Corpus Essonnien

Histoire et patrimoine du département de l'Essonne

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Saint-Pierre et Saint-Laurent du château de Montlhéry (1) (1098-1420)

Chronique du Vieux Marcoussy ————————————- _——————————-Juillet 2009

Le prieuré Saint-Laurent de Montlhéry en 1790 selon de dessinateur de Millin (1).

JP. Dagnot

C. Julien

Dans cette chronique nous exposons l'histoire de l'une des églises primitives de Montlhéry, devenue dès le XIIe siècle le prieuré Saint-Pierre du château de Montlhéry. Nous verrons que cet établissement religieux fut rattaché au groupement régional clunisien du prieuré Notre-Dame de Longpont tout en gardant ses revenus spécifiques : censives, redevances seigneuriales, dîmes, etc.

Les historiens sont assez peu loquaces sur l'église primitive de Montlhéry. Pour certains, il y avait une église Notre-Dame attachée au château de Thibaut File- Étoupe, pour d'autres Linas était la paroisse desservant Montlhéry, alors considéré comme un hameau. Cette hypothèse est consolidée par le fait qu'une partie de Montlhéry dépendait de Saint-Merry de Linas et que le siège du doyenné rural était également à Linas « decanatu de Linais ». L'abbé Lebeuf écrit « il serait injuste de dire que Linoys doit son origine à Montlhéry » mais avance que le fondateur de l'église Saint-Pierre aurait été Thibaut File-Étoupe, celui même qui fit construire le premier château de Montlhéry (2).

La première paroisse de Montlhéry

Une chronique précédente (cf. “ Les paroisses de Montlhéry au Moyen Âge ” ) nous a appris que « la paroisse primitive de Montlhéry apparut sous la dédicace de Saint-Pierre, devenue par la suite le prieuré Saint-Pierre du Château ». L'importance du territoire de Montlhéry au début du XIIIe siècle peut être simplement obtenue par la description qu'en fit le pouillé du diocèse de Paris écrit vers 1205. À cette date la ville n'a pas encore pris l'essor qu'elle présentait au Moyen Âge puisque Linas était le siège du doyenné rural « decanatu de Linais ». Les registres épiscopaux de 1205 nous apprennent que Saint-Pierre et Notre-Dame étaient deux paroisses de Montlhéry « Sancti Petri & Sancte Marie de Montis Letherici » dont le prieur de Longpont « prioris Longi Pontis » était le présentateur. Dans le pouillé de 1260, l'église Saint-Pierre de Montlhéry « sanctus Petrus de Monteletherico » fait partie du doyenné du bourg de Longjumeau, nommé « in dacanatu de Montis Gemelli » qui semble avoir usurpé le titre détenu précédemment par Linas.

Le statut de l'église Saint-Pierre est donc bien défini : le prieur de Longpont est le patron , c'est-à-dire celui qui nomme le curé et possède les droits honorifiques seigneuriaux dans le sanctuaire. Nous pouvons arguer que cette situation découle de la fondation même du prieuré Sainte-Marie de Longpont « Sancte Mariae de Longo Ponte » par les seigneurs de Montlhéry en 1061. Car, voulant placer la paroisse et l'église de Montlhéry “ en de bonnes mains ”, Thibaut File-Étoupe ou son fils Guy 1er de Montlhéry attribuèrent cette église aux moines qui constituaient une communauté viable « monachus Cluniacensibus, Domino serventibus » . Dans la charte XLVIII, nous remarquons que lors de sa prise d'habits au couvent de Longpont Guy de Montlhéry évoque la sainte Vierge, mais aussi saint Pierre « Guido de Monte Leherico, cupiens et animam et corpus tradere beate Dei genitrici Marie et sancte Petro… ». Les seigneurs de Montlhéry étaient donc très attachés à l'apôtre qui leur ouvrait la porte du paradis éternel.

