Corpus Essonnien

Histoire et patrimoine du département de l'Essonne

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Antiquités de Longpont par Millin

Chronique du Vieux Marcoussy –Marcoussis————— _——————————_—– Mars 2009

C. Julien

JP. Dagnot

Cette chronique donne le texte intégral sur le prieuré de Longpont par Aubin-Louis Millin. Il s'agit du chapitre tiré des « Antiquités Nationales ou Recueil de Monuments pour servir à l'Histoire générale et particulière de l'Empire François, tels que Tombeaux, Inscriptions, Statues, Vitraux, Fresques, etc. ; tirés des Abbaïes, Monastères, Châteaux et autres lieux devenus Domaines Nationaux ». L'auteur a présenté son manuscrit à l'Assemblée Nationale le 9 décembre 1790 et « accueilli favorablement par Elle ». L'ouvrage a été publié par l'éditeur Drouin, rue Christine n°2 à Paris « en 1792, l'an IV de la Liberté ».

Le protecteur du patrimoine français

Inventeur de l'expression « monument historique », Millin fut un acteur institutionnel de premier plan au moment où la Nation vendait ses plus beaux monuments comme Bien Nationaux. Désigné dans les dictionnaires comme « naturaliste français et érudit dans le domaine de l'archéologie », Aubin-Louis Millin de Grandmaison (1759-1818) s'intéressa à l'histoire de l'art médiéval et classique. Il s'engagea dans l'étude et la protection du patrimoine français dès le début de la Révolution qu'il a salué avec enthousiasme au point de changer son prénom chrétien en Eleuthérophile « l'Ami de la Liberté ». Son anthologie illustrée des monuments de l'Antiquité et de Moyen Âge parut quelques mois après la mise à disposition de la Nation des biens ecclésiastiques dès lors menacés de destruction. Il s'agit de l'œuvre (5 volumes) publiée en 1790 que nous venons de citer.

Ayant critiqué le gouvernement jacobin, il fut incarcéré en 1793 sous la Terreur, puis sauvé par la chute de Robespierre. Il part enseigner l'histoire à l'Ecole centrale du département de la Seine et succéda, en vendémiaire an III (octobre 1795), au célèbre abbé Barthélemy dans le poste de conservateur du Cabinet des médailles à la Bibliothèque nationale.

Pour rédiger ses « Antiquités Nationales », Millin visita les lieux qu'il décrivit avec précision. Ainsi, il arriva à Longpont au début de l'année 1790 peu de temps après la promulgation de la loi sur les Biens nationaux. Il vint à Longpont accompagné d'un dessinateur qui produisit trois planches dont les deux fameuses gravures : celle de la façade occidentale de l'église Notre-Dame et celle représentant le prieuré vu depuis le pont de l'Orge.

Bien que le manuscrit de Millin comporte quelques erreurs, c'est un élément historique de première importance pour la connaissance du prieuré en 1790, une décennie avant la destruction des bâtiments conventuels. La description des tombes dans l'église, les inscriptions sur les cloches présentent également un grand intérêt puisque tous ces éléments ont disparu pendant la Révolution.

Par contre, le dessinateur de Millin commis quelques fantaisies. L'auteur avoue « qu'il n'a pas bien observé tous ces détails auxquels j'ai cru devoir suppléer par la description ; l'espace n'est pas assez grand pour les faire sentir; .et comme ils sont communs à plusieurs autres portails, je n'ai pas cru les devoir faire graver séparément ». Ainsi les statues du portail sont représentées avec leurs têtes alors que nous savons qu'elles avaient été décapitées par les huguenots au XVIe siècle.

[Voici le texte de Millin, tel qu'il apparaît dans les « Antiquités nationales » avec les renvois aux notes données par l'auteur].

Le prieuré de Long-Pont, département de Seine-et-Oise, district de Corbeil

Le bourg de Long-Pont est fort ancien ; nous verrons qu'il est cité dans des titres de 1061; son nom vient probablement d'une longue chaussée, soutenue par des arcades, qui n'existe plus, ou de celle sur laquelle on passe encore. L'étymo1ogie du nom de l'abbaïe de Long-Pont (1) de Soissons a une origine à-peu-près semblable.

L'histoire de ce bourg seroit presque inconnue sans les archives de son prieuré, aussi ses cartulaires sont-ils souvent cités: ce village comprenoit Guespestreux, l'Ormoi et Goteau ; il faut compter encore le Ménil,Ville-Bouzin et la moitié de Villiers-sur-Orge (2).

