Corpus Essonnien

Histoire et patrimoine du département de l'Essonne

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Le Grand Étang de Marcoussis dit de Roucy

Chronique du Vieux Marcoussy –Marcoussis————— _———————___—_–septembre 2008

Extrait du plan terrrier de 1781.

JP. Dagnot

C. Julien

Cette chronique relate l'histoire du Grand Étang de Marcoussis, dit de “Roucy”. Sur le plan terrier de la seigneurie de Marcoussis, dressé sur l'ordre de la comtesse d'Esclignac, le Grand Étang est parfaitement dessiné avec sa chaussée sur laquelle passe le chemin d'Arpajon à Orsay. L'étang est situé dans le plissement de terrain au pied de la Côte de la Grange-aux-Moines, entouré des chantiers de Vaularon, du Buisson Cayet et de la Queue-de-l'etang, où coule la Sallemouille qui l'alimente. De part et d'autre de la chaussée, nous trouvons la ferme de la Ronce au nord, et le Pavillon Royal au sud.

Création du Grand Étang de Marcoussis

Dès qu'il entra en possession de la seigneurie de Marcoussis, en 1388, Jean de Montagu, surintendant des finances du roi, entreprit d'agrandir de toute part son domaine, achetant terres, fiefs, seigneuries, etc. (1). En bon administrateur, il envisagea, bien que la période soit troublée par la guerre, d'exécuter des travaux d'aménagement dans la vallée de Marcoussis. Pour répondre aux difficultés économiques, des ouvrages furent réalisés pour rassembler les eaux perdues et celles de la Sallemouille en créant deux étangs à l'extrémité de la vallée.

Revenons un demi siècle en arrière, en 1342, quand maistre Galleran Heruy, bourgeois de Paris, acheta un demy arpent de pré entre la Ronce et Vaularon à Jehan Bequet demeurant à Marcoussis. Cette terre était dans la mouvance de Guiot de Vers, seigneur du fief de Vaularon. Les mêmes intervenants se retrouvent le 24 avril 1350 « acquisition par maistre Galleran Heruy, advocat au Châtelet, d'un demy arpen de pré à Jehan Bequet de Marcoussis, au dessoubz de la Ronce en la censive de Jacques de Vers escuier ». Il s'agit de terres qui sont assises à l'endroit qui va devenir le Grand Étang de Marcoussis.

À partir de 1390, Jean de Montagu rassemble les terres du vallon dans un but bien précis. Robin de la Saulsoye, demeurant à Villehiers (hameau de St Jean de Beauregard), vend à Jehan de Montagu, trois quartiers de pré en la prairie de Vaularon, un demi arpent tenant aux Riaulx qui viennent de la fontaine de Vaularon, et 7 arpents mouvants dudit seigneur à cause de son hôtel de Vaularon (*)(2). En 1392, Jehan Aury, demeurant à Janvris, « advoue à tenir en fief à une foy et hommage de Jehan de Montagu, sept quartiers en deux pièces de pré et aulnoy séans entre la Ronce et Vaularon tenant aux hoirs de Jehan le Bègue et aux terres de la Ronce ». Six ans plus tard, le sieur de Montigny vend à messire de Montagu « en la Ronce que en Vaularon, trois arpens et demy de prés ou environ en plusieurs pièces ». Vers la fin de l'année 1398, le rassemblement des terres semble être réalisé par le maître de Marcoussis.

La construction de l'étang fait l'objet d'un traité car il faut réunir un certain nombre de conditions pour retenir l'eau « à la partie qu'on nomme la tête de l'étang, on doit faire une levée solide…On fera une excellente chaussée en élevant du côté de l'étang un bon mur en terrasse avec de la pierre dure et du bon mortier qu'on épaulera par-derrière avec des terres grasses… ». L'acte de passation de marché du 30 août 1400 est établi devant le garde de la prévôté de Montlhéry (Marcoussis ne devait pas avoir de tabellion ou l'affaire était trop importante) entre le maître d'ouvrage, Jean de Montagu, et les entrepreneurs Jehan et Guillaume le Bourbonnois ainsi que Jehan Labbé, demeurant à la Ronce. Ceux-ci confessèrent avoir promis de faire « un estanc que Monseigneur de Marcoussis veult faire à Marcoussis au dessus de la Ronce lequel aura de lonc trois cents toises ou environ de chaussée et quinze toises d'assiette en fons et en couronne six toises et quatre pieds de haulteur aplomb de huis de la bonde sans rien prendre ni abesser des terres de devant icelle bonde » (3).