Le statut ecclésiastique de Montlhéry semble avoir basculé au XIVe siècle. Le centre religieux a rejoint le centre économique de la ville “ au bas de la montagne ” dominée par le château. Montlhéry devient le siège d'un des deux doyennés de l'archidiaconné de Josas « archidiaconatu de Josayo ». En l'an 1525, ce doyenné contrôle 74 paroisses. Les comptes de décime de 1352 du diocèse de Paris « registrum decime civitas et diocesis Parisiensis » font désormais l'état des cures et chapelles du doyenné de Montlhéry « curati et capellani in decanatu de Monteletherico » où seul Saint-Pierre à Montlhéry est mentionné. La taxatio de cette église se monte à 14 livres et le tricesima du curé s'élève à 9 sols 4 deniers, qui sont des sommes très modiques comparées à celles de la paroisse principale de la Sainte-Trinité de Montlhéry pour laquelle la taxatio se monte à 30 livres et le tricesima à 20 sols. Dans le même temps, le curé de Longpont « curatus de Longo Ponte » payait la même somme, puisque cette paroisse s'étendant sur toute la partie orientale de Montlhéry intra-muros .

Dans le pouillé de 1525, parmi le bénéfice de l'archidiacre de Josas, nous trouvons deux églises paroissiales à Montlhéry « sequuntur ecclesie parrochiales in archidiaconato de Josayo in decanatu de Monte Letherico » sous le patronage du prieur de Longpont : d'une part l'église paroissiale Notre-Dame de Montlhéry « ecclesia parrochialis Beate Marie de Monte Letherico » et l'église paroissiale de Montlhéry « ecclesia parrochialis de Monte Letherico », ici il s'agit réellement de l'église Saint-Pierre dont le titre n'est pas nommé (3).

Les anciens documents

Revenons à l'étude de plusieurs vieux documents du cartulaire de Longpont témoignant de l'existence de l'église Saint-Pierre avant le XIIe siècle. Tout d'abord, nous trouvons la charte LV que Jules Marion date de l'an 1098, au temps du seigneur Milon 1er de Montlhéry. L'évêque de Paris, Guillaume 1er de Montfort, est appelé pour résoudre un différend entre les moines de Longpont et des chanoines de la collégiale Saint-Pierre de Montlhéry sur le cimetière de ce lieu « causam que de cimiterio saciendo inter monachos de Longo Ponte & canonicos de Monte Letherico ». Les chanoines demande l'arbitrage pour le cimetière des nobles dont les moines bénédictins sont les maîtres. La décision est prise que le cimetière sera placé sur un terrain appartenant aux moines clunisiens. Afin d'être écouté, le prélat finit en précisant que toute personne qui ne respecterait pas sa décision sera puni et châtié par Dieu « Si quis igitur contra hoc decretum, quod absit, aliquid temptare voluerit, a Deo se dampnandum sciat », formulation classique avant l'excommunication.

Bien que se chicanant sans cesse, les moines et les chanoines se fréquentaient puisque leurs bienfaiteurs tenaient la puissante seigneurie de Montlhéry. Une dispute éclata encore une fois entre les clunisiens de Longpont et les chanoines de la collégiale Saint-Pierre du château. Ces derniers venaient traditionnellement à Longpont participer à la procession du jour de l'Assomption et y prendre un repas. La vénération de la sainte Vierge était l'occasion de réunir le ban et l'arrière-ban des seigneuries environnantes, “sorte de lobbying” moyenâgeux pour encourager les donations pieuses au couvent (4).

L'histoire est rapportée dans la charte XLIV. L'action se passe donc vers 1099, départ de Milon pour la Terre-Sainte, puisque le scribe écrit que les plaignants allèrent voir le seigneur Milon qui avait été éloigné presque deux ans de cette mauvaise discordance « Videns isitur domnus Milo fere per duos annos eos male discordante ». En voici la traduction. C'est un fait que les chanoines participent à la procession du jour de la fête de Sainte Marie, le 15 août et chantent la messe avec les moines, et non seulement en action de grâce mais, comme une coutume, partagent un repas au réfectoire « cum monachis missa cantata, non solum modo gracia, sed consuetudine, in refectorio manducarent ». À les entendre les moines sont troublés et reprennent la dite coutume sans contredit. N'acceptant aucune discorde, Milon statue et concède le cimetière dans le bourg que les moines réclament et qui leur appartiendra une fois pour toute. Une transaction est passée avec le titre suivant « Concordia inter Sancti Petri Montis Letherici & monachos Longi Pontis »: - les chanoines reçoivent le cimetière des gens du bourg depuis la porte Baudry jusqu'à la porte de Paris et la terre autour des fossés « videlicet ut canonici sepulturam tocius burgi a porta Baldrici usque ad portam Parisiensem tantum [intra] aggeres haberent », - les moines gardent le cimetière des clercs, des chevaliers et des serviteurs de Dieu ainsi que les sépultures de ceux qui séjournent en dehors des murs. - puis, les chanoines concédèrent 5 sols à Villam Romanarium et 12 deniers à Coldriacum pris sur la vigne de Bernard Francigene. Peut-on imaginer que la dispute du repas était feinte ? Loin de nous ce procès d'intention !

