Corpus Essonnien

Histoire et patrimoine du département de l'Essonne

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Le moulin de la Roue à Linas (1)

Chronique du Vieux Marcoussy –Marcoussis————— _———————————- Octobre 2008

JP. Dagnot

C. Julien

Cette chronique relate l'histoire d'un moulin à farine situé dans la seigneurie de la Roue, paroisse de Linas. Bien qu'il nous soit étrange aujourd'hui de voir tant de moulins à eau dans ce village, depuis sa création, le moulin de la Roue fait partie du ban de la seigneurie du même nom (1).

Le moulin de La Roue était alimenté par une source, alors que la Sallemouille faisait tourner trois autres moulins de Linas : Guillerville, Cholet et l'Étang. Avant tout, il convient de mentionner que le moulin qui nous intéresse a porté le nom de « moulin de la Roue-d'enhaut » pour le différentier d'un autre moulin alimenté par les mêmes eaux appelé « moulin de la Roue-d'embas » autrement dit « le moulin des Suzeaux » dont les droits avaient été acquis par les frères Hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem, dès 1228 (cf. chronique “ Le moulin des Suzeaux à Linas ”).

L'eau issue de la source emplit la pièce d'eau où une vanne règle le débit. Le trop-plein s'écoule dans un canal et tombe sur les pales de la roue de type “ au-dessus ”. Dès la sortie, l'eau est captée dans le bief inférieur appelé rivière de la Pelerine pour servir le moulin de Suzeaux. Le moulin comprend deux corps de bâtiments en équerre, l'un à usage de l'usine, l'autre à usage d'habitation.

Les anciens documents

Vers 1750, l'abbé Lebeuf écrivait : « Dans l'enceinte du même Château [de la Roue] est une fontaine qui fournit tant d'eau qu'au bout de quelques pas elle fait aller deux moulins, dont l'un s'appelle le moulin de la Roüe, et dépend du Château, l'autre se nomme le moulin des Sureaux et appartient à M. de la Chasteigneraie,… ».

Nous avons eu connaissance dans les chroniques précédentes que les seigneurs de la Roüe « dominii de Rota », n'apparaissent qu'à partir de 1208, alors que les seigneurs laïcs de Linas possédaient des fiefs depuis l'époque reculée des sires de Montlhéry. C'est une lettre de l'archidiacre parisien Guillaume, écrite avant Pâques 1209, qui notifie une cession faite au chapitre de Linas, par Nicolas de la Roue, d'une vigne sise “apud Rotam” avec l'approbation de Lucienne, sa mère, et de Geoffroy et Guillaume ses frères.

Nous ignorons la date de construction du moulin de la Roue, mais un acte de 1224 est la notification par l'official de Paris au chapitre de Linais d'une vente faite par Robert de Pleissico arrière seigneur d'un demi-muid de bled sur un moulin appartenant au chevalier Nicolas de la Roue . Le cartulaire de Linas mentionne également le nom du chevalier Gui de Balizy qui aurait un demi-muid de bled sur le moulin de Nicolas de la Roue.

D'autre part, nous savons qu'en 1228 Guillaume Germany et sa femme Eremburge avaient vendu aux frères de l'Hopital de Saint-Jean de Jérusalem huit setiers de blé à prendre dans le moulin de la Roue-Dembas « in molendino de Rota apud Linois » moyennant 23 livres 6 sols et 3 deniers parisis. Il y a bien lieu depuis cette date de distinguer entre les deux moulins voisins sur la fontaine de la Roue .

La mention du moulin de la Roue réapparaît quand, vers 1270, une transaction est passée entre le chapitre de Linas et Martin de Viane, sire de la Roé, à cause de l'expulsion de sa femme damoiselle Jeanne qui avait été excommuniée. Le contentieux fut réglé “pour dédommager Martin à raison d'un muid de blé amorti sur le moulin de la Roé” , le chapitre contribuera pour 20 livres parisis avec une clause de rachat (cf. la chronique “ La seigneurie de la Roue ”).

