Corpus Essonnien

Histoire et patrimoine du département de l'Essonne

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Les Shadoks à Marcoussis

Chronique du Vieux Marcoussy ————————————- _——————————- Août 2008

Extrait de la page du chat Léo (*).

C. Julien

JP. Dagnot

Ou les œuvres des personnages qui « pompent » à tous les sens du terme !

Aujourd'hui l'équipe du Vieux Marcoussy a décidé de tremper sa plume dans une encre “décapante au vitriol” pour confondre une certaine catégorie de “copistes”. Mais, allez-vous nous dire « cela tombe bien puisqu'il ne s'agit que d'une histoire de moines dont la vocation est de copier !!!». De tous temps, le plagiat a consisté à s'inspirer d'un modèle que l'on omet délibérément de désigner. Plus généralement, l'usurpation de la propriété intellectuelle est de plus en plus à la mode (1). Des procès retentissants en sont aussi le témoignage.

La contrefaçon la plus sévèrement punie par la loi est la fabrication de fausse monnaie. Dans un autre domaine, le plagiat, on se souvient de la mésaventure de Jacques Attali qui, assistant aux entretiens entre François Mitterrand et Elie Wiesel, le prix Nobel de la paix, publia 43 extraits dans son ouvrage Verbatim. Le manuscrit d'Elie Wiesel ainsi concurrencé se vidait de tout son sens avant même sa parution…

Les Shadoks contemporains

« C'était il y a très, très, très longtemps. En ce temps-là, il y avait… le ciel et Marcoussis ».

Une série télévisuelle parait sur nos « petits écrans » en avril 1966 : les Shadoks , d'étranges bestioles créées par Jacques Rouxel qui ne connaissaient que quatre mots : Bu, Zo, Meu et Ga. La troisième série intitulée « MEU, Les Shadoks pompent toujours » comporta 52 épisodes dans les années 1972-1973.

Pourquoi les Shadoks pompaient-ils ? Essayant de faire marcher leur fusée biscornue , les Shadoks imaginent de pomper à travers l'univers le cosmogol de leurs concurrents les Gibi. De là cette manie de pomper pour un oui ou pour un non dont ils ne se déferont jamais .

À Marcoussis, nous avons nos Shadoks, anciens et modernes. Ceux qui nous intéressent, ont trouvé que raconter l'histoire était plus facile en “ pompant ”. Rappelons la définition du Littré « pomper quelqu'un, essayer de tirer de lui ses secrets, des informations, ce qu'il sait ».

Il y a une trentaine d'années est parue une monographie sur Marcoussis, qui comporte de nombreuses pages “ intégralement pompées ” de l'ouvrage de Malte-Brun. Nous n'en dirons pas plus, le lecteur peut en apprécier le contenu qui, d'ailleurs, n'a pas été enrichi en reprenant le texte du célèbre géographe.

En ce qui concerne le Vieux Marcoussy, les affaires sont d'un autre ordre, sans conséquence pécuniaire. N'empêche que certains, se servant de nos recherches sans mentionner les auteurs réels, ont fait croire qu'ils avaient trouvé ou produit de leur propre chef des textes sur le Grand Étang de Marcoussis et le fief et domaine de Bellejame .

Pour le bonheur de nos shadocks marcoussissiens , juridiquement parlant, le droit d'auteur ne protège que la forme accomplie d'une œuvre ; tandis que l'idée qui l'a inspirée et le style qui l'a mise en forme, ainsi que les informations elles-mêmes, restent “ de libre parcours ”. « Pomper est le privilège des créatures qui ne possèdent que quatre cases », disait Claude Piéplu, la voix des Shadoks télévisuels. Ils se sont donc exclus de notre “ République des Lettres ”.

Les shadoks du XVIIe siècle

Revenons donc plus sérieusement au milieu du XVIIe siècle. Guillaume Pijart, moine du monastère des Célestins, qui vivait encore en 1685, s'intéressait à l'histoire des seigneurs de Marcoussis et, comme vos narrateurs, faisait des recherches. Il mentionnait ses sources et montrait ses travaux en vue de présenter une généalogie des seigneurs de Marcoussis au « Très Hault et Très Puissant seigneur Léon II d'Illiers d'Entragues ».

