Corpus Essonnien

Histoire et patrimoine du département de l'Essonne

Outils pour utilisateurs

Outils du site


dagnot:chronique16.02

Page en chantier


La ferme du Petit Rouillon

Chronique du Vieux Marcoussy ———————————————————————Juillet 2008

JP. Dagnot

C. Julien

Dans cette chronique, nous voulons parler d'un lieu habité qui eut une existence assez éphémère entre le XVIe et le XVIIIe siècle. C'est la ferme du Petit Rouillon située dans le vallon arrosé par le ruisseau du même nom. Dans sa monographie, “ Un village disparu entre Longjumeau et Montlhéry ” écrite vers 1930, Léon Risch présente le Grand Rouillon , mais n'évoque que d'une phrase l'existence de la ferme du Petit Rouillon. Plutôt qu'un village, nous avons affaire à deux groupes d'habitations mentionnés sur la carte de “ L'Archevêché de Paris divisé en ses trois archidiaconez ” sous la dénomination “ Petit et Grand Rouillon ”. Nous ne parlerons pas ici du Grand Rouillon qui sera l'objet d'une chronique spécifique, si ce n'est pour dire qu'il s'agissait bien d'un groupe de masures accolées à une ferme; le hameau construit de part et d'autre du ruisseau, tandis que le Petit Rouillon est seulement constitué par une seule entité. Cette distinction est bien inscrite par la légende sur la carte ancienne.

Le chantier du Petit Rouillon

Le nom de Petit Rouillon apparaît au XVIe siècle. C'est un document de 1541 servant à Denis Thevenin pour faire sa déclaration aux Chartreux de Saulx qui comporte deux articles l'un déclaré précédemment par Jehan Lebas l'aisné et l'autre déclaré par Bertrand Richard. L'année suivante, devant Hamelin et de Saint-Yon, nous trouvons une signification de Cosme Lebas à Albert Lebas pour deux arpents ; plusieurs actes font aussi intervenir Cosme Lebas et Jehan Lebas.

Le 27 novembre 1544, devant deux notaires parisiens, c'est l'acquisition par Jehan Philippe, de Cosme Lebas, voiturier par terre demeurant à Paris, des héritages vendus en 1573. « Cosme Lebas, confesse avoir vendu à honorable homme Jehan Philippe, marchant et bourgeois de Paris, acceptant les pièces de terre cy après déclarées que ledit vendeur dit luy appartenir de son conquest : - deux arpents assis au Petit Roullon, près le moulin à vent tenant d'une part à la veufve de Nicolas Lebas, d'autre part à Pierre Martin le jeune, d'autre bout au chemin allant de Villarseau à Longjumeau, - item deux autres arpents assis audit lieu, tenant des deux parts aux hoirs de Loys Picquet, - item cinq quartiers assis audit lieu tenant à la veufve de Nicolas Lebas et à Allebert Lebas d'un bout au ruisseau de Roullon et d'autre à Loys Picquet, en la censive des religieux Chartreux de Paris, - item deux arpents et demy au lieudit le Grand Roullon en la censive du seigneur d'Ardenvilliers, - item deux autres arpents à la Fosse aux Moynes, tenant audit Cosme Lebas d'autre au chemin de Linoys à La Ville-du -Bois, en la censive de Longpont, - item deux arpents et demy au terroir Dupuis Roullon, en la censive des religieux Chartreux, - item un arpent et demy, en la censive du seigneur d'Angervilliers. Cette vente cession faicte moyennant le prix et somme de 255 livres tournois. Présent Jehan Lebas laboureur de La Ville-du -Bois, paroisse de Nozay, frère dudit vendeur. « Pour sûreté ledit Cosme Lebas a donné trois brevets du 28 décembre 1542 signé Hamelin et Saintion faisant mention des acquisitions faictes par ledit Cosme Lebas ». La vente faite, Jehan Philippe baille à titre de ferme et moisson de grain jusqu'à trois ans audit Cosme Lebas les pièces de terres vendues ci-dessus, ce bail fait moyennant la quantité de dix septiers rendu à Paris.

La ferme du Petit Rouillon

C'est un acte de vente de février 1545 qui nous apprend l'existence d'une masure au Petit Rouillon, paroisse de Villejust. C'est là où habitent les laboureurs François et Anthoine Lebas. Ils achètent deux espasses de bergerie à Roullon , ces biens venant de l'héritage échue à Jehanne Lebas de la succession de Colin Lebas et Jehanne Jandry, ses parents .