La chicane entre les deux communautés religieuses reprend de plus belle vers 1100 au temps du seigneur Guy Troussel, successeur de Milon (charte LXII). Cette fois le partage du cimetière est demandé. Deux moines de Longpont, Malger et Théodore, et deux chanoines de Saint-Pierre, Froger et Anseau, plaident devant les juges Fulbert Pigment et Duran Coquel. Ceux-ci répondent qu'on ne peut pas partager entre les moines et les chanoines mais qu'on doit accepter dans le partage les gens du bourg qui sont sous la juridiction de l'évêque. Les bourgeois comprennent qu'ils ne peuvent pas confisquer le droit des moines de Longpont, et, d'un commun accord, rendent ce qu'ils avaient pris. Parmi les témoins, il y avait : Gui, fils de Froger, Duran de Gravigny, Roger Ruffus, Arnulf Bucher, Rainard, le fils de Roger, Arnulf Burguinel, Hugues, fils d'Ancelin, Tebert, l'ancien, Geoffroy le régisseur de Sainte-Marie, le serviteur Lysiard, frère d'Oylard, Constantin de Villebouzin et le forgeron Josbert.

Le site du château de Montlhéry sur le plan napoléonien , montrant l'emplacement du prieuré Saint-Pierre et Saint-Laurent et le cavalier élevé en 1465 (5).

À la même époque, pour le salut de son âme et celle de ses ascendants, Ansoud, chanoine de Saint-Pierre-de-Montlhéry (6) , donna aux moines de Longpont la terre qu'il possédait à Fontenelles, « terram quam apud Funtenellas », à savoir, une hostise qui est chargé de deux pains rendus à la nativité du Seigneur, deux chapons, deux setiers [de blé] et six d'avoine à payer le jour de la Nativité et en mars deux deniers, et en mai deux deniers et 13 deniers de vin le jour de la Saint-Rémy, et le jour de la Saint-Jean trois deniers de l'arpent qui est attaché à la susdite vigne et la dîme de vin et d'annone. Les témoins de ce legs furent : Gui de Villemoisson, les serviteurs du prieur Henri, Garnier et Robert, le boulanger Ascelin, le savetier Josbert et beaucoup d'autres (charte XCIII).

La fondation du prieuré Saint-Pierre

Revenons encore une fois aux écrits de l'abbé Lebeuf. Selon l'éminent érudit, une charte du roi Louis VII de l'an 1154, fondement de l'histoire ecclésiastique de Montlhéry, nomme deux églises Saint-Pierre et Notre-Dame. Et de dire « On y apprend que dans le temps des anciens seigneurs du château, il étoit une collégiale de chanoines séculiers, lesquels avoient un abbé à leur tête ». Curieuse description quand on sait que généralement un chapitre est dirigé par un doyen (7) .

Dans son mémoire, François de Dinan, prévôt de Montlhéry sous Louis XIV, mentionne la construction de l'église Saint-Pierre en ces termes « Depuis la réunion de ce comté à la couronne qui fut environ l'an mil cent soubs les règne de Philippe premier tant Louis le Gros son filz sixième du nom que Louis le jeune, filz de Louis le Gros et successeur à la couronne et depuis eux à Saint-Louis étant à l'envie l'un de l'autre successivement acreu ce chasteau de plusieurs bastimens et fortifications mesmes Louis le jeune faict bastir et construire proche et dedans de la première porte de ce chasteau l'église des prieuré et parroisse Saint-Pierre ainsy que depuis le roy Saint-Louis a pareillement et attenant ce chasteau faict bastir une chapelle depuis appellée la chapelle de Saint-Louis desquelles église de Saint-Pierre et chapelle il sera ci-après parlé en leur lieu, me debvant suffire en ce lieu de dire que de tous ces bastimens. Il ne reste et ne se veoit à présent en son entier qu'une partie de celle de Saint-Pierre et la principale tour ou donjon du chasteau que les rois de France ont voulu conserver comme un auguste monument de son antiquité et pour y aller rendre par les vassaux de ce comté qui sont dans un très grand nombre les foy et hommage par eux deubs ».

