Corpus Essonnien

Histoire et patrimoine du département de l'Essonne

Outils pour utilisateurs

Outils du site


dagnot:chronique17.04

Page en chantier


Le fief de la Saussaye à Nozay

Chronique du Vieux Marcoussy ———————————————————————Juillet 2008

Le fief de la Saussaye sur lors des bornages de la seigneurie en 1783.

JP. Dagnot

C. Julien

Cette chronique nous donne l'histoire du fief de la Saussaye à Nozay. La Saussaye, terre du plateau du Hurepoix, était assise sur deux paroisses. Une partie était un fief situé sur les paroisses de Nozay et Villejust (repères A,B,C,D) dans la mouvance du seigneur de Villebon, l'autre sur le territoire et paroisse de Nozay était une ferme relevant de la seigneurie de Nozay, mouvant de Marcoussis. Ici, nous atteignons le paroxysme de la complexité de l'organisation féodale, un fief partagé en quatre parcelles assises sur deux paroisses et deux seigneuries. On peut imaginer la source de conflit entre les receveurs, les dîmeurs et percepteurs de droits féodaux de tout poil !!!

Les origines du fief de la Saussaye

Deux documents nous permettent d'élucider la situation complexe de la Saussaye. C'est d'abord un exploit d'assignation de juin 1740 fait à la requête de Henry Robin pour la collecte des dîmes de Nozay et La Ville-du-Bois. C'est cet acte qui nous permet de connaître l'origine de la Saussaye. Le second document est un procès-verbal de bornage accompagné d'un magnifique plan du fief de la Saussaye exécuté en 1783 lors de la refonte des terriers des seigneuries de Nozay et Villejust (1). L'arpenteur a mentionné « Emplacement de la ferme de la Saussaye » qui aurait été construite à l'ouest du chemin de la Saussaye à Nozay.

Revenons au Moyen Âge. C'est un décret de l'évêque de Paris de l'an 1194 , qui donne l'existence d'une ferme appelée la Saussaye. Il s'agit d'une « donation par aumosne à perpétuité au profit des religieuses de l'église et hôtel royal de Notre-Dame de la Saussaye les Villejuifs, lors propriétaires de la ferme de la Saussaye, anciennement appelée Villoison ou Gennesoirs, size en la paroisse de Viljust de toutes les dixmes dues sur les terres de ladite église dans les gaingnages de la grange de Villoison (2). Un contrat contenant déclaration par lesdites religieuses cession et transport est fait le 3 février 1453 de la ferme de la Saussaye à Delamarche, laboureur.

En 1314, Enguerrand de Marigny acquiert de Béraud de Mercœur les droits de justice sur plusieurs fiefs du sud parisien « tenons et possédons, c'est à sçavoir la haute, la moienne et la basse justice des lieux dessous nomez pareillement des villes de Locummel, de Champlant, de Villebon, de la Roche-lez -Palasel, de Orçay et des hameaux déppendants à la paroisse d'Orçay, de Cortavuef, de Ville Just, de Fretoy, de la Granche Potevine, de Villarson, de la Saussoie , de Ville Arcueil ( ?), de Ville Vent, de Linesi, de Ville seeur, de la Meson de la Plesse de Villiers-souz-Sauz, de Villegueeur-de-Sauz … ».

Nous avons eu connaissance que, mentionnée jusqu'ici, la ferme avait changé de mains au lendemain de la guerre de Cent ans. Les religieuses dames de la Saussaye-les-Villejuifs ne pouvant assurer la gestion d'un bien éloigné et en piteux état. Ce sont les moines Célestins de Marcoussis qui reprirent la ferme par achat à Delamarche. Il s'agit bien d'une ferme assise sur la paroisse de Villejust dans la mouvance du seigneur de Villebon.

La Saussaye de Nozay

Lors de la prisée et du partage du 19 octobre 1518 des biens de la succession de Loys de Graville, seigneur de Marcoussis, Nozay et autres lieux, nous apprenons qu'un bâtiment et un jardin sur un terrain de 3 arpents 12 perches et demie et 101 arpents 87 perches et demie de terres labourables constituent la ferme de la Saussaye assise audit Nozay; la terre tenant à la maison la voirie entre deux d'un bout au chemin de Nozay à Villiers et d'autre bout aux terres de la métairie de Villarceau.

Le 7 avril 1545, nous assistons au partage entre Guillaume de Balsac et son frère Thomas de la terre et seigneurie de Marcoussis, à eux échues par le décès de dame Jehanne de Graville, leur tante. Le lot de Thomas de Balsac contient la terre et seigneurie de Villejust, alors que le lot dévolu à Guillaume consiste en trois fermes situées sur les terroirs de Nozay, Villiers et la Saulsaye. Sur le procès-verbal de la visite, les experts qui viennent à la Saussaye de Nozay écrivent « item ont vu et visité les bastimens de la ferme et mestairye appelée la Saussoye assize audit Nozay qui se consiste en granches, estables, bergeries, jardin le tout contenant en pourpris troys arpents et demy prisée 500 livres tournoys ».