À partir de ce moment nous avons tous les éléments pour décrire la situation. La vallée du Rouillon était située sur quatre paroisses limitrophes : Villejust, Saulx-les-Chartreux, Ballainvilliers et Nozay dont La Ville-du -Bois n'était qu'une annexe. Le Petit Rouillon dépendait de la paroisse de Villejust sur la rive gauche du ruisseau . On peut situer l'emplacement des bâtiments de la ferme entre les deux traits verts du plan ci-dessus; nous savons que le Petit Rouillon était assis près du chemin de la Poitevine à Longjumeau, non loin du moulin à vent de Villarceau, sur le cours supérieur du ruisseau à l'entrée de la gorge formé par le Rocher-de-Saulx et les Joncs-Marins de La Ville-du -Bois. D'autre part il existe toujours une grande pierre enjambant le ruisseau qui se trouvait au passage du chemin franchissant le Rouillon.

On ne trouve pas trace de la ferme du Petit Rouillon avant le début du XVIe siècle. Il semble qu'une seule famille, les Lebas , se soit installée à cet endroit, vers l'an 1500, une fois les troubles du XVe siècle passés, ceux de la guerre de Cent ans et ceux de la Ligue du Bien Public. Les règnes de Charles VIII et Louis XII furent des périodes de paix pour l'Île-de-France qui favorisèrent le renouveau économique ayant pour corollaire la poussée démographique. La remise en culture des terres fut stimulée par l'arrivée des Chartreux à Saulx suite aux lettres royaux de 1447 (1). Installés au Petit Rouillon, les Lebas ont augmenté leur tenure roturière et la bergerie fut agrandie pour devenir une ferme à part entière. Les documents qui suivent vont conforter cette proposition.

Un marchand drapier propriétaire de Rouillon

Plusieurs actes importants sont passés en 1545, devant des notaires parisiens. Le 19 février, c'est la vente faite par Michel Lebas laboureur demeurant à Roullon près Longjumeau à Jehan Philippe, marchant drappier , bourgeois de Paris, qui, suivant la mode du temps, acquiert des biens dans la banlieue de Paris pour “s'assurer des revenus de la terre”. Il s'agit de deux arpents de terre près du chemin de Paris à Orléans et, plus loin, deux arpents trois perches de terre en une pièce assis au terroir de Rullon au dessouz du moulin à vent, tenant à François Lebas, Jehan Petit, au seigneur de Villeroy (Nicolas de Neufville à Villarceau) et au ru de Roullon, en censive des Chartreux, chargés de huit deniers par arpent. La vente faicte moyennant 40 livres . Le même jour, le nouveau propriétaire fait d'autres transactions. Ce sont : - une prise à bail par le même Michel Lebas laboureur demeurant à Roullon près Longjumeau se portant fort pour Jehan Gilbert son beau-père, laboureur au Grand Roullon, paroisse de Saulx, d'un demy arpent trois perches de terre en une pièce au terroir de Rullon au dessous du moullin à vent , vendu à Jehan Philippe, moyennant seize boisseaux de bled, - un autre bail de location à Jehan Philippe qui confesse avoir baillé jusqu'à trois ans à Michel Lebas, un demy arpent troys perches près le moulin à vent dudit lieu, moyennant seize boisseaux de mestail.

Une semaine plus tard, le même bourgeois de Paris acquiert de Nicolas Lebas se portant fort pour Perrete Gilbert, sa femme, d'un arpent et demi « confesse avoir vendu à honorable homme Jehan Philippe, …, ledit arpent et demy, assis au terroir de Laulnay tenant à Michelle Lebas aboutissant aux Bruyères en censive du seigneur de Marcoussis, moyennant 28 livres tournois » (2). Puis les mêmes intervenants se rencontrent encore une fois chez les mêmes notaires pour la vente de deux arpents de terre. « Michel Lebas laboureur demeurant à Roullon paroisse de Saulx, se portant fort de Marine Gilbert, sa femme, confesse avoir vendu à Jehan Philippe, …, deux arpens de terre en une pièce assis au terroir du Petit Rullon au lieudit le Moulin à Vent, tenant d'une part au molin, d'autre part à Jehanne Lebas, aboutissant d'un bout à François et Anthoine Lebas et d'autre bout au chemin qui tend de Villarceau à Lonjumeau, en la censive des Chartreux de Saulx, moyennant 40 livres tournois ». Jehan Gilbert, laboureur de Rullon , associé à son beau-frère, est présent. Le même jour, Jehan Philippe baille ensuite jusqu'à trois ans à Michel Lebas et Jehan Gilbert, laboureur de Roullon , aux mêmes lieux tenant à Gervais Nolin, Jehanne Le Vasseur, … moyennant 16 boisseaulx de bled mestail (3).

