane.

Deux ans plus tard, Enguerrand de Marigny acquiert de Béraud de Mercoeur les droits de justice sur plusieurs endroits dont Lunesi, Pleseiz-Saint-Père, et le fief de Marcoussis que tient Pierre de Préaux.

En mars 1341, Monseigneur Guillaume Despréaulx est titré comme chevalier lors de l'acquisition de droitures tenues dans son fief. En 1362, une quittance par le fondé de procuration de « noble homme monseigneur Guillaume de Prayaulx, chevalier » nous apprend que notre homme est « sieur de Marcoussis en tout » et seigneur de Boissy, d'Egly et de Breullet en partie et de Gaudreville. Quelques mois plus tard, Pierre Gaugis, prestre, procureur de noble homme Monseigneur Guillaume de Préaulx, chevalier, sire de Marcoussis en tout, de Boissy, d'Eglis et Breuillet en partie, et de Gaudreville, reçoit pour Guiot de Vaugrineuse et de Guillaume Chen (?) son gendre escuiers par la main de maistre Galleran Heruy advocat au Chastellet acheteur, pour cause de vingt livres de rente vendues d'héritages mouvants dudit chevalier.

En 1343, Guillaume de Préaux renonce, tant pour lui que pour ses héritiers, à son patronage de l'église en faveur des moines du prieuré de Saint-Wandrille. Il accorde l'exemption sur la justice du prieuré et tous les droits y afférant. C'est en quelque sorte une première séparation de l'église et de l'Etat (seigneurial bien sûr).

Plusieurs siècles plus tard, le fameux procès du duc de Mouchy fera référence à l'aveu dudit seigneur rendu au Roy en 1367, en raison du fief appelé Lamotte de Marcoussis. Est aussi énoncé le fief de Nouray (Nozay) tenu par Pierre de la Neuville avec droit de haute, moyenne et basse justice. En juillet de la même année, on trouve une vente de terre en censive de Monseigneur Guillaume Despréaux, seigneur de Marcoussis.

Le seigneur de Marcoussis rend foi et hommage au roi le 18 juillet 1367. Suivant le droit commun « la Foi et hommage est due à toute mutation, tant du seigneur dominant que du Vassal. Le délai ordinaire pour faire la Foi et hommage est de 40 jours, à compter de la mort du Vassal ». Voici l'aveu de Guillaume Depreaux, chevallier, sire de Marcoussis en la châtellenie de Montlhéry, qui tient du roi ses terres en pur fief.

« Par ces présentes lettres, advoue tenir en fief à une foy & hommage du roy nostre sire, ce qui ensuit, c'est à savoir: - ung hostel appelé la mocte de Marcoussis avec le clos à murs qui est autour ledit hostel & bois , - item le parc devant ledit hostel fermé à murs, contenant environ 48 arpens, - item 8 sols 12 deniers tournois de menus cens, - item treize droitures sur plusieurs héritages, - item 14 arpens de terres arables appartenances dudit hostel de la mocte, - item 7 arpens et demi de préz, - item 390 arpens de boys en plusieurs pièces, environ la dicte ville de Marcoussis, c'est à savoir le Grant Fay pour 125 arpens, le boys Faiel (?) contenant 45 arpens, le bois de la Faucelaye pour 115 arpens, le boy de la Briche 13 arpens, le boys Fauchery 25, le boys de la Chataigneraye 20, la Boissière 14, le bois dessus Vaularon 38 arpens, - item les deux tiers de 80 arpens du boy des Mollières, dont la tierce partie est à Messire Pierre, chevalier seigneur de Gomez-le-Chastel, - item toute justice haulte, moienne & basse à Breuillet, - item dix livres parisis de menus cens sur Breuillet, - item en arrière-fief 25 livres parisis de rente annuelle que tiennent la femme et les hoirs de feu maistre Galeran Heruy lesquels proviennent des héritages de Loys Chameau assis à Marcoussis (5), - item aultre Louis Chauneau tient dudit des Preaux un fief séant à Marcoucis ou environs, - item Bernard dit Louis, deux fiefs, - item Audry, ….. un fief séant à Marcoucis, - item trois fiefs que tient de nous audit lieu de Marcoussy ledit Loys, - item ung autre appelé Baville, - item le fief de Vaularon que tient Jehan de Duison escuier, - item ung autre fief que tient Andry de Villefeu, escuier en nom et ayant la garde de son fils, lequel fief en la ville de Marcoussy et fut jadis à feu messire Robert de Bellefay, chevallier, Adrien de Villefeur escuier, … un fief séant en la ville de Marcoucis, - item ung autre fief que tient Pierre Marcel assis à Marcoussis nommé la Maison Rouge , séans à Marcoucis, - item ung autre appelé le moulin de Bescherel que tient Jehan Audry assis à Marcoussis, - item ung autre assis en la ville de Marcoussy que tient Messire Regnault Guerard prestre, - item ung autre que tient Guillaume Bellejambe partie de Chenanville, - item ung autre que tient Jacques de (?) partie dudit Chenanville, Aque de Hangest, …. un fief seant emprès Chenanville … - la vicontesse du Tremblay tient dudit sire des Préaux un fief nommé Lourme de Marcouscis, séant à contenant, - Bernard de Montlhéry, tient dudit sire des Préaux, arrière fief du roy, un fief appelé le fief de la Ronce séant à contenant qui peut valoir, - Jehanne de Nicole tient dudit des Preaux arrière-fief du roy un fief seant à Marcoucis contenant qui peut valoir par an.

