Corpus Essonnien

Histoire et patrimoine du département de l'Essonne

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La ferme du Grand Rouillon (1) (1461-1609)

Chronique du Vieux Marcoussy ———————————————————————Juillet 2008

JP. Dagnot

C. Julien

La carte ancienne de 1706 intitulée « L'Archevêché de Paris divisé en ses trois archidiaconez et en ses deux archiprêtrez et sept doyennez ruraux », nous enseigne qu'il existait deux lieux appelés Grand Rouillon et Petit Rouillon situés près des villages de « Ville-just » et « Nosay », à l'occident de la route royale de Paris à Orléans. L'un est signalé comme hameau, l'autre comme une ferme isolée.

Dans un texte précédent (cf. “ Ferme du Petit Rouillon ”), nous avons décrit la ferme disparue de la paroisse de Villejust qui était située en amont sur la rive gauche du ruisseau. Cette chronique retrace l'histoire du hameau du Grand Rouillon, lui aussi disparu, qui possédait des “masures” construites de part et d'autre du ruisseau. Dans sa monographie écrite vers 1930, Léon Risch présente le Grand Rouillon comme un village disparu qui, au XVIIe siècle, « montrait ses chaumières élevées sur trois paroisses limitrophes : Ballainvilliers, Saulx-les-Chartreux et Nozay-La Ville-du-Bois » (1).

Le toponyme

Le hameau du Grand Rouillon a emprunté son nom au ruisseau qui, prenant sa source non loin de Courtaboeuf se jette dans l'Yvette après avoir parcouru une dizaine de kilomètres, d'abord sur le plateau de Villejust, puis dans la plaine de Ballainvilliers après avoir dépassé le vallon formé par les coteaux boisés des Joncs Marins de La Ville-du-Bois et le Rocher de Saulx.

Dans les titres anciens, il s'appelle Rulion (XIIIe s.), Roulon (1481) ou Roullon (1545). Ce n'est que vers la moitié du XVIIe siècle que l'on commence à le désigner sous le nom de Rouillon. C'est le terme moderne que nous adoptons. Nous conservons, bien évidemment, dans les textes cités, l'orthographe du temps qui dérive de la prononciation.

Le toponyme Rouillon est formé sur le surnom Rullus , le rustre, le campagnard. On trouve la même étymologie dans Reuilly. Le toponyme de Rouillon, qui dérive du bas-latin « Ruellis » est décrit exactement dans la charte No. 116 du cartulaire du prieuré Notre-Dame de Longpont. Cette charte écrite vers 1100 rapporte que Roger de Moressart donna un hôte à Villarceau nommé Hugon de Ruellis , c'est-à-dire Hugues de Rouillon, un serf qui travaillait à l'endroit de la ferme du Petit Rouillon. Parmi les témoins de ce legs étaient Hugues Lysiard et Hugues de Montrouge.

Aucun vestige des Rouillon n'apparaît ni sur le plan terrier de 1781 ni sur le plan d'intendance de 1785, seul, existe un chantier appelé Fond de Rouillon . Au XIIe siècle, un fond , de l'ancien français funz , puis fonz et fons , est un sol, où reposent des eaux, qui est devenu la partie basse d'une dépression naturelle.

Les anciens documents

Les premiers documents sur Rouillon sont datés du commencement du règne de Louis XI, époque de la reconstruction des campagnes dévastées par la guerre de Cent ans. En 1461, le registre de la censive des Chartreux mentionne une damoiselle Pernelle de Brétigny pour 34 arpents de terre « séans sous Rouillon tenant aux bois de Lunessy d'une part et d'autre part aboutissent sur Rouillon ». Vingt ans plus tard, les Chartreux baillent à Jehan Breton le jeune une pièce de terre contenant 34 arpents ou environ « scise sur le fossé de Roulon du costé de Montlhéry et tenant au chemin de Saulx à Marcoussy; plus neuf arpents tenant audit chemin moiennant huit deniers de cens par chacun arpen ». C'est sur ce terrain qu'allait s'élever la ferme dite du Grand Rouillon .