Ce qui est arrivé et que l'on va découvrir tout au long de la narration, c'est « l'utilisation des travaux de frère Pijart, notre historien local » par deux personnages de son entourage. L'un est le frère Simon de la Mothe , sous prieur du monastère des Célestins de Marcoussis, auteur, en 1682, d'un manuscrit vidimé et transcrit en janvier 1841 par Denis Legendre, et l'autre est Perron de Langres l'auteur du célèbre ouvrage « l'Anastase de Marcoussis » imprimé en 1694, à moins de 20 exemplaires (2).

Frère Guillaume Pijart a été, pendant plus de vingt ans, le dépositaire du couvent des Célestins de Marcoussis. C'est-à-dire qu'il en était le chambrier et le procureur, exécutant les décisions de l'Assemblée Capitulaire. Ainsi, en 1663, nous trouvons, les religieux assemblés dont le frère Guillaume Pijart, tous prêtres qui confessent avoir baillé à Guillaume Lamoureux, laboureur demeurant en la dite ferme pour neuf années le Mesnil Fuger consistant en maison manable, granges, estables, cour, jardin, avec six vingt arpents de terres, 95 arpents de bois thaillys, moyennant 475 livres tournois. En août 1654, devant le prévôt de Montlhéry, une transaction est passée entre Frère Guillaume Pijart et Claude Morel, la veuve de feu Pasquier Brunet, fermier à la Saussaye de Villejust, pour une réduction du loyer « en raison des greslons qui ont détruit les récoltes ». En présence du révérend père Gabriel Gaultier, prieur, le dépositaire du couvent « reconnoit une diminution de trois cents cinquante livres sur le fermage en raison du dégatz, …, les deux thiers de l'année courante ».

Guillaume Pijart versus Simon de la Mothe

Le premier Shadok est clairement nommé par le dépositaire de Marcoussis « Pour revenir à nos copistes, le premier est le vénérable père Simon de la Mothe (que je ne voudrois pas nommé s'il n'avoit mis son nom dans le livre que je vais citer) lequel estant tout nouvellement prestre sorti de Marcoussis par obédience pour Lyon l'an 1643 ou 1644 et n'estant retourné audit Marcoussis qu'en 1659 en qualité de sous prieur comme en fait foy l'original de son obédience qui est parmy nous … ». Donc, l'homme est puissant puisqu'il est, à son retour à Marcoussis, le sous-prieur à qui frère Guillaume doit fidélité et obéissance absolue. Il n'est pas question de s'opposer une seconde au supérieur du couvent.

N'empêche que Guillaume accuse sans ambages « abusant souvent du droit de sa charge qui luy faisoit avoir la clef de nostre chambre et fouillant tous mes papiers et particulièrement ceux qui regardoient son dessin… ». Le père Simon profitait des absences de Guillaume qui exerçant l'office de dépositaire du couvent était amené à s'éloigner de Marcoussis pendant des journées entières. Mais le copiste n'était pas délicat, mettant un tel désordre dans la chambre du frère que s'en plaignit sans résultats « avec tant de précipitation et si peu d'ordre que m'en apercevant et m'en plaignant à luy mesme et aux supérieurs qui négligeaient esgalement mes plaintes ».

Et de dire « … l'on a vu par le temps auquel il a pû commencer à descrire son livre le peu de gloire qu'il peut en attribuer : l'on peut voir aussi clairement par le temps auquel il a fini son ouvrage environ quatorze ans approximativement l'on apprend de luy mesme celle qu'il meite… ». Finalement, avant de décrire toutes les erreurs faites par Simon de la Mothe , le frère Guillaume lance une autre flèche au copiste « Il expose dans sa préface les raisons qui l'ont obligé de mettre la main à la plume mais comme elle sentoit fort la fiction après nostre pancarte et ce que n'en avoit escrite,…, il se seroit espargné beaucoup de peine s'il n'avoit addressé ce curieux et ce tendaire, car c'est ainsi qu'il l'a appellé et il n'auroit pas rempli soixante et un feuillets de minute ».

