Corpus Essonnien

Histoire et patrimoine du département de l'Essonne

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Le fief de Courtabeuf (2) (1531-1612)

Chronique du Vieux Marcoussy –Marcoussis————— _——————————_- —- Juin 2009

Les environs de Paris où sont la Prévosté et la vicomté de Paris par J.B. Nolin, 1698 (1).

JP. Dagnot

C. Julien

Cette chronique est la deuxième partie de l'histoire du fief de Courtabeuf. Dans la première partie nous avons rencontré les seigneurs de Palaiseau détenant le fief de Courtabeuf : Les successeurs des Lebrun, les Harville et leurs héritiers, les Meauze, les Labadie et les Dumesnil détiennent des portions de cette terre. Le fief est mouvant pour la plus grande partie de la châtellenie de Montlhéry, et d'une moindre part de la seigneurie ecclésiastique de Saint-Éloy de Longjumeau.

Suite aux partages successifs, la situation patrimoniale est de plus en plus complexe. Revenons un moment au temps des héritiers de Fiacre 1er de Harville. Dès 1531, les enfants mineurs de Fiacre de Harville sont impliqués dans les conflits juridiques. D'abord des lettres de souffrances leur sont accordées par le roi pour la foy et hommage de la seigneurie; puis un procès leur est intenté pour le partage d'un bois avec les héritiers de leur tante paternelle.

La foy et hommage

En juin 1540, Anne-Esprit, l'aîné des fils Harville devenu majeur, remet au roi sa déclaration d'aveu et dénombrement pour la moitié du fief de Courtabeuf, l'autre moitié appartenant à sa cousine Jacqueline de Meaucé. Cet aveu avait été vérifié par les commissaires de la Chambre des Comptes le 2 août 1540. Sous François 1er , une vente avait eu lieu en juillet 1532 ; Anne de Meaucé, sœur de Jacqueline avait cédé à son cousin François de Harville, frère cadet d'Anne-Esprit, sa portion de fief de Courtabeuf. Le neveu de Fiacre, Philippe de Harville, écuyer, seigneur de la Grange-du-Bois, en paya les droits au roi en 1533 comme tuteur de son jeune cousin.

Arrêtons-nous un moment à propos de l'acte de foy et hommage du vassal au suzerain. Selon la formule consacrée, la déclaration est invariablement la même pendant l'Ancien régime « quant l'en fait la lettre de l'ommage, il fault nommer dedanz le fief ou la chose de quoy on doit l'ommage et ne suffist pas d'y mettre en general de tout ce qu'il tient du roy , sinon du moins qu'on y nommast le fief particulier et aprés la generalité… » . Comme exemple, voici l'acte rendu au roi le 8 juillet 1518 par Guillaume de Meauze pour son fief de Courtabeuf. « François par la grâce de Dieu Roy de France, à nos amez et féaux, gens de nos compte et trésoriers à Paris, au prévost de Paris ou à son lieutenant et procureur aux ordres de ladite prévosté ou à son substitut et commis, salut. Sçavoir nous faisons que nostre amé et féal, Guillaume de Meauze, nous a ce jourd'huy, ès main de nostre bureau de la chambre des comptes, les foy et hommage que tenu nous estoit de faire en raison du fief terre seigneurye de Courtabeuf, ses appartenances et deppendances, tenu et mouvant de Nous à cause de notre chastellenie de Montlhéry ; à quoy il a esté reçu sauf autre droit et l'autruy. Si vous mandons et à chacun de vous, si comme à lui appartendra, que pour cause dudit hommage non fait vous ne faites mettez ou donnez en nostre main aucun destourbier ou empeschement en sadite terre et seigneurye, ne autres ses biens, appartenances et appendances, se sont ou estoient pour ce prins, saisis et mis en nostre main, mettez les luy ou faites mettre incontinent et sans delay à pleine délivrance, et faire payer audits droitz et debvoirs, s'aucuns en sont pour ce deubz, se faits ou payez ne les a. Donné à Paris le huitième jour de juillet l'an de grâce mil cinq cent dix huict. Vidamé et signé le quatorzième. Signé par le Conseiller estant en la Chambre des Comptes ».