Aucun document ne nous est parvenu des XIVe et XVe siècles, au cours desquels la seigneurie a appartenu successivement à la famille de Trie, puis aux Allonville et aux Garlande. Enfin, la seigneurie entra dans celle de Marcoussis par l'achat qu'en fit l'amiral Louis de Graville en 1507.

Le moulin de la Roue aux Balsac

La succession de l'amiral arrive neuf ans plus tard. La seigneurie de la Roue tombe dans les mains de sa fille Jeanne de Graville (2). Morte en 1540 sans enfants, ses neveux, les fils de sa sœur Anne, héritent de tous ses biens. Comme bien souvent, la succession fut compliquée et fut soldée par un procès entre les deux frères. Dans un premier acte signé en 1542, il est convenu que Guillaume et Thomas de Balsac restent indivis pour le chastel et le parc de Marcoussis. Un second acte détaille le domaine de la Roue qui échoit finalement à Thomas de Balsac le 7 avril 1545 : la ferme de la Roue vallant trois muys quatre septiers, le moulin de ladite ferme de la Roue , vallant deux muys .

En 1575, un bail est passé par Pierre Lefèvre, receveur de Thomas de Balsac à Didier Hémon, musnier demeurant à la Roue au moulin cy après déclaré et Mathurine Boutillier, sa femme, à titre de ferme et moison de bled jusqu'à six ans « ung moullin à eau à faire de bled farine, couvert de thuiles, jardin et appartenances, au dessous de lhostel seigneurial, avec lestang estant devant ledit moullin ». Les conditions du bail sont classiques avec les clauses d'entretien « le bail faict moyennant deulx muiyds ung sextier de bled rendu à lhostel seigneurial de la roue et deulx chappons pour le jour de Noël ».

Les déboires financiers du seigneur de la Roue ont été décrits dans une chronique précédente (cf. “ La seigneurie de la Roue sous Thomas de Balsac ”). Outre l'endettement considérable de Thomas de Balsac et Anne de Longjumeau, sa femme, le couple est empêtré dans de nombreux procès de succession (3). À Linas, le seigneur dispose de l'hôtel seigneurial avec colombier, de terres et bois, « item un moulin à eaue avec deux arpents auquel sont tenus les sujets du seigneur de bien faire mouldre leur bleds, item deux pressoirs, un four à ban de présent en ruynes, item le droit de nommer & présenter deulx chappelains lesquels sont tenus de célébrer par chaque semaine une messe basse et se consiste le revenu dicelle chapelle… » . Nous avons confirmation que le moulin de la Roue fait partie du ban seigneurial.

A cette époque, Thomas étant absent, la dame de La Roue gère le patrimoine. En 1584, un nouveau bail est accordé à Didier Helmon « hautte et puissante dame Anne de Longjumeau, espouze de hault et puissant seigneur Messire Thomas de Balsac, chevallier de l'ordre do Roy, seigneur de Montagu, la Roue, Chastres, &c. se portant fort pour ledit Seigneur, baille à titre de ferme et moison de grain jusqu'à troys ans, à Didier Helmon, musnier y demeurant, un moullin à eau à faire de bled farine , couvert de thuilles, cour, jardin et appartenances assis au dessous de l'hostel seigneurial dudit lieu de la Roue, avesque l'estang & vivier qui est devant ledit moullin. Ce bail est fait moyennant un muid de bled et ung chappon ». Suivent les conditions habituelles dont l'entretien des bâtiments et des “ ustensiles ” et la tonture des saules. Thomas de Balsac décèdera à Audouville en 1588.