À lire le pamphlet de Guillaume Pijart, l'auteur de « La vie de Messire Jean de Montagu, grand maistre de France, sous le Roy Charles sixième, vidame de Laonnois, seigneur de Marcoussy et Fondateur du Monastère de ce lieu avec les Eloges de ses parents » aurait introduit une multitude d'erreurs et d'imprécisions. À commencer par la famille Le Gros et les sœurs de Jean de Montagu « Il se trompe disant que le seigneur de Guitry porte fuzile ou burile, il porte simplement burile et non sur le tout. De plus il confond la troisième fille avec la seconde faisant d'eux alliance l'une de Guitry et l'autre de Chaumont ne sçashant pas que le seigneur de Chaumont qui a épousé Robine qu'il ne nomme point par son nom non plus que les deux autres estoit seigneur de Guitry et que c'est d'elle dont parle le sieur Evesque de Paris son frère dans son testament » (3). Puis, une erreur est encore mentionnée au quatrième chapitre « disant que son père Guillaume Dubois … aussi archiprêtre l'an 1340, le contrat estant datté de 1341 ».

Il faut bien admettre que le frère Guillaume Pijart possède une immense culture, tout ce qui concerne l'histoire, l'architecture ou la gestion financière ne lui est pas étranger. Il maîtrise avec un certain brio la descriptive des bâtiments et l'analyse de leur ancienneté. Laissons-le décrire le monastère avec un œil critique et avisé « Le Monastère estant achevé à l'exception du bastiment où est maintenant l'infirmerie, de la basse cour, du clocher moderne de l'église, de ceux de l'horloge et du réfectoire qui ont esté faict depuis de leur temps ce qu'il dit du bastiment de l'infirmerie et de la basse cour , il l'auroit sans fondements mis sans produire, car quoy qu'il ait une autre cimétrie qu'il n'y ait pas de liaison de quelques assise de pierres, ou que les greniers et les charpentes n'ayent pas la beauté des greniers et des charpentes qui sont sur les dortoirs cela ne prouve rien parce que pour la cimetrie des croisées il l'a veüe aussi bien que moy, encore changé depuis peu. Si l'on prend garde en plus des prez aux reprises prétendues on verra que cette façon de jonction ou approche de bastiment ou séparation ne prend pas depuis le haut insquilibre pour la charpente quoy qu'il ne soit pas semblable à celle de dessus les dortoirs on peut dire qu'elle est assise belle et forte pour ce qu'elle continue et pour porter les thuilles plombières. L'escalier de l'infirmerie qui subsiste encore présentement promet suffisamment par sa structure qu'il a esté basty avec le Monastère et esté destiné pour ce corps de logis puisqu'il est au milieu et ne peut servir à autre chose que par la communication de la gallerie l'on ne trouve point de mémoire de la despense d'un si grand bastiment et en effet ny les malheurs de ces temps là ny les affaires de nos anciens pères ny leur permission de s'engager dans de si grandes entreprises. Mais comme auroit-on pu négliger dans la fondation un logement pour les infirmes qui sont si recommandéz dans nostre Eglise. Quelle ordonnance auroit donné nostre Fondateur par une muraille de closture qui auroit entièrement défiguré de si beuax ouvrages, si ce bastiment n'estoit pas de la fondation on auroit oublié de faire les lieux les plus commodes et la plus nécessaires que soient les fosses et latrines qui sont sous lesdits bastiments ».

Guillaume avoue indirectement qu'en tant que chambrier, il avait accès à toutes les archives et tous les livres de la maison. C'est bien le reproche qu'il fait à son emprunteur « Enfin, s'il avoit esté plus soigneux de lire les livres de despenses de ces temps là il auroit veü parmy le livre des ameublements et qui suit,…, pour la vendition et délivrance de vingt quatre coussins et vingt quatre oreillers pour ledit dortoir des frères et oblats et pour plusieurs contre coussins et oreillers de plusieurs moisons de plumes et pour servir en la chambre dudit seigneur, de fournitures en la chambre desdits et de plusieurs autres lieux dudit hostel par sa quittance du Chastellet faite et passée par ledit Senson le 26 jour de juillet quatre cent et huict, huict cingt seize livres cinq sols huict deniers parisis cette preuve est distinct ».

Il faut avouer que frère Guillaume est intransigeant et ne laisse rien passer tellement il est amer d'avoir été copié. Sur la construction du monastère il reprend l'auteur « Quoy que les bastiments ou la maison de dessus la porte n'ait pas esté faicte du vivant de nostre Fondateur cela ne m'oblige pas description pour dire que le monastère n'estoit pas accomply puisque nos anciens pères ne prétendoient que huict vingt livres parisis … comme l'on peut voir dans le mémoire de leurs prétentions qui j'ay cousu avec la misere de ces temps au septième feuillet ».