Il est en de même pour “la souffrance de faire hommage et bailler dénombrement”. C'est la situation de force majeure où Fiacre de Harville, vassal du roi est décédé en 1530 « aussi pour ce que nostre amé et féal, Fiacre de Harville, est nouvellement venu en aage par le trespas, par quoy il n'a peu ne pourroit savoir la vérité de ce dont il est tenu à nous bailler dénombrement at aussi ne pourroit venir par devers nous pour nous faires lesdiz foy et hommage… ». Par la suite nous assisterons à plusieurs reprises à la cérémonie proprement dite. L'article de la coutume précise alors « Nota que, quant on n'a point fait hommage et le seigneur empesche par deffault d'omme, ce qu'il lieve est sien s'il veult ; mais quant l'ommage est fait, on ne lieve pas par deffault de denombrement non baillié, bien le met on en sa main quousque ». Ainsi, le roi ne “délivre pas le fief” tant que l'hommage n'est pas prêté. Il garde les fruits provisoirement tant que le dénombrement ne lui est par rendu.

Le fief de Courtabeuf à Combs-la-Ville

Revenons encore une fois vers les écrits de notre excellent érudit, l'abbé Lebeuf, qui nous rapporte qu'à la fin du XVIe siècle, il y avait à Combs-la-ville, « le fief Paloisel dit Courtabeuf appartenant à Louise Herouer, valant 200 livres, dont Jean la Rivière était le seigneur ». Un procès-verbal de la Coutume de Paris de l'an 1580 nomme ce Jean de la Rivière, écuyer, comme « seigneur en partie de Combs-la-ville, de Paloisel et Cortabeuf ».

Qu'en est-il exactement ?

La raison pour laquelle un fief de Combs-la-ville était nommé Courtabeuf est qu'il appartenait, au XVe siècle, aux seigneurs de Palaiseau. Ainsi Fiacre de Harville en fit foi et hommage à l'évêque de Paris le 7 avril 1473, et le dernier jour de février 1477 Pierre de Meauze, écuyer, époux de Jeanne de Harville, fille et héritière de Guillaume III, s'acquitta du même devoir le 3 juillet 1501.

La situation de ce fief est identique à celui de notre Courtabeuf, issue du droit féodal. Pour clarifier la situation patrimoniale, il convient de préciser que, selon la Coutume de Paris, lors des partages successoraux, « l'aîné prend par préciput, le manoir seigneurial avec ses accès et préclôtures et le vol du chapon, dans le surplus du fief il a la part avantageuse… ». Cette part est plus ou moins grande selon le nombre des enfants : l'aîné a les deux tiers quand il n'y a que deux enfants, et la moitié quand il y en a davantage.

Arbre généalogique simplifié de la famille de Harville (XVe-XVIe siècles).

Les diverses mouvances de la seigneurie de Courtabeuf

Dans un acte de vente du XVIIIe siècle, que nous reprendrons en son temps, les mouvances dont relève la seigneurie de Courtabeuf sont précisées. Ce sont au XVIe siècle : • en partie du Roy à cause de la tour de Montlhéry, • en partie de la baronnie de Magny-Lessart unie à la terre de Chevreuse, • en partie du seigneur de Marcoussis, • en partie de Messieurs les prieurs et chanoines réguliers du prieuré de Saint-Eloy-les-Longjumeau à cause de leur fief de Grandainvilliers, • du seigneur de Montjay en la paroisse de Bures, • de Monsieur d'Orsay, • du seigneur de Villarceaux, • et du fief de Hautes Brières, et « ladite terre et seigneurie de Courtabeuf et dépendances est chargée envers le Roy et les autres seigneurs de tels cens, rentes, droits et devoirs seigneuriaux que les parties n'oint pû dire ny déclaré franche et quitte desdits cens et rentes, le tout du passé audit jour de Saint-martin d'hiver… ».