Il est certain que le roi Louis VII, dont la première femme, Aliénor d'Aquitaine, disait « ce roi est plus moine que mari », s'intéressa à Longpont et à Montlhéry que son père Louis VI le Gros avait arraché des mains de la puissance maison des Montlhéry-Rochefort. Fils cadet de la maison capétienne, ce prince avait été éduqué pour être clerc ou moine plutôt que roi (8) . De son éducation religieuse à l'abbaye de Saint-Denis, Louis VII gardera une affection particulière pour l'abbé Suger, ministre de son père et rencontrera des clercs qui restèrent ses amis. Thibaud, prieur conventuel de Notre-Dame de Longpont fut de ceux-ci.

Le roi fut l'ami des Clunisiens qu'il fréquentait. N'oublions pas que le cardinal Papareschi avait été élu pape après la mort d' Honorius II en février 1130, par une partie des cardinaux, sous le nom d'Innocent II. D'autres cardinaux optèrent pour le cardinal di Leoni, qui se proclama pape sous le nom d'Anaclet II et resta maître de Rome. Innocent II s'était réfugié en France et séjournait à Cluny ; il sacra Louis VII à Reims et devenait son « parrain » en quelque sorte.

Ainsi, le roi fut d'une grande générosité pour les moines clunisiens de la région parisienne, en particulier, Longpont, où il venait prier la sainte Vierge, reçut ses libéralités. Il autorisa une foire au profit de l'église de Forges, dépendance de Longpont, au jour de l'Assomption de Sainte-Marie (charte IX). Pieux, moral, très croyant, le roi prescrivit en 1142 que la foire de Montlhéry se transporterait à Longpont pendant l'octave de la Nativité de la Vierge, du 7 au 15 septembre de chaque année (chartes III et IV). Le prieur de Longpont était alors Pierre, successeur de Macaire qui avait remplacé Jean en 1141. Cette mesure était destinée à faire mieux connaître Longpont, à y attirer des pèlerins, et à augmenter les revenus du prieuré. Un nouveau prieur, Thibaud, l'ami du roi entra en fonctions à Longpont en 1150, et resta trente ans en place « ego frater Theobaldus, fratrum de Longo Ponte servus ».

L'inventaire de 1713 des titres du prieuré Notre-Dame de Longpont indique que le roi Louis VII rattacha, en 1154, à Sainte-Marie de Longpont, les églises de Saint-Pierre et de Sainte-Marie du château de Montlhéry, avec le consentement de Jean « de Chatenay » ou de la Chaine « de Catena », abbé de Saint-Pierre de Montlhéry, de tous les chanoines, l'évêque Thibaud de Paris ainsi que l'abbé Gilduin, de Saint-Victor, qui possédait quelques censives et prébendes à Montlhéry. Le consentement des chanoines est dit être fait en pleine liberté « cunctis assentientibus Canonicis libere ».

Dans sa bulle promulguée la même année, le pape Anastase IV « Anastasius épiscopus, servus servorum Dei dilecto filio Theobaldo, priori de Longo Ponte » approuva le rattachement de la collégiale « auctoritatis nostra pagina confirmamus atque donationem ipsam perpetuis » du prieuré Saint-Pierre avec tout ce qu'il comporte « abbatiam Sancti Petri de Monteletherico cum omnibus ad eam pertinentibus ». Le Saint-Père loue la donation faite à Thibaud, prieur de Longpont « dilecto filio Theobaldo, priori de Longo Ponte » et approuve les biens de Longpont énumérés par l'évêque Thibaud de Paris en 1150 et le pape Eugène III en 1152 (9). Le souverain pontife évoque la donation de son affectionné fils Thibaud, évêque de Paris « quam etiam donationem tenerabilis frater noster Theobaldus, parisiensis episcopus », le consentement de l'abbé Jean et celui des chanoines de Saint-Pierre « consensu Johannis abbatis, qui tunc temporis eidem ecclesia praerat & canonicorum inibi existentium », son affection pour le roi Louis VII le jeune « quam carissimus filius noster Ludovicus Rex Francorum », mais aussi la colère de Dieu si quelqu'un ose s'opposer cette donation « temeritatis refringere, vel ei ullatenus contra ire ».