Néanmoins, pour notre plus grand plaisir, nous obtenons une description détaillée des lieux (en attendant plusieurs chroniques à venir sur les Célestins). Ainsi sur les clochers « L'on peut encore à bon droit trouver à redire à cette description à l'égard des trois clochers qu'il appelle modernes et qui ont esté faits depuis au regard de leur temps d'autant que cette proposition implique contradiction car faicts depuis suppose qu'il ny en avoit point, au regard supposé qu'il y en avoit que s'il y en avoit cette exription est nulle. L'on ne peut douter que le clocher et la cloche de l'Eglise ne soit aussi ancienne que l'Eglise et quoy que l'on accorde qu'il ait esté endommagé par le tonnerre et réparé par les libéralitéz de Louis de Graville admiral de France on ne tombe pas d'accord qu'il ait esté entièrement ruiné ny réédifié plus beau qu'il n'estoit dantan que l'on trouve par les livres de despenses. En plus après cette prétendue réparation que l'on a acheté du plomb pour réparer le visil qui ne pouvoit estre que celuy de la fondation comme nous en avons veu mettre plusieurs tables au dessous de la terrasse du costé du midy ».

Guillaume continue pour l'histoire du clocher en disant « Le nouveau clocher de l'horloge n'a aussi esté basti que contrairement dans sa teste s'il avoit esté le mesme de la fondation il luy auroit donné une mesme origine. Elle porte donc afin que l'on connoisse la vérité pour tiltre autre despense pour l'Eglise folio 3 verso du recueil, item Amahict Huillart horloger et d'une autre escriture adiousté demeurant à Mantes pour l'achat d'un grant orloge pour la diste fondation outre et par-dessus sept escus ou environ à luy baillés par ledit seigneur, cy 15 lt 8 sols, item pour une grant pièce de laiton pour faire le quadran dudit orloge 18 sols comme ce cadran est a présent sur du bois il faut qu'il ait esté déporté parmy le pillage du monastère par les huguenots, item pour le portage dudit orloge de Mantes à Marcoussis 8 sols. Tout cela et la vieillesse de l'horloge doit suffire pour prouver que l'on n'a rien changé entièrement si ce n'est le timbre comme je remarqueray cy dessous ».

Poursuivant sa lecture du chapitre 19, Guillaume revient sur l'histoire de la famille Montagu « Il se trompe quand il qualifie Messire Pierre Heisson, second mary de Madame Jacqueline de la Grange , veufve de Messire Jean de Montagu grand maistre, sieur de Bourdy (il devoit mettre Bourdigny ou Bourdiny suivant le contrat de vente qu'il marque assez n'avoir par là) ny voir moins l'estre des biens de Madame Marie Dubois, mère de ladite Madame Jacqueline de la Grange qui passa bail de cette terre comme de ses propres biens l'an 1414 le lundy 14 jour de May ou elle se qualifie dame de la Grange , de Bourdiny, de St Aubin de la Tinie ».

« Il s'est trompé encore dans le mesme chapitre lorsqu'il estoit dict que Jacqueline de la Grange nostre Fondatrice a esté inhumée à Sablé au Maine, le 24 de juillet 1422 parce qu'il n'a pas veü le contrat de vente qu'elle fait audit Pierre Heisson, son mary, de la terre de Bourdigny et de ses trois signatures le 23 de février 1427 pour payer la rançon ayant esté pris prisonnier de par les Anglois à la bataille de Veneuil l'an 1424 et qu'il n'a pas dict au vray qu'elle est morte en 1436 le 24 de juillet ; quoy que le lire de sa sépulture ne soit pas si certain, il est plus probable que s'estant retirez à Angers où un contract de l'an 1427 a esté passé par devant H. Duchisin, elle y soit morte et qu'elle soit enterrée dans l'Eglise de Saint Jean ».

Revenant sur la construction du monastère de Marcoussis, frère Guillaume attaque l'auteur du plagiat en écrivant « Audit chapitre 19, il persiste dans sa fiction dont nous avons desjà parlé, que l'on a basty les infirmeries et autres lieux des démolitions des sept forges que nous accorda aussy le Roy capitaine du chasteau de Marcoussis au nom du duc de Betfort régent de France pour les Anglois par acte du vendredy 20 jour d'Aoust 1431 ».