En 1557, l'acte de foy et hommage des fiefs de Courtabeuf et Gomberville, mouvant de Magny-Lessart (2) est remis par Pierre de Mondoré, seul héritier de Jacques de Mondoré. Une autre version précise « devant Boreau et Lamiral, foy et hommage est donnée en faveur de Claude de Levy, seigneur de Magny-Lessart par Pierre de Montdoré, seigneur de Rondeau pour raison des fiefs de Gomberville et Courtabeuf venant de la succession de Jacques de Montdoré, son frère ».

En 1560, trois actes sont délivrés par Nicolas Dumesnil, fils de Jacqueline de Meauze qui avait épousé en secondes noces Guy Dumesnil. Le 16 du mois d'avril, Nicolas du Mesnil, escuyer, seigneur de Courtabeuf, demeurant audit lieu près Paloiseau, prévosté de Paris, tant en son nom que se portant fort de damoiselle Marie Lemaréchal, sa femme, confesse avoir vendu à noble homme Mor Bobart, advocat en la court du Parlement 60 livres tournois de rente…. Le 21 août suivant, d'après le calendrier Moret, le seigneur de Courtabeuf demeurant audit lieu, confesse que le seigneur a encore…. deux problèmes de vente de rente.

Dix ans plus tard, le fils de Guy Dumesnil, posséda le premier lot de Courtabeuf et l'accrut par un grand nombre d'acquisitions. À Nicolas succéda Henry, lequel fut en même temps propriétaire du fief de Courtabeuf relevant de Magny ; on ignore si ce fut luy où son père qui en fit l'acquisition. Le 1er avril 1574, foy et hommage est présenté par Horace de Mondoré, héritier de Pierre son père à cause dudit fief de Courtabeuf en faveur du seigneur de Magny.

En mars 1576, une déclaration de la moitié du fief de Courtabeuf est faite par Nicolas Dumesnil, l'autre moitié du fief comprend les fiefs du Petit Palaiseau, 2 arpents de prez assis à Bures, la moitié du fief de Courtaboeuf et 40 arpents de bois appelé les bois de Milly ; le tout appartenant à Esprit de Harville, seigneur de Palaiseau , écuyer d'écurie de Sa Majesté depuis le 25 février 1553, chevalier de l'Ordre du roi et colonel du régiment des Légionnaires de Normandie.

En 1559, Esprit de Harville est l'un des seigneurs envoyés en otage en Angleterre à la suite du traité de Cateau-Cambrésis. Il décède en 1569, laissant ses trois enfants mineurs dont Catherine de Lévis, sa femme, et Mathurin de Harville, abbé de Trouart et cousin du défunt, sont tuteurs. Suite à la mort de leur frère aîné, Jacques-Henry de Harville, en 1576, Claude de Harville et Louise, sa sœur, rendent foy et hommage au roi, le 3 août 1577, pour la moitié du fief de Courtabeuf.

Lors de perquisitions, en 1585, pour trouver des religionnaires le procès-verbal du prévost de Montlhéry auroit trouvé Estienne de Labarre, escuier, seigneur de Courtabeuf lequel auroit dict qu'aulcun habittant dudit Courtabeuf n'estoit de la nouvelle opinon….

Le 14 avril 1586, noble homme Henri Du Mesnil, escuyer, seigneur de Courtabeuf demeurant audit lieu en la paroisse d'Orçay en son nom et Vincent Chaulmont, laboureur de Leuville, font eschanges : « vingt arpents de terres labourables … contre deux espasses de logis audit Courtabeuf, court, jardin, cinq arpents, deux arpents… ». Le 6 octobre suivant, noble demoiselle Françoise de Giffart, veuve de feu Estienne de Labadye, vivant escuyer, seigneur du fief de Courtabeuf, demeurant au dit lieu paroisse de Villejust, « en son nom et aussi comme tutrice de sa fille Claude donne puissance pour recueillir dix livres et deux chappons à prendre sur plusieurs héritages dudit fief et présenter foy et hommage pour vingt arpents ».