Un an après, un bail nous décrit d'une manière précise le moulin de la Roue. C'est “ honorable homme ” Guillaume Capellain, domestique d'Anne de Longjumeau, qui se fait fort d'acter au nom de sa maîtresse et de Magdeleine Ollivier, veuve de Jehan de Balsac, dame douairière dudit lieu de la Roue, « lesquelles dames ont chargé ledit Capelain de bailler à titre de ferme et moison de grain jusqu'à deux ans à Charles Dupré, maître charpentier demeurant à Montlhéry, ung moullin à eaue à faire de bled farine, couvert de thuille assis audit lieu de la Roue avecques les héritages jardin estant les appartenances dudit, ce bail fait à la charge que dedans un mois le preneur sera tenu de faire à ses frais et dépens audit moullin ung costé de poutrerye garny de deux ponteaux et deux grandz lyanes avec des chaises et du chevestour et de retailler lau du pontevine & mettre des lyanes si besoin et de mettre des volles au plancher de la chambre à feu d'icelluy moullin et de faire les huys et fenestres qu'il conviendra audit moullin et estables dicelluy le tout en lui fournissant le bois qui y sera nécessaire que ledit preneur sera tenu de faire escarir à ses despens, … étayer le pignon dudit moulin du costé de la roue d'icelluy ». Le bail est passé moyennant « dix septiers de bled et deulx chappons, les grains moithié en l'hostel seigneurial de la Roue l'autre à Montlhéry en l'hostel dudit Hérvy ou à celui qu'il plaira à la dame Olivier ». Une clause fixe la condition de « couvrir l'estable à l'aide de chaulme ». Il est bien évident que le moulin est en mauvais état. Que s'est-il passé ? Deux hypothèses viennent immédiatement : soit une grande négligence du maintien des lieux suite à l'absence du seigneur et des dettes qui hypothèquent une bonne gestion, soit plus probablement des dégâts causés par les guerres de religion.

La prisée du moulin appartenant à la Dame de la Roue par Michel Beauvay, musnier du moulin de l'Estang et un nommé Lesueur, charpentier de Marcoussis, est réalisée pour chiffrer sa valeur . C'est Guillaume Le Cappelain, domestique de la dame qui est demandeur, alors que Loys Rousseau est le meunier sortant, et que Charles Dupré, charpentier demeurant à Montlhéry avait pris ledit moulin à titre de moison. Le procès-verbal mentionne mentionne « ung arbre à 4 frettes, deux torillons estimé à 12 escus » , mais ne précise pas de dimension pour la roue, uniquement les meules.

À peine une année s'est écoulée et le meunier de la Roue décède. Jehan Lesné, demeurant au moullin de Guillerville et Nicolas Collet, charpentier demeurant à Leuville, se sont transportés au moullin de la Roue à la requeste de Loyse Chauffour, veuve de Charles Dupré naguère tenant à loyer ledit moulin et Amagnon Lesné, musnier qui a dit avoir pris ledit moullin au seigneur de Montagu. Ledit moulin comprend une roue pour 10 escus, une meule de cinq pieds. Pas d'autres dimensions.

Les difficultés de la meunerie

La même année, Robert de Balsac, escuier, seigneur de la Roue (4), se faisant fort de sa mère Anne de Longjumeau, baille à titre de ferme et moison de grain du jourd'huy jusqu'à trois ans, à Amagnon Lesné, meusnier demeurant à Linois « ung moullin à eau à faire bled farine couvert de thuilles assis audit lieu de la Roue; moyennant deux muids de bled mousture ung muid de froment et deux chappons pour Noel » Le preneur devra faire la prisée avec la veuve de Charles Dupré. Le preneur sera également tenu de refaire à ses frais « lestan dudit moullin qui devra estre curé en fin de bail ».

Nous connaissons bien le meunier Amagnon Lesné qui avait pris le moulin Cholet en mai 1577, puis il avait fait le transport du bail passé par le chapitre de Linas au profit de Michel Leroy, en 1579. En mars de la même année, Amagnon Lesné est « musnier demeurant au molin des Suzeaulx ». Le 11 avril 1592, Amagnon Lesné, meunier à La Roue, doit se sentir vieux ou malade car il cède le bail du moulin du seigneur de Montagu et de la Roue, à son neveu Henry Lesné, lui même meusnier à Guillerville; les conditions sont de rendre les ustancilles selon la prisée, d'entretenir ledit moullin et de payer les droits.