La critique de Guillaume Pijart, nous permet de connaître dans les moindres détails les frais engagés en 1637 pour les réparations et embellissements du couvent de Marcoussis. « Pour supplier dons à son despens je rapporteray ce que jy ay lu et marqueray ce que je ny ay point veü qu'il ny est point faict: • De mention de lambris et depens de briques, du clocher de l'horloge, du charpentier pour la charpente et du comble qui se voit au-dedans et sur le portail du chapitre, de l'augmentation de la sacristie, de la chaire du lecteur, ny du lavoir des mains, mais seulement veü en octobre, • Item au paintre qui a painct autour de l'ymage de Nostre Dame d'Alibatre (elle est de marbre au jugement dixpretre par le prieur que j'y ay veü faire moyennant par le marbrier sculpteur qui a fait les Epitaphe de Messire Louis Le Maistre et Maistre Girard Glanit) … S. Benoist, S. Pierre Célestin et celuy qui est dessus et capistiau du Chapitre • En décembre pour 1.200 d'ardoises pour couvrir le devant du Chapitre. • Item pour trois milliers de clous à ardoises. • Item sur 5.987 livres et demi de plomb duquel a esté tout couvert le chapitiau du devant le chapitre et la couppe de la couverture du clocher de l'Eglise. • Item pour 827 livres duquel a esté couvert l'ymage de S. Pierre Célestin qui est sur le chapitiau du Chapitre et du résidu a esté couvert le beffroy au pied du clocher du réfectoire. • Item pour le clou à ardoises et a plomb pour le dit beffroy. • Item a un tailleur d'ymage pour un S. Pierre Célestin qui est sur le chapitiau du Chapitre quoy a couvert de plomb. En février l'année suivante a un charpentier nommé Bastin pour avoir fait le beffroy du réfectoire pour ce qui est de la chaire du lecteur je ne disconvient point que je n'y soit veü autre que celle du temps de la fondation par ce que je trouve dans les mises des ce temps là depuis 1408 en septembre. • Item en dit lieu veuë chaire (de bois) mise pour le lecteur où l'on dit la Bible et est la dite chaire autour à jour plaiant par debrisé et si icelle tout de bois d'Irlande pour ce 60 sols parisis arresté à 54 sols. • Item audit lieu où l'on dit icelle Bible veüe terère de bois de six pieds de long et de trois pieds de large et de demi pied de haut blocquée de trois blocqs mises et adioustées si l'on la place et est ladite chairre troussée sur la terasse pour ce 18 sols parisis, mais comme je n'y trouve point la mise je ne puis en déterminer le temps qu'elle a esté faicte. Touchant l'augmentation de la sacristie on n'y voit point de mises et il n'y a pas la moindre apparence tant sa structure est lisse et incorporées au corps du logis, etc.

Au chapitre 28 « Il se trompe où il rapporte deux sols le produit de l'an 1524 et l'autre en 1542 et ce que l'on a desrobé comme il ne s'est fit qu'à dire mémoire par certains et à dire ouy dire il auroit mieux fait s'il avoit seü que l'on avoit intenté procéz contre quelques complice de consulter les pièces d'instance qui pendoit au Chastellet de Paris, lequel y a duré seize ans d'où il y a de l'appel au Parlement et je n'ay peü sçavoir ce qui estoit devenu cette affaire depuis il y auroit appel. Il n'auroit pas parlé non plus d'une lampe d'argent doré parce qu'il n'en est point faicte mention ny dans les registres ny dans les monitoires ny dans les sentences. Il ny auroit pas trouvé circonstance du jour d'une première Messe le vol a esté fait nuitamment le 28 de mardy, que les voleurs sont entréz par une fenestre de l'église, et ont forcé la sacristie. Il auroit veü par lesdites pièces que les nomméz Pierre Parfait ….et Nicolas Gigot natif d'Autheuil, demeurant aux bons hommes sont entréz comme dit est et ont emporté le ciboire, dix ou douze calices d'argent doré, etc. le tout estimé trois mil livres ou environ, que les Jossine Roger veufve de feu Jean Libat et femme dudict Pierre Parfaicts, [blanc] femme de Nicolas Gigot, Jeanne Bastast veufve de deffunct Pierre Forget, Magdeleine, fille de Pierre Parfaict ont eu part à ce vol, qu'un Jean Arnoul orfèvre demeurant à Paris rüe St Martin a acheté huict lingots d'argent contre l'aductissement du cours des orfèvreries moins de dix francs pour marc qui valloit 14 lt ou 15 lt de Messire Marin Delonnay prestre déclarant à Versailles et Adrien Tudoin, ? où j'ay remarqué ce qui est arrivé de plus mémorable et de plus facheux à nostre monastère et quelques pièces y attachées touchant au vol ».