Les preneurs du marché s'engagent à exécuter : • la clef de la chaussée « de trois toises de lé en fons et sera cy atteinte ladite clef et a si vif fons que l'on verra toutes eaues cheoir d'en hault en bas tellement que nulles eaux ne puissent passer par-dessous ladite clez », • toutes les terres qu'ils prendront en ladite clef et les couroies aux deux costés d'icelle clef comme bon leur semblera, et au prouffit de l'ouvrage de ladite chaussée et rempliront ladite clef des terres nouvelles conroies de fin concay auprès et aleau, • les bouts de la chaussée s'aboutent qu'il n'y puisse aller nulles eaux et avecques ce de gazonner ladite chaussée par le côté de devant bien et suffisamment, • la chaussée sera maçonnée de pierres par devant à sec et le seigneur sera tenu de leur livrer les pierres sur le lieu et ils les maçonneront à leurs despens et aura le mur deux pieds de large et trois pieds en fond, • le défrichement de toutes les aulnaies et haies qui sont en ladite chaussée à leurs dépens et aussi seront tenus de faire couper toutes les aulnaies haies et buissons dudit seigneur rees terres ou l'eaue dudit estang se pourra estendre et mettres hors sans rien y laisser et sans rien prendre au terroir de Vaularon, • de prendre les terres pour faire la chaussée es elles dudit estang bien à nivel afin que les eaux s'étendent plus largement dedans iceluy estang et d'asseoir les bondes bien et convenablement. Le traité prévoit également le délai et la manière d'exécution « laquelle besogne ils seront tenus de rendre toute parfaite bien et convenablement dedans un an prochainement venant et y tenir par chacun jour ouvrable quarante hommes et neuf chevaux ». Le montant du marché est fixé à « deux mil vinc trois francs d'or dix sols parisis et deux muids de blé sur lequel prix ils ont eu et reçu dudit seigneur par la main de Estienne de Lacroix receveur dudit seigneur la somme de cinq cent trente sept livres dix sols parisis et ainsi reste mil quatre vins et une livres parisis que ledit seigneur sera tenu de leur rendre et paier en faisant par eux ladite besogne ». Suivent de multiples garanties de solidarité et de fin d'achèvement des travaux « pour le tout ledit estang,…, rendu fait et parfait dedans ledit temps d'un an prochain venant et y tenir par chacun jour ouvrable ledit temps durant, quarante hommes et neuf chevaux comme dit est dessus à peine et sur peine d'amendes de gaiges ». Enfin le contrat rend les preneurs solidaires qui devront réponse en cas « faulte, coulpe et négligence » sur leurs biens et ceux de leurs héritiers « et chacun d'eux pour le tout en obligèrent par devant nous eux leurs hers, tous leurs biens et les biens de leurs hoirs, meubles et héritages présents et advenir et lesdits Guillaume le Bourdonnais, Jean labbé et chacun d'eux leur corps à tenir prison fermée qu'ils en submistrent quant ad ce justicier, exploicté par la juridiction sous qui ils sont trouvés renonçant en ce fait par leur dite foy et serments … ».

L'étang de Roucy est maintenant construit et mis en eau, alimenté par les eaux de sources et celles de la Sallemouille. Ainsi, la qualité des eaux était excellente (4). En 1402, Jean de Montagu veut agrandir son étang et acquiert des terres dans la mouvance de la commanderie du Déluge « Monseigneur de Marcoussis est reconnaissant de 3 arpens de terre sis au chemin de Briis à Montlhéry par Vaularon, mouvant du Déluge pour accroistre son estang dudit Marcoussis fait avec feu frère Jehan François, commandeur du Déluge ».

En septembre 1405, Jehan Michon et Jehanne sa femme, demeurant à Longpont, vendent à Montagu « un demy arpen de pré, séant en la prairie de Vaularron, tenant à Robin de la Saulsoye, à Bertrand Quentin au seigneur de la Roé, mouvant de la seigneurie de Vaularron, lequel pré est encloux dedans lestant de Roucy qui appartient audit seigneur , moyennant huit escus ». Une autre vente est faite en juin 1405. C'est Thomas Desforges, demeurant à Villiers-sur-Noroy, qui vend à Jehan de Montagu, maistre dostel du roy , un demy arpen de pré séant en la prairie de Vaularron, tenant à Montagu et au seigneur de la Roe, aboutissant aux Riaulx qui viennent de la fontaine de Vaularron, mouvant de Montagu à cause de son hostel de Vaularron et est ledit demy arpen compris et enclos lestang de Roucy appartenant audit acheteur. Cette vente faite moyennant huit escus d'or que ledit Robin a reçu des mains de Delacroix, receveur de Marcoussis (5).