Il semble que les temps ne soient pas propices à la meunerie à Linas car nous assistons à une rotation des meuniers. Que se passe-t-il ? D'une part, la concurrence des moulins voisins est sévère ; nous comptons 5 moulins à farine sur la paroisse de Linas. En cette fin du XVIe siècle, avec des étés pourris, les conditions climatiques ne sont pas favorables à la céréaliculture, d'autre part. Enfin, il faut avoir à l'esprit que la situation économique reste encore instable. En 1592, Henri IV est en guerre, les routes sont peu sures, les marchandises étaient rares à Paris, tous ces évènements étant peu favorables au commerce des grains et farines. N'oublions pas que les moulins du Hurepoix fournissaient les boulangers de Paris qui venaient s'approvisionner sur le marché de Montlhéry.

En 1593, Anne de Longjumeau, veuve de Thomas, « ayant la garde de ses enfans myneurs, baille cette fois à Michel Garrot, musnier charpentier de Linois, jusqu'à troys ans, aux mêmes conditions et sans décrire les lieux que le bailleur dit bien connaître ». On apprend néanmoins au paragraphe des conditions du bail qu'un étang proche du moulin doit être entretenu. Le bail, rédigé en l'hôtel seigneurial, est fait moyennant 2 muids et deux chapons dus au jour de Noël.

Deux mois plus tard, une prisée est faite par les deux experts que sont Nicollas Collet, charpentier de la grande coignée, demeurant à Leuville et Jehan Lesné, musnier demeurant à Guillerville, à la requeste d'Amagnon Lesné, musnier naguères tenant ledit moulin de la Roue et de Michel Jamot, musnier tenant de présent ledit moulin. La roue est estimée à 18 escus, un arbre de 7 escus et deux roues cinq pieds neuf pouces à un prix modique. La même année, Michel Jamot, musnier au moulin de la Roue vend à un vigneron de Linas six septiers de bled mousture moyennant sept escus sol (5).

L'année suivante, Michel Jamot demeurant au moulin de la Roue, confesse avoir reçu de Pierre Chevrier, musnier du moullin de Grousteau, la somme de 4 escus, pour ses peines d'avoir refait le pont et portevaulx dudit moullin de Grousteau et la chaux et sable fourni pour ladite bezogne.

En 1597, Henry Lesné, musnier demeurant au moulin de Guillerville, lequel transporte à Estiennette, sa fille demeurant au moulin de la Roue, le droit de bail fait par Michel Lefèvre, admodiateur de la terre et seigneurie de la Roue dudit moulin de la Roue et des héritages attenants ledit moullin pour en jouir.

En fin de siècle, Michel Beauvairs, musnier demeurant au moulin d'Aulnay, et Michel Jamot, charpentier demeurant à la Roue, se sont transportés au moulin dudit lieu, à la requeste de Pierre Lefèvre, recepveur dudit lieu et de Henry Lesné, musnier demeurant au moulin de Guillerville.

Le moulin de la Roue à François de l'Isle

Au décès de Madeleine Olivier, la seigneurie de la Roue revient à sa fille qui avait épousé François de l'Isle, seigneur de Treigny (ou Trignol), gouverneur de Corbeil (6). Anne de Balsac, espouze de François de l'Isle, baille pour troys ans à titre de ferme et moison à Michel Beauvais, meusnier du moullin d'Aulnay et Amable Bremant, son gendre, le moulin de la Roue qui consiste en maison manable couverte de thuilles, estables couvertes de chaulmes, cour, jardin et terres avesq l'estang et chaussée, ce bail fait à la charge du droit de chasse que ledit seigneur peult avoir sur tous ses subgets de ladite seigneurie de la roue pour moudre audit moulin, faict moyennant deulx muids deulx septiers de bled… six chappons aux festes de Noel.

La prisée du moulin eut lieu en 1603, à la requeste de Jehan Lefèvre, huissier procureur de François de l'Isle, gouverneur pour sa majesté de la ville d'Amiens, …, et d'autre part, Amable Brémant, musnier naguères du moulin de la Roue, François Laigle, maître charpentier demeurant à Chastres et Henry Lesné, musnier de Guillerville, se sont transportés audit moulin de la Roue. Le rapport mentionne la meule servant de courant, 5 pieds trois pouces estimée 100 sols, la meule de dessous servant de gisant prisée 24 livres.