Un échange est fait en 1592, par lequel Louise Dumesnil cède à Henri son frère, tous les droits qu'elle possède sur la terre et seigneurie de Courtabeuf. Le 18 avril 1594, un échange par lequel Renée Dumesnil cède audit Henri Dumesnil, son frère, seigneur de Courtabeuf, 20 arpents de pré, 3 de terre en censive de la seigneurie de Courtabeuf. Dans son mémoire, Mr d'Entragues, seigneur engagiste de Montlhéry porte à 300 écus les droits qui lui sont dus par la mutation de Courtabeuf. Des réponses successives sont envoyées suite à cette injonction : un mémoire de Henry Dumesnil, seigneur de Courtabeuf, servant de réponse à celui de M. d'Entragues, seigneur de Montlhéry, suivi d'un mémoire de M. d'Entragues servant de réplique à celui du seigneur de Courtabeuf.

Le 3 mars 1595, devant Auzard, notaire, foy et hommage est rendu par Henry Dumesnil, escuyer, seigneur de Courtabeuf, fils aisné de deffunt Nicolas et aussi fils de Jacqueline de Meauze, sa mère jadis femme de Guy Dumesnil, dame de Courtabeuf, en la paroisse de Villejust. L'hommage est fait au seigneur François d'Entragues, seigneur engagiste de Montlhéry. Le 10 avril suivant, conformément aux usages féodaux, aveu et dénombrement est donné par Henri Dumesnil, escuyer, seigneur de Courtabeuf, fils aisné et héritier de deffunt Nicolas Dumesnil, escuyer et pareil héritier de Jacqueline Mauze femme dudit Dumesnil, dame de Courtabeuf. À savoir : - grande maison manable, estable, grange, chapelle, colombier, ceci à cause de son droit d'aînesse, - cour, mare et jardin - 49 arpents de terre, en 4 pièces, « ledit Henri demeure audit Courtabeuf et tient en une seule foy serment de fidélité, hommage portant droit de relief de la seigneurie de Courtabeuf relevant du roy à cause de son chastel de Montlhéry ». Dans cette succession, Henry Dumesnil partage les biens patrimoniaux avec ses deux sœurs, Louise et Renée. Selon la coutume de Paris, le droit d'aînesse lui accorde le manoir et la chapelle de Courtabeuf, plus la moitié du reste du patrimoine.

Le 7 octobre 1596, foy et hommage est rendu par Nicolas Deshommes, sieur de Courtabeuf en partye pour la terre de Courtabeuf, mouvant du château de Montlhéry, sise en la paroisse de Viljust, venant d'un contrat de transaction avec Henri Du Mesnil, cohéritiers de Claude de La Bastie, leur cousin, en demande du seigneur d'Entragues, usufruitier dudit Montlhéry.