Les Lebas fermier au Petit Rouillon

Nous venons de côtoyer la famille Lebas de Villejust dont une branche vit à Rouillon au XVIe siècle. Les ancêtres vivants vers 1480 semblent être Jehan Lebas laisné, Cosme Lebas et Albert Lebas. Vers 1540, il y a François Lebas qui cultive sa terre en association avec son frère Anthoine, et leur sœur Jehanne Lebas, les enfants de Nicolas et Jeanne Landry. À Rouillon, les Lebas sont nombreux. N'oublions pas qu'à cette époque, chaque « feu » on voit naître 12 enfants dont quatre sont viables en moyenne. Jeanne, la veufve de Nicolas Lebas habite avec son autre fils Albert Lebas ; il y a Michel marié à Marine Gilbert, la fille de Jehan, laboureur au Grand Rouillon ; il y a aussi Jehanne Lebas qui possède un lopin au Moulin à vent.

En mars 1545, un échange de terres est fait entre François et Anthoine Lebas, frères, laboureurs demeurant au Petit Rouillon, paroisse de Villejust, enfants de Nicolas Lebas et Jehanne Landry, et Michel Lebas, laboureur au Grand Rouillon, paroisse de Saulx. L'année suivante le drapier Jehan Philippe continue ses acquisitions de terres à Michel Lebas. Puis, en décembre 1551, les notaires de Paris dressent l'acte de vente des terres du nommé Chantereau acquises par Jehan Philippe.

En mars 1553, Michel Lebas vend des biens, situés à Rouillon, à Jehan Philippe. L'été de cette même année François Lebas, laboureur, demeure à la ferme du Petit Rouillon. Deux ans plus tard, Antoine Lebas est décédé laissant un fils mineur. Son frère François est nommé tuteur et curateur « François Lebas laboureur demeurant à Rouillon, paroisse de Villejust, tuteur et curateur de Pierre Lebas, fils mineur d'Anthoine Lebas en son vivant laboureur demeurant audit lieu, confesse estre détempteur et propriétaire d'un arpent de terre assis à Nouray soubz Montlhéry audit leu de Rouillon, tenant aux Lebas, au ru dudit Rouillon ».

Le 14 avril 1556, un brevet des notaires de Paris établissent un acte de propriété pour « une acquisition d'un arpen par demoiselle Vaillant veuve Jehan Philippe, ladite acquisition faite aveant Pasques ». Puis, quatre ans plus tard, la veuve Philippe achète trois quartiers de terre à Rouillon.

En juillet 1573, les nouveaux propriétaires du Petit Rouillon sont honorable homme Claude Philippe, bourgeois de Paris et Charlotte Sandrau sa femme, et Bertrand Richard, procureur en la Cour de Parlement à Paris. Les héritiers du drapier confessent avoir fait entre eux la vente et bail à rente qui ensuivent , c'est à savoir que ledit Philippe a vendu à toujours audit Richard 26 arpents de terre assis au terroir de Rouillon : - deux arpents au terroir du Petit Rouillon, près le moulin à vent, tenant aux hoirs de Marie Lebas, d'autre bout au chemin allant de Villarceau à Lonjumeau , - item deux autres arpents audit lieu comme dessus, - item cinq quartiers audit lieu tenant aux hoirs de Nicolas Lebas, aboutissant au ruisseau de Rouillon, le tout en la censive des Chartreux chargé de huit deniers de cens pour arpent, - item deux arpents et demy au lieudit le Grand Rouillon, pas de tenant, - item deux arpents à la Fosse aux Moines, - item deux arpents et demy au Petit Rouillon tenant aux hoirs de Cosme Lebas aboutissant au ruisseau de Rouillon, - item un arpent et demy assis à Rouillon tenant aux hoirs de Nicolas Lebas, à Jehanne Lebas aboutissant au ruisseau, en la censive du seigneur d'Angervilliers, - item deux arpents trois perches à Rouillon, au dessous du moulin à vent, tenant à François Lebas, à Jehan Petit, d'un bout au seigneur de Villarceau, d'autre bout au ru de Rouillon, en la censive des Chartreux, - item deux arpents de terre au Petit Rouillon au lieudit le moulin à vent, tenant à Gervais Martin, à Jehanne Lebas, d'autre bout au chemin qui tend de Villarceau à Longjumeau en la censive des Chartreux, …. - item sept quartiers assis à Rouillon en deux pièces mention du chemin du Plessis à Lunaisy, …, avec mention de Jehan Regnault à Lunaisy, - item trois quartiers à Rouillon lieudit la Meschante Maison tenant au ruisseau, - six livres tournois de rente venant de Michel Lebas vivant laboureur à Rouillon, paroisse de Nozay vendu à Jehan Philippe, marchand de draps bourgeois de Paris en 1553, Ladite vente faite moyennant cent livres tournois et également une rente annuelle de cinquante livres à payer à Claude Philippe et sa femme Charlotte Saudras en quatre termes.