À la même époque, de nouveau, Robin de la Saulsoye, demeurant à Villehier, vend des prés à Montagu. Les transactions sont passées devant Estienne Guis, prévôt de Montlhéry: - trois quartiers de pré séant en la prairie de Vaularon, tenant à Jehan Michon et au seigneur de la Roé, - item demy arpent de pré assis en ladite prairie tenant au seigneur de la Roé, d'autre part aux Riaulx qui viennent de la fontaine de Vaularron, - item un arpent tenant audit acheteur aux hoirs de Guillaume le Saige, au bout au Riaulx, en censive de son hostel de Vaularron, La vente faite moyennant 36 escus d'or payés par Estienne Delacroix.

Les ventes continuent en juillet 1405, on ne peut rien refuser au puissant seigneur ! C'est un demi arpent de pré en la prairie de Vaularon, aboutissant au seigneur de la Roue, mouvant dudit acheteur à cause de sa seigneurie de Vaularon « ledit demi arpents est dedans l'estant de Roucy payé huit escus d'or par Etienne Delacroix, receveur dudit seigneur ». Puis , Pierre Lepreux vend trois quartiers de pré à Jehan de Montagu en la prairie de Vaularon « qui sont enclos en l'estant de Roucy appartenant audit seigneur, tenant audit seigneur, aboutissant aux Bruyères, mouvant dudit seigneur à cause de son hôtel de Vaularon, à la charge de trois deniers de cens vente faicte moyennant deulx escus d'or payés par Estienne Delacroix, receveur dudit seigneur audit lieu de Marcoussis ».

Après que Jean de Montagu ait été condamné et exécuté en octobre 1409, le duc Louis de Bavière, beau-frère du roi, prend possession de Marcoussis. Le 3 janvier 1414, Symon de Harecourt, receveur de Marcoussis, « confesse avoir eu et reçu de religieuse & honneste personne du couvent des Célestins un mandement à moy et Estienne de Lacroix, naguères receveur dudit lieu à eulx octroyé par noble et puissant Messire le duc de Bavière, et dont la teneur sensuit : Loys duc de Bavière et seigneur de Marcoussis, … avons ceddé pertes qu'ils ont eues en plusieurs de leurs maisons à l'occasion des guerres qui depuis six ans ont esté en ce royaume à leur donner quittance, franchement la somme de huit livres par laquelle ils estoient tenus à nous donner à cause de certain poisson & buche pris par eulx en nos estangs et parc de Marcoussis, laquelle supplication et requeste, leur abandonnons 29 livres tournois ».

Le lendemain, les Célestins reconnaissent qu'ils ont pris du poisson dans les étangs du seigneur de Marcoussis et reçoivent une quittance du receveur du duc de Bavière. N'oublions pas que cette période est l'époque des attaques des Armagnacs qui ravagent toute la contrée autour de Montlhéry. Marcoussis avait été assiégé en 1412. « Sachent que Estienne de la Croix naguères receveur de Marcoussis confesse avoir reçu de religieuses et honestes personnes le prieur et couvent de la Saincte-Trinité de Marcoussis ung mandement adressant à Simon Harreccourt, receveur dudit Marcoussis, à moy à eulx octroyé par noble et puissant seigneur, monseigneur le duc de Bavière et dont la teneur sous Loys Duc de Bavière, comte palatin du Rhin, seigneur de Marcoussis, à nostre receveur de Marcoussis ci Estienne de la Croix …, salut. Avons humble supplication de nos chevaliers et bonnes amés les religieux Célestins, .., faisant mention, comme il nous pleut considérant par ces présentes, ils ont euez en plusieurs grandes pertes qu'ils ont eu en plusieurs maisons à l'occasion des guerres qui depuis six ans ont été en ce royaume à leur donner et quitter franchement la somme de 29 livres 6 sols par en laquelle ilz estoient tenu à nous à cause de certains poissons et buches pris par eulx en nos estangs et parc de Marcoussis, laquelle supplication et requeste nous demandons grace que nous avons à eulx, …, nous leur avons octroyé par ces présentes nous leur donnons quittance ».

De ces faits, on peut supposer que le parchemin du marché de construction du grand étang est passé dans les cartons des Célestins pendant cette période troublée où ces derniers étaient les seuls représentants présents à Marcoussis.

La pêche sous Louis de Graville

Sous les Graville, la production piscicole des étangs de Marcoussis est importante et nécessite une main-d'œuvre nombreuse. Les étangs faisaient vivre beaucoup de monde : garde-pêche, surveillants, pêcheurs, journaliers pour l'empoissonnement, ouvriers pour la réparation de la chaussée, tâcherons pour le curage des fossés qui amènent l'eau, voituriers pour le transport du poisson à Paris, etc. Par temps de gelée, l'étang devait être gardé « jour et nuit car les picoreurs ne manquent pas d'aller la nuit faire des trous dans la glace et attirent le poisson avec de la lumière … ». Il fallait également supprimer les jonchères qui attiraient canards et hérons, gros mangeurs de poissons.