Courtabeuf au sieur Lemercier

En 1601, Henri Dumesnil, écuyer, seigneur de Courtabeuf, vend à Joseph Lemercier la terre et seigneurie de Courtabeuf , paroisse d'Orsay, dont partie mouvante du roi à cause de son château de Montlhéry. L'acte précise : « Henry Dumesnil, escuier, seigneur de Courtabeuf, y demeurant, paroisse d'Orsay, se faisant fort de Claude Dupuis sa femme, et Marye Dumesnil sa fille, confesse avoir vendu à noble homme Joseph Lemercier, sieur de la Ringuette, la maison terre et seigneurie dudit Courtabeuf, paroisse d'Orsay, consistant à présent en maison, terres, vignes, boys, taillis tant en fief que roture, appartenant en propre tant par les successions de ses père et mère que de son conquest avec sa femme, la seigneurie relevant du roy et de Magny Lessard pour 194 arpents ». La désignation détaillée de la seigneurie comprend : - premièrement, ung grand corps d'hostel qui se consiste en cuisine, chambre basse, chambre haulte, une salle, un pavillon au bout de ladite salle, basty de neuf, deux caves dessous, - item, granges, escuryes, estable à vaches et porc, le tout clos de fossés plain d'eau fermant à pont levis, tenu en fief de la seigneurie de Magny-Lessard, - item, un jardin à verdures planté de palissades et arbres fruitiers à noyau clos de murailles tenant audits fossés, tenu en fief de Magny, - item, une pièce de terre de 18 arpents, clos de fossés et hayes vives, plantés en fruitiers aussi tenu de Magny, - item, ung clos planté en fruitiers dedans lequel soulloit estre la maison seigneurialle dudit Courtabeuf, auquel y a ung réservoir à poissons, une vollière à pigeons et une petite maison couverte de chaulme, tenu en fief du roy, contenant quatre arpens, ( en marge “ hic le fief de Courtabeuf paroisse de Villejust ”), - item, une autre maison, granges, estables et jardin clos de murailles où il y a un petit vivier plain d'eau planté en arbres fruitiers, tenu en fief de Magny, - item, cinq arpents de pré labourables planté en fruitier audit lieu tenu en fief de Magny, tenant … - item, 25 arpents de terres tenus en fief du roy, - item, 26 arpents de terres tenus du roy, - item, 37 arpents de terres au lieudit l'Orme couronné, tenant au chemin de Courtabeuf à Villejust tenu en fief du roy, également au chemin de Bris à Paris (que l'on voit sur le plan révolution Villejust), - item, 35 arpents de terre au lieudit Grandinvilliers, tenu en fief ou roture, - suivent des parcelles plus petites avec leur mouvance, - item, troys arpens ou environ de vignes et boy clos de murailles au lieudit le chantier du Buisson Rond, proche ung moulin à vent appartenant à Monseigneur d'Entragues, seigneur de Marcoussis, en la censive dudit seigneur, - item, ung pressoir à vin et cidre cloz de murailles, avec un clos derrière planté en fruitier et petit jardin, en la censive de Pierre de Leuville (à la Poitevine), - item, deux arpents de terres dépendant dudit pressoir à la Poitevine même censive, - suivent des parcelles en censive de Courtabeuf, le tout pour 194 arpens qui seront arpentés vendus 5.000 escus sol ; apparemment paiement de plusieurs rentes et obligations par jugement le vendeur ne récupérant que 1.900 escus.

Cet acte détaillé permet de faire le point sur cette seigneurie: - il n'y a toujours pas de château, - les lieux sont nouvellement bâtis, entourés de douves et accessibles via un pont-levis, certainement accordé en raison des guerres de religion intervenues pendant les décennies précédentes, - la mention du moulin à vent appartenant à Monseigneur d'Entragues en sa censive.

Dans un acte de 1602, nous apprenons que Joseph Lemercier est trésorier général des fortifications en Champagne, en qualité de seigneur de la Ringuette et Courtabeuf avec François Rousselet… Le 16 décembre suivant, Lemercyer, trésorier général des fortifications en Champagne, sieur de la Ringuette et Coutabeuf, paie la somme de trois cents livres pour le rachapt en principal de 25 livres de rente du contrat de 1593.

En 1603, noble homme Joseph Lemercier de la Ringuette, seigneur de Courtabeuf en la paroisse d'Orsay, conseiller du roy, receveur général des fortifications, réparations et avitaillement de Champagne, demeurant à Paris, Vieille rue du Temple, paroisse Saint-Gervais, confesse avoir baillé à titre de loyer et bail à ferme pour neuf ans, à honneste personne Pierre Léger, laboureur demeurant à Villejust, le total revenu de la terre et seigneurie de Courtabeuf, circonstances et déppendances, consistant en maison et manoir seigneurial, granges, estables, maison, masures avec neuf vingts arpents de terres labourables aux réservations touteffoy qui ensuivent, rentes et droits seigneuriaux de la terre et seigneurie de la salle du logis de la maison seigneurialle, garde manger joignant icelle, et du gros pavillon estant au bout du corps de logis habité par le bailleur, des fossés et douves ainsi que des avantages habituels … à la réserve aussy du clos de quatre arpents où estoit antiennement la maison et manoir seigneurial du fief de Courtabeuf où est à présent le coulombier , aussy du pressoir assis au hameau de la Poitevine, et un clos de vigne assis prez le moulin à vent de Marcoussis , ce bail fait moyennant la quantité de sept muids de grain mesure de Paris, un porc gras de valleur quinze livres, ung muy de bon cidre, poiré de girolles, neuf boisseaux de noix sèches, huit chappons et douze poulets. Le bail est comprend également huit hottes de poires à faire au four.