Vers 1660, reprenant les aveux et dénombrement de Marcoussis, le prévôt de Montlhéry, François Dinan écrit dans son registre « Jai dans mes registres d'adveux copie de deux adveux dudict Marcoussis, Breuillet, Egly et Boissy du 18 juillet 1367 rendu par Guillaume Depreaux lors seigneur dudict Marcoussis par lequel il employe tout droit de justice haute, moyenne et basse audict lieu de Marcoussis et dit estre tenu de luy en plein fief acause desdicts lieux de Marcoussis, Breuillet, Boissy et Egly et en arrière-fief dudict Montlhéri. Etc. ».

Pour résumer la situation de Marcoussis sous le règne de Charles V, en 1367 Guillaume des Préaux est seigneur de Marcoussis et Bernard de Montlhéry qui suit est seigneur de la Ronce. En 1379, Bernard devient propriétaire à « La Chataigneraye » comme seigneur de Marcoussis. Peu à peu, le trésorier royal accroît son patrimoine à Marcoussis.

Registre de François Dinan, prévôt de Montlhéry (XVIIe siècle).

Bernard de Montlhéry et Jehanne Pizdoe

Comme nous venons de le voir la mutation du 8 janvier 1379 nous apprend que « honorable homme & sage Bernart de Montlehi, seigneur de Marcoucis » achète un arpent à la Chataigneraie sur la Ronce. Bernard de Montlhéry est un homme d'affaire, gestionnaire royal. L'abbé Lebeuf décrit notre homme ainsi « sous Charles V fut fameux à la Cour un nommé Bernard de Montlhery, que Christine de Pisan qualifie de l'un des Trésoriers Généraux de ce Prince » (6). Au début du règne de Charles VI, il est encore trésorier du Dauphiné (7).

Vers 1379, Bernard de Montlhéry montre une frénésie d'achats pour agrandir sa seigneurie de Marcoussis déjà propriétaire de la Ronce. Il achète un arpent à « La Chataigneraye » comme seigneur de Marcoussis, puis le moulin de Bescherel, arrière-fief de Marcoussis, tenu par Jehan Audry.

Comme toujours les financiers royaux sont jalousés et calomniés à tord ou à raison. Bernard est accusé de s'être enrichi en profitant des évènements troubles du début de la guerre de Cent ans. Rattrapé par le fisc royal, la mauvaise gestion tourne vite au désastre (8). Par l'ordonnance de la chambre des Comptes sur les recettes du Dauphiné, Bernard de Montlhéry doit une somme considérable qui se monte 10.000 livres d'or. Il semble que Bernard décède en 1381 avant la liquidation des dettes, laissant sa femme dans une situation délicate.

Appliquant la coutume de Paris, la damoiselle Jehanne Pizdoe, femme de feu sire Bernard de Montlhéri, dame de Marcoussis, demeurant à Marcoussis, est tenue de faire sa foi et hommage au roi (9). Elle s'y applique le 30 septembre 1386 « laquelle advoue … tenir en fief en une seule foy & homage du roy la moitié par indivis desdites terres & seigneuries de Marcoussis …. par elle et son dict defunt mary , la moitié par indivis qui a elle appartient à cause de son conquest fait avec son dit feu mari durant leur mariage du chastel possessions biens & revenus immeubles qui s'ensuivent ».