C'est bien la paix civile confortée par le roi Louis XI qui favorisa l'installation de nouvelles rotures sur des terres qui n'étaient que “ friches, broussailles et épines ”. A Saulx, le fief de Sauciel qui avait été légué en 1379 par Thibault de Bourmont au prieuré de Sainte-Catherine du Val des Ecoliers, doit être complètement rétabli car « maisons et héritages sont en ruynes ». À Fretay ce monastère possède un hôtel avec granges, étables, prés et terres qui sont « de prit pour les longues fortunes et malices des guerres, lesquelles ont eu cours en ce Royaulme, par l'espace de 43 ans, demourés et demouret pour le prit en ruine et non valoir ».

Les premiers habitants du Grand Rouillon, Jacques Gilbert et Denys Boissonnet, apparaissent le 17 juin 1486 quand les Chartreux leur baillent à cens à 25 arpents en quatre pièces dont trois à Roulon et la quatrième à la Fontaine Richard , près dudit lieu chargé de huit deniers par arpent « et d'y faire bastir une bonne maison ».

En 1493, Jean Bourgeron avait construit sa masure sur la pente du coteau des Joncs-Marins de La Ville-du-Bois, proche le Rouillon. En 1494, Jacques Gilbert demeure à Rouillon, près le Rocher de Saulx. Nous rencontrons un de ses voisins, nommé Etienne Lebrun, dans un acte d'échange du 2 avril 1494 entre le prieur de Saint-Louis-de-la-Culture-Sainte-Catherine et les religieux bénédictins de Longpont (2). Il s'agit d'un échange des droits que ces derniers percevaient à Pecqueuse pour de 14 sols parisis de cens grevant les terres tenues par les deux laboureurs à Rouillon.

Le Grand Rouillon vers 1550

Ce sont les déclarations à terriers qui renseignent sur les habitants du vallon. Les Gilbert et les Guiard comptent parmi les plus anciennes familles de Rouillon. Au XVIe siècle plusieurs maisons religieuses se partagent les lieux et possédaient une censive. D'abord, le prieuré de Longpont, les Chartreux de Saulx, le prieuré Saint-Pierre du château de Montlhéry et enfin le prieuré parisien Sainte-Catherine ou du Val-des-Ecoliers qui avait des fiefs à Orsay et Fretay. Le prieuré Saint-Pierre de Montlhéry possédait sur la rive droite 34 arpents et demi de domaine particulier et 37 arpents de censive, dépendant du terroir de Rouillon avec les chantiers des Berthelottes ou des Maisonnettes, la Fosse Saint-Jean Le Maistre, les Barraguières, les Joncs-Marins de Rouillon, la Butte, le pré Richard, la Fontaine de Rouillon et l'Aulnaye Bourgeois.

Dans sa déclaration passée en 1541, Jehan Petit, laboureur demeurant au Fay, « confesse estre destempteur et propriétaire d'ung arpent et demy de terre, assis au Petit Rouillon qui fut à Catherine Bergeot déclaré sous son nom tenant …. et d'autre bout au chemin du moulin à vent tendant à Rouillon ». À la même époque, une déclaration de titre nouvel est passée par Michel Rousseau tenant au même chemin.

Au milieu du XVIe siècle, nous avons une idée assez nette du hameau du Grand Rouillon que l'on trouve mis en valeur par plusieurs familles. Tout d'abord, au début de l'année 1545, c'est Guillemette Couart qui vend à Philippe Guiard, laboureur demeurant à Roullon, plusieurs pièces « audit terrouer, à la Vieille Maison, à la Fontaine Richard ». Ces deux derniers chantiers proches du Rouillon. Le 17 avril suivant, Jehan Lebas, laboureur demeurant à La Ville-du-Bois, « promet de bonne fois à honorable homme Jehan Philippe, marchand drappier et bourgeois de Paris, héritier de feu Cosme Lebas en son vivant demeurant à Paris ses héritiers pour raison de deux septiers de bled mestail assis au Grand et Petit Rullon ».