Le frère Guillaume continue au chapitre 29 « que l'on a changé l'ancienne cloche de l'horloge qui pesoit 140 livres en celuy qui est du poids de 272 livres l'an 1550. S'il n'avoit point leü si précipitamment cette mise il n'auroit pas escrit 140 livres pour six vingt livres. Ainsi mise de Frère Maurice bailleur au Boursié le 20 décembre 1551 Baillé à Guillaume Hurauh fondeur de cloche pour le retour de la cloche mesme de nostre horloge à la vieille cloche pesant120 livres dont la mesme qu'a baillé paise 272 livres achetée 400 livres 10 sols ».

Enfin, des erreurs sont notés à propos de la famille Balsac « S'il avoit veü l'épitaphe de César de Balsac il auroit estimé le jour qu'il est mort qui est le 27 de juillet », puis « Il est étonnant qu'il attribut des premières noces à Jean de Balsac, fils de Thomas sans nommer son alliance ce qu'il n'a pû faire sans en joindre car il n'a épousé que Magdeleine Ollivier qui estoit veufve de Louis de Sainte-Maure, marquis de Nesles ».

En guise de conclusion, frère Guillaume donne une opinion tranchée sur le sous-prieur de Marcoussis « Quoy que je n'en dise pas davantage je ne prétends point approuver le reste où je n'ay rien repris et avoir qu'il n'y ait rien à reprendre. Il me suffit d'avoir remarqué en passant qu'il luy estoit peu glorieux nonobstant tous les avantages empruntéz de vouloir échoir sur les autres avec si peu de suffisance ».

Guillaume Pijart versus Perron de Langres

Le sieur Perron de Langres, auteur du célèbre Anastase de Marcoussis « nostre autre copiste natif de Langres docteur en droit et chanoine de Tonnerre » ne mérite pas plus d'estimes que le vénérable Simon de la Mothe « ny pour le temps qu'il a commencé, ny pour la manière dont il s'est instruit tant par ses fréquentes confidences qu'il avoit avec moy qui par la libre et active communication de mil mémoire que je luy donnois ny encore pour le temps auquel il finira. Pour le temps auquel il a commencé ce n'a pas esté aussitost qu'il est entré dans la maison de Mr d'Entragues pour estre commandeur de Messire ses enfants mais environ l'an 1658 ».

Ici Guillaume ne peut plus contenir sa douleur d'avoir été copié et pillé, car il écrit « Pour sa manière d'agir elle ne pourra estre jugé que malhonneste s'insinuant par des assiduités surprenantes pour jouir des travaux d'autruy et en desrober la gloire ». Pour le moine Célestin, l'auteur de l'Anastase « veut faire un marché dont on ne conviendra jamais à moins qu'il n'y rabatte ce que sent le malaise ».

Le jugement du moine de Marcoussis est définitif « Il aura donc bien à attendre pour donner au public ce qu'il luy promit depuis si longtemps car pour ne parler que des promesses qu'il a faites et que j'ay veües imprimer et qui luy ont donné grand bruit et pour luy faire justice en bruit imaginaire puisqu'il ne parroist rien encore depuis vingt-six ou vingt-sept ans ».

Cependant l'auteur de l'Anastase avoue, page 29 « Cependant je ne puis pas me dispenser d'avertir icy le Lecteur judicieux, qu'il y a prés d'un demy siècle, ou du moins plus de quarante ans que je commençay à m'appliquer à ces recherches, que j'essayois de leur donner quelqu'ordre & quelque grace pour les rendre moins ennuyeuses & dégoûtantes … »

Des passages de l'Anastase sont assez cocasses. Il est vrai que Perron de Langres néglige son texte, dont les critiques peuvent dire pis que pendre. Donnons l'exemple du sixième chapitre. Le titre nous donne : « De l'augmentation du nombre des Religieux & des revenus de ce monastère, & de ceux lesquels y ont contribué ». Mais, l'auteur est totalement silencieux sur ses deux premières propositions, faisant une digression sur le seigneur d'Orsay qui participa à la construction du couvent. À propos des revenus de la mense des religieux, l'auteur dit : « … je n'aurois qu'à transcrire les copies des Déclarations qu'ils ont esté obligez de fournir aux Commissaires de la Chambre Souveraine des Amortissements établie en 1640, mais cela n'êtant pas absolument de mon sujet il en faut laisser de soin à d'autres… ». Comme disait le célèbre humoriste Coluche dans un de ses sketches « De source sûre…, quand on a rien à dire … ». Nous ne connaîtrons jamais ni le nombre des moines, ni leurs revenus.

