Corpus Essonnien

Histoire et patrimoine du département de l'Essonne

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L'assassinat du garde-moulin au Mesnil-sous-Longpont

Chronique du Vieux Marcoussy –Marcoussis————— _————————— ——- Janvier 2009

Extrait de la carte de Trudaine.

C. Julien

JP. Dagnot

Cette chronique relate un drame survenu dans la nuit du 29 au 30 novembre 1769 au Mesnil-sous-Longpont (1). C'est l'assassinat de François Gillocque, garde du moulin à vent du Mesnil (cf. les chroniques “ Le moulin à vent de Longpont ” Nos. 1 et 2).

Le moulin à vent du Boulay

Sans reprendre ce qui a déjà été écrit, situons brièvement le moulin à vent du Mesnil. Autrement nommé moulin à vent du Boulay , il était situé dans ce fief du même nom (localisation) dépendant de la seigneurie laïque de Villebouzin. Le moulin change de mains en 1740 quand « messire Jean Labbé écuyer, conseiller et secrétaire du roy, seigneur de Villebouzin » rachète le moulin pour l'affermer à Jean-Jacques Guignard, meunier à Biron. À l'expiration de son bail, Jean-Jacques Guignard, meusnier demeurant maintenant au moulin de Grouteau, devient propriétaire du moulin à vent moyennant une rente versée au seigneur de Villebouzin. La prisée du moulin est évaluée à 900 livres .

Le nouveau propriétaire n'exploite pas le moulin à vent qu'il baille à ferme moyennant un loyer annuel de 240 livres par an. Ce sont bien souvent les boulangers de Montlhéry comme Jean-Louis Guibout puis Jean-François Bedeau qui font travailler le moulin par l'intermédiaire de garçons meuniers et de domestiques. Puis, c'est le nommé Pierre Hervet, maître meusnier, qui occupe le moulin du Boulay.

Le moulin à vent du Mesnil consiste en une tour en maçonnerie, tournants et travaillans en dedans et aille en dehors , avec le manoir du meunier, bâtiments en long en dépendant, une cour close en partie de mur et un petit jardin. La maison du meunier est décrite dans un titre nouvel : « ensemble d'une maison manable consistant en chambre basse four en icelle, grenier au dessus, écurie, toit à porc, le tout couvert de tuiles avec deux pièces de terre contenant trois arpens, au chantier du moulin à vent dit le Boullay ».

Le bailliage du Mesnil-sous-Longpont

Une première pièce du dossier ouvert le 16 décembre 1769 et les jours suivants intitulé « Procédure criminelle à la requête du procureur du Roy contre les autheurs de l'assassinat de François Gillocque, garde du moulin à vent » donne les indications sur les acteurs de l'enquête (2). Le samedi 24 mars 1770, est comparu au greffe de la ville, comté, prévosté et châtellenie royalle de Montlhéry, Antoine Louis Lhéritier, greffier du bailliage du Mesnil-sous-Longpont, haute justice de la prévosté lequel en exécution de la sentence rendue en ce siège le 9 janvier dernier a apporté, mis et déposé en ce greffe l'expédition du procès-verbal fait par le bailly dudit lieu du Mesnil le 30 novembre dernier qui constate l'assassinat fait de la personne de François Gilloc, garde du moulin à vent dudit lieu du Mesnil arrivé la nuit du 29 au 30 dudit mois ensuite duquel sous la conclusion du procureur fiscal du 1er décembre suivant, celle des chirurgiens fait par les sieurs Simon et Dauvers ledit jour 30 novembre au lieu duquel est tant les affirmations du même jour tant de dépôt au greffe dudit bailliage fait par Jean Jacques Guignard propriétaire dudit moulin ledit jour 1er décembre des effets servants en conviction et la sentence…

Un seconde pièce donne les précisions sur le bailliage du Mesnil « A tous ceux que ces présentes lettres verront, Etienne Charles Lhéritier, bailly juge, garde ordinaire des baillage , justice, terre et seigneurie du Mesnil-sous-Longpont et dépendances pour Monsieur dudit lieu, Salut, sçavoir faisons que vû le procès-verbal… ». Ainsi, précisons que le fief du Mesnil, comme ceux du Boulay et des Fontenelles, faisait partie de la seigneurie de Villebouzin.