Cette donation est mentionnée par les Annales des Bénédictins (tome VI, p. 725). La collégiale de Saint-Pierre de Montlhéry semblait avoir été fondée par Thibaud File-Etoupe, père de Guy 1er de Montlhéry, à l'intérieur de l'enceinte du château. Elle comprenait deux nefs, respectivement dédiées à Saint-Pierre et à Saint-Laurent. Les relations entre la collégiale et le prieuré étaient fort anciennes puisque les chanoines se rendaient en procession à Longpont le 15 août dès l'époque de Guy 1er pour chanter la messe. Des frictions en avaient parfois découlé mais Milon le Grand avait établi l'entente entre les deux communautés ecclésiastiques. Ce fut à l'occasion de ce rattachement qu'un fragment de la ceinture attribuée à Saint-Pierre aurait été donné au reliquaire de Longpont. La chapelle Saint-Pierre portait ce nom avant cet événement, contrairement à ce qui est parfois prétendu.

Revenons un moment sur l'emplacement de la collégiale Saint-Pierre de Montlhéry. L'abbé Lebeuf dit « les deux églises [Saint-Pierre et Notre-Dame] qui subsistoient alors dans l'enceinte du château ». L'érudit reprend sans doute les termes d'une ancienne charte où il fallait lire l'enceinte castrale de Montlhéry, c'est-à-dire celle qui comprenait la motte de Montlhéry et les masures qui s'étaient agglutinées autour du château de Thibaud File-Étoupe qu'il ne faut pas confondre avec le château philippien dont on peut encore voir les ruines de nos jours. Tous les plans du XVIIIe siècle confirment bien cette description.

Bulle du pape Anastase IV qui confirme la réunion de la collégiale de Saint-Pierre de Montlhéry à Longpont (1154).

Désormais, le prieuré Saint-Pierre et Saint-Laurent du château de Montlhéry fait partie du groupement régional clunisien dirigé par prieuré Notre-Dame de Longpont ; le plus souvent on disait « le prieuré du château de Montlhéry ». Ce réseau, sous-ensemble prieural, comptait au début du XIVe siècle, près d'une cinquantaine de moines répartis dans huit prieurés dont Montlhéry, Orsay, Auffargis, Milly, Saint-Julien-le-Pauvre, Forges-les-Bains. Vers 1300, selon Gallia Christiana , la population monacale du prieuré de Montlhéry se résume à trois moines dont le prieur.

Les moines de Montlhéry qui serviront Dieu sous la règle de saint Benoît « sub regula beati Benedicti militaturis traderemus », gardent les droits seigneuriaux de leur église. Ces moines devront rester sous l'autorité de l'abbé de Cluny « tantum districtio regularis maneret penes abbatem Cluniacensis monasterii ». Par le biais du chapitre général, les définiteurs fixent le cens à payer (la taxatio ) à la maison-mère et imposent un droit de regard sur le personnel dirigeant des dépendances indirectes.

Rapports du prieuré Saint-Pierre avec les autres églises

Une charte du cartulaire général de Paris rapporte qu'en 1126, une concession avait été faite par le roi Louis VI le Gros à l'église Saint-Victor des annates de onze prébendes dans plusieurs églises dont Etampes, Corbeil et Montlhéry. L'original, parchemin avec sceau plaqué, est en langue latine « Dedimus eis [canonicis S. Victoris] etiam viam que nostra erat, et mutata est, juxta ecclesiam Beati Victoris sitam, inter Cardonetum et terram Antemi ».

Une charte du prieuré de Longpont, datée de 1205 concerne un échange entre communautés religieuses. Une des prébendes dans l'église de Saint-Pierre de Montlhéry, appartenant à l'abbaye de Saint-Victor, est donnée au prieuré de Longpont, et en échange lesdits religieux avaient cédé les terres et vignes qu'ils possédaient près le village d'Athis.

Selon Gallia Christiana « haud plures quam duo memorati nobis occurerunt abbates », deux abbés célèbres chefs de la collégiale Saint-Pierre vécurent au XIIe siècle : Etienne en 1125 et Johannes de Cathena en 1154, celui qui accepta le transport au profit de Longpont. Reprenons ce texte en langue latine « Vetus abbatia sancti Petri, seu et S. Laurentii de Monteletherico, sex ciciter ab aube Lutecia leucis, qua parte itur Aurelianum.. ». C'est vers 1125 qu'Etienne l'abbé de l'antique couvent Saint-Pierre et Saint-Laurent de Montlhéry, à six lieues de Paris, sur la route d'Orléans, avait sollicité les lettres du roi Louis pour un échange entre les chanoines réguliers de Saint-Victor et ceux de la collégiale de Montlhéry. Puis reprenant l'épisode de la donation du roi Louis VII « Ludovicus VII junior » convertissant les chanoines réguliers de Saint-Pierre en clercs séculiers soumis aux moines de Longpont « fratribus sanctæ Mariæ de Longo ponte pro honestate eorum » grâce à l'intervention de son ami Thibaud et l'arbitrage de l'évêque Thibaud « arbitro Theobaldo episcopo Parisiensi ».