Brethon fermier au Petit Rouillon

En 1579, Jehan Bougnet, laboureur demeurant au Petit Rouillon, baille à titre de moisson de grain, à Anthoine Brethon, laboureur demeurant audit lieu, dix arpents à Villejust, moyennant cinq septiers de bled rendu à Rouillon.

Le 4 juin 1582, c'est la fête au Petit Rouillon pour le mariage de Jehan Courtois avec Jehanne Lebas, fille mineure de feu François, laboureur au Petit Roullon et de Claude Roger, sa femme.

En mars 1586, Anthoine Brethon, laboureur demeurant au Petit Rouillon, paroisse de Villejust, « confesse devoir livrer à ses frais et deppens un septier de bled à un vigneron de Montlhéry pour des rentes en chappons qu'il doit sur des terres au sieur Regnault au Grand Rouillon ». Deux ans plus tard, le même Brethon fait appel « par luy fait de la sentence de 1586 ». En 1601, François Brethon est toujours laboureur à Petit Rouillon, paroisse de Villejust. Passant un bail à cens et rente en août de cette même année, on peut voir qu'Anthoyne Brethon possède une signature régulière et bien formée qui dénote une instruction certaine.

Le 16 octobre 1603, Toussaint Poullin, marchand et bourgeois de Paris, demeurant rue des Changeurs, paroisse Saint-Germain l'Auxerrois, délaisse à titre de rente annuelle, à Jehan Tixier, vigneron demeurant à Villejust, un demi arpent de vignes assis à Villevent tenant au chemin qui tend aux masures à Rouillon et d'autre au ruisseau dudit Rouillon, …, moyennant six livres de rente.

Thévenin propriétaire de Rouillon

Il semble que Bertrand Richard ne possédait qu'une partie de la ferme du Petit Rouillon. Au début du XVIIe siècle, la ferme passe dans les mains de son beau-frère, également procureur au Parlement à Paris. Le sieur Denis Thévenin, mari de Françoise Richard, demeure à Paris, rue des Frères près la place Maubert, paroisse Saint-Estienne-du-Mont. Le 23 janvier 1609, devant la même étude parisienne, Messire Denis Thévenin a acquis neuf arpents de prés de Charles Laurens, marchand boucher demeurant à Longjumeau et Guillemette Gilbert sa femme.

Quatre ans plus tard, devant Auzard, notaire, “ honorable homme ” Messire Denis Thévenin de présent en sa maison du Grand Rouillon, paroisse de Nozay, achète la moitié d'une maison et ferme du Petit Rouillon à Guillaume Bouquet marchand, demeurant à Montlhéry, Jehan de Fresnes, marchand boucher demeurant à Palloiseau et Gilles Guillier aussy marchand boucher demeurant à Longjumeau. La moitié indivise de la maison et ferme du Petit Rouillon, paroisse de Villejust , vendue pour la somme de 1.000 livres , est consistante en : - ung corps d'hostel de quatre espasses, un scellier de deux espaces joignant ledit corps de logis, cave au bout dudit scellier, grange de quatre espaces, estables à chevaux joignant ladite grange, bergerie, estable à vaches, le tout couvert de chaulme, - moitié de la cour et des jardins cloz, vignes et pastis aussy indivis, le tout pour quatorze arpents, tenant au ruisseau de Rouillon, aux Bruyères de Villejust, d'un bout à Toussaint Poullain côté Villarceaux, - avec 20 arpents de terre en plusieurs pièces, tenant au sieur de Chanteloup (Villarceau) en tout 13 pièces détaillées, mention de l'acquisition précédente par Jehan Bouquet et Nicole Lebas, ses père et mère. Certaines pièces de terre sont au Grand Rouillon. Il est fait mention des ratifications de la vente par les épouses et notamment Françoise Richard, femme de Denis Thévenin.

Le même jour, une transaction est passée par Denis Thévenin, de présent en sa ferme et mestairie située au Grand Rouillon, paroisse de Nozay . Les vendeurs sont les mêmes qui semblent être des héritiers Lebas, ce sont Symon Defresnes, dit Guillaume, bourgeois marchand mercier demeurant à Montlhéry, Jules Defresnes, marchand boucher, et Gilles Guillier. L'acte mentionne les antécédents des successions Lebas dont le nommé Bouquet, tuteur des enfants d'Anthoine Brethon, laboureur à Petit Roullon et de Nicole Lebas de sept arpents au Petit Rouillon, de défunt Bertrand Richard. Il s'agit également de deux arpents au Petit Rouillon, lieudit le Moulin à Vent , tenant à François Lebas, à Jehan Brethon, d'un bout au chemin de Villarceau à Longjumeau.