Le bourg de Long-Pont est au-milieu de ces différens lieux; les maisons qui y sont bâties formoient en 1709, avec celles des hameaux et des écarts qui en dépendent, 120 feux. Le dénombrement du royaume, imprimé en 1745, en marque 119, Lamartinière fait monter le nombre des habitans à 496. Le bourg n'a voit point de justice particulière, il étoit de la prévôté royale de Monthléri; Louis VII y établit en 1142 une foire qui devoit durer depuis la nativité de la Vierge jusqu'à l'octave; il ordonna même que le marché de Monthléri, qui arriveroit pendant cette octave y fût transféré, et fût tenu comme un jour de foire; en 1334 le parlement examina si ce droit appartenoit aux religieux de Long-Pont (3) ; on voit dans un factum de M. l'abbé Pajot que la justice étoit exercée par les officiers de Monthléri, et que c'étoit même de ces officiers que les religieux prennent la permission de louer leur jeu de quilles le jour de leur fête.

Tout ce que nous savons de l'origine du prieuré de Long-Pont se trouve dans une charte de Geoffroy, évêque de Paris. Guy, un de ses chevaliers, lui demanda l'église dédiée à la sainte Vierge dans le bourg de Long-Pont, à condition que tous les droits dus à l'église de Paris et à son évêque seroient conservés, Geoffroy y consentit (4).

Les moines de Cluny furent introduits à Long-Pont avec le consentement de l'archidiacre Joscelin ; Geoffroy (5) confirma les dons que Guy avoit fait ou devoit faire à cette église. Voilà toute la part que ce prélat eut à cette fondation, quoiqu'un auteur moderne l'ait regardé comme le seul fondateur de ce prieuré (6). Guy étoit fils de Thibault, File-Etoupes (7), seigneur de Monthléri (8); son épouse Hodierne fit aussi à ces religieux quelques libéralités; elle donna au monastère un calice d'or de trente onces et une chasuble précieuse; la part qu'elle eut à cette fondation l'a fait passer aussi pour la fondatrice de ce prieuré. Les religieux, selon leur institution, devoient être vingt-deux; leur nombre s'est quelquefois élevé jusqu'à trente. Les chanoines de Saint-Pierre, fondés antérieurement (9), furent réunis vers le douzième siècle à ce monastère, ce qui augmenta ses revenus.

L'église de Long-Pont a été dans le treizième siècle l'objet d'un pèlerinage très-suivi; un habitant d'Athies, perclu d'une jambe avoit fait un vœu à Notre-Dame de Long-Pont, éloignée de deux lieues de son domicile; il y fut mené pour demander sa guérison; mais comme il ne l'obtint pas, on le conduisit à Saint-Denis où il invoqua le saint qui la lui procura (10).

Le roi Philippe-le-Bel est venu plusieurs fois au prieuré de Long-Pont. Il y étoit au mois de décembre 1304, suivant des lettres qui sont datées de ce lieu; il y logea encore le mardi 4 septembre 1308, ainsi qu'il est marqué dans les tables de cire où sont inscrits les voyages qu'il fit cette année (11). Louis de France, comte d'Evreux, est mort à l'abbaïe de Long-Pont en 1319 (12). Pendant la guerre de l'avant dernier siècle, les religieux furent obligés d'abandonner leur prieuré ; le parlement leur permit en 1562 de se loger au prieuré de Saint-Julien-le-pauvre, et d'y faire le service divin (13).

Les anciens religieux de Cluny avoient été en possession de cette maison jusqu'en 1700, que les réformés y furent introduits. Trois cardinaux concoururent à cet établissement ; le cardinal de Bouillon, comme abbé général de l'ordre de Cluny; le cardinal de Coislin, comme prieur du lieu, et le cardinal de Noailles comme prélat diocésain. Ces réformés étoient toujours au nombre de six ; le prieur claustral, le sous-prieur, l'aumônier, le camerier, le sacristain et le chantre (14).

Les derniers religieux clunistes (15) de cette maison sont MM. Pommelet, prieur, ancien bibliothécaire de Saint-Martin-des-Champs, à Paris ; Angra, sous-prieur ; Boisset, procureur ; Peré, dernier curé, et Jumeau, vicaire.