Pour pêcher, on devait ouvrir doucement la bonde pour ne pas perdre de poissons. L'opération de « l'assec » demandait de 6 semaines à 2 mois. Il faut alors garder l'étang jour et nuit lorsque l'eau est vidée et que le poisson est rassemblé dans la poêle (6).

La vente du 6 février 1497 nous donne le prix du poisson pêché à Marcoussis. « Noble personne Jehan Bailly, escuier, maistre d'hostel de hault et puissant Loys Malet, seigneur de Graville, vend la pesche de l'estang à quatre marchands de poissons d'eau douce à Paris, moyennant six livres tournois pour chaque cent de carpes de douze à quatorze pouces, treize livres au dessus de quatorze pouces et six livres pour chaque seau de peschaille ». Ce document souvent mentionné (répertorié dans les minutes dépouillées des AN) va nous permettre d'estimer le rendement d'un étang comparé à la terre mise en labour (7). La proximité de Paris permettait d'en tirer de substantiels revenus. Ce commerce de poissons frais des étangs était essentiellement destiné aux classes aisées de la capitale. Grâce à un registre de commissaires destiné à estimer la succession de Loys de Graville, nous avons de nombreuses informations relatives à la gestion des étangs en l'année 1517. Un marché de pêche de l'étang est passé par Bernard Marsaint le 9 février. En ce même mois, le chapitre des dépenses mentionne : - « Payés 45 sols à ung charpentier pour avoir deffaict la bonde du premier estang dudit Marcoussy, - « Item, payé à Philbert du boys et Robert son fils 68 sols pour avoir vaqué l'espace de 22 journées à faire les hayes au premier estang & aussi estoupper en plusieurs endroits, les eaux qui affluent, - « Item, payé 12 sols à Lyonnet Guesdon pour avoir coupé du boys dudit Marcoussis pour chauffer iceux qui ont gardé le poisson dudit premier estang le temps qu'il estoit en sa pesche, - « Remboursement à Raoullant de Viel Chastel, serviteur de madame la grande maitresse de 42 sols qu'il avoit baillé à un manouvrier quy avoit faict plusieurs travaux audit premier estang…

Le livre des recettes des commissaires nous indique que la pêche des deux grands étangs de Marcoussis et de celui de Saint-Yon a rapporté seize cens quatre vingt troys livres venant de plusieurs marchands. Un autre acte mentionne « Pierre Benard, marchant demeurant à Lardy, et Pierre Thiboust, aussy marchant poissonnier demeurant à Paris, lesquels ensemble et sans division ung seul et pour le tout, …, confessent avoir acheté de nobles hommes Maitre Jehan Mavelot notaire et secrétaire du roy et Jehan Basannet, bourgeois de Paris, commissaires establys de par le roy en la cour de parlement au régent et gouvernement des biens de feu Monseigneur l'admiral, la pesche du poisson et carpes et brochets quy sera peschée cette année présente ». Les conditions de la pêche sont sévèrement contrôlées : « carpes et brochets de quatorze pouces et plus entre ballaye et oeil pour la somme de dix huit livres tournoy chaque cent et les autres carpes et brochets de vingt à vingt quatre pouces, pour vingt cinq livres chaque cent ».

En cette année 1517, les commissaires écrivent « ledict estang de la Ronce fut pareillement appoissonner de semblable halvin que de présent jusqu'au nombre de dix mil cent cinquante … ». Les dépenses de deux pescheurs de Chastillon se montent à 12 livres tournois « qui leur estoit dues tant pour l'achat de la nacelle que pour porter leurs fillets & engins pour pescher le poisson du premier estang ». Pour avoir gardé le poisson « qu'il a esté pesché » du premier étang (Roucy) pendant 12 jours, les salaires payés à six personnes se montent à la somme de 15 lt. Egalement payé à six porteurs la somme de 108 sols pour avoir porté le poisson « quy a esté pesché audit estang pendant l'espasse de six jours ». En mars 1517, Yvonnet, sergent et garde des boys du costé du Grand Estang devers Janvris est nommé pour surveiller « mil arpens de boys ». Pendant la même saison de pêche Guillaume Guignard reçoit dix livres pour ses journées de pêche aux étangs de Marcoussis.

En avril 1518, un commissaire assure le paiement à Jehan de Caudillon dit la Pasture, serviteur et domestique du seigneur, de 14 livres tournois « pour la pesche des grands estangs et de celui de Vaularon et des fossez du chasteau ».

Après le décès de Louis de Graville, le 16 octobre 1516, la succession s'organise difficilement à cause de la disgrâce de sa fille Anne de Graville. Le partage du 19 octobre 1518 attribua Marcoussis à Jeanne de Graville et son fils unique Georges d'Amboise ; dans le partage il est fait mention d'une pièce assise à la queue du Grand Étang , ce dernier de 125 arpents.