Enfin, dans sa déclaration passée le 1574, le chevalier François de Balsac, seigneur de Nozay et La Ville-du-Bois avoue posséder trois fermes à Nozay : à Villiers, Pilandry et prez de l'église , mais ne parle plus de la ferme de la Saussaye.

Signalons qu'en août 1628, les moines Célestins de Marcoussis passent une déclaration au seigneur de Villebon pour leur ferme de la Saulssaye, paroisse de Villejust , anciennement appelé l'hotel de Gounetzois – terme que nous employons pour la différentier du reste.

Après ces deux derniers documents, plusieurs éclaircissements nécessaires sont développés dans ce qui suit : - il n'est pas question de remettre en cause la ferme des Célestins, la déclaration au terrier de Villebon étant identique à celles faites précédemment en 1569 et 1626, - le partage de 1518 désigne bien une ferme appartenant au seigneur de Nozay avec 101 arpents de terres, surface bien moindre que celle des terres de la ferme Gounetzois, - le procès-verbal de 1545 ne concerne pas Gounetzois qui est un fief mouvant de Villebon appartenant aux Célestins depuis 1466, - aucune information n'indique la contenance des terres de la ferme et mestairye appelée la Saussoye assize audit Nozay décrite en 1545 que l'on imagine être de l'ordre de 100 arpents au vu du montant du loyer (500 lt), - la connaissance exacte de la superficie des terres de la ferme des Célestins permet de faire une comparaison avec l'arpentage de 1783. Il s'agit de 5 pièces contenant respectivement 43 arpents 3/4, 11 arpents, 28 arpents 63 perches, 34 arpents 68 perches et 27 arpents, - l'aveu et dénombrement de 1574 permet d'envisager que la ferme de la Saussaye de Nozay avait disparu dès cette époque, - finalement, la ferme Gounetzois passa dans les mains des seigneurs de Villarceau qui réunit les terres à leur domaine .

Nous permettant donc de comprendre la situation complexe de la Saussaye, trois documents convergent pour décrire la même étendue du fief, à quelques perches près, depuis le XVIe siècle jusqu'à 1789. Le premier acte évoqué à l'instant est la déclaration de 1628 donnant 145 arpents 6 perches; le deuxième document est la déclaration du 29 novembre 1773 de Philippe René Fontenilliat, seigneur de Villarceau, faite au terrier de Villebon pour 144 arpents dont 54 en la justice de Villejust, le surplus en la paroisse de Nozay; et le troisième document est le procès-verbal d'arpentage du fief de la Saulsaye dressé en 1783. Il résulte de ce papier que le fief est divisé en quatre lots notés A, B, C et D sur le plan avec une surface totale de 141 arpents 98 perches.

Par conséquent, nous sommes amenés à dire que le fief dont il s'agit est le même dans tous les actes notariés avec les lots A et B sur la paroisse de Villejust et les lots C et D sur Nozay. C'est-à-dire : • les parcelles A et B de Villejust n'ont pas varié au cours du temps, • en 1628, la parcelle C était divisée en deux, mais nous retrouvons le compte en 1783, • les 54 arpents en la justice de Villejust correspondent bien à la surface des parcelles A+B.

Qu'est devenue la ferme de la Saussaye décrite par le notaire de l'amiral de Graville ?

Bien que la situation des bâtiments ne soit pas décrite, les tenants et aboutissants des terres indiquent que la ferme était située du côté de l'orient par rapport à Gounetzois , c'est-à-dire du côté de Nozay . Nous savons que les terres de la Saussaye étaient de qualité médiocre. Le receveur des Célestins écrivait en 1714 « [la Solsaye] les terres qui en dépendent sont si ingrates et si mauvaises que la plupart ne rapporte pas la semence et les fermiers qui l'ont occupé ont été réduits à la mendicité ». D'ailleurs de nombreux baux d'affermage faisaient obligation de « marner les terres en la prenant dans les terres de la Grange-aux-Moines ». Sachant que la ferme Gounetzois avait été abandonnée au début du XVIIIe siècle, il en fut de même pour la ferme de la Saussaye de Nozay, mais bien plus tôt.

Les terres de la Saussaye furent rattachées aux autres fermes de la seigneurie. Ceci est patent dans les contrats d'affermage où l'on observe des variations de l'étendue des terres labourables d'un bail à l'autre. C'est bien ce qui arriva à Gounetzois quand la ferme, achetée par Pierre de Louvain, fut incorporée à Villarceau vers 1722.