En juillet 1545, le même “honorable homme” Jehan Philippe, confesse « avoir baillé à tiltre de ferme et loyer jusqu'à ung an » à Jehan Lebas laboureur de La Ville-du-Bois, diverses pièces de terre dont « deulx arpens assis au terroir du Petit Roullon près le moulin à vent tenant d'une part à la veuve de feu Nicolas Lebas, d'autre part à Gervais le jeune, aboutissant d'un bout à ladite veuve et d'autre bout au chemin allant de Villarseau à Longjumeau , …, et deux arpens et demy au lieudit le Grand Roullon , …, le tout moyennant 10 septiers de bled mestail ». Albert Lebas ainsi que les hoirs Loys Picquet cultivent également des terres aboutissant au ruisseau de Rouillon.

Le marchand drapier poursuit ses acquisitions de terres, puisque quatre mois plus tard, Michel Lebas, demeurant à Lunezy, paroisse de Nozay, confesse avoir vendu à Jehan Philippe, deux arpents de pré en deux pièces assis au terroir de Nouzay, au lieudit la Fosse aux Moines, tenant à Albert Lebas, au chemin de Marcoussis à Longjumeau, au chemin tendant de Lunezy à La Ville-du-Bois « en la censive du prieuré de Lonpond ( ?), cette vente faicte moyennant 40 livres tournois ».

En 1536 Simon le Page habite le Rouillon de La Ville-du-Bois. En 1550, la population s'y est augmentée de nouveaux feux, ceux de Noel Angenoust, de Jehan Froissant. En 1553, Martin Gilbert habite à Rouillon, ainsi que Catherine Brethon, veuve de Jean Gilbert. Le terrier du prieuré Saint-Pierre de 1563 comporte de nombreux articles et déclarations “ à Rouillon dans le champtier du Plessis-Saint-Père à Nozay ” ; ce qui revient à dire qu'il doit intégrer la vallée depuis le “ Pavé royal ”. Les hoirs de feu Guillaume Dusserot déclarent des terres au chemin du Plessis à Lunaisy, de la Fontaine Richard . Launoy Bourgeois est redevable de droits censuels au Rousset Blanc . Parmi les occupants des maisons à Roullon, nous trouvons Jehan Mainfroy , Gauvain Forterye et Jehan Baraguier habitent le Rouillon de Nozay. Cette dernière famille a donné son nom à celui d'un chantier. Dans le terrier des Chartreux de 1621, les Barraguières se poursuivaient par les Trente-quatre-arpents et plus loin s'étendait le champtier du Moulin à vent de Villarceau, au terroir du Petit Rouillon.

En 1569, nous retrouvons trace au même en droit de Jehan Janot et de Philippe Guiard. Deux nouvelles familles s'installent, celles de Mathurin et Rémi Barraguier. En 1579, Guillaume Guiard possède à Rouillon, maison, jardin, terres et vignes. Alexis Gilbert y a un espace de maison et deux espaces de grange; Claude Gilbert, deux maisons et une étable. Jean Gilbert, lainé et Jean Barbier y ont chacun une habitation et une grange. Martin Dutartre, deux espaces de maisons couverts en tuiles, toutes les autres sont des chaumières. C'est le Rouillon de Saulx, le plus important, bâti comme disent les titres « sur la grande rue » qui se confond avec le chemin du fond du vallon.

Le 5 mai 1570, Martin Mancelle, laboureur demeurant à La Ville-du-Bois, vend à Spire Degouttes un quartier à la Fontaine Richard en la censive du prieuré Saint-Pierre. Devant des notaires parisiens, un contrat de 50 livres de rente est signé le 10 juillet 1573 par Philippe Thevenin sur des biens à Rouillon.