L'étang sous les Balsac d'Entragues

Un aveu et dénombrement de la seigneurie de Marcoussis est fait au roi en 1518 dans lequel l'article N°10 concerne les étangs qui sont : • l'étang de l'Abreuvoir près du château de Marcoussis contenant 5 arpents 37 perches, • le Petit Estang du Moulin contenant en son plein d'eau y compris les chaussée et biez, 90 arpents, • le Grand Estang contenant plein d'au 125 arpents et demi y compris la chaussée et biez, • et l'estang de Vaularon contenant plein d'eau 8 arpents, • un moulin et un colombier depuis longtemps détruits.

En avril 1545, nous trouvons l'étang de Labreuvoyr avec ceux de Vaularon, le Grand et le Petit Etang, le tout est évalué à 286 livres.

Le 20 février 1574, aveu et dénombrement rendu au roi par François de Balsac de deux étangs à poisson, le grand d'une superficie de 130 arpents et le petit de 110 arpents. Le petit étang de Vaularon contenant environ un arpent, étant dès lors en pré, lieu dit la Queue de Janvry, au bout duquel il y avait anciennement une maison en fief d'une contenance de 12 arpents.

En 1589, Pierre Lemaistre confesse avoir reçu de honorable homme Loys Gourby marchand de Montlhéry, dit fermier des estangs de Marcoussis appartenant à Mr d'Entragues , la somme de 212 escus sol, sur celle de 875 escus deubs audit sieur président par le seigneur d'Entragues pour arrérages de rentes et laquelle somme de 212 escus ledit Gourby auroit affirmé par messieurs des requestes du palais à Paris, laquelle debvoit au seigneur d'Entragues, à cause de la ferme des estangs selon qu'il est dit en la sentence du 15 avril; laquelle somme de 212 escus, ledit président Lemaistre s'est tenu quitte envers Gourby. Les seigneurs de Marcoussis sont toujours endettés.

L'année 1606, Messire Charles de Balsac, chevalier, seigneur de Marcoussis, étant de présent en son château dudit lieu « lequel a confessé avoir reçu de Loys Gourby Lesné, marchand demeurant à Marcoussis, la somme de huit cents livres douze sols six deniers, pour moitié de la couppe & despouille de vingt arpents size près la queue de Janvry et trois cents cinquante six livres douze sols pour moitié de la vente de soixante dix neuf arpents de boys … même lieu, … et trois cents livres tournoy pour la moitié appartenant à luy audit Marcoussis à cause de sa dernière année de la ferme des deux estangs dudit Marcoussis ».

Charles de Balsac, le fils aîné de François qui en avait reçu la charge de gouverneur d'Orléans, était mort par le poison en 1610, et son fils aîné Charles fut tué en duel en 1626. Jeanne de Gagnon, sa seconde femme, eut la garde noble de leurs deux filles mineures, Claude et Françoise de Balsac. Vers 1626, les héritiers se trouvèrent être les deux enfants de François de Balsac nés de lits différents : César de Balsac et Marie-Charlotte de Balsac qui se disait dame de Bassompierre (8). Comme toujours, un procès eut lieu et le jugement rendit Marie-Charlotte propriétaire de la ferme de la Ronce, des étangs et de nombreux fiefs en dehors de Marcoussis. Vers 1640, une sentence venant du prévôt de Montlhéry mentionne « les estangs de Marcoussis avec 400 arpents de bois taillys ont été démembrés dudit Marcoussis et baillé et partagé à Charlotte de Balsac, dame de Bassompierre , fille dudit François de Balsac ».

L'étang sous Léon d'Illiers de Balsac

Après tous les démêlés successoraux, la seigneurie de Marcoussis échoit à Léon 1er d'Illiers de Balsac d'Entragues, fils de Charlotte-Catherine et de Jacques d'Illiers, et neveu de César de Balsac. Devenu seigneur de Marcoussis, il racheta de sa tante les terres qu'elle avait reçu de la succession de son père, c'est-à-dire la ferme de la Ronce, des deux étangs et 397 arpents de bois. Rendant sa foy et hommage le 15 mai 1648, Léon de Balsac déclare « deux estangs à poisson au bout l'un de l'autre, le grand contenant six vingt dix arpents,…, au bas dudit grand estang ung aultre estang à poisson appelé le petit estang contenant environ cent dix arpents,…, tendant aux terres de Mr Claude Dumoulin appelées les biez ».

