Corpus Essonnien

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La seigneurie de Soucy (1587-1615)

Chronique du Vieux Marcoussy –Marcoussis————— _————————————- Mars 2009

JP. Dagnot

Cette chronique est le troisième volet d'une série consacrée à la seigneurie de Soucy. Nous nous étions arrêtés au décès de Pierre de Ficte.

Loyse de Hacqueville, veuve Pierre de Ficte, dame de Soucy

Dans la chronique précédente nous avions retracé la vie de Pierre de Ficte, personnage dynamique, qui avait entrepris la mise en valeur de Soucy. Ce dernier décède en août 1587. Pierre de l'Estoile dira dans ses mémoires, “mourust en ce mesme mois, en sa maison de Souci, près Paris, Maistre Pierre de Fictes, naguères trésorier de l'épargne, et lors conseiller d'estat et des finances de sa majesté, ung des plus hommes de bien et digne de telles charges, qui fust en ce temps.”

Sa veuve Loyse de Hacqueville, prend les rênes du domaine. Elle devient dame de Soucy et de Bruyères le Chastel en partie. Néanmoins, elle réside également à Paris, rue du Beau-Treillis, paroisse Saint-Paul. Son époux s'est retiré des affaires avant son décès et laisse une situation saine. La veuve devient un conseil dans l'environnement de Janvry.

En février 1588, on la retrouve aidant une nièce, Marie de Baillon, veuve de René Crespin. Ce dernier a été président en la court de parlement de Bretagne et est mort subitement laissant sa veuve avec des responsabilités qu'elle ne sait assumer. De ce fait, Marie de Baillon, dame Loyse de Hacqueville , veufve de Pierre de Ficte, demeurant rue du beau treillis, paroisse st Paul, Guillaume de Baillon , sieur de Louans, demeurant rue du Petit Musse paroisse st Paul, et Michel de Baillon , escuier sieur de Marivaulx, estants de présent en cette ville de Paris, lesquels confessent avoir vendu à Hiérosme de Bragelongne, sieur des Tournelles, 41 escus d'or de rente à prendre sur les acheteurs, sur: - une maison size en la rue du beau treillis à la dame de Hacqueville, - la seigneurie de Louans appartenant à Guillaume de Baillon, - la terre et seigneurie de Marivaulx appartenant à Michel de Baillon de son propre, mouvant de st Jean de Latran.

Précisons que Loyse est la tante de Michel, et Marie de Baillon. Ils obtiennent ainsi 500 escus. Le même jour, nos quatre acteurs, procèdent de même avec Jacques Desjardins, pour une rente de 83 escus payée 1000 escus par ce dernier. Cette dernière rente sera rachetée en 1598 par Loyse de Hacqueville. Enfin un troisième acte explique “la vérité”, les deux précédents contrats ont permis d'obtenir 1.500 escus, qui restent entre les mains de Marie de Baillon, les autres acteurs “pour lui faire plaisir” et vont servir à payer les despens, dommages & intérests et sera remboursée dedans un an. On apprend que la cause est une assignation de la cour du parlement de Bretagne qui mènerait Marie de Baillon à la ruine totale si elle n'était pas secourue promptement. La fille de Marie de Baillon, Marthe Crespin qui a hérité de son père et également de ses dettes, est également présente.

Signatures des cinq acteurs

Le même mois, la veuve a oublié qu'elle doit s'acquitter envers les suzerains dont Soucy dépend, de devoirs en raison des biens qu'elle détient: à la requeste des religieuses de la Saussaye un fief antiennement appelé le clos de Bajollet assis au village de Soucy qui se consiste en quatre arpents de terre & manoir tenant au chemin de Fontenay à Bruyères, … d'autre bout au chemin de Soucy à la forest …. à cause de leur fief de petit Vaulx … Ce sont des éléments d'un texte très mal écrit, il s'agit de droits et devoirs non faits à la suite du décès de Pierre de Ficte.

En juin de la même année, Claude de Lavoyzier, procureur de noble dame Loyse de Hacqueville, dame de Soussy et en partie de Bruyères le chastel, veufve de messyre Pierre de Ficte, chevalier, seigneur desdits lieux, ayant la garde noble de Charles de Ficte âgé de 19 ans, Jehan de Ficte âgé de 17 ans et Paul de Ficte âgé de 15 ans et Marguerite de Ficte aagée de 11 ans, s'est transporté au prieuré de la Saussaye …

Cet acte anodin est la suite du précédent et régularise la position de la famille vis-à-vis du suzerain en présentant la souffrance du fief en attendant l'hommage à la majorité des enfants héritiers. Il a surtout le mérite de nous faire connaître les enfants mineurs du couple.