Le 26 novembre 1604, une saisie féodale dudit fief est faite à la requeste du seigneur de Magny-Lessart. L'acte précise « déplacement selon les directives du bailly de Magny données par le seigneur, transport au village de Courtabeuf, paroisse d'Orsay, en l'hostel seigneurial, faute de devoir non fait envers le seigneur de Magny ».

Le petit Courtabeuf

Une partie de la seigneurie était restée hors les mains des Lemercier. C'est ainsi qu'en 1609, “la terre de Courtabeuf” est vendue par le sieur Deshomme au sieur Robert Moret. Par acte sous seing privé Nicolas Deshommes, écuyer, sieur de Vitry en son nom, tuteur de Claude, sa fille et de feue Françoise du Giffart, sa femme, …., Catherine Deshommes femme …. déclarent avoir vendu à titre d'eschange et vente à noble homme Robert Mocet, secrétaire de la chambre du roy, la terre fief et seigneurie de Courtabeuf appartenant à la demoiselle Giffart, femme de Deshommes, et auparavant veuve d'Etienne de La Bastie, fille desdits de La Bastie et d'elle : - premièrement, ensemble une petite maisonnette appelée le petit bout size à Courtabeuf en la paroisse de Villejust, - item, une métairie maintenant en ruine et décadence appelée Haute Bruyères, proche Courtabeuf, en la paroisse d'Orsay, consistant lesdits lieux en maison manable, bergerie et autres édifices couverts de chaume et une grange couverte de tuilles, cour, puits, jardin, - item, un bois taillis appelé la Garenne de Courtabeuf, - item, avec 200 arpents de terre labourable et 30 arpents de friches, - item,… le droit de colombier à pied, quelques menus cens, Les biens venant de la succession de leur mère Giffart ; le fief mouvant du roy et la métairie de Haute Bruyères en franc alleu (3) ; la vente faite moyennant 500 lt de rente appartenant à Mocet et 3.900 livres tournois de soulte. Cet acte reconnu par de la Pille le 22 janvier. Il s'agit de Courtabeuf “côté Villejust” et de quelques biens sur Orsay dont les hautes Bruyères.

Courtabeuf à la veuve Lemercier

Revenons “au côté Orsay”, le sieur Lemercier de La Ringuette décède au début de 1609. Dans un acte du 26 juin, damoyselle Loyse Pelloquin, veufve de deffunt Messire Joseph le Mercier, sieur de la Ringuette, « supplie humblement comme tutrice au nom de damoyselle Loyse Lemercier, fille myneure, disant que ledit deffunt Mr Joseph le Mercier son mary auroyt achepté la terre et seigneurie de Courtabeuf, lequel fief est eschu partie indivis à ladite mineure, laquelle n'est âgée suffisamment et n'a pu porter la foy et hommage… »

Quatre jours plus tard, l'acte de foy et hommage est rendu par Louise Pelloquin au seigneur de Magny. « le greffier tabellion de Magny-Lessard, reconnoaît avoir reçu le procureur de Loyse Pelloquin, veuve de feu Joseph Lemercier, escuier sieur de la Ringuette, …, la souffrance est accordée pour Loyse Lemercier mineure, âgée de 13 ans, pour la terre de Courtabeuf relevant de Magny, eschue de la succession de son père Joseph… ». Le 4 mai de l'année suivante, l'hommage du fief terre et seigneurie de Courtabeuf est de nouveau rendu par Louise Peloquin, veuve de maistre Joseph Lemercier, trésorier général des réparations et fortification de Champagne, acquéreurs de .. Dumesnil seigneur dudit lieu.