Depuis le 20 juillet 1769, la seigneurie est dans les mains de Dame Louise Debernage, veuve de Messire Simon Charles Bernard, baron de Ballainvilliers, seigneur de Villebouzin, conseiller du Roy en ses conseils, maître des requestes ordinaire de son hôtel. Ce seigneur n'a que la moyenne et basse justice sur la terre du Mesnil. La haute justice appartient au Roi pour son comté et châtellenie de Montlhéry. Montlhéry est le siège de la justice ordinaire, civile et criminelle, rendue par le procureur du roi et le ressort de la prévôté et vicomté dépend du Châtelet de Paris, qui, au XVI e siècle devient en outre un siège présidial et peut à ce titre juger en dernier ressort.

Les premières dépositions

La première audition du juge-bailli de la seigneurie du Mesnil est celle du propriétaire du moulin, le sieur Jean-Jacques Guignard, meunier des Religieux de Longpont, demeurant au moulin de Grouteau. Voici la déposition du meunier faite le jeudi 30 novembre à 10 heures du matin « Ce jourd'huy sur les 7 heures et demy ou environ du matin, il est venû dudit moulin [Grouteau] audit moulin à vent du Mesnil qu'il a trouvé à la porte dudit moulin Simon Froissant le jeune, vigneron demeurant à La Ville-du-Bois, fils de Simon Froissant l'aisné, vigneron demeurant audit La Ville-du-Bois, lequel Simon Froissant le jeune attendoit à la porte dudit moulin à vent avec un cheval chargé d'un septier de bled froment et seigle que ledit Simon Froissant le jeune a déchargé son cheval et mis son septier de grain à costé de la porte d'entrée au rez de chaussée dudit moulin à vent qu'il a luy Guignard ouvert la porte d'entrée au rez de chaussée dudit moulin à vent avec une clef de la ditte porte qu'il porte toujours avec luy qu'aussitost laditte porte ouverte ledit Simon Froissant le jeune a monté audit moulin à vent que luy Guignard s'est mis à la vollée dudit moulin pour le mettre envoye … ».

Jusque là tout paraît normal car la tour du moulin à vent est séparée du logis du meunier. Puis, la découverte de la victime est décrite « … qu'incontinant ledit Simon Froissant le jeune est dessendu dudit moulin et a dit audit Guignard que son garde moulin étoit sur son lit plein de sang qu'ils ont monté sur le champ, luy Guiganrd et Simon Froissant le jeune audit moulin, qu'ils y ont trouvé François Gilloc garde dudit moulin à vent sur son lit habillé de ses vêtemens ordinaires, son bonnet sur la teste sans souliers à ses pieds et tout racranpy et couvert de sang qu'il a luy Guignard avec la même clef ouvert ledit moulin ouvert la porte de sa maison à costé dudit moulin y est entré après avoir envoyé ledit Simon Froissant le jeune avertir le sieur curé de la paroisse de Longpont de cet évènement qu'il a aussi luy Guignard envoyé cherché le sieur Danvers chirurgien demeurant à Montlhéry par Geneviève Martin, fille aisné de Jean-Claude Martin, vigneron demeurant chez son dit père audit Villedubois pour donner audit Gilloc les secours que son état demandoit laquelle Geneviève Martin venoit aussi d'arriver audit moulin à vent avec un cheval chargé d'un sac de bled pour le faire moudre… ».

Le maître meunier continue sa déposition détaillée en ces termes « qu'étant luy Guignard entré en sa ditte maison à costé dudit moulin, il a apperçue sur un bas d'armoire en forme de buffet sur lequel est un petit dressoir un morceau de pain qu'il ne reconnut point être de son pain et à costé dudit morceau de pain un couteau au manche en corne blanche ouvert, ledit manche cassé environ au tiers en bas, le bout du manche manquant à costé desdits couteau et morceau de pain, une bouteille de gros verre dans le gouleau de laquelle étoit un petit bout de chandelle éteint, qu'il a trouvé à son armoire la clef dans sa serrure est continans laditte armoire ouverte encore qu'il lût fermée à clef et mis la ditte clef d'armoire sur la corniche d'icelle trois ou quatre jours auparavant qu'il a visitté sa ditte armoire étante en sa chambre basse de laditte maison qu'il s'est apperçûe qu'on luy a pris et emportée une culotte de futaine grise cendrée douclée d'une toelle de lin grise une paire de bas de fil gris de lin et douze livres et un écu de six livres et deux écus de trois livres enveloppés dans un papier blanc qu'il ne s'est apperçue dans un autre dérangement en la ditte maison qu'il a cependant vu que deux goblets de verre qu'il avoit laissé sur une des planches dudit dressoir étoient sur ledit buffet avec un peu de vin couvrant le fond desdits deux verres ce qui luy annonce que ceux qui sont entrés la nuit dernière audit moulin à vent et en sa dite maison y ont bu et mangé pour quoy et attendû ce que dessus il nous requis luy Guiganrd de nous transporter présentement avec notre greffier tant audit moulin à vent qu'en sa ditte maison étant à costé pour y recevoir la plainte dudit Gilloc au cas qu'il ay recouvré la parolle d'autant que jusqu'à ce moment où ledit Guiganrd l'a quitté iceluy Gilloc n'a pu parler ou autrement y procéder ainsi qui de raison ledit Guignard a déclaré ne sçavoir écrire ny signer… ».