En 1657, lors du bail des revenus de la terre de Marcoussis, il est fait mention de « la pesche des deux estangs de Marcoussis » : les preneurs pourront les pêcher quand bon leur semblera et la dernière année ils seront tenu de laisser dans le grand étang quatorze milliers de carpeaux de six pouces de long et au petit étang, dix milliers de pareils carpeaux, pour le grand dix vingt mères carpes « les preneurs estant tenu d'advertir le seigneur auxquels fins de rempoissonnement pour le veoir faire ». L'ensemble est géré par le receveur de la seigneurie.

Léon 1er d'Illiers de Balsac meurt en 1669. Le 10 juillet 1670, Jean Thualagan, receveur de la terre et seigneurie de Marcoussis est adjudicataire des biens libres du partage de la succession des biens de Léon de Balsac et de dame Catherine d'Elbène. Il procède devant le bailli à la “ recognaissance pour faire les réparations de massonnerie et de menuiserie tant en la ferme de la ronce que aux estangs ”. Ces travaux consistent pour la ferme au changement des deux portes d'accès ainsi que de celle qui sert à stocker les grains, et pour l'estang, de deux grandes pièces de bois pour aller de la chaussée à la bonde de longueur 45 pieds , ainsi que quinze pièces de bois pour la pêche et une vanne auxdites grilles. Suit la prisée de l'ensemble estimée à 294 livres en présence de Hiérosme Hélie, concierge du château.

En 1672, Léon Poullier, devenu receveur, demande à Charles Barrié, secrétaire de Léon II de Balsac et tuteur de Louis, son fils mineur, héritier de son ayeul Léon 1er, la permission de rempoissonner le Grand Estang pendant l'année suivante « attendu l'impossibilité de le faire à cause de la sécheresse de l'hyver dernier et le peu d'eau qui se trouve dans ledit grand estang dans lequel le poisson pourroit risquer, consentant aussy que le poisson destiné pour faire le rempoissonnement soit déposé dans le petit estang, de rempoissoner en 1673 de la manière acoustumée et en faire la pesche conformément au bail ».

Comme nous l'avons vu bien souvent, la succession de Messire d'Illiers d'Entragues se résout par voie de justice. En 1691, Charles Lhéritier, procureur de René Jacob, bourgeois de Paris, est fermier judiciaire de la ferme de la Ronce « lequel nous a dit et remontrer qu'en exécution de la sentence rendue par nos seigneurs des requestes du Pallais du trente may dernier, il a fait assigner jourd'huy, Georges Benoist, charpentier, François Legendre, masson, et François Martinet, terrassier, experts nommés pour la visitation de la ferme de la Ronce et faire un rapport des réparations en raison de la succession vaccante de Messire d'Illiers d'Entragues ». L'expertise est réclamée par les créanciers dudit seigneur, et par Messire Jean d'Illiers, prieur. Le rapport de visite nous indique que le grand et petit étang dépendent de la ferme de la Ronce. Les experts examinent de tous les lieux et notamment la bonde, la grille et la seigne , et donnent leurs conclusions: • pour les loges des étangs, qu'à la loge du grand estang refaire à neuf le pignon et reboucher deux trous à la couverture en employant un demy cent de chaulme , • refaire soixante thoises de curage dans la rivière qui descend de la chutte du grand étang au petit de huit pieds de large et de deux pieds et demy de creux…à raison de vingt sols la thoise .

Travaux, pêche sous les marquis d'Illiers et de Rieux

Léon II d'Illiers mourut à l'âge de 67 ans le 17 juillet 1702. Le 5 juin 1707, nous trouvons un bail d'affermage passé par “ haute et puissant dame “ Louise-Madeleine de Grimonville, veuve d'Henry, marquis d'Illiers, demeurant à Paris, rue des Tournelles confesse avoir baillé pour neuf années les jachères, …, et les étangs, grand et petit. De cet acte, nous supposons qu'Henri d'Illiers, frère de Léon II, avait reçu les étangs de Marcoussis (9).

L'an 1709, Messire Jacques d'Illiers, capitaine, lieutenant des chevaux légers de Monseigneur le duc de Berry, « au nom et comme se portant fort de haulte et puissante dame Louise Madeleine de Grimonville, veuve de Henry, marquis d'Illiers, d'une part et Louis Thibault, fermier de la Ronce, y demeurant, d'autre part, lesquels sont convenus de ce qui suit, c'est à savoir qu'ils ont résilié le bail fait par ladite dame marquise d'Illiers, …, il a point rempoissonné le Grand Étang suivant l'écrit et convention fait entre eux pour raison de quoi, elle peut prétendre contre luy de dommages et intérêts et qu'il doit outre de paier le prix de la seconde année du bail soit 1.350 livres ». Une transaction d'un montant de 1.266 livres acquitte des dommages cités et il est consenti qu'il fasse faire à ses risques et périls la pêche du petit étang, et dispose du poisson.