Rouillon sous le règne d'Henri III

Le 14 avril 1577, Guillaume Mainfroy, vigneron, confesse être propriétaire au Rouillon de Nozay, « d'une maison de deux espasses, cour et jardin, contenant deux arpens, assis d'un bout au chemin du Plessis-Saint-Père à Lunaisy ». Un de ses voisins est le laboureur Philippe Guyard. Il confesse avoir reçu de Nicolas Lebas, laboureur audit lieu, pour un rachat de rente fait à Pierre Prudhomme, bourgeois de Paris sur six espasses de maison à Rouillon de Nozay. En juillet, Jacques Bru s'installe au Rouillon de Saulx dans une petite ferme qu'il a achetée à un nommé Chappontas.

Sur le terrier des Chartreux de l'année 1579, le receveur a écrit en annexe que plusieurs censitaires ont été omis, dont « Alexis Guilgert pour un espasse de maison, deux espasses et granche, Claude Gilbert pour 5/7 de 11 espasses de maison, et Nicolas Lebas pour deux espasses de maison ». En cette même année Anthoine Fortery et Nicole Leroy sa femme habitant au Rouillon de Nozay ; il est laboureur de vignes et déclare la succession de leur mère.

Alors que l'on pouvait penser que le hameau du Rouillon avait atteint son ultime développement et que les terres permettaient de faire vivre quatre à cinq familles, plusieurs déclarations de 1579, nous apprennent un « état de ruynes ». Que s'est-il passé ? Seule la guerre civile a pu atteindre la région. Les religieux de Saulx, de Longpont et de Marcoussis s'étaient réfugiés à Paris pour échapper aux violences des huguenots. On peut conclure qu'étant proche de la route royale, le Rouillon a été pillé et saccagé en 1562 lors du passage des reîtres du prince de Condé.

En 1579, Bertrand Richard a cédé à Denis Thévenin, procureur au Parlement des terres à la « Vieille maison » et à la « Meschante maison » Une déclaration de rente du 17 octobre montre que le hameau a connu des désordres. La rente est assise « sur une masure que souloit estre tant en maison, granche que estable pour quatre espasses qui sont de présent en ruynes, sans bois ni couverture, cour puis en icelle jardin derrrière assis au Grant Rouillon tenant ou qui soulloit tenir aux enffans de Jehan Bassonnet, à Jehan Janot, au chemin de Viljust, item petit jardin au dessous ».

En cette fin de XVIe siècle, les registres des censives seigneuriales nous donnent les noms de familles du Grand Rouillon. En 1580, Richard Bertrand possède des terres près de la ferme du Grand-Rouillon, également sur Nozay, mais ce laboureur demeure au Petit-Rouillon, paroisse de Villejust, ainsi que le vigneron Jean Bousquet. En mai, Alexis Gilbert, laboureur demeurant à Rouillon, paroisse de Saulx, constitue une rente avec l'église st Fiacre sur une pièce à la Fontaine Richard.

À la fin de 1580, Bertrand Richard est fermier du Grand Rouillon. Le 2 décembre, il passe une déclaration pour deux arpents dans la pièce des 34 arpents de la ferme du Grand Rouillon . D'autres pièces tenant au chemin de Villarceau à Lunaisy sont également déclarées. En 1582, Mathurin Baraguet, vigneron demeurant à Rouillon de La Ville-du-Bois, déclare un espace de logis couvert de chaume et demy quartier de jardin à la butte de Rouillon, en la censive du prieuré Saint-Pierre. Autre déclaration du même au même lieu. En juin 1583, Jehan Bourgeron, laboureur, déclare une maison à Rouillon. En 1584, une déclaration mentionne une maison couverte de chaulme, cour, jardin tenant du chemin du Plessis-St-Père à Lunaisy, et une terre à la Fontaine Richard « desquels héritages, le propriétaire doit [une rente] à femme Marye Boullay, veuve de feu honorable homme François Rousselet, demeurant à La Ville-du-Bois. L'année suivante, Jehan Monceau, vigneron demeurant à Rouillon, lors d'une constitution de rente « confesse estre détempteur d'une maison couverte de chaulme d'une espasse avec deux arpens, tenant au chemin de Villejust à Ballainvilliers ».