Trois semaines plus tard, Jehan Lefèvre, recepveur de la terre et seigneurie de la Roue, fondé de procuration spécial de Messire François de l'Isle et d'Anne de Balsac, son épouse, baille à titre de ferme et moison jusqu'à quatre ans, à Michel Lesné, musnier du moulin des Sureaux, le moullin à eau à faire de bled farine qui se consiste en maison manable, appelé le moulin de la Roue. Ce bail est fait à la charge du droit de chasse de la seigneurie de la Roue que tient le seigneur sur tous les sujets pour moudre audit moullin moyennant la quantité de deulx muids de bled mouture et six chappons loyaux. Mention de la prisée se montant à 181 livres.

Quatre ans après, François de l'Isle, gentilhomme ordinaire de la chambre du roy, gouverneur de la ville d'Amiens, seigneur de Trignol et la Roue, baille à ferme et moison, jusqu'à trois ans à Michel Lesné, musnier demeurant au moulin dudit lieu de la Roue, ledit moulin, qui se consiste en maison manable estable court jardin, et terres avec l'estang et chaussée; le fait à la charge du droit de chasse que ledit sieur baille pareillement , sur tous ses sujets de ladite seigneurie de la Roue, moyennant la quantité de deulx muys de bled mousture en les greniers de l'hostel de la Roue. Également six chappons

En 1613, François de l'Isle, premier mari d'Anne de Balsac, confesse avoir baillé et cédé à titre de ferme et moison par an pour troys ans à Michel Laisné, musnier dudit moullin de la Roue, paroisse Saint Médéric de Linoys, « c'est à savoir le moullin de la Roue estant à eau à faire de bled farine consistant en maison manable couverte de thuiles, estable couverte de chaulme, cour, jardin et terres avesq l'estang et chaussée; ce bail qui comprend le droit de chasse que ledit seigneur bailleur peult avoir sur tous ses subgets de ladite seigneurie de la Roue, est conclu moyennant deulx muy de bled mousture bon loyal ».

L'année 1618, Henry Lesné, musnier de Guillerville, et Pierre Berthellot, musnier de la Roue, font un accord concernant le droit de chasse des lieux de la Roue, à savoir Berthellot laisse Lesné chasser sur huit personnes. Il est aussi fait mention du seigneur de la Roue et du droit “ pendant lhabillage dudit moulin de la Roue ” par Lesné.

Décidément Anne de Balsac n'aime pas rester seule, on la retrouve en 1619, mariée à Louis Seigner, chevalier, baron de Saint-Brisson, gentilhomme ordinaire de la chambre du roy, demeurant à Saint-Germain-des-Prez, rue du Coulombier, paroisse Saint-Sulpice, ce dernier se portant fort pour son espouze, dans le bail de la terre et moulin de la Roue à Gilles Héruet marchand, pour neuf ans moyennant la somme de 2.400 livres. Le bail comprend le moulin de la Roue, la ferme de Troux et celle de la Boissière à Leuville.

Autre bail en 1624, fut présent en sa personne honorable homme Jehan Bourdon marchand demeurant à Montlhéry au nom et comme receveur et admadiateur de la terre et seigneurie de la Roue, lequel a volontairement baillé et délaissé à titre de ferme et moison de grain,…, jusqu'à quatre années, à Philbert Baudouin, meunier demeurant au moulin de Basset, acceptant, ung moulin à eaüe sis audit lieu de la Roue, à faire de bled farine, consistant en maison manable couverte de tuille, cour, jardin et terres avec l'estang et chaussée, ledit preneur disant bien savoir congnoistre. Ce bail fait sur tous les subjets de ladite seigneurie de la Roue, mouldre au moulin et rendre les farine deux fois vingt quatre heures, puis conditions habituelles outre moyennant la quantité de deux muids deux septiers de bled mousture bon loyal et marchand et dans la mousture n'entrera aucune espèce d'orge ny avoyne, mesure de Montlhéry.