C'est à savoir: - du chastel de Marcoussis un parc et clos de fossez d'eaue à poisson, - item un grand jardin et aulnoy tout autour d'icelluy chastel clos à murs contenant 20 arpens ou environ, - item une garenne qui est devant la porte dudit chastel close à murs contenant 48 arpens de bois, - item 28 arpens de prés et cent arpens de bruyères & gastines, - item suit la liste des bois dont celui du grand Fay, - item deux parts par indivis avec le sire de Gometz-le-Chastel en 108 arpens de bois aux Molières, - item un fief que tiennent Yvon Pernel & Galeran de Montigni à cause de leurs femmes à Marcoussis contenant cinq que maisons, que masures avecques 300 arpens de terre & friches, une quantité de cens de droitures, - item le fief que tient Jehan de Duison au lieudit Vaularon contenant un hostel appelé lostel de Val Laron si comme il se comporte, 29 arpens d'aunoyes en plusieurs pièces, 102 arpens de terre que tient Clément de Villepereur.

D'autres fiefs sont également mentionnés à Marcoussis, tels que ceux tenus par Hercepot et Faucelaye qui comportent bois, prés, “baudry”, ronce, etc.

Nous arrivons à la confiscation des biens de Bernard de Montlhéry « jadis trésorier de nostre Dauphiné étoit redevable envers le roy ». Le roi entend être remboursé des deniers de sa cassette personnelle, celle du Dauphiné. Par un décret de 1386, le roi exerce la saisie féodale sur le chastel de Marcoussis et manoir de la Ronce « qui furent à Bernard de Montlehéry, trésorier du Dauphiné pour la somme de 6.010 francs ».

La même année, il sera fait un « eschange perpétuel entre le Roy & Ferry Cassinel du chastel de Galargues pour le chastel et maison fort de Marcoussis et de la maison de la Ronce appartenant jadis à feu Bernard de Montlhéry. Les rentes de ces lieux seront prisées par bonnes gens et amis ».

La suite fera l'objet d'une autre Chronique en commençant, en 1388, par la donation de Marcoussis et la Ronce par l'évêque Ferry Cassinel à son neveu Jehan de Montagu.

Notes

(1) Les comtes qui avaient le gouvernement des villes, se déchargeaient des menues affaires de la justice sur des vicaires ou lieutenants, que l'on appelle vicomtes « vice-comes » . À Paris le vicomte était mis par le roi lui-même. Les offices de vicomtes furent inféodés ; ils avaient le ressort sur les justices enclavées dans la vicomté et qui ressortissait auparavant de la prévôté. Une des fonctions de ces vicomtes était de commander les gens de guerre dans la vicomté, droit dont le prévôt de Paris jouissait encore en partie dans les derniers temps, lorsqu'il commandait la noblesse de l' arrière-ban . La comté de Paris fut supprimée vers 1020 et dans la suite, la vicomté fut réunie à la prévôté .

(2) J. Marion, Cartulaire de N.-D. de Longpont (Lyon, 1879) et J. Depoin, Recueil de Chartes et Documents de St-Martin des Champs , t. I (Paris, 1912).

(3) L'église Saint-Denis-de-la-Châtre était tenue par des chanoines, puis devint au XIIe siècle un prieuré sous la dépendance de Saint-Martin-des-Champs. Ce surnom lui vient d'une prison ou chartre ( carcere ) localisée dans le voisinage. Située dans la Cité , à l'extrémité méridionale du pont Notre-Dame et au coin septentrional de la rue du Moulin. L'église fut démolie en 1810.

(4) Montlhéry passa dans le domaine royal après la confiscation par Louis VI le Gros en 1118 qui mit fin aux disputes féodales (cf. Chronique « Gui Troussel est-il un voyou ?).

(5) Les hoirs de feu Maistre Galleran Heruy tiennent dudit des Préaux arrière-fief du roy séant à contenant vingt livres parisis de rente.

(6) J. Lebeuf, L'histoire de la Ville et de tout le Diocèse de Paris, t. IV (1757) « Quelques illustres personnages de l'antiquité ont été surnommés de Montlhery, parce qu'ils en étoient natifs. Geoffroy de Montlhery, Chanoine de Saint-Etienne de Troyes, étoit en 1269 Clerc du Roi de Navarre et son Procureur. Un Jean de Montlhery, Dominicain, fut célèbre par ses Sermons vers l'an 1270. Un autre Jean de Montlhery fut fait Maître des Requêtes sous le Roi Jean en 1358 ».

(7) Au XIVe siècle, le Dauphiné est une province réservée à l'héritier du trône de France, qui portait le titre de Dauphin. Le premier Dauphin français (1349-1364) fut le petit-fils de Philippe VI, Charles de Normandie, le futur Charles V.

(8) Il y a une constante dans l'Histoire quand on connaît les malheurs de Jean de Montagu survenus quelques années plus tard ou ceux de Jacques Cœur au siècle suivant, voire même ceux de Fouquet sous Louis XIV.

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