Rouillon sous le règne d'Henri IV

En 1597, Vincent Guignard demeurant à Rouillon, paroisse de Nozay, lequel avec sa femme reconnaît avoir vendu à Jehan Licher, laboureur demeurant audit Rouillon, cinq quartiers assis audit lieu, chantier du Ruisseau Blanc tenant au chemin de Longjumeau à Marcoussis, d'autre part audit ruisseau, en censive du prieur Saint-Pierre de Montlhéry, chargé de douze deniers par arpent. Cette vente faite moyennant « la somme de deux escus déjà donnés que moyennant huit escus à valoir sur le labour de terres du vendeur à raison de cinq sols par arpent ». Fin juin le vendeur reconnaît que les labours du paiement de la vente sont réalisés. Le jour de la saint Martin d'hiver, Jehan Beschepoix, vigneron demeurant à La Ville du Bois, lequel avec sa femme confesse avoir vendu à Jehan Léger, laboureur demeurant à Rouillon « demy arpen assis à Rouillon entre les Ruisseaux Blancs et du Grand Rouillon, en censive des religieux Chartreulx, chargé de huit deniers par arpent, la vente faite moyennant quatre escus » (4).

Le 26 septembre 1600, Thomas Thirofle, laboureur demeurant au Plessis-Saint-Père, confesse avoir promis à Vincent Guignard, demeurant au Grand Rouillon, paroisse de Nozay, « de labourer avec ses chevaulx et harnoys de toutes fassons bien et duement les terres dudit Guignard moyennant 50 sols par arpen ». On trouve également le bail d'une vache.

En mai 1602, une transaction est passée devant des notaires parisiens entre Claude Philippe et Bertrand Richard pour une rente de 50 livres sur la ferme du Grand Rouillon (5). Puis, en novembre une déclaration de bail à cens et rente est passée par Vincent Guignard, vigneron demeurant au Grand Rouillon, au profit des Chartreux. Deux ans plus tard, c'est Henry Rousseau, à cause de sa femme Jehanne Gilbert, héritière de Marye Guiard, sa niepce , fille de Guillaume Guiard qui déclare un titre nouvel aux moines Chartreux pour : - six espasses de maison estant de présent en masure, cour, jardin derrière assis à Roullon sur la grand' rue, - deux arpents assis à Roullon, chantier de la Vieille Maison, tenant au chemin de Roullon à Villejust. Encore une fois l'état de délabrement est évoqué. D'ores et déjà, nous pouvons évoquer le déclin de Rouillon; le délaissement de l'habitat se précise et s'accentue bien que le règne d'Henri IV voit une nette amélioration de la condition paysanne.

Vers 1610, Vincent Guignard, vigneron à Grand-Rouillon y a un bois taillis, aboutissant sur les masures des hoirs Pierre Guiard. Henri Rousseau, habitant de La Ville-du-Bois, possède à Rouillon sur la grande rue « six espasses de maison estant de présent en masures » et un arpent de bois à la Vieille-Maison, lieu dit qui était cultivé en 1579. Marie Janot, veuve de Martin Fessart, domiciliée à la Ville-du-Bois, est propriétaire à Rouillon « de deux arpents et demy, tant terre, vigne que jardin et saulçoy, sur partie de laquelle terre sont les masures, au lieu esquelles soulloit troys espasses de maison … entiennement appelé le lieu des Janotz ». Voici pourtant une nouvelle chaumière celle de Liénard Legrand « à Roullon, paroisse de Ballainvilliers ». Au terrier de 1621, nous retrouvons les Legrand au même endroit et Jean Barraguier à la ferme de Grand-Rouillon.