C'est alors que les difficultés surviennent avec le seigneur dominant de Courtabeuf. Le 30 juillet 1610, la saisie féodale dudit fief est prononcée ; l'acte provient du bailly de Magny-Lessart pour son seigneur, messire d'Escoubleau. L'homme de loi se transporte à Courtabeuf, parlant à Louise Pelloquin pour faire son aveu du fief, terre et seigneurie de Courtabeuf… Le surlendemain, une offre de foy et hommage est faite par Louise Pelloquin, veuve Lemercier en son nom, au seigneur de Magny, « révérend père en Dieu messire Henry d'Escoubleau, évesque de Mallezais et de la baronnie de Magny ». En la présence du tabellion de Magny-Lessard, Louise prête serment de foy et hommage lige « en signe d'humilité mains jointes, a baisé le clicquet de la porte d'icelluy chastel ». Il semble que la prestation ne soit pas conforme à ce qu'en attendait le suzerain puisque le 10 août, le serment de foy et hommage est renouvelée devant le tabellion de Magny-Lessart par Louise Pelloquin, veuve Lemercier, pour son fief de Coutabeuf.

Précisons ce qui est prescrit par le droit commun : « Pour faire la foi, le vassal doit se transporter au principal manoir s'il y en a un, sinon au lieu accoutumé. Si le seigneur n'y est pas, ni autre pour lui, le vassal après s'en être enquis, doit faire la foi au devant de la porte du manoir et en faire dresser procès-verbal par les notaires qui l'accompagnent. Le vassal pour faire la foi doit être nue tête, sans épée ni éperons, et mettre un genou en terre, et joindre les mains. Et quand le seigneur le reçoit en foi, il met les mains du vassal dans les siennes, en signe d'union et de protection ».

Après avoir prêté serment de fidélité, une déclaration d'aveu et dénombrement doit être rendu. Le 18 juin 1611, devant les notaires Herbin et Lenormand, un aveu est donné au profit de Charles d'Escoubleau, seigneur de Magny-Lessart , par Louise Pelloquin, veuve Joseph Lemercier, sieur de la Ringuette et Courtabeuf , et également par Louise, sa fille , « de partie de la seigneurie de Courtabeuf , de partie du fief et manoir seigneurial sur le territoire du sieur de Magny-Lessart, l'autre partie relevant du roy ». Le dénombrement comprend : - un grand corps d'hostel à présent bâti de neuf , cuisine, salle basse le reste non parachevé, un pavillon au bout de ladite salle et bastimens neufs, deux caves dessous, deux granges, escurye, bergerie, estable à vaches, cour et puits en icelle, le tout clos de fossés pleins d'eau fermant à pont-levis, jardin à verdure planté de palissades et fruitiers à noyaux, clos de murailles, tenant aux fossés, - une basse-cour, - les deux tiers d'une maison, grange, étable, cour, jardin sur la grande rue, enclavée dans les biens, - suivent les terres, - item, autre maison, grange, estable, jardin clos de murailles où il y a un petit vivier plein d'eau …

Quelques jours plus tard, le 2 juillet, foy et hommage est rendu en faveur du seigneur de Magny par Louise Lemercier mineure, héritière de son père Joseph, pour la partie en relevant « un genou en terre, elle baise le gembage de la principale porte dudit chasteau… » (4). Trois jours après, la demoiselle Lemercier présente foy et hommage avec aveu et dénombrement rendu au roy par, pour sa portion et moitié de terre et seigneurie de Courtabeuf à l'exception de 200 arpents qu'elle déclare dans celui-ci être en franc-alleu situé audit Courtabeuf.

Après le roi et le seigneur de Magny, viennent d'autres suzerains qui réclament les droits de mutation. Le 14 novembre 1611, un commandement est fait à la requête des religieux de Saint-Éloy à demoiselle Peloquin, veuve de Joseph le Mercier, seigneur de Courtabeuf, pour payer les droits de lods et ventes qui leur estoient dûs à cause de l'acquisition de la terre de Courtabeuf.