Voici la liste des prieurs de Long-Pont :

1. Robert ; il est le premier abbé de Long-Pont dont il soit question dans la charte de Guy le fondateur. On trouve ensuite :

2. Bernard , 1066. 3. Étienne 1er , 1070. 4. Eudes de Péronne , 1076. 5. Henri , 1086. 6. Landri , 1136. 7. Jean 1er , 1140. 8. Macaire . 9. Pierre 1er , 1142. 10. Thibault , 1150. 11l. Simon , 1180. 12. Giraud , 1190. 13. Guillaume de Milly , 1198. 14. Eudes II de Condom , 1232. 15. Drogon , 1235. 16. Étienne II de Spinelles , 1245. 17. Eudes III , 1295. 18. Jean II , 1303. 19. Guillaume II de Chaumets , 1315. 20. Pierre II de saint-Mattial , 1320. 21. Jean III Malen , 1336. 22. Simon II de Gillans , 1343. 23. Guillaume III , 1350. 24. Foulques , 1352. 25. Thibaut II , 1393. 26. Arnauld , 1395. 27. Gilles de Montaigu , 1398. 28. Étienne III , 1423. 29. Étienne IV , 1434. 30. Guillaume IV Leurandi , 1438. 31. Zacharie de Tologniac , 1440. 32. Guillaume V de Laudac 1460. 33. Pierre III Gouffier , 1499. 34. Jacques de Puyvivant , 1511. 35. Antoine de Puyvivant , 1532. 36. Charles de Rouray , 1533. 37. Louis 1er le Bègue , 1540. 38. Guillaume VI Raguyer, premier commandataire , 1550. 39. Louis II Danets , 1565. 40. Germain-Le-Sec , 1571. 41. N. Maletri , 1572. 42. Potentian de la Place , 1573. 43. Gilles II le breton , 1573. 44. Lazare Coquelay , 1374. 45. Nicolas I Pierron , 1576. 46. Merry de Vic , 1578. 47. Lucien de la Fontaine , 1582 .48. Nicolas III le gay , 1584. 49. Jean IV le court , 1588. 50. Nicolas III le gay , 1592. 51. Dominique de Vic , id. 52. Claude de saint Bonnet de Thoiras , 1633, évêque de Nîmes. 53. Michel le Masse-des-roches , chanoine et chantre de Paris, 1651. 54. Pierre du Cambout de Coislin , cardinal et évêque d'Orléans, 1661. 55. Frédéric Constantin de la Tour-d'Auvergne , appelé vulgairement le prince Frédéric, obtint en 1706, par le moyen de son oncle, le cardinal de Bouillon, abbé de Cluny le prieuré qu'il résigna en 1709. 56. Jean Paul Bignon ; celui-ci l'échangea en 1714 avec Richard, chanoine de Saint-Opportune de Paris, pour les prieurés de Rigni et de l'Hôpital ; mais comme Richard avoit déjà résigné ces bénéfices à son neveu, Bignon, pour éviter un procès, força Richard à lui rendre Long-Pont dont il jouit jusqu'en 1735. 57. Jean Paul Brunot d'Ivri , neveu du précédent, 1735. La desserte de la paroisse du bourg se faisoit dans une chapelle de l'église du prieuré au croison septentrional, à côté du chœur ; cette paroisse étoit du titre de Saint-Barthélemy ; il y avoit une chaire particulière pour le curé qui y chantoit la messe et y disoit le prône; mais on n 'y chantoit pas les vêpres ; celles du chœur servoient pour les paroissiens (16) ; cette paroisse étoit d'abord desservie par un prêtre séculier avec la qualité de chapelain; mais ensuite les fonctions de curé furent remplies par un religieux choisi par le chapitre de la maison et approuvé par l'évêque: aujourd'hui que le prieuré n'existe plus, l'église est devenue paroissiale.

Le plus ancien des curés de Long-Pont que l'on connoisse, est Jehan l'aumônier, dont je rapporterai l'épitaphe, Ses trois successeurs, avant le suivant, sont absolument inconnus ; on trouve ensuite Raoul Galhe , prêtre séculier, comme le précédent: il résigna en 1622 à dom Étienne Rioland , religieux de l'ancienne observance, mort en 1669 ; c'est sous lui que la paroisse fut démembrée, en faveur de celle de Monthléri.

D. Claude Roquez , qui n'a gouverné que deux ans.

D. Raoul , prieur claustral en même temps que curé, mort en 1688,

D. Jean-Bapt. Baulaigne , bernardin, pourvu en cour de Rome, en la même année, mort en 1692.

D. Valelier , cluniste, mort en 1709, très-regretté de son troupeau et dans son cloître.

D. Broult , cluniste, qui donna sa démission en 1712.

D. Joseph Bernaire , premier cluniste de l'étroite observance ; il abdiqua en février 1740, et mourut à Saint-Martin-des-Champs à Paris, deux ans après.

D. Simon le Barbé , mort en 1775, après 35 ans de cure.

D. Pierre Rolland , mort en 1789, frère de M. Roland de la Platière, ex-ministre.

D. Peré , curé actuel.

Les biens du prieuré de Long-Pont ont été vendus en 1791 par le district de Corbeil, en différentes parties. Le total des estimations montoit à 408.872 livres 12 sols. Ils ont été adjugés pour 649.500 livres. L'excédent des adjudications sur les estimations est de 240.627 livres 8 sols (17).