Deux ans plus tard, un acte concerne le marché d'empoissonnement du grand étang appartenant à Monsieur et Madame la marquise d'Illiers, « n 'a pu se faire plustot à cause de la rupture de la bonde dudit grand étang et que depuis qu'elle a été raccommodée, il n'y a pas eu d'eau dans iceluy étang que l'automne dernier ». Le responsable du rempoissonnement est le fermier de la Ronce, Jean le Noullier, marchand bourgeois de Paris, qui est aussi locataire desdits seigneurs. Suit le détail des poissons en nombre et échantillons de quatre à neuf pouces.

Le 4 avril 1719, le sieur Godin, escuier du marquis d'Iliers, seigneur de la Ronce , soit disant chargé dudit seigneur, fait un marché de réparations avec François Augros maçon, à savoir travailler incessamment, avec les ouvriers maçons nécessaires : • maçonner à neuf l'endroit nécessaire et présentement rompu à la chaussée du grand étang vis à vis la bonde, • commencer ladite maçonnerie des fonds anciens d'icelle, avec pierre, chaux et sable pour un mur de cinq pieds d'épaisseur sans le glacis, de manière à reconstituer l'ancien glacis, • replacer tous les graix à l'identique de l'ancienne chaussée, à la charge du seigneur de fournir les pierres et chaux nécessaires, moyennant 28 livres pour chaque thoise courant ledit ouvrage, paiement au fur et à mesure des travaux, la brèche estimée à cinq ou six thoises .

Nous venons de voir que la ferme de la Ronce et les deux étangs de Marcoussis appartenaient au marquis d'Illiers, cousin du seigneur de Marcoussis, Alexandre d'Illiers de Balsac d'Entragues qui avait succédé à son père Léon II (Léon Pelage frère aîné d'Alexandre mort en 1701). En 1719, Alexandre fait l'acquisition de la Ronce et, par là, reconstitue le domaine que possédait son grand-père. Le vendeur est Jacques d'Illiers, seigneur de Chantemesle, la Ronce, maréchal de camp des armées du Roy. En mars de l'année suivante des travaux sont effectués « concernant le rétablissement de graisseries qui soutiennent la chaussée du grand étang ».

En 1720, à la requête d'Alexandre de Balsac et suite à l'acquisition de la Ronce et des étangs faites à Jacques d'Illiers, « attendu que les deux chaussées qui soutiennent les étangs de la terre de la Ronce sont en danger de s'ouvrir et de se rompre et que cette rupture, si elle arrivoit causeroit une innondation dans tous le pays, il a plu à la cour ordonner que lesdites chaussées seroient vues et visitées par experts et gens connaissants … ». En outre la sentence mentionne la possibilité de saisir la terre et seigneurie de la Ronce, et de faire un procès-verbal de visite. En octobre de la même année, une sentence de décret volontaire fait par le marquis ordonne les réparations à faire aux étangs de la terre de la Ronce.

La saisie est levée en 20 décembre 1721 et les étangs et la Ronce reviennent à Alexandre qui dans le bail de la seigneurie, détaille la pesche des étangs . La première saison de pêche a lieu deux ans plus tard. Le bail oblige de « faire par chacune année la pesche des deux étangs dépendants de la terre de la Ronce, à commencer par le Grand Estang qui sera mis en pesche en l'année 1723, lesquelles pesches seront faites par ledit preneur qui devra laisser lors de icelles pesches dans le grand étang dix huit mères carpes et dans le petit estang les mères carpes qui s'y doivent trouver … . »

Six ans passent, Alexandre de Balsac demande « à jouir du droit de ses ancêtres et utiliser les réservoirs situés dans les prés du fief des biez appartenant à l'Hotel-Dieu durant le temps de ladite pesche ».

L' aveu et dénombrement du 30 mai 1730 rendu au roi par Alexandre de Balsac d'Illiers d'Entragues donne les droits généraux de la seigneurie de Marcoussis où apparaissent les droits de justice haute, moyenne et basse avec appellation au Châtelet de Paris, ceux de pressoir banal, foire, …, chasse et pêche en l'étendue desdites terres et fiefs. Le domaine utile contient deux étangs à poisson au bout l'un de l'autre. Le Grand, contenant 130 arpents, à 18 pieds par perche, et 100 perches par arpent, tant en chaussée, bordage et pré et aulnoy. Et l'autre, appelé le Petit-Étang, contenant, tant en eau, chaussée que prés et bordage, environ 110 arpents, dans lesquels prés ledit seigneur avouant a droit de réservoir en temps de pêche du Grand-Étang. Un autre étang au lieu dit la Queue-de-Janvry, appelé l'Etang de Vaularon, au bout duquel il y avait anciennement une maison en fief, lequel étang est maintenant partie en pré, et l'autre partie en aulnois et bois, contenant environ 12 arpents. Lequel lieu de Vaularon était anciennement un fief, qui relevait en plein fief du château de Marcoussis, et en arrière-fief de Montlhéry, et depuis a été réuni à Marcoussis. La ferme, appelée la Ronce, proche la Chaussée du Grand-Étang, contient 140 arpents en plusieurs pièces.