On peut croire qu'à cette époque les propriétaires parisiens se sont fait bâtir une demeure de villégiature avec une ferme permettant de louer leurs terres.

Vers 1621, la déclaration des héritages appartenant à maistre Denis Thévenyn, procureur en la cour de Parlement à Paris mentionne que certains de ses biens sont en censive des Chartreux de Paris, venant des acquisitions faites par Bertrand Richard et rétrocession d'acquisition faite audit Thévenin par Claude Philippe.

Vingt ans après, Jacques Thevenin, advocat , achète à son frère Jehan Thevenin, bourgeois de Paris, sieur de Retaire, la maison et ferme du Petit Rouillon, proche celle du Grand Rouillon venant du partage fait entre eux par devant Parque Corroyer. Le même jour, un partage est fait entre les deux frères. « Jehan cedde à Jacques toutes les terres à lui eschues par le partage avec Bernard Thevenin en 1632 size au Petit Rouillon paroisse de Viljust, celles asquises de Jacques Lebas et François Brethon au même Petit Rouillon, en la censive des Chartreux ». En contre partie Jacques cède à Jehan 150 livres de rentes. Par la vente nous apprenons que la maison et ferme appelée le petit Rouillon consiste en: - en porte cochère, petite porte à costé par le derrière, cour close de murailles, puits en icelle, dans laquelle cour y a un jardin, - cinq espasses de maison couverte de chaume qui servent à loger le fermier et vigneron, fournil, estables à vaches, foulleryes, quatre greniers au dessus, une grande cave voutée au bout de la foullerie, - une grange contenant trois espasses, escurie attenant un grenier au dessus, le tout couvert de chaume, la totalité desdits lieux contenant un arpent et demy de terre, - item douze arpents de terres joignant la maison, entourés de fossés et hayes vives, dans lesquels trois sont plantés en fruitiers, deux en vignes, le surplus en terre labourable et pasturage. Les biens tiennent à une pièce de bois de huict arpents de l'eschange ci dessus, le ruisseau de Rouillon entre deux. La vente faite moyennant 1.950 livres . Pour parvenir au paiement Jacques délaisse la moitié d'une ferme appelée le Grand Rouillon, sise paroisse de Nozay.

Les laboureurs du Petit Rouillon

Aux environs de 1610, les registres furent tenus soigneusement par les curés. Nous pouvons vivre les naissances, mariages et sépultures des habitants du Petit Rouillon. Le 28 mars 1617, Jehan Baraguier, laboureur au Petit Rouillon, mène sa fille Marie devant l'autel de l'église de Villejust pour la marier à Jehan Lamoureux. Le marié appartient à une famille de fermiers de la région. Les Lamoureux s'établiront à la ferme du Mesnil-Forget à Nozay en 1636.

Le 6 juin 1621, Pierre Pointeau et Guillemette Loger demeurant au Petit Rouillon baptise un enfant. Le 18 mars 1622, le curé de Villejust enterre le nommé Franin qui était journalier au Petit Rouillon. Le 29 avril 1623, c'est l'enterrement de l'enfant de Richard Roussel et de Claude Giron demeurant au Petit Rouillon. Un an plus tard, un autre enfant arrive chez ce couple au Petit Rouillon. Prénommé Bernard par son parrain Bernard Thevenin, advocat en la cour de Parlement , il est baptisé le 20 juillet 1624. Comme la plupart des nourrissons de cette époque, le bébé ne vivra que cinq jours. En 1628, Richard Roussel et sa femme sont laboureurs à la Poitevine où un nouveau-né Pierre leur vient le 18 mars.

Le 19 décembre 1627, l'acte de sépulture de Mathurin Allouve, natif de Paris, demeurant au Petit Rouillon est enregistré par le curé de Villejust. Le 28 avril 1631, la famille et les amis de Jacques Thiébaud se réunissent dans la maison de Mr Thevenin pour le baptême du fils Michel né de la veille (4). Le 19 septembre, un autre enfant vient au Petit Rouillon ; c'est Marie fille d'Henriette Chalou.

Le 21 février 1634, le mariage de Jean-Baptiste Guiard et Henriette Chasterine est célébré par le vicaire de Villejust. Les époux demeurent au Petit Rouillon au logis appartenant à Messieurs Thevenin. C'est ce couple qui afferme le Petit Rouillon et dont nous pouvons suivre les joies et les peines pendant une dizaine d'années. Le 18 avril 1635, un nouveau bébé naît au Petit Rouillon chez Jean-Baptiste Guiard, c'est Catherine dont la marraine est la femme de Monsieur Thevenin, advocat en Parlement .