Nous assistons, quand la veuve se remarie avec le sieur Simon Collon, à une nouvelle série de serment de foy et hommage puisque cette prestation « est due à toute mutation, tant du seigneur dominant, que du vassal ». Le 10 janvier 1612, devant Legendre, tabellion, foy et hommage comportant aveu est rendu par Simon Collon, à cause de Louise Pelloquin, sa femme. Le document mentionne l'offre de foy et hommage fait au seigneur de Magny, par le seigneur de Courtabeuf avec aveu de ladite terre. « Devant le commis du tabellion au baillage de Magny-Lessard, le procureur de Symon Collon, trésorier général de l'extraordinaire des guerres, mary de Loyse Pelloquin, auparavant veuve Lemercier, …, demeurant rue des Francs-Bourgeois, paroisse Saint-Gervays, …., foy et hommage est fait pour la moitié de la terre de Courtabeuf, relevant du seigneur de Magny-Lessart et du roy à cause du chasteau de Montlhéry, acquise pendant le mariage de sa femme et ensuite partage avec sa fille au trépas du premier mari ». C'est le receveur de Magny qui le reçoit, Collon est en « indisposition de malladye », il paiera en commun avec sa belle-fille en raison d'un partage non fait. Finalement, l'acte foy et hommage n'est pas fait car le suzerain est absent, seul le vicaire de Magny est présent. Le même jour, l'aveu est rendu « de partye du fief et manoyr seigneurial de Courtabeuf, mouvant du seigneur de Magny-Lessard, l'autre partye relevant du roy à cause de sa tour de Montlhéry consistant en un corps dhostel à présent bastye de neuf et non parachevé qui se consiste en cuisine … jardin à verdures planté de palissades et arbres fruitiers, … deux tiers d'une maison manable… ». Une procuration décrit l'indisposition de Collon !!

À suivre …

Notes

(1) Sur la carte du la prévôté et vicomté de Paris, Courtabeuf est marqué comme un fief dépendant du présidial de Paris compris dans les divisions des juridictions.

(2) Magny-Lessart est l'ancienne dénomination de Magny-les-Hameaux avant 1788. L'histoire de Magny se confond souvent à celle des seigneuries voisines, telles Châteaufort, Marly, Lévy et Chevreuse. Le toponyme de Magny s'est transformé au cours des siècles : Malliacum (XIIIe s.), puis Magneium , Magnaum-Lessardi et Magnaco-Lessardi (XVe s.). Le suffixe latin « iacum » signifie domaine ou lieu ; Magny peut provenir de « magnus » “grand” ; Lessart veut dire “brousailles” et “essarter”, “défricher”, ce qui permet de penser que des bois ou des taillis devaient couvrir ce territoire. Le 28 septembre 1463, Guy de Lévis, escuyer, seigneur de Marly-le-Chastel rend f oy et hommage au roi pour son fief de Magny Lessart. En 1587, la terre de Magny passe par vente à la famille d'Escoubleau. Le 20 août 1673, Charles Honoré d'Albert, duc de Chevreuse, fait acquisition de Magny et c'est en 1693 que les dames Ursulines de Saint-Cyr deviennent acquéreurs “ de la terre, chastel, chastellerie et seigneurie du grand et petit Magny-Lessard ”.

(3) Un alleu (du latin allodium ) ou franc-alleu est un héritage possédée en propriété complète, qui ne relève d'aucun seigneur, opposé à un fiefs ou à une censive impliquant une redevance seigneuriale. Il s'agit donc d'une terre ne doit ni foi et hommage, ni censive, libre de tout droit de mutation, tel que « lods et vente ».

(4) L'âge pour porter et recevoir foi et hommage, est la majorité féodale, laquelle varie selon les coutumes « à Paris c'est à 20 ans pour les mâles et 15 ans pour les filles ».

dagnot/chronique30.04.txt · Dernière modification: 2020/11/12 03:39 de bg