Le bailli et son greffier arrivent sur le champ au moulin du Boulay où ils trouvent Guignard, sa femme Barbe Elizabeth Laval et Simon Froissant le jeune « lesquels nous ont conduit à l'aide d'une lumière au lit dudit Gilloc où nous avons vû ledit Gilloc couché tout habillé dans le lit et couvert d'une couverture de laine verte et de son juste-corps par-dessus ses vettemens… ». Le bailli reprend la même description de la victime faite par Guignard, ajoutant « sa teste nous a paru massacrée de coups, nous luy avons adressé plusieurs fois la parolle sans pouvoir en tirer aucunes réponse sans qu'il ayt parû faire effort pour nous répondre, le sang boüillonnant à sa bouche et produisant un espèce de rasle… ».

Puis inspectant les lieux, le bailli découvre l'arme du crime « une masse de fer montée sur son manche de bois ensanglantée par une de ses extémittés à laquelle extrémittée teinte de sang sont encore collés quelques cheveux gris, le manche de la ditte masse aussi en sanglanté par le bout près du fer ».

Le bailli fait transporter la victime dans la maison du meunier pour « iceluy fait mettre dans le lit dressé en la chambre basse à feu de la ditte maison après l'avoir fait déshabiller entièrement et fait mettre ses dittes hardes à part… ». Puis, le greffier trouve dans les poches de la culotte du malheureux : • une enveloppe de papier contenant une somme de 18 livres en un écu de six livres deux écus de trois livres chacun et cinq pièces de 24 sols chacunes « ayants cours en ce royaume », • dans une autre enveloppe, la somme de six livres deux sols en une pièce de 24 sols et quatre pièces de 12 sols chacunes, une pièce de 6 sols, seize pièces de 2 sols chacunes et huit pièces de 18 deniers chacunes, • dans une autre enveloppe, la somme de 5 sols en un gros sols, quatre pièces de 2 liards chacunes et huit liards « ayants cours en ce royaume ».

Cette description nous renseigne bien sur la complexité du système monétaire au XVIIIe siècle tout en sachant que la livre tournois n'était qu'une monnaie de compte.

Les dépositions des Froissant de La Ville-du-Bois

Parmi les clients du moulin à vent du Mesnil, il y avait les habitants de La Ville-du-Bois. Autrefois, le meunier du moulin à vent de Marcoussis, seul détenteur de la banalité de moulin sur la seigneurie de La Ville-du-Bois, baillait le droit de chasse aux meuniers de la région (cf. chroniques sur le Moulin à Vent). Depuis la fin du XVIIe siècle, le moulin à Marcoussis ayant disparu, c'est le receveur de la seigneurie de Marcoussis qui octroyait la chasse et les paysans de La Ville-du-Bois allaient où la chasse était baillée, dans le cas présent au moulin à vent de Longpont.

Sur ces entrefaites, le nommé Fiacre Froissant, vigneron à La Ville-du-Bois arrive au moulin et fait sa déposition « lequel nous a dit être entré le jour d'hyer à une heure et demy ou environ de relevé audit moulin à vent et en estre sorti le même jour sur les heures heures ou environ du soir qu'il ne s'est apperçue de quoy que ce soit, n'a vu personne aux environs dudit moulin qu'il n'y a laissé que le garde moulin et François Froissant , fils mineur âgé de 14 à 15 ans, fils de François Froissant l'aîné, vigneron et de Marie Claude Desimoy, demeurant ledit mineur avec ses dits père et mère à La Ville-du-Bois, qu'environ une demy heure après son arrivée à La Ville-du-Bois, il a été luy Fiacre Froissant chez ledit François Froissant l'aisné et sa femme pour leur dire d'aller au devant de leur dit fils mais que ladite femme Froissant luy a dit que ledit Froissant l'aisné et Guy Froissant l'un de leurs autres enfants étoient allés au devant dudit François Froissant fils qu'il a luy Fiacre Froissant entendu dire audit Gilloc qu'il avoit le prix de 5 ou 6 monnées appartenans audit Guiganrd son maître ».