La façade de l'église de Long-Pont, (Planche I), témoigne assez son antiquité; le grand portail est une arcade ogive ; sur le pilier du milieu est une Vierge; elle avoit autrefois un couronnement semblable à celui des figures qui sont à côté d'elles; mais cette pierre a été enlevée, renversée et placée sur une colonne tronquée pour servir de bénitier. Des quatre figures qui accompagnent la Vierge, la première est Saint-Barthélemi {18), second patron titulaire de l'église.

Dans le fond de l'ogive on a représenté la mort de la Vierge et sa sépulture; plus haut est sa gloire dans le ciel, où elle est assise à la droite de Jésus-Christ, et couronnée par un ange; la tête de la Vierge avoit été abattue, comme la plupart des autres figures, au temps des guerres du XVIe siècle; au-lieu de la replacer, on s'est contenté de la lui mettre entre ses bras, comme à saint-Denis.

Gravure du prieuré de Longpont depuis le pont de l'Orge (1790).

Les deux cordons de l'ogive, qui entourent cette représentation, sont également gothiques: le plus près du fond est composé de douze anges, six de chaque c6té ; tous ont des encensoirs, les uns élevés, les autres pendants; quelques-uns portent des coupes, suivant le passage de l'apocalypse, où les anges offrent à Dieu dans des vases précieux les prières des saints, et des parfums à l'éternel. Dieu, le père, est en effet au haut de l'ogive; à ses côtés, dans le deuxième cordon, sont les dix vierges de la parabole; les sages à sa droite qui le bénissent, les folles à sa gauche ; les premières tiennent leur lampe pleine et allumée; les autres ont la leur renversée comme une cloche; aussi aux pieds de la dernière a-t-on représenté un arbre desséché et sans feuillages, avec une coignée déjà enfoncée dans le tronc, tandis qu'à l'opposite est un autre arbre touffu et plein de vie.

Le dessinateur n'a pas bien observé tous ces détails auxquels j'ai cru devoir suppléer par la description; l'espace n'est pas assez grand pour les faire sentir; et comme ils sont communs à plusieurs autres portails, je n'ai pas cru les devoir faire graver séparément.

Aux deux côtés de la porte sont deux niches vides; celle à-droite est ornée des armes de France ; celle à-gauche est surmontée d'une couronne posée sur une espèce de masse; sur la pyramide de l'ogive sont deux anges qui supportent l'écusson de France avec les fleurs-de-lys au nombre de trois; au-dessus est la rosace; aux deux coins de la pyramide de l'ogive on apperçoit deux petites rosettes.

À-gauche est une grosse tour carrée et très-lourde ; elle renferme les cloches; elle est ornée de crénelures et de fleurs-de-lys grossièrement sculptées; les éperons qui l'accompagnent ont été construits pour l'empêcher de tomber, parce qu'elle avoit paru perdre son à-plomb ; on n'y remarque cependant aucune lézarde; la porte également en ogive donne dans le clocher et sert de passage dans le bas-côté à-gauche du chœur. Les armoiries qui sont sur la porte sont celles d'un cardinal-prieur, commendataire, bienfaiteur du monastère; elles sont d'argent au chevron de gueules accompagnées de trois monts de sable 2 et 1 ; le tout est surmonté d'un chapeau de cardinal sur un bâton prioral ; ces armes se trouvent dans plusieurs endroits de l'église.

Sur les trois cloches qui étoient dans cette tour et qui ont été fondues; on lisoit les inscriptions suivantes : 1. L'an 1644 j'ai été faicte et fondue avec les autres cloches de la tour, des rentes de messire Michel le Malle, conseiller du roi en ses conseils, seigneur des Roches, chantre et chanoine de l'église de Paris, prieur et seigneur de Long-Pont, et par le soin de Me Vreain-Potier, prêtre, principal du collège de Bayeux à Paris, et esté nommée CATHERINE par noble homme Michel Guerry, avocat au parlement de Paris, et par demoiselle Catherine de la Grange, fille de noble homme Jean de la Grange, escuyer, seigneur de Bourgoinade, conseiller du roi, et maître de son hostel (19). 2. L'an 1720 par les soins et aux frais des religieux réformés de cette maison, j'ai esté faite et beniste dom le fr. Carpentier de Machy, prieur-claustral, et aumônier titulaire de ce prieuré, sous l'invocation de sainte-Julienne (Cl. Petifour m'a fait.). 3. L'an 1765 Me Jean Joseph Duval-Rivière, étant prieur titulaire, j'ai été bénite par Me. Simon le Barbe, prieur-claustral et curé, puis nommée JULIENNE .