Le 6 septembre 1641, on célèbre l'arrivée d'un fils au foyer de Jean-Baptiste Guiard et d'Henriette Chasterine, les laboureurs et fermiers du Petit Rouillon. Selon l'usage le parrain Pierre Vesovie, conseiller et secrétaire du roy, donne son prénom au nouveau-né. La marraine est Geneviève Leroy, femme du propriétaire, Messire Thevenin. La vie des Guiard s'alterne de naissances et décès. Le couple perd une fille le 7 juillet 1642. Un nouvel enfant naît le 10 mars 1644, c'est une petite qui est baptisée le 12 courant. Une petite sœur arrive, baptisée par le vicaire de Villejust le 26 mai 1646. Entre temps un autre couple, Claude Hucherie et sa femme, s'était installé au Petit Rouillon. Le baptême de leur fille Jeanne a été célébré le 3 juin 1645.

Le Petit Rouillon, fief de Lunésy

Dans un terrier de Nozay des années 1790, il est fait mention que, vers 1635, Philibert Michel, sieur de Grainville et Lunaisy, possède sept quartiers de terres assis au Petit Rouillon au chantier du Moulin à Vent. La déclaration concerne un laboureur de Nozay, François Breton dont lesdites terres sont tenues en cens des Chartreux de Paris. Ces terres sont attenantes au chemin qui va de Villarceau à Longjumeau.

En janvier 1642, Jacques Thevenin vend la ferme du petit Rouillon à Philbert Michel, sieur de Grainville et de Lunaisy, moyennant 100 livres de rente foncière.

Eustache Marie, escuyer , sieur du Breuil achète à Philbert Michel la terre et seigneurie de Lunaisy ainsi que la ferme du Petit Rouillon. La vente est faite en juillet 1646. En septembre de la même année, « Eustache Marie, escuyer, sieur du Breuil et de Lunaisy, estant de présent en son chasteau de Lunaisy, lequel a volontairement recognu avoir baillé et confessé à titre de loyer et prix d'argent jusqu'à six ans, à Claude Hucherie, la ferme et mestayrie du Petit Rouillon en la paroisse de Viljust, moyennant le prix et somme de 450 livres et quatre chappons ».

Dorénavant, le Petit Rouillon appartiendra à la terre de Lunésy dont les seigneurs sont issus de la petite noblesse. La ferme est louée à la famille Hucherie. Le 27 novembre 1646, Claude Hucherie marie sa fille Michelle avec François Bassonnet, demeurant au Petit Rouillon.

À la fin du printemps 1656, Lunésy passe dans les mains de Louis Garinet, conseiller ordinaire du roy en son conseil d'État. Le 23 septembre, ce conseiller d'État « estant audit Lunaisy, baille pour neuf années à François Geslin, manouvrier de la Poupardière , à titre de loyer et prix d'argent, une maison de quatre espasses couverte de chaulme ». La propriété n'est plus fréquentée par les propriétaires et suite à la Fronde on assiste à un délaissement progressif des bâtiments.

Trois ans plus tard, Louis Garnier, conseiller du roy en son conseil d'Estat, fait un échange avec Guillaume Charpentier de la seigneurie de Lunésy et notamment la ferme du Petit Rouillon, sise en la paroisse de Villejust. La description détaillée de la ferme est donnée, consistant en maison, grange, estable, vacherie, cour, puits en icelle, petit jardin, douze arpents de terres joignant la maison icelle entourée de fossés, dans les douze arpents troys sont en arbres fruitiers, trente trois arpents de terres labourables proche la ferme “ chantier du moullin à van ” en la censive des Chartreux aussi douze arpents au même chantier du Moulin à Vent et quatre arpents sur le territoire de Vilbon.

En cette année 1659, un bail pour six ans est passé par Jean Barreau de Briis à François Jeslin, manouvrier au Petit Rouillon, paroisse de Villejust, d'un demi arpent de terre planté en arbres fruitiers. L'année suivante, Guillaume Charpentier, seigneur de Lunaisy, demeurant à Paris rue Vieille du Temple, paroisse Saint-Paul, baille pour trois ans, moyennant 150 livres, à François Geslin, manouvrier, demeurant en ladite ferme, une maison contenant quatre espaces, cour, cave jardin, et deux clos contenant treize arpents de terre avec plusieurs arbres fruitiers.