Revenons au texte de Guillaume Pijart. Dans la suite de sa diatribe, frère Guillaume fait des reproches aux gens de lettres, au microcosme parisien comme on dit de nos jours, en un mot à ceux qui encensent le sieur Perron de Langres. D'abord, c'est le sieur Tillis André de la Roque , chevalier, sieur de la Loutie qui, dans son traité singulier du blason de l'an 1673, recommande fort Perron de Langres « pour ses Généalogie de Montagu, Graville, etc. auxquelles il assure qu'il travaille ». Puis les reproches vont à Jean-Baptiste Tristan, gentilhomme ordinaire de la chambre du Roy, auteur de l'Escrit qui a pour tiltre Discours Généalogique de la Maison Dilen tiré du livre des Illustre Maisons de Florence, intitulé La Toscane Française , imprimé à Paris 1662, « qui prend encore pour grand autre auteur Perron chanoine de Tonnerre qui depuis longtemps travaille à cette généalogie d'Illiers ».

On sent percer ensuite une pointe d'humour quand le moine écrit sur le sieur Perron « Il ne luy manque plus rien pour achever son Eloge qu'à mettre des affiches aux coings des rües de Paris, ou envoyer son billet au Gazetier d'Hollande pour passer pour grand habile escrivain sans aucune preuve de sa suffisance. Toutefois pour consoler enfin le public dans sa longue attente et relier enfin son espérance abbatüer je puis dire qu'il pense encore à travailler et s'il ne va point en sentence il en a fait les deux livres ou environ si l'on compte depuis 1409 jusqu'à 1684 »

Guillaume dénonce l'audace de Perron disant « il n'a pas encore oublié le chemin de me consulter » après avoir reçu une lettre adressée le 4 de juillet 1683 « que j'ay mis avec mes pièces justificatives, par laquelle il me demande le jour et l'année que Messire Charles de Balsac et comte de Nozay est mort qui est 1588 ». Voilà un Shakok professionnel !!

Et de conclure « Cet ouvrage ne pourra estre que quelque chose d'achever si l'on compte le temps qu'il y a employé depuis 1658 jusqu'en 1684 supposé qu'il paroisse cette année. S'il le met au jour de mon vivant et si j'en ay la communication je me donneray la liberté d'en dire mon sentiment sans rompre la charité ».

Guillaume Pijart versus Juvénal des Ursins

Une troisième critique porte sur les écrits de Jean Juvénal des Ursins, archevêque de Reims, historien qui publia l' Histoire de Charles VI, Roy de France, et des choses mémorables advanues durant quarante-deux années de son règne depuis 1380 jusque en 1422 (4).

Les reproches touchent directement les Célestins puisqu'il s'agit de la condamnation de leur fondateur Jean de Montaigu « qui estoit aussi Grand Trésorier, y eu la teste tranchée, au grand regret des Parisiens par la grigue du duc de Bourgogne, quoique ce fut un fort homme de bien ». Pour Guillaume Pijart les allégations de l'archevêque de Reims sont fausses « le Roi aïant horreur de si cruelle injustice, …, rehabilita sa mémoire et toute sa famille ; et les Célestins de Paris, auxquels il avoit donné son chasteau de Marcoussy, l'alloient destacher du gibet de Monfaucon, quatre mois après sa mort, et luy aïant fait une pompe funèbre des plus magnifiques, ils le portèrent à Marcoussy, où ils lui dressèrent un tombeau qu'on luy voit encore à présent, ce que fut un rare exemple de reconnaissance et de générosité pour lesdits Moines »

Il faut voir ici deux passages douloureux pour Guillaume. D'une part, en lisant « un rare exemple de reconnaissance et de générosité pour lesdits Moines » , notre sympathique narrateur est touché au plus profond et n'admet pas qu'on puisse dire que les Célestins sont des gens peu généreux. Il faut peut être y voir une chicane entre prélats, l'archevêque prenant parti dans le conflit entre les religieux séculiers et réguliers. D'autre part, Guillaume reproche à l'illustre historien de s'écarter de la vérité historique. « Jusqu'icy cet escrivain en disoit le voyant cité en autheur avec éloge qu'il n'a fait la copie de mot à mot et cependant il n'a rien moins escrit de ce que luy attribue ce nouveau faiseur de remarques qui s'est trompé dans celles qu'il a faictes à l'occasion de Montaigu ».