À ce moment François Froissant était également présent au moulin où il fait sa déposition disant que « le jour dhyer il est resté au moulin à vent depuis 5 heures et demy de relevé jusqu'à minuit qu'il en est sorti avec son dit père et ledit Guy Froissant son frère qui étoient arrivé sur les 9 heures et demy du soir qu'il n'ont laissé que le garde moulin qu'ils n'ont rencontré personne aux environs dudit moulin ni dans leur chemin que ledit garde moulin qu'il connoist pour s'appeler Gilloc… ». Le fils Froissant était venu au moulin pour moudre un boisseau de blé et « qu'ensuite il mouderoit un septier d'orge qu'il avoit dans ledit moulin ». Le policier tiendrait-il un coupable ?

L'enquêteur s'adresse alors au maître meunier « sommé et interpellé ledit Guignard de nous déclarer s'il a quelques connoissances de la mouture dudit boisseau de bled et dudit septier d'orge la nuit dernière il nous a répondû qu'il a été moulu un boisseau de bled la nuit dernière à son moulin à vent pour la mère Antoine dont le mary de l'état de jardinier demeure chez les religieux célestins de Marcoussis, que luy Guignard a remis ce jour dhyer sur le midy à la dite mère Antoine la farine qu'a produit ledit boisseau de bled, qu'il a été aussi moulu la nuit dernière à son dit moulin à vent un septier d'orge à luy Guignard appartenant dont la farine est encre dans la huche dudit moulin ainsi qu'il nous l'a fait voir ».

La déposition de Simon Froissant le jeune est aussi prise en compte par le greffier « Nous a aussi ledit Simon Froissant le jeune déclaré estre venû ce jour d'huy sur les 6 heures un quart ou environ du matin audit moulin à vent pour y faire moudre un septier de bled froment et seigle, avoir frappé à la porte dudit moulin et appelé plusieurs fois sans que personne luy ay répondû qu'il a seulement entendu le chien aboyer deux fois qu'environ une heure après ledit Guignard est venû lequel a ouvert la porte… ». Simon déclare qu'il a alors entendu Gilloc se plaindre et râler, puis ouvrant la fenêtre, il a découvert la garde-moulin couvert de sang et « il est dessendu promptement avertir ledit Guignard, qu'ils y ont monté ensemble… ».

Revenant chez lui à La Ville-du-Bois, Simon dit avoir rencontré Charles Montgobert, vigneron demeurant à Villebouzin et la fille du nommé Cadard, vigneron à La Ville-du-Bois qui amenaient leurs grains au moulin. Il a également rencontré « deux ou trois personnes conduisants leurs voitures sur la route d'Orléans à Paris ».

Signatures du juge bailli du Mesnil-sous-Longpont et de son greffier.

L'énigme des clefs

L'enquête continue d'être menée par le bailli du Mesnil qui ne constate pas d'effractions « examen aussi par nous fait les portes et contrevents dudit moulin et de ladite maison indépendante, nous n'y avons trouvés aucunes fractures ny altérations ». Alors se pose l'énigme de la fermeture des portes, puisque, souvenons-nous, le maître meunier a utilisé sa clef pour ouvrir le moulin. L'enquêteur poursuit par « nous a cependant observé ledit Guignard qu'il ne trouve point la clef de la porte d'entrée dudit moulin ni celle de la porte d'entrée de la dite chambre basse à feu de la dite maison indépendante donnant du côté dudit moulin ». Guignard répond que les clefs étaient en la possession dudit Gilloc « qu'il ne trouve point non plus la clef du toit à porc, celle de la vollière, ny celle du cabinet de commodité dépendants de la maison lesquelles trois clefs dernières énoncées étoient accrochées à des clous dans ladite chambre basse à feu de ladite maison à costé de la cheminée entre icelle cheminée et la porte d'entré… ». Après perquisition, la petite clef de la petite chambre haute du moulin est trouvée « au droit des entrevaux du plancher ». Cette pièce sert à mettre le grain provenant des moutures.