Les achats du procureur Thévenin

Maître Denis Thévenin est procureur au Parlement de Paris demeurant à Paris, rue du Fère, paroisse saint Estienne-du-Mont. Comme la plupart des robins , les gens de la noblesse de robe étaient des descendants de personnes qui avaient acquis à titre onéreux un office anoblissant dans les finances ou la justice. C'est l'édit de 1604 qui permet à ces offices, ou charges, d'être en pratique transmissibles et vendables librement. À partir du XVIe siècle, la noblesse de robe et tendance à se fixer en achetant des biens pour les transformer en fiefs.

Le 21 juillet 1607, par devant des notaires parisiens, Claude Philippe transporte à Denis Thévenin les droits de la ferme du Grand Rouillon . « Noble homme Messire Claude Philippe, conseiller, notaire et secrétaire du roy maison et couronne de France, demeurant à Paris dans l'Enclos du Pallais, lequel transporte sans garantie, à honorable homme maistre Denis Thevenin, procureur en la cour de Parlement, tous les droits qu'il a eu à l'encontre de Monsieur Bertherand Richard aussi procureur, beau père dudit Thevenin, en vertu d'un acte de 1602, sur le Grand Rouillon, les héritages mouvant du seigneur de Lunaisy. Ce transport fait moyennant la somme de 1.500 livres tournois ». En septembre , Thévenin achète d'Antoine Le Brethon, un arpent et demi au Grand Rouillon, chez un notaire de Montlhéry. En août 1608, une masure d'un espasse à Rouillon est achetée par Thévenin de Mathieu Royer.

Les achats continuent car le procureur Thévenin est décidé à se constituer un domaine à Rouillon. Le 13 octobre 1608, devant Beauperrin, Thévenin acquiert de Martin Peuvrier, vigneron, Jehan Groullon et Catherine Dubois une terre à Grand Rouillon de Nozay. Les consors Groulon « confessent avoir vendu à honorable homme Denis Thévenin, demy arpen de terre au Grand Rouillon à Nozay, en censive du prieuré Saint-Pierre, la vente faite moyennant 30 livres ».

Le 23 janvier 1609, devant des notaires parisiens, le sieur Thévenin achète aux époux Laurent des terres à Rouillon. L'acte mentionne « Charles Laurent, marchand boucher demeurant à Longjumeau et Guillemette Gilbert sa femme âgée de 35 ans, vendent à honorable homme Denis Thévenin, procureur en la cour de Parlement, la quantité de neuf arpens de terres labourables au terroir de Rouillon et Saulx, venant de ladite Gilbert par la succession de deffunt Philippe Gilbert, vivant demeurant audit Rouillon et d'acquet desdits vendeurs ». C'est à savoir : - ung arpen de terre en pastis et friche proche le Petit Rouillon, tenant au ruisseau, au chemin de Marcoussis à Villejust, - ung arpen trois perches de terre audit Rouillon, d'un bout au ruisseau et d'autre au Ruisseau Blanc, - ung quartier au lieu de la Vieille Maison, tenant à l'acheteur, tenant au ruisseau et aux Bruyères de Saulx, - item demy quartier sept perches avec onze fruitiers, tenant au chemin de Marcoussis à Lonjumeau, - …. autres pièces; tous ces héritages en la censive des Chartreux de Paris chargés de huit deniers de cens; - autres pièces tenant au Ruisseau Blanc en la censive de Saint-Pierre de Montlhéry, desquels héritages Jehan Baron, fermier de la Croix-St-Jacques, demeurant au Plessis-St-Père, tient d'un bail que luy en a esté faict par ledit Laurent. La vente est faite moyennant 200 livres tournois payées comptant.