Trois jours plus tard, comme de coutume, les experts arrivent au moulin pour faire la prisée « Henry Lesné, meunier à Guillerville, Michel Lesné au moulin de l'Estang, à la requeste de Phibert Baudoin, meusnier demeurant au moulin de Basset, et de Jacques Gaudron aussi meunier du moulin de la Roue ». Quelques mois après s'être installé à Linas, le meunier décède. Le 6 juillet 1625, Philbert Baudoin, musnier demeurant au moulin de Basset lequel a volontairement avoir ceddé et transporté par ces présentes à Jehan Pasquier aussy musnier demeurant au moulin d'Aulnay, le temps qui reste à expirer du bail à luy fait par honorable homme Jehan Bourdon, marchand de Montlhéry, receveur de la terre et seigneurie de la Roue et du moulin de la Roue où naguères estoit Jacques Baudoin père du ceddant acceptant de jouir du moulin de la Roue.

En 1626, Mathurin Bouret est le nouveau meunier de la Roue. En juillet 1628, c'est Jehan de Ballet qui demeure au moulin de la Roue. Le meunier vend à Gilles Cordeau, marchand, la dépouille d'une pièce de deux arpents dépendant dudit moulin. En 1631, c'est Jehan Debattier, puis en 1635 le bail est encore renouvelé au même après une visite des experts le 16 mai.

Le 10 décembre 1636, Anne de Balsac, femme du prévost de Paris, représentée par un gentilhomme, baille à Michel Catolle, marchand demeurant à Linois, le moulin banal de la Roue « moulin à eau, à faire de bled farine situé en la terre et seigneurie de la Roue avecq deux arpenz de terre siz aux environs dudit moulin, dot plus ample déclaration le preneur se tient pour content disant les biens congnoistre pour en jouir par ledit preneur aux titres de bail moyennant, l'entretien, la prisée et en outre moyennant le prix et somme de cent quatre vingtz livres tournois que le preneur payera de trois mois en trois mois ». La dame de la Roue, présente en sa maison seigneuriale, ratifie le bail en février 1637. Le 19 juillet 1638, dans un acte d'hommage de la dame de la Roue, il est fait mention du moulin auquel « sont tenus les subjets leur faire mouldre leur bledz ».

En juillet 1642, Robert Lesné, musnier du moulin de Grousteau, transporte la chasse des bleds de Nozay à Estienne Lesné, meusnier de la Roue, moyennant trente livres, selon les règles et la coutume, il se réserve la chasse sur La Ville-du-Bois. Il s'agit bien sur de la chasse des bleds du moulin à vent de Marcoussis s'étendant sur toute la seigneurie.

Le moulin de la Roue au seigneur de Marivaux

En novembre le nouveau seigneur de la Roue, le fils d'Anne de Balsac prend possession des lieux « à la requeste de Messire François de l'Isle, seigneur de la Roue, avec ses protestations est faite la prisée du moulin où se trouvent un arbre de 13 pouces et une roue de 15 pieds » (7). Quelques jours auparavant, le moulin avait été baillé au meunier Charles Jolly. Celui-ci décèdera au moulin trois ans après son entrée. En 1650, le bail fait en 1647 à Charles Jolly, est transporté par sa veuve à Jehan Rozé, moyennant 30 septiers de bled mestail. Trois semaines plus tard, la prisée du moulin de la Roue mentionne toujours l'arbre de 13 pouces et la roue de 15 pieds.

Un procès est engagé le 23 novembre 1650 entre Jean Despic et le seigneur de Marivaux pour loyers dus depuis 1649 à cause des faits de la guerre. Le 7 novembre 1651, une information est faite « à la requête du procureur du roy et de son altesse royalle aux fins de la requeste à nous présentée le 27 mars dernier à l'encontre de Jean Rozé, musnier du moulin de la Roue, accusé pour raison de violences et voyes de faicts par ledit Rozé commis en la personne du musnier du moulin à vent de Marcoussis ». La querelle entre les deux meuniers est causée par le non-respect du droit de chasse. La sentence mentionne « deffense, …, et punition corporelle de huit livres d'amende » (8).