Le chantier de la Saussaye

Sur le plan terrier de 1781, nous trouvons le “ fief de la Saussaye ” constitué par une entité homogène située entre le village de Nozay et le hameau de Fretay. Cette terre est traversée par deux chemins est-ouest : le chemin de la Poitevine à Nozay et le chemin de la Poitevine à Villarceau, plus au nord le fief trouve sa limite naturelle par le ruisseau du Rouillon. La mare Coquillard est mentionnée sur le plan. Cette mare a pris le nom du laboureur Anthoine Coquillard qui habitait à cet endroit au XVIe siècle, condamné pour « de n'avoir payé au curé de Villejust que trois sols pour toute dixme ».

Le toponyme la Saussaye peut avoir deux origines. Nous avons vu au XIIe siècle que cette terre appartenait au couvent de Notre-Dame de la Saussaye les Villejuifs qui lui aurait donné son nom. La seconde possibilité est qu'une saussaye désigne un lieu planté de saules (du vieux français, saus ). Au XIIIe siècle on écrivait Sauçoie . « Qu'aux lieux plus bas soient les estangs, saussaies, peuplaies …», écrivait plus tard Olivier de Serres. La saulaie ou saussaie est considérée comme un endroit frais et humide. On trouve plusieurs variantes orthographiques comme la Sausset (1830). Sur de nombreuses cartes anciennes, comme par exemple sur la Carte particulière des environs de Paris dressée par Jaillot (1706), on lit un lieu-dit la Saussaye légendé comme un hameau alors que le plan terrier de 1781 précise bien l'existence d'une seule grande pièce de terre nommée fief de la Saussaye traversée par le chemin de la Poitevine à Nozay. Sur la carte de la Prévosté , vicomté et le Présidial de Paris divisé en ses dix bailliages et châtellenies (1698), le cartographe Nolin porté la Saussaje , mauvaise transcription de la Saussaie.

En 1674, sur la carte de l'Académie, le fief de la Saussaie apparaît comme une ferme à part entière de manière identique à Lunézy. On trouve la même identification sur la carte de Vaugondy publiée en 1761. En 1706, la carte de Louvois et la carte de l'Archevêché mentionnent aussi le domaine de la Saussaye légendé comme une ferme. La Saussaie n'est plus inscrite ni la carte des Chasses, ni sur la carte de Cassini.

Le 8 août 1729, Messire Pierre de Louvain, seigneur de Villarceau, rend foy et hommage suite à l'achat de la Saussaye. Pendant la période 1730-35, Monsieur de Louvain baille des terres situées dans sa censive des Villevents. Ce sont deux arpents au nommé Louis Lécrivain ; puis il afferme à Jacques Redon les terres et la métairie de Villarceau et Saussaye.

De cette situation découle des contentieux entre seigneurs par l'intermédiaire de leurs receveurs et percepteurs des dîmes. Une procédure sur les dîmes de Nozay et La Ville-du -Bois se termina le 22 septembre 1744 par un arrêt du Grand Conseil qui condamna le seigneur de Villarceau et ses fermiers à payer aux religieux de Longpont, la dîme de plusieurs pièces de terre faisant partie du domaine de la Saussaye . L'exploit d'assignation du 17 juin 1740 à la requête de Henry Robin est donné à la veuve Redon afin de payement et livraison audit Robin des dixmes de Nozay et La Ville-du-Bois, de trente gerbes d'avoine pour 1739, au total 132 gerbes d'avoine, 32 de vesse, 24 de poires à agneaux ou 250 livres .

À Nozay, il y a aussi le chantier de la Grande Saussaye qui est aussi très ancien qu'il ne faut pas confondre avec le précédent. Il est situé sur la partie méridionale du terroir de Nozay tenant aux murs du Parc de Marcoussis. Ce lieu-dit est inscrit de nos jours sur la carte IGN.

Notes

(1) Les religieuses de la Saussaye-les-Villejuif possédaient de nombreux fiefs dans le Hurepoix. Au XIVe siècle, Jean Lemaire, demeurant à Soucy avoue tenir en fief, à une foy & hommage, des religieuses “ c'est à savoir un manoir clos de fossés assis audit Bruyères lieu de Soucy contenant huit arpens, ung grand estang, un petit estang, jardin ” .

(2) Au XVIIIe siècle, voulant réaffirmer leurs droits féodaux, tous les seigneurs de la région refondent leurs papiers à terriers. À cette époque, on voit les géomètres et arpenteurs parcourir la campagne pour effectuer le bornage des fiefs et seigneuries et les commis des notaires ou les procureurs fiscaux des seigneurs exiger les déclarations des baux à cens et rente de la part des tenanciers. Ces actions auront pour but d'exaspérer le monde paysan qui demandera « la suppression des papiers à terriers » lors de la confection des cahiers de doléances en avril 1789.

dagnot/chronique17.04.txt · Dernière modification: 2020/11/11 23:55 de bg