Ces deux dernières années ont vu de grands bouleversements à Janvry et Soucy. Loyse a perdu son mari Pierre de Ficte. Du côté des Baillon, René Crespin époux de Marie de Baillon meurt subitement. Guillaume de Baillon perd son épouse, marie sa fille, et décède en 1591. Jehan II de Baillon s'unit à Anne du Tixier mais refuse d'écrire le contrat de mariage. On imagine les problèmes, en plus des successions précédentes non terminées et sans oublier les guerres de religion qui vont atteindre leur apogée. Malheureusement pour nous, les actes directs n'ont pu être retrouvés et ils sont partiellement reconstitués avec des documents les mentionnant quelques décennies après!

En ce qui concerne Soucy, Loyse de Hacqueville devient la doyenne et fait ce qu'elle peut. Elle installe son aîné à Soucy et le puiné à Marivaux, appartenant aux héritiers Baillon suite au décès de Michel, avec comme on le verra une série de créanciers que l'on avait oublié! (Chronique sur Marivaux).

Charles I de Ficte et Claude Legrand

Nous sommes en 1597, Charles de Ficte, l'aîné des enfants mâles est devenu majeur. Il a obtenu entre temps les charges de conseiller du roy, et de maître ordinaire en sa Chambre des Comptes, et comme seigneur de Soucy, il va porter aux vénérables religieuses, prieure et couvent de notre Dame de la Saulsaye les Viljuifs, tant pour luy que pour ses frères & soeurs, tous enfans héritiers de deffunt Pierre de Ficte qui avait acquis la seigneurie de Soussy de Clérambault le Picart, la foy & hommage à cause de leur seigneurie des Petits Vaulx, sur la rivière d'Yvette, et en arrière fief du roy à cause de son château de Montlhéry. Les biens se consistent en: - un fief & ses appartenances assis à Soucy auquel d'ancienneté appartient ung manoir de quatre travées de maison & grange, tournelle qui servoit de prison & collombier, cour & autres eddifices et aysances, clos de murs estant sur le rû de la fontaine avec deux arpens de jardin où il y a une fosse à poissons à tout le pourpris; - item deux arpens de bois ledit ru au dessus dudit manoir,appelé la touche, …. - item ung estang appelé l'estang du val contenant 15 arpents, - item sur la queue dicelluy 18 arpens de pré en deux estangs parmi lesquels passe le chemin de Mulleron, - item 43 arpents de ronces bastons tenant à la forest aboutissant sur le chemin allant de Soussy au Plessis, - item derechef un autre fief devant la chapelle Saint-Eloy , anciennement appelé l'hostel du Vivier, contenant un manoir, court, colombier, granches & autres eddifices de présent en masure avec les jardins avec ung estang ou vivier à bonde plus une fosse à poisson, contenant 8 arpens, - item le parc … Devant les problèmes de titres rencontrés par le père, Pierre de Ficte, cet aveu permet de manière précise de connaître l'entière étendue du domaine, dont nous n'avons cité qu'une partie. La même année, Charles achètera à son voisin le sieur du Plessis Lefèvre, un fief à Dourdan qui fut la résidence des Boudet.

En ce début de siècle, Charles de Ficte va convoler avec Claude Legrand: Jehan Legrand escuier, maistre ordinaire en la Chambre des Comptes, seigneur de saint Germain, et Catherine Allegrain sa femme, pour damoiselle Claude Legrand leur fille, et noble homme Charles de Ficte conseiller du roy et aussi maitre en sa Chambre des Comptes,… , seigneur de Soucy, fils aisné et principal héritier de deffunt Pierre de Ficte et de dame Loyse de Hacqueville, demeurant à Paris rue du beau Treillis paroisse Saint-Paul… C'est un mariage classique, commun en biens: - l'épouse apporte 13.333 escus en deniers comptants, - l'époux doue sa future de 400 escus sol chacun an. La mère de Charles aura sa vie durant pour sa demeure et habitation le château et pourpris de Soucy. Après touttefois le décès de ladite dame, et non plus tôt ladite future épouse aura pour sa demeure et habitation les maisons qui se trouveront à Paris.