Ensuite Jean-Jacques Guignard fait observé que plusieurs objets appartenant au garde moulin semblent avoir disparu. Il s'agit d'une paire de boucle d'argent à souliers « l'une desquelles étoit cassée à un coin, une boucle d'argent à jarretière et un couteau à ressort à manche de corne blanche ». Puis d'ajouter que, l'été dernier, Gilloc lui aurait déclaré posséder une tasse d'argent et une tabatière d'argent, mais qu'il ne les a jamais vu. Suite à une autre perquisition, ces objets ne sont pas trouvés. Seul un bouton d'argent à poignet de chemise est trouvé « qui a appartenu audit Gilloc lequel bouton attachoit l'un des poignets de la chemise que nous avons fait oster de dessus le corps dudit Gilloc ce jour d'huy, l'autre poignet de la chemise étant attaché avec un petit padoux de fil bleu ».

Par ces dépositions, nous apprenons que la somme de 6 livres 2 sols, que détenait le garde moulin pour être donnée au maître meunier, est le prix de la mouture de 6 setiers et un boisseau de grains. Rappelons que la mesure de Montlhéry était très exactement réglée : un muid contenait 12 setiers et 144 boisseaux ; chaque boisseau de 20 livres de froment (3).

Finalement, le bailli termine son ordonnance en précisant que Guignard porte plainte pour « voye de faits, assassinat et vol » mais que « ledit Guignard n'entende se rendre partie civile… ». Le sieur Lhéritier ordonne que la victime soit visitée par les chirurgiens de Montlhéry « avec l'effet lesquels constateront l'état dudit Gilloc et ses blessures… ». Tous les objets et vêtements sont emmenés au bailliage pour être communiqués au procureur fiscal.

L'arrivée des chirurgiens

Le 30 novembre 1769, heure de midy, en vertu de l'ordonnance du bailly et juge au bailliage du Mesnil, les sieurs Bernardin Simon et Augustin Dauvers, maîtres chirurgiens à Montlhéry se rendent au moulin à vent « pour y faire la visitte et rapport des blessures du nommé Gilloc, garde moulin audit lieu ». Le rapport des hommes de l'art mentionne « nous l'avons trouvé gisant au lit baigné de sang et sans parolle ny connoissance et l'ayant visitté nous avons remarqué extérieurement cinq playes à la teste ; sçavoir une crucialle à la partie supérieure un peu moyenne du coronalle pénétrante jusqu'à l'os et longue d'environ quatre pouces de diamètre ; une autre palye à la partie inférieure du coronal et latéralle droitte au dessus de l'orbittre large d'un pouce et les trois autres situées au dessus de la paphise pierreuse ou temporalle du mesme costé longue d'environ quatre pouces, lesquelles se communiquoient de l'une à l'autre ».

Après les observations, les chirurgiens passent à des examens exploratoires car le pauvre homme a la tête complètement fracassée « ayant ensuite introduit le doigt dans l'une des dittes playes nous avons remarqué un fracas avec enfoncement et embarure audit os temporalle et à la partie inférieure ou parietalle du mesme costé ce qui nous a obligé à faire sur le champ des dillatations convenables. Cela fait nous avons extrait huit pièces d'os qui réunis ensemble sont la largeur de six pouces sur quatre de hauteur afin d'oster la compression qu'elles faisoient sur le cerveau de donner issue au sang épanché ensuite nous avons remarqué un déchirement de la dure mère de la largeur de six lignes aux issus d'une petite portion de la propre substance du cerveau laquelle dure mère nous a parue extrêmement tuméfiée ». Les chirurgiens concluent leur rapport par « Dans le reste du corps nous n'avons rien trouvé d'après lequel examen et visitte, nous pensons que lesdites playes ont été faites par plusieurs coups contondants tels qu'un gros marteau ou masse de lesquelles blessures nous pensons que celles des playes situées sur le pariétalle et pénétrante dans la substance du cerveau est mortelle. En foy de quoy nous avons certifié véritable le présent rapport ».

Le greffier du bailliage ajoute à sa minute que les deux maîtres en chirurgie de Montlhéry « lesquels par serment que nous avons d'eux pris et reçu au cas requis, oui chacun à leur égard, juré et affirmé leur rapport cy dessus et des autres parts véritables… ». Les chirurgiens reçurent chacun 6 livres .