La violence de l'attaque laisse à penser toute l'amertume du moine envers le haut clergé. « Il me permettra s'il luy plaise de luy dire qu'il n'a jamais esté cet autheur ny aucun historien de Charles VI, puisqu'aucun n'a dit ce qu'il a avancé si donc ses nouvelles disconvenues l'oblige à donner une seconde édition augmentée, je luy conseille de mettre son nom à la teste, de se faire mieux instruire pour corriger ce qu'il a rapporté faussement afin d'espargner la confusion de ceux qui pourroient le lire et voudroient le soutenir devant des personnes esclairées comme un autheur bien approuvé. Car Montaigu n'a jamais esté proche de Paris, il n'a point non plus donné son chasteau de Marcoussy aux Célestins de Paris et ces Moines n'ont point destaché son corps du gibet de Monfaucon quatre mois après sa mort ny après, etc. comme en peut voir partout ce que j'en ay escrit sur de bons autheurs et des mémoires très authentiques ».

Il semble que l'archevêque avait “tapé fort” sur les Célestins, si l'on peut dire. N'oublions pas que l'épisode se situe à la fin de la guerre de Cent ans, époque à laquelle un relâchement des mœurs monacales avait incité la réforme des règles monastiques. C'est alors que Guillaume interpelle le prélat par ces mots « Mais, puisque ledit sieur est si fort esloigné de son dessin il ne trouvera point mauvais que je le suive quoy que hors du mien et que je l'aductisse encore une fois de se faire instruire et de ne point parler comme sçavant dire choses qu'il ignore entièrement, s'il ne veut passer pour un ridicule aussi connu qu'il souhaitte que son livre le soit. Car qui peut lire sans compassion les impertinences qu'il entasse en moins de sept lignes tome 1, pages 226 et 227 ou pour conclusion de son titre des Célestins de Paris il dit ou doit sçavoir que ces Religieux sont fort réguliers, et qu'ils ne mangent jamais de viande, s'ils ne sont malades ou esloigner de deux lieues de leur Maison. Ils tiennent beaucoup de l'Ordre de Citeaux, dont ils sont une branche. Je laisse à ceux qui sont mieux informéz de nostre règle et constitution à faire le jugement de cette conclusion et je m'assure qu'ils la prendront pour un esgarement inescusable ».

Et les Shadoks continuèrent de pomper…

Notes

(1) Nous n'aurons pas l'indélicatesse d'évoquer les affaires récentes de contrefaçons avec l'industrie chinoise.

(2) Achevé d'imprimer le 31 juillet 1694 « Par Grâce & Privilège du Roy donné à Versailles le 10 e jour du mois de mars 1686 ». « L'auteur est autorisé de faire imprimer, vendre & débiter un Livre intitulé Recüeil des Mémoires & Antiquitez de Marcoussy, &c . pendant le temps & espace de dix années consécutives, & deffences à tous autres de le contrefaire, vendre ny débiter sans le consentement dudit Exposant… ».

(3) Gérard de Montagu, notaire et secrétaire du roi, avait épousé Biote Cassinel dite « la Belle Italienne ». D'après le P. Anselme, le couple eut 3 garçons et trois filles dont : Géraude , mariée à Hennequin Lescot, Robine , mariée à Guillaume de Chaumont, seigneur de Guitry et Alix mariée à Jacques de Pavyot, seigneur du Mesnil et de Boissi.

(4) La famille champenoise Juvénal des Ursins a fourni des magistrats et des prélats, connus également sous le nom de Jouvenel des Ursins. Jean II (1388-1473) commence sa carrière comme maître des requêtes puis avocat général au Parlement de Poitiers (1429). Entré dans les ordres, il devient évêque de Beauvais (1432), de Laon (1444) puis archevêque-duc de Reims en 1449. Docteur en droits civil et canonique, il est l'un des conseillers du roi Charles VII. Le 15 août 1461, il sacra Louis XI, roi de France en la cathédrale de Reims.

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