Un acte suit où Loyse de Hacqueville, veufve du seigneur de Soucy et de Bruyères le Chastel en partie, reconnait son fils ainé principal héritier, seigneur dudit Soucy, avec le droit d'aînesse, comme héritier de feu son père, jusqu'à 400 escus annuels seulement. Fait en l'hostel seigneurial dudit Soucy.

En 1604, la région n'en revient pas, un mémoire du prévost de Montlhéry nous apprend que Valentin Bourgault laboureur natif de Bajolet, 27 ans, pour avoir tué & bruslé sa femme, un coup de hache à sa fille, est comdamné à la torche ardente de deux livres à la main, devant l'église de la sainte Trinité de Montlhéry, puis conduit à la place du marché le poing de la main droite coupé, puis bruslé vif, ses biens acquis au roy.

En 1605, Charles de Ficte, sieur de Soucy, en son nom et pour ses frères & soeurs, rend l'hommage de la moitié de la terre de Bruyères.

L'année suivante, il retrouve les religieuses de la Sosaye, ainsi que Claude Daubray, seigneur de Bruyères en partie, pour le même bien la terre et seigneurie de Soucy qui a esté saysye à la requeste de faulte d'homme droits et devoirs non faicts! Cette fois ledit de Ficte leur somme de se mettre d'accord avant de saisir. Les titres plus ou moins douteux qu'avait pu obtenir Pierre de Ficte, puis leur mise au propre, n'ont pas été suffisants, les chicanes de pouvoir des suzerains recommencent!

L'an 1607, est tristement célèbre en France. Une tempête a traversé le pays. Les manans et habitans des paroisses de Brys, Vaugrigneuse, Fontenay et Soucy, tendant qu'à l'occasion du grand orage accompagné d'une grosse gresle survenue au mois de juing, qui auroit gasté entièrement tous leurs grains ensemencés et les vignes du terroir de ses paroissiens tellement qu'ils ne recevrons aulcune chose pour la présente année et n'ont aucune espérance que leurs vignes puissent rapporter aucune chose de trois ans pour avoir esté tant le bois vieil que nouveau qui y estoit rompu et fracassé par ladite gresle …

En 1613, Charles de Ficte, chevalier seigneur & baron de Soucy, lequel confesse avoir baillé à titre de ferme & prix d'argent pour neuf années à Thomas Boutet 189 arpens de boys taillis, à la Baguette (Bruyères-le-Châtel), le bail est fait moyennant 600 lt … C'est un gros contrat où le seigneur confie tous ses bois à un marchand de Chastres.

L'année suivante notre seigneur aime le gibier et pour éviter de chasser, il loue pour trois ans à tiltre de loyer, à Constant Carré vigneron, demeurant à Forges, la permission de porter une harquebouse, sur une partie de ses terres et seigneuries de Soucy, depuis l'estang jusqu'à Quincampoix, la Forest, Loppigny, & Mulleron. Lequel seigneur a mis entre les mains dudit Carré une grand harquebouze à rouette de longueur quatre pieds à grand resolle?et bien allant, à rendre dans le mesme estat dans trois ans. Le bail fait moyennant la quantité de quatre douzaines de lappin, bon loyal et marchand…

Afin d'être à la mode comme ses voisins en cette période, le barron de Soucy, fait marché avec François Richer, maistre tailleur de pierres & picqueleur de grès, demeurant à Tilly paroisse de saint Fargeau, c'est à savoir que ce dernier s'est obligé par ces présentes de faire bien & dument, pour le seigneur, les pierres de gresserye pour faire ung grand bassin de fontayne de gresserye picquée quy sera faite à haute jambe en plain ouvrage de dix pieds de long et de quatre pieds chaque pan, lesquelles pierres auront esté picquées ung pied de largeur par haut ung pied de large du costé des eaux et du costé dehors eaux quatre pouces… fait à raison de 20 sols par thoise au fur & à mesure. La fourniture des grès assurée par le seigneur, … le bassin dans la basse cour du chasteau dudit soucy. Le travail sera fait sans discontinuer depuis aoust et terminé avant le 8 octobre. Passé en lhostel seigneurial.

Charles décèdera en juin 1617 avant d'atteindre la cinquantaine.

À suivre …