Le lendemain 1er décembre, à huit heures du matin, Jean Jacques Guignard, meunier au moulin de Grouteau et du moulin à vent, est convoqué par Etienne Charles Lhéritier, bailli de la seigneurie du Mesnil assisté par son greffier, le sieur Blin. Voici la déposition du meunier « ledit François Gillocque, garde moulin dudit moulin à vent du mesnil, y demeurant, trouvé le jour dhyer assassiné dans ledit moulin à vent du Mesnil aux termes de nôtre dit procès verbal, a été trouvé vetû, lesquelles hardes et linge consistent en deux gillet de ratine blanche, l'un avec des manches et l'autre sans manches tous deux croisants une culotte de panne blanchâtre doublée d'une grosse toille, une paire de bas drapés blancs, un bonnet de laine, un mouchoir de soye gorge de pigeon et une chemise de toille demy blanche, ledit bonnet entièrement teint de sang et lesdits gillets, culotte, mouchoir de col et chemise en sanglantés, plus les trois sommes d'argent, l'une de 18 livres , l'autre de 10 livres 2 sols et l'autre de 5 sols, chacune de ces trois sommes dans leur envelope de papier…le traversin ensanglanté, camasse de fer à manche de bois aussi ensanglantée, le couteau à manche de corne cassé, la caraffe de gros verre et les deux gobelets de verre… ». Tous les objets ont été déposés au greffe du bailliage « pour servir de pièces à conviction ».

Détail assez cocasse et surprenant pour un maître meunier qui est dans les affaires « ledit Guignard a déclaré ne sçavoir écrire ny signer de ce interpellé suivant l'ordonnance et nous avons avec notre greffier signé.. ». Gageons que notre homme sait compter !!!

Puis, le même jour, le greffier du bailliage décrit bien la l'organisation judiciaire de l'époque « … nous donnons acte audit procureur fiscal de la plainte qu'il nous a rendûe par ses dittes conclusions des assassinat et vol énoncés en notre dit procès verbal sus datté circonstances et dépendances et attendu que 24 heures passées nous en notre qualité de juge moyen et bas justicier n'avons plus le droit d'en connoître ordonnons qu'à la requestre diligence dudit procureur fiscal notre dit procès verbal sus daté sera notifié aux officiers de la prévôté et chastellenie royalle de Montlhéry haute justice de ce baillage et le procès porté en ladite prévosté pour y être pourvû ce qui sera exécuter nonobstant oppositions et appellations quelleconques et sans y préjudicier… »

Acte de sépulture de François Gilloc rédigé par le curé Simon Le Barbée.

La victime est inhumée le 3 décembre 1769 dans le cimetière paroissial après que les obsèques aient été célébrées à l'église de Longpont par le père Simon Le Barbée, curé de la paroisse Saint-Barthélemy. Voici l'acte de sépulture tel que le père curé le rédigea « L'an mil sept cent soixante neuf le trois de décembre François Gillot garde moulin au moulin a vant de cette paroisse, décédé dhyer au dit moulin où il a été assassiné la nuit du 19 au 20, âgé environ de de soixante cinq ou six ans, a été inhumé au cimetière de cette paroisse, présence du sieur Jacques Guignard, meunier dudit moulin lequel a déclaré ne sçabvoir signer et du sieur Thomas Maillefert, maître d'écolle de cette paroisse qui a signé avec nous » (4).

Notes

(1) Il nous est très agréable d'adresser nos remerciements à Pascal Herbert qui nous a indiqué le dossier d'archives de ce drame. Selon l'usage des Chroniques du Vieux Marcoussy, nous reproduisons les textes dans l'esprit et la lettre, ce qui permet d'appréhender la langue française du XVIIIe siècle.

(2) Toutes les pièces du dossier sont écrites sur papier timbré de la Généralité de Paris à raison de 2 sols la feuille.

(3) Le setier ou septier est l'unité de compte des grains la plus courante. Dès 1529, le pouvoir royal ordonne la généralisation de la mesure de Paris. Le setier royal qui ne comporte que 12 boisseaux est utilisé dans le grand commerce interrégional. Au XVIIIe siècle, un des multiples du boisseau est le sac qui vaut 10 boisseaux, soit, 127 litres 29 centilitres.

(4) Le 17 novembre 1769, le curé de Longpont avait inhumé Guillaume Goix , âgé de 71 ans, meunier à Grotteau, en présence de Jean-Jacques Guignard et des frères Guillaume et Jean Payen.

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