Le 11 octobre 1661, François Geslin remet le bail au seigneur de Lunaisy, il est redevable de 350 livres . Quelle fut la raison de la résignation du fermier? On peut évoquer des raisons personnelles comme la maladie ou un décès survenu depuis sa prise d'affermage de mai 1660 ou des raisons économiques. Nous savons que la météorologie des années 1660-1661 ne fut pas favorable à l'agriculture en région parisienne. Le mois de décembre 1660 fut très pluvieux « les eaux fort grandes par pluyes continuelles » et les semailles furent ruinées. Le 2 juin 1661 « il y tumbit de la gesle en beaucoup de lieux aussi grosse que noix ; et plusieurs sepmaines auparavant tousiours tonnerre, pluye et gresle qui retardit les semaisons beucoup et toute autre chose de maturité, tellement que toutes les incommodités ont renchery le bled et le vin ». Un violent orage balaya le Hurepoix encore une fois le 24 juin en fin d'après-midi.

En décembre 1661, Guillaume Charpentier loue la ferme pour six ans à Michel Viedet, marchand, moyennant 100 livres . Deux ans plus tard, le seigneur de Lunésy baille pour six ans à Marin Berthault, sergent royal demeurant à Clouillières-le-Moustier, « une maison de quatre espasses couverte de chaulme, cour, cave & jardin avec treize arpents appelée la maison du Petit Rouillon, moyennant 130 livres et deulx chappons gras ». En juin 1669, Michel Viedet, marchand, revient au Petit Rouillon que noble homme Guillaume Charpentier, sieur de Lunaisy, lui baille pour six ans. Ladite ferme comprend une maison contenant 4 espasses couverts de chaulme, cour, cave, jardin devant et 13 arpents de terres.

Le 20 septembre 1680, le seigneur de Lunésy baille à Nicolas Mazalon, laboureur de La Ville-du -Bois, pour six ans le bail à titre de ferme et d'argent la ferme du petit Rouillon, en la paroisse de Villejust consistant en maison, grange, estable, avec les terres telles qu'il en a déjà joui depuis le 17 septembre, limité à treize arpents y compris les arbres fruitiers autour de la ferme, moyennant la somme de cent trente cinq livres qu'il devra verser au seigneur de Lunaisy. À la fin du même mois, Nicolas Mazalon sous-loue par la même occasion, une chambre à feu où il y a un four, la moitié de l'estable , un toit à porc, la moitié de la cour, un jardin, à Michel Cossonnet de La Ville-du -Bois, à partir de la Saint-Martin d'hiver, moyennant 24 livres chaque an. La location des terres soit treize arpents est faite par un acte séparé où les pièces sont détaillées.

Le 25 mai 1681, le vicaire de Nozay et La Ville-du-Bois baptise Marie Bourgeron née le jour précédent du mariage de Claude Bourgeron, vigneron, et de Geneviève Perbois sa femme « le parrain a esté Claude Tardu jardinier de Monsieur Aubry à La Ville du Bois. La marraine qui luy a imposé le nom Marie Caille femme de Nicolas Mazalon demeurant à Rouillon paroisse de Villejust. La marraine a déclaré ne sçavoir signer de ce interpellée suivant l'ordonnance. signé – Fizel, Claude Tradu ».

Le 1er septembre 1686, nous retrouvons Guillaume Charpentier, seigneur de Lunaisy, qui « baille à ferme et prix d'argent, à Silvain Michau, laboureur demeurant à la Poitevine et Charles Ciriasse chartier de Lunaisy, la ferme et mestairie du Petit Rouillon size à Villejust et consistant en maison, granche, estable, treize arpents de terres labourables qui aboutissent sur les terres du Sieur de Louvain ». En juin de l'année suivante, dans une quittance, Guillaume Charpentier reconnaît le bail fait à Sylvain Michau et à Charles Ciriasse, charretier demeurant à Lunaisy, moyennant 150 livres . En octobre 1690, le bail de la ferme de Petit Rouillon et des 13 arpents est renouvelé pour trois ans à Charles Ciriasse, moyennant 90 livres . Le 16 novembre 1692, nous retrouvons Charles Ciriasse, laboureur demeurant à Lunaisy, « lequel en conséquence du bail à luy fait par Guillaume Charpentier le 27 octobre, baille à François Lemercier, berger, une maison dépendant de la ferme du petit Rouillon ».

Les Redon fermiers à Petit Rouillon

Le 29 mai 1695, Guillaume Charpentier, écuyer, demeurant rue du Mail, paroisse Saint-Eustache à Paris, passe un bail d'affermage par pour six ans à Michel Menpar (?) et Jacques Redon, fruitiers vignerons demeurant à Saulx, c'est à savoir la ferme et mestairie, consistante en deux grands clos qui aboutissent sur les terres du sieur de Louvain jusqu'au ruisseau. Le bail fait moyennant 135 livres.