Le marquis d'Entragues est mort sans enfants en 1742. Il avait fait son testament en faveur de son frère Henri de Balsac qui décéda avant le donateur. Ce fut le fils de celui-ci, Alexandre II de Balsac, qui hérita de Marcoussis. Il ne conserva ces terres que peu de temps les laissant à sa sœur Claude Louise Jeanne d'Entragues, mariée au marquis Louis-Auguste de Rieux. Cette dame avait rendu foi et hommage au roi le 8 juillet 1746 pour sa châtellenie de Marcoussis.

Le 26 avril 1751, l'état de la seigneurie mentionne « un autre grand étang de 81 arpents avec chaussée revêtue de mur formant retraite de cinq marches , avec bonde et gril et en l'étendue de ladite chaussée du côté des prés, un taillis d'environ douze ans de différentes essences, ensuite du gril à droite du chemin pavé qui conduit aux routes des bois un pareil taillis contenant ensemble cinq quartiers ». L'année suivante, Pierre Gurlier, fermier des étangs de Marcoussy pour Monsieur de Rieux, ancien seigneur dudit lieu, remet 24 carpes de différentes tailles pour le rempoissonnement dudit Grand Étang. Cette opération est faite en présence du concierge du château et du notaire du baillage.

À suivre…

Notes

(1) Jean de Montagu porta les titres de vidame de Laon, seigneur de Montagu, de Marcoussis. Il fut successivement secrétaire de Charles V, surintendant des finances de Charles VI en 1388, chambellan du roi vers 1397, puis grand maître de France en 1408.

(2) À la fin du XIVe siècle, une maison, que l'on appelait hostel dans les titres, existait à Vaularon. En 1395, Jehan de Duison, escuier, avoue à Jean de Montagu, seigneur de Marcoussis, 14 arpents de bois en deux pièces à Vaularon , l'hôtel de Vaularon entouré de fossés , trois arpents de jardins séant autour dudit hôtel, cinq quartiers de terre séant à “la Fontaine tenant au chemin de Paris et d'autre part au chemin qui va à la porte de lostel de Vaularron” , etc. (cf. la chronique “Fief et étang de Vaularon à Marcoussis”). (*)

(3) Cet acte a été trouvé par l'auteur en 1998, lors de recherches sur les Célestins dans une liasse n'ayant rien à voir avec le sujet. Ayant à cette époque une documentation jugée insuffisante, je n'ai pas estimé utile de publier cet article seul. J'ai montré ce document à un tiers et ai naïvement donné la côte dans une interview au Républicain datant du début 2001, comprenant quelques autres informations sur l'étang et mis en page par le journaliste. Curieusement fin 2001, trois auteurs dont celui à qui j'avais montré la découverte déposaient “sa traduction aux archives départementales de Chamarande”. C'est depuis cette époque et pour un autre motif que je ne donne plus mes références bibliographiques.

(4) En 1769, Duhamel du Monceau dit « que les poissons se plaisent singulièrement bien dans les étangs traversés par une petite rivière ».

(5) « Riaulx », petit ruisseau ou canal pour l'écoulement des eaux.

(6) L'ordonnance du Code des Eaux et Forêts prévoyait des peines sévères, il y avait prison ou condamnation aux galères pour le vol d'une carpe ou d'une perdrix.

(7) Calculons le revenu de 130 arpents semés en blé et ceux de la même superficie mise en étang vers 1500. Avec un rendement de 2½ setiers de froment par arpent payés 4 livres sur le marché de Montlhéry, nous avons 1.300 livres. L'étang de Roucy produisant 10.000 carpes payées 18 livres le cent et 5.000 gros poissons à 25 livres le cent, fait un revenu brut de 3.050 livres tous les deux ou trois ans. En estimant des frais identiques dans les deux cas, on voit bien l'intérêt de la pisciculture.

(8) Marie- Charlotte de Balsac d'Entragues est la fille de François d'Entragues et de Marie Touchet. Elle eut de François de Bassompierre, marquis d'Haroué et maréchal de France, un fils naturel, Louis bâtard de Bassompierre qui fut évêque de Saintes et aumônier de Monsieur, du duc d'Orléans.

(9) Nicolas de Grimonville, fils de François du nom et d'Anne d'Estanson, avait accompagné le roi Henri III quand celui-ci fut élu roi de Pologne. Il était seigneur de l'Archant, d'Auteuil et la Boulaye.

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