Cette inscription étoit accompagnée d'armoiries peu reconnoissables, et d'une figure de la Vierge. A-gauche on apperçoit un des croisons de l'église; à-droite est la porte d'entrée du monastère. L'église est fort grande, et selon l'abbé Châtelain, cité par Lebœuf, d'une structure carlovingiaque (20), mais sans galeries ; elle est en croix latine. L'intérieur de l'église étoit sûrement autrefois au niveau du sol ; il faut actuellement descendre douze marches pour y entrer ; ce qui prouve que le terrain extérieur a été exhaussé par les ravines, c'est que le portail est en terre jusqu'au pied des statues.

On trouve auprès de la porte le bénitier dont j'ai parlé, et dont la forme et la sculpture sont singulières. La nef étoit autrefois pavée de plusieurs tombes ; on y distingue encore celles-ci :

Au-milieu de la nef, en tout sens, on voit une tombe sur laquelle on a gravé un homme et une femme ; on lit autour cette épitaphe : Cy-gist très-vénérable et discrète personne Me. JEHAN L'AUMONIER en son vivant prestre, bachelier en décret, curé de céans , qui trépassa le 21e jour d'aoust l523. Gist MARION TAILLITTE, jadis femme de feu Jehan Laumônier, mère dudit curé, qui trépassa l'an 1528, le 11e jour de janvier. Priez Dieu pour eulx . Jean Laumônier, Planche II, fig.1, est revêtu de ses habits sacerdotaux; sa mère, Marion Taillette, Planche II, fig.2, a une ample robe et un rosaire à sa ceinture.

Planche des sépultures de l'église de Longpont gravées par Millin (1790).

Sur une autre tombe, Planche II, fig. 3, on voyoit un homme avec un ample manteau ; c'est un laboureur, voici son épitaphe : Cy-gist honorable homme JEHAN PELLOUARD md. et laboureur, demeurant au Mesnil , paroisse de Longpont, lequel décéda le 12 janvier 1615. Priez Dieu pour son âme. Il paroît au costume de ce Jean Pellouard, qui n'est pas celui d'un païsan, que c'étoit un riche propriétaire; il faisoit valoir ses terres lui -même, et portoit le titre de laboureur.

Au côté droit de Jean Laumônier et de sa mère est une tombe (Planche II, fig. 4). La figure est coiffée d'un bavolet singulier, et vêtue d'une robe à collet retroussé ; on y lit seulement ce reste d'inscription… cultivateur qui décida le 2e jour de janvier 1504 . Le costume est évidemment celui d'une femme; aussi ce ne peut être la tombe d'un cultivateur; peut-être est-ce l'épouse d'un cultivateur dont le nom est effacé, et dont il ne reste de l'inscription qui accompagnoit sa tombe que la date de sa mort et la profession de son mari ; il seroit possible que ce fût la femme de Jean Pellouard ; mais à ce compte elle seroit morte 21 ans avant lui ; cette figure est à la vérité celle d'une jeune femme; mais ce qui me fait croire que ce n'est pas l'épouse de Jean Pellouard, c'est qu'au-lieu de cultivateur, on auroit mis laboureur, comme sur la tombe de son mari.

J'ai fait graver (Planche II, fig. 5) un cénotaphe en pierre placé sur la colonne auprès de la Chaire; un ange ailé qui montre une grande table chargée d'une inscription, qui n'est autre chose que l'acte d'une fondation pour Catherine le Fevre, veuve de Vincent Fortier, essayeur particulier des monnoyes à Paris, décédée le premier octobre 1708 ; l'inscription est sur marbre noir ; celui qui est sous les pieds de l'ange est aussi sans écriture.

Il y a encore à-gauche dans la nef une tombe sur laquelle on voit un diacre en soutane, Planche II, fig. 6 ; il ne reste plus de l'épitaphe que le nom Guido de Carolico . Cette inscription est du quatorzième siècle, ainsi qu'une autre qui porte le nom de Thiphaine de Villieis-Dame , Planche II ,fig. 7; elle avoit probablement la seigneurie de Villiers-sur-Orge, près de Long-Pont.

On lit encore au-bout de l'aile vers la sacristie, sur la moitié d'une grande tombe: Hic jacet frater ODO DE BRECIS, monachus cluniac MCCX. Cujus anima requiescat in pace (21).

Dans l'aile droite de la nef est la tombe de Guy de Monthléri ; elle formoit, il n'y a pas long-temps, une espèce de sépulture isolée et élevée d'environ deux pieds ; elle est maintenant au niveau des carreaux de terre dont l'église est pavée.