Le bail d'affermage du Petit Rouillon est renouvelé le 22 juillet 1700. Jacques Redon, marchand fruitier et vigneron demeurant en la ferme reprend seul ladite ferme qui est consistante en « une maison pour le fermier, une granche, une estable, une escurie, un toit à porc, la cour, un jardin avec les terres d'une contenance de treize arpents y compris les arbres fruitiers autour de la ferme. Deux grands clos aboutissant sur le sieur de Louvain et le ruisseau. Le preneur s'engage à payer les cens envers les seigneurs; le bail fait en la maison seigneuriale de Lunaisy, moyennant 130 livres ».

Jacques Redon est marié à Marie Aury. Arrivés à Petit Rouillon en 1695, le jeune couple aura de nombreux enfants ; 8 bébés sont nés à Rouillon. Tous sont baptisés par le curé de Villejust. Le 6 décembre 1698, la fille aînée est Marie, puis un garçon François naît le 7 février 1700. Les naissances sont espacées de 13 à 22 mois. Marguerite arrive au monde le 7 décembre 1701, puis Jean-Jacques le 27 novembre 1703, Magdeleine le 6 mai 1705, Elise le 14 octobre 1706, Claude 17 janvier 1708, et le cadet Jean16 décembre 1710. On peut remarquer que les bébés arrivent à l'automne ou au début de l'hiver ; ce sont donc dans les mois où les travaux des champs sont les plus durs que les conceptions sont les plus faibles (août-novembre).

Estienne Leroy propriétaire du Petit Rouillon

En 1714, Jean-Baptiste Charpentier, officier, fils de Guillaume Charpentier, écuyer, vend à Estienne Leroy la dite ferme du Petit Rouillon. Le 8 avril 1715, nous trouvons un décret volontaire et adjudication du château de Lunaisy. La saisie réelle consiste en : 1°) le fief, chasteau et principal manoir de Lunaisy consistant en un corps de logis entre cour et jardin, … 2°) la ferme du Petit Rouillon consistant en un corps de logis servant de logement au fermier de cinq travées de longueur et une de profondeur appliqué par bas à une salle basse sans cheminée au dessus de laquelle est un grand berceau de cave dans lequel on entre de plain pied. Une grande pièce de terre est séparée de la ferme par le ruisseau.

Il semble que le nouveau seigneur de Lunaisy ne veuille pas investir à la ferme du Petit Rouillon pour la remettre en état. Les bâtiments disparaissent et les terres, jugées mauvaises, sont changées de destination. C'est l'époque où l'agriculture céréalière est prédominante dans la plaine de Nozay-Villejust.

En 1717, Etienne Leroy, seigneur de Lunaisy, reconnaît qu'en raison de l'achat de ladite seigneurie et de la ferme du Petit Rouillon, il possède 48 arpents de terres en censive des Pères Chartreux. À cause de leur mauvaise qualité, les terres ont été changées de nature depuis 1660 ; elles sont devenues 14 de terres labourables et 19 arpents de bois et clairières, le tout pour 34 arpents en une seule pièce tenant au midi au chemin longeant le parc de Lunaisy ainsi qu'à l'ouest et à l'est au chemin de Villejust à Lunaizy, au nord au ruisseau; également 14 arpents de terres et friches du côté de Saulx.

Nous arrivons au début du XIXe siècle quand les parcelles correspondant à l'ancienne ferme sont devenues terres et bois. Pour la partie de Villejust elles passent du dernier seigneur de Villarceau dans la famille des Clary pour simplifier. Le lecteur est invité à connaître l'histoire de Lunaisy et Villarceau décrite dans les chroniques spécifiques.

Notes

(1) Fondé par saint Bruno en 1084, l'Ordre des Chartreux s'installe à Paris au XIIIe siècle. Ils arrivent à Saulx en 1264 quand ils ont acquis la dixme de bled et une partie de fief. Dès lors, les Chartreux entraient en compétition avec les moines de Saint-Florent de Saumur qui avaient érigé un prieuré à Saulx où ils jouissaient de droits seigneuriaux.

(2) Le terroir de Laulnay ou Launay est situé sur la commune de Villejust où l'on trouve un “chemin de Launay” et un “bois de Launay”.

(3) Les 16 boisseaux correspondent à un setier et demi de blé. En prenant un rendement de 3 setiers l'arpent, nous voyons que le bail représente un quart de la production de la terre louée. Ce qui paraît considérable car il fallait y ajouter le prix de la semence et le cens payé au Chartreux de Saulx.

(4) La lecture des registres paroissiaux souligne l'influence religieuse montrée tout le soin apporté par l'église au baptême ou, en cas « de danger de mort », à l'ondoiement. Les nouveaux-nés sont presque tous portés sur les fonts baptismaux le jour même de leur naissance ou le lendemain, même en hiver par froid intense.

dagnot/chronique16.02.txt · Dernière modification: 2020/11/11 21:06 de bg