François de l'Isle baille en 1653 à Jehan Rozé, musnier dudit moulin, ce dernier proche la maison seigneuriale et chasteau de la Roue moyennant 47 septiers. Il semble que le loyer soit trop cher puisque l'année suivante, Jehan Rozé, demeurant au moulin de Biron, renonce au bail. Puis le seigneur de la Roue baille le moulin à Françoise Audelage moyennant 35 septiers. La prisée du moulin faite le même mois mentionne une roue de 15 pieds.

En juillet 1654, nous retrouvons Jehan Rozé en prison à Montlhéry pour défaut de paiement de 23 septiers quatre boisseaux de bled pour sept mois de loyer. Le lendemain François de l'Isle et Jehan Despic se rencontrent pour faire le règlement du bail du moulin.

Le terrier établi en 1655 à la demande de François de l'Isle déclare « item un moulin à eau banal, avec trois arpents dans lesquels sont compris l'étang et le moulin, tenant au ruisseau de la Pellerine qui va au moulin des Sureaux et d'autre bout au biez de la seigneurie ». En 1660, François de l'Isle baille le moulin de la Roue à Louys Gueusdin lesné, demeurant audit moulin proche la maison seigneuriale et chasteau moyennant 35 septiers de bled.

Fin de la première partie. À suivre

Notes

(1) L'abbé Lebeuf a écrit « La Roue est un fief et une maison seigneuriale qui occupe une partie considérable de Linas du côté du couchant. Toute cette partie, à commencer depuis le pont jusqu'au bout du Bourg, est appelée Linas la Pelerine, à la différence du reste de Linais dont le Chapitre est seigneur Censier ».

(2) Veuve de « feu haut et puissant seigneur Messire Charles d'Amboise, grand maître et maréchal de France », Jeanne de Graville était remariée à René d'Illiers qui rend foi et hommage pour les terres et seigneuries de Marcoussis, Nozay, La Ville-du-Bois, la Roue, Villejust et Guillerville. L'aventure successorale qui commence au décès de Jeanne de Graville, dame de Marcoussis, est également l'objet de convoitises entre ses neveux et ses nièces, leurs soeurs femelles , impliquées dans le partage par la coutume de Paris. En 1544, outre le procès entre les frères Guillaume et Thomas de Balsac, plusieurs autres actions en justice sont en cours, d'une part, celui avec la branche des Sarrebruch, et d'autre celui avec les beaux-frères qui réclament également leur part de l'héritage.

(3) Anne de Longjumeau était la nièce du roi François 1er. Fille de Michel Gaillard, chevalier, seigneur de Chilly et Longjumeau et de Souveraine d'Angoulême, sœur naturelle du roi, fille de Charles d'Angoulême et Jeanne Conte, légitimée en 1521.

(4) Thomas de Balsac avait eu trois fils: Jean, Charles, évêque de Noyon et Robert seigneur de Chastres. Jean, époux de Madeleine Olivier de Leuville, avait reçu la seigneurie de La Roue mais était mort en 1581, deux ans avant son père.

(5) Ce qui fait un prix de 3 livres et demi le setier de mouture.

(6) François de l'Isle fut gouverneur de Corbeil et de la Bastille en 1594, de la Capelle en 1598 et d'Amiens en 1603. Il est mort en 1611 avec soupçon d'avoir été empoisonné. En secondes noces, sa veuve épousa Louis Seguier, baron de Saint-Brisson, prévôt de Paris.

(7) François de l'Isle, seigneur de la Roue, est également seigneur de Marivaux en Vexin, en la châtellenie de Chaumont.

(8) La chasse consiste à aller quérir les grains chez le particulier qui voudra bien les bailler, les moudre en son moulin et ramener la farine de blé bien moulu. Le meunier prélève une quotité de farine pour rétribuer son travail. Le travail devant être fait sous 48 heures. Le meunier de Marcoussis défendait la banalité de son moulin et n'autorisait la chasse à Nozay et La Ville-du-Bois qu'au moyen de convention et moyennant redevance.

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