Ce Guy I, fils deThibaut File-Etoupes, et seigneur de Monthléri (22), fonda dans ce château la collégiale de saint-Pierre (23). Nous venons de voir qu'il fut aussi le fondateur du prieuré de Long-Pont (24) ; il jouissoit d'une grande réputation de valeur et de probité sous les règnes de Henri 1er et de Philippe, son fils; il vivoit encore en 1070 (25) ; il avoit épousé Hodierne dont j'aurai bientôt occasion de parler.

Dans la chapelle de saint-Barthélemi, paroissiale, est un cénotaphe élevé, et sur marbre noir, portant acte de fondation pour JEHAN L'ABBÉ, écuyer, conseiller-secrétaire du Roi, ancien conseiller des monnoies de France ; seigneur de Villebousin et autres fiefs, décédé le 23 avril 1747, inhumé sous la tombe des Grissons (26). Cette sépulture des Grissons est dans l'aile derrière la chaire où on lit en caractères très modernes, au-bas d'une très-ancienne tombe avec des armoiries en marbre blanc incrustées sur un marbre noir, comme leurs visages et leurs mains. Cy -gist noble homme Me. ROBERT GRISSON, conseiller-notaire et secrétaire du Roi, et lieutenant en la prévôté de son hôtel et de France, seigneur de Villebousin et du Ménil , et de Beaumont-en-Beauce, qui décéda le jour de saint-Michel 1590 ; et demoiselle Radegonde Picot, qui décéda le 11e jour d'apvril 1615. Priez Dieu pour leurs âmes.

Plus haut et dans la croisée de la chapelle de saint-Benoît, gist le corps de jeu dom CLAUDE GUYNEBERT, prêtre-religieux, profès du prieuré de céans et sacristain titulaire d'icelui, qui après cinquante quatre années de religion, en laquelle il a vécu pieusement et religieusement, y étant décédé le 10e jour d'avril 1662, l'an 64e de son age. Priez Dieu pour son âme .

Le chœur est au-milieu de la croisée ; la tombe d'Hodierne est ce qu'on y voit de plus remarquable; elle étoit autrefois dans le cimetière devant la grande porte; elle fut ensuite placée dans la nef, dans le siècle dernier. Michel le Masle, seigneur des Roches, prieur commendataire, obtint la permission de transporter les tombes effigiées de la nef, et de démolir les autels pour la décoration du chœur : il fit transférer son corps devant le grand autel ; voici ce qu'on lit sur la pierre qui le couvre (27). « Audiernæ (28) inclytæ comitssæ Herici montis sacrarum harumadium fundatricis ossa sub dio jacentia ab anno millesimo, pio Michaelis le Masle, domini des Roches hujusce domus prioris studio huc translato fuere anno 1641, die ultima mensis augusti ». Hodierne étoit l'épouse de Guy ; nous avons vu qu'elle fut aussi une des bienfaitrices du prieuré ; le peuple des environs a pour elle une grande dévotion, il en a fait une sainte qu'il invoque sous le nom de sainte Hodierne, et demande des messes en son honneur ; il y a dans les environs une fontaine .qui porte son nom.

Dans le chœur et sons la lampe, est une autre tombe sous laquelle repose un mort d'un nom célébre dans l'histoire : Hic jacere voluit (sed Deus aliter disposuit) PETRUS-JOSEPHUS DOMINGE DE LA MIRANDOLE ; sanguine vir nobilis, religione catholico-romanus, dignitate archidiaconus et Virginis dei-paræ a Longo-Ponte prior commendatarius, nec non longos annos universitatis burdigalensis cancellarius, qui, dum vixit, multum legit, multum oravit, multos docuit, multos graduavït, longe plura toleravit : et hæc omnia ultinam bene ! Lector, dic ei, requiestat in pace. Obiit 19 septembris 1763, ætatis suæ 60.

Au-milieu du chœur au pied de l'aigle on lit : hic jacet JACOBUS… doctor in theologia, pastor, prior et reformator hujusce loci . Derrière l'autel étoit un lavoir d'une structure assez singulière.

Plusieurs chevaliers ont eu dans le douzième siècle leur sépulture à Long-Pont; mais leurs tombes ont été brisées; de leur nombre étoit Burchard de Savigny, que les chartes du prieuré appelent famosissimæ indolis miles ; et Evrard dit, miles de Plessiaco , qui fut inhumé le27 mars. L'un des plus célèbres étoit incontestablement Milon, troisième fils de Milon-le-grand, seigneur de Monthléri, et petit-fils de Guy, fondateur de Long-Pont. Après sa mort, dont j'ai raconté la malheureuse histoire (29), il fut transporté au monastère de Long-Pont, où il fut honorablement inhumé dans le cloître (30) en présence du roi Louis VII qui étoit accouru pour voir le cadavre.