Le 10 avril 1609, Pierre Lefort, maçon, et Pierrette Laurent, sa femme, vendent à honorable homme messire Denis Thévenin, la maison de la Fontaine avec 14 arpents de bois et saussaies sis à Rouillon en plusieurs pièces. L'acte de vente rédigé dans une étude parisienne précise : - une maison sise à Rouillon, paroisse de Ballainvilliers, consistant en trois espasses de logis couverts de chaulme en la censive du prieuré de Montlhéry, - 3 arpents proche ladite maison, entourant la maison, consistant en jardin, saussay, arbres fruitiers tenant à tenant à Gilles Beaussais, advocat d'un bout au ruisseau de Rouillon, du costé du grand chemin du Plessis à Lunaisy, - item une pièce de terre à Ballainvilliers au lieudit la Fontaine, - suit la liste des autres pièces dans la même vallée à La Ville-du-Bois, Nozay et Saulx au chemin de Marcoussis à Longjumeau, et au chantier du Ruisseau Blanc. Le tout à la quantité de 14 arpents de terre contre des rentes équivalentes à 221 livres , en outre 309 livres en espèces.

Une semaine après, devant maître Peuvrier, notaire à Montlhéry, le procureur Thévenin achète à vénérable et discrette personne Messire Jacques Vuilbert, chantre et chanoine en l'église saint Médéric de Lynois , cinq muids six septiers de grains en rente sur trente ung arpens en deux pièces assis à Rouillon qui viennent de Gilles Lemaistre (6). La vente est réalisée moyennant 480 livres tournois.

En résumé, nous avons appris que le hameau du Grand Rouillon situé non loin du pavé royal était une agglomération qui comprenait une ferme sur un terrain de 25 arpents au Rouillon de Nozay, des maisons au Rouillon de Saulx et une seule chaumière au Rouillon de Ballainvilliers. Moins de dix feux vivaient à cet endroit en 1580. La ferme fondée vers 1486 par Jean Gilbert dont la nombreuse famille occupait les lieux au XVIe siècle n'était qu'une exploitation de moindre importance avec une cinquantaine d'arpents. C'est bien cette époque que l'on peut considérer comme “ l'âge d'or du Rouillon ”.

À suivre …

Notes

(1) Dans son Histoire du canton de Longjumeau , Pinard donne deux lignes pour Rouillon en le plaçant à tort sur le Rocher même et le suppose « avoir été détruit durant les guerres du XVe siècle ». Voilà une belle fantaisie !

(2) Le prieuré de Saint-Louis-de-la-Couture-Sainte-Catherine ou du Val-des-Ecoliers avait été créé par saint Louis dans le quartier Saint-Paul sur l'instance de sa mère pour « rappeler à la postérité la victoire de Philippe Auguste à Bouvines ». Il est certain que le monastère de Sainte-Catherine existait déjà en 1235, puisqu'on en détacha des religieux pour prendre possession du prieuré du Val-Saint-Éloi, dans la paroisse de Chilly, près Longjumeau.

(3) Bas-latin, mansura , demeure, de manere . Ce mot a pris une signification méprisante qu'il n'avait pas à l'origine. Au XVIe siècle masure prit le sens qu'on lui connaît aujourd'hui « une méchante habitation qui semble menacer ruine ».

(4) Le Ruisseau Blanc est issu des eaux de ruissellement du plateau de Nozay et prend forme près de la ferme de Lunaisy. Il doit son nom à l'irrégularité de ses eaux, coulant à vive allure l'hiver et disparaissant à la saison chaude.

(5) D'après le transport de 1607, c'est une rente au capital de 1.500 livres ; ce qui fait un intérêt de 3,3%.

(6) Cet acte de vente nous permet de calculer le rendement des terres du Rouillon. Pour une rente de 6 muids 6 setiers de blé assise sur 31 arpents, nous avons environs 2 setiers par arpent. Ce qui veut dire que le rendement est au moins 4 setiers par arpents, quantité assez considérable pour l'époque et la qualification des terres.

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