L'église du prieuré de Long-Pont possédoit quelques reliques ; on apprend par un cartulaire de 1309 qu'elle avoit alors deux petits reliquaires qu'on appeloit les philactères de la sainte vierge Marie (31) ; on conservoit aussi autrefois dans la sacristie la coupe ou tasse de saint- Macaire, appelée dans le cartulaire Scifus sancti Macarii (32). Ce vase conservé autrefois dans la sacristie servit trois fois à la cérémonie de l'investiture de différents biens donnés au prieuré, au commencement du douzième siècle. On lit dans les chartes de Long-Pont, qu'après que dame Hersende eut cédé ce qu'elle avoit dans l'église et dans les dixmes de Saint-Michel-sur-Orge, Vaulgrain, son mari, et Guy de Lynais, son frère, en investirent le monastère de Long-Pont, en plaçant sur l'autel la coupe de saint-Macaire dans laquelle étoit apparemment l'acte de la donation (33). L'investiture des terres de Lysin, voisines du monastère, et de celles de Braetel fut faite pareillement (34). Comme un des premiers prieurs de Long-Pont se nommoit Macaire, on pourroit croire que cette coupe portoit son nom parce qu'elle lui avait long-temps servie ; mais cette opinion est sans fondement : 1°) parce que ce prieur n'a jamais été regardé comme saint; 2°) parce que ces trois investitures ont été faites bien avant qu'il fût prieur. Il est bien plus probable que quelques uns des chevaliers croisés du temps de Godefroi de Bouillon avoient apportés de la Palestine ou de l'Egypte cette coupe de saint-Macaire-le-grand ou l'égyptien. Elle aura été donnée à l'église de Long-Pont, de même que ce qui a été apporté de ses ossements en France a été remis à l'église métropolitaine de Sens, où on les conserve (35).

Les bâtimens intérieurs sont très considérables et neufs. Ils forment un édifice carré avec une cour au milieu, et un cloître autour ; le grand escalier est d'un trait fort hardi. La façade du côté de la prairie est la plus considérable ; j'en ai fait prendre la vue, Planche III, d'auprès du petit pont jeté sur la rivière d'Orge ; on voit. à-droite le derrière des bâtimens de l'église; plus loin, à gauche, est le château d'Ormoi.

L'abbaïe de Long-Pont, à l'exception de l'église, qui est devenue, paroissiale, appartient aujourd'hui à M. Hoguer.

Quelques commentaires

Notons tout d'abord la façon, assez surprenante, d'écrire Montlhéry « Monthléri » (inversion du – lh en – hl ). Ne serait-ce pas une coquille de l'imprimeur ? Il est évident que l'auteur avait écrit correctement dans sa notice sur la « Tour de Montlhéry » (tom. I, art. II).

Relevons les erreurs mineures introduites par Millin, qui pressé par le temps n'a sans doute omis de consulter plus avant les archives du prieuré.

Les armoiries sculptées sur la porte du clocher sont celles de Michel Le Masle, prieur commendataire du XVIIe siècle, qui fit réparer la porte de la tour. Elles comprennent trois monts ou rochers de sable. Son écusson était posé sur un bâton de chantre de cathédrale, et surmonté d'un chapeau ecclésiastique. Il s'agit d'un chapeau d'abbé protonotaire et non de cardinal comme le déclara Millin, le chapeau de cardinal ayant quinze houppes. Le sculpteur aurait dû représenter un chapeau d'abbé protonotaire à six houppes 1.2.3., celui qui figurait sur les armes de Michel Le Masle.

La liste des prieurs clunisiens de Longpont donnée par Millin est celle de Gallia Christiana ( guide détaillé de la totalité des diocèses et des monastères français rédigé au XVIIe s.). Cette liste comporte des lacunes, notamment au début du XIIIe siècle, au temps de Guillaume de Milly. L'orthographe des curés de Longpont est également sujet de contestation. Par exemple, Dom Auguste Junot (orthographe du registre d'état-civil) est appelé à torr Jumeau par Millin. Dom Valeilhes curé en 1692 devient Dom Valelier sous la plume de Millin. Dom Joseph Bernerd curé en 1740 est nommé D. Joseph Bernaire. Dom Henry Perret est orthographié D. Perré .

Notes de Millin

(1) Cette étymologie est confirmée par le sceau du prieuré ; on y voit la Vierge assisse sur un pont dont on n'aperçoit pas l'extrémité.

(2) Voyez sur ces différents lieux, Lebœuf, histoire du diocèse de Paris, t. X, page 135.

(3) Idem, p. 142.

(4) Ant. nat. tom. I, art. II, p. 2.

(5) Quelques ans le confondent avec son successeur et le nomment Guillaume.

(6) Factum de M. l'abbé Pajot sur la pêche de la rivière d'Orge.

(7) Ant. nat., tom. I, art. II, p. 3.

(8) On nommoit communément ce chevalier Guy de Monthléri pour le distinguer de Guy de Troussel, son petit-fils. Ant. Nat. tom. I. art. II .p. 4 ; Lebœuf, hist. du diocèse de Paris, tom. X, p. 143.

(9) On peut voir, tom. I. art. II, p. 13 de cet ouvrage, les querelles des chanoines et des religieux pour an dîner et le procès qui en fut la suite.

(10) Les Bollandistes ont commis à ce sujet une erreur; ils attribuent cette histoire à l'abbaïe de Long-Pont, au diocèse de Soissons, et en concluent faussement qu'il y a près de cette abbaïe un village aussi nommé Athies.

(11) Lebœuf, tom. X, p. 153.

(12) Ant. nat. tom. IV, article XXXIX, p. 80.

(13) Lebœuf, tom. X, p. 152.

(14) Lebœuf, hist. du diocèse de Paris, tom. X, p. 152.

(15) J'aurai occasion de parler des clunistes, eu décrivant le collège de Cluny, près de la Sorbonne.

(16) Lebœuf, tom. X, p. 140.

(17) On peut voir dans l'histoire du diocèse de Paris de l'abbé Lebœuf, tom. X, p. 150, l'état de cette maison ; outre la dixme et la censive à Long-Pont, le monastère avoit encore le droit de pressoir banal.

(18) Un des douze apôtres qu'on prétend avoir été écorché vif Arménie.

(19) Voyez sur le baptême des c1oches, Ant. nat., tom. II, art. X, p. 46.

(20) Il appeloit ainsi un genre de bâtisse qu'il disoit avoir commencé sur le déclin de la seconde race de nos rois, et avoit duré jusqu'au douzième siècle ou environ.

(21) Odo de Brecis, de l'ordre de Cluny, le reste est brisé.

(22) Ant. nat., tom. I, art II, p. 3.

(23) Idem. p. 11.

(24) Supra p. 2.

(25) Art de vérifier les dates, tom. II, p. 6S8.

(26) Et non point Griffons, comme l'écrit l'abbé Lebœuf.

(27) Lebœuf, p, 144.

(28) C'est une faute du graveur, il faut lire Hodierne, comme dans le titre.

(29) Ant. nat., tom. I, art. II .p. 5.

(30) Chron. Mauriniac., Duchesne, tom. 4, p. 365 et 366. Le chroniqueur de Morigny n'avoit point de mot latin pour exprimer le genre de mort de Milon. Il se contente de dire: abominabili genere mortis, quod vulgo murt vocatur .

(31) Le mot Philactère est .composé du grec et signifie préservatif ; on appèle philactères, les talismans, les annulettes ; mais les philactères, proprement dit, sont des remèdes superstitieux, tels que des prières ou d'autres paroles écrites sur du parchemin, et qu'on attache aux hommes et aux bêtes, pour chasser certaines maladies et les préserver de certains accidens, On les nomme aussi ligatures . Dans l'évangile, le mot philactère signifie les bandes de parchemin sur lesquelles les commandemens de la loi étoient écrits, et que les scribes et les pharisiens portoient autour de leur tête et de leurs bras pour avoir toujours la loi devant leurs yeux. Quelques auteurs ecclésiastiques, entr'autres saint-Grégoire le grand et Helgaldus, moine de Fleuri ou de Saint-Benoît sur Loire, donnent le nom de phylactères aux boîtes que nous appelons aujourd'hui reliquaires ; le nom donné aux reliquaires dont il est ici question prouve que cet usage avoit trouvé des imitateurs.

(32) Scifus pour sciphus syphon ; on appeloit ainsi le vase qui servoit au sacrifice de la messe, et dont l'usage étoit de recevoir une partie du vin contenu dans le plus grand calice. On s'est aussi servi de ce mot pour indiquer des vases propres à recevoir des reliques; nous avons vu qu'on appeloit aussi sciphus , syphon, un chalumeau destiné à boire le vin consacré.

(33) Istam donationem per scifum sancti Macarii super altare sanctæ Maria posuerunt . Ceci nous indique une formule de donation.

(34) Per scifum sancti Macarii .

(35) Lebœuf, tom. X, p. 148.

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