Dans son histoire de Montlhéry de 1887, l'historien F. Marin raconte qu'en 1154 : « cette église était enfermée dans la première enceinte du château, qu'à la date citée en tête, une charte de Louis VII, nous apprend qu'elle est collégiale, desservie par des chanoines réguliers et présidée par un abbé. Cette église fut partagée ensuite en deux parties dont l'une celle du nord fût placée sous le patronage de st Laurent avec le titre de prieur et l'autre partie resta sous le vocable de st Pierre. De cette église, il n'existe plus que le souvenir et quelques restes de ses fondations dans une vigne ». Nous avons déjà noté les précautions d'usage à la lecture de ce texte.

Pour compléter le chapitre de l'antiquité du prieuré Saint-Pierre et Saint-Laurent, nous donnons une partie du mémoire des commissaires chargés de l'échange du domaine de Montlhéry au profit du comte de Noailles en date du 15 juillet 1772. Voici le texte : «… Il y a encore un autre bénéfice connu sous le nom de prieuré de Montlhéry sous l'invocation de saint Laurent dont l'église existe et est construite près les murs de la ditte ville et sur les terres et emplacement de la tour et ancien château de Montlhéry, duquel prieuré fondé par Louis le jeune en l'année onze cent cinquante quatre est titulaire frère Chrisostôme Joly, religieux profès de Cluny, Étroite Observance… ».

Dans le cartulaire de la collégiale Saint-Merry de Linas il est fait état des possessions des chanoines « Littere de possessionibus et redditibus quos vel quas habemus apud Linais, Montemlethericum, et loca circumadjacendia ». Au mois de juin 1264, l'amortissement par Philippe, prieur de Saint-Pierre de Montlhéry, est fait en faveur du chapitre de Linas, d'une pièce de vigne située entre la ville de Saint-Merry et la léproserie de Linas, et tenue en censive dudit prieuré.

Une vente est faite en 1282 au Chapitre par Geoffroy, chantre de Linas, Michel et Jean Gautier, exécuteurs testamentaires de « Osanna », veuve de Michel dit « Gautere », de pièces de vigne sises au terroir « de pressorio Regis », l'une appelée vigne du « Neiplier », en censive de l'Hôtel-Dieu de Paris, et l'autre touchant en partie aux chemins « per quas itur ad pontem de Gueperreus et ad molendinum de Buison », en la censive du prieur de Saint-Pierre de Montlhéry.

Parmi les possessions, en la ville et terroir de Linas, notifiées par l'official de Paris de la vente faite par Amary dit « de La Huenière », écuyer, et demoiselle Marie, sa femme, « domini de medietate, ut dicebant, ville et pertinenciarum de Linais subtus Montemlethericum », au chapitre de Saint-Merri, se trouve « 2 sous et demi au prieur de Saint-Pierre de Montlhéry ».

Un consentement donné en 1296 par Jean « de Barzaico », prieur de Saint-Pierre de Montlhéry, à ce que le chapitre de Linas tienne de lui à cens et en mainmorte un arpent de pré situé devant le moulin de l'Etang. La transaction de 1298 est un accord entre le Chapitre et Jean, curé de Linas, réglant la part des offrandes revenant à chacun ; le curé abandonne celles-ci au Chapitre, qui, en retour, lui donne une vigne près du chemin de Linas à Saint-Lazare, en la censive du prieur de Saint-Pierre de Montlhéry.

Les lettres, datées de l'an 1300, de Jean, prieur, et du couvent de Notre-Dame de Longpont, portent que pour mettre fin à une discussion entre le chapitre de Linas, d'une part, et « Jehan de Berziaco », prieur de Saint-Pierre de Montlhéry, d'autre, au sujet d'un arpent de vigne, « situm in ex altera parte posticti Sancti Lazari de Linays », en censive dudit prieur, il est convenu que ladite vigne sera tenue par les Chapitre aux mêmes conditions qu'auparavant, mais sans obligation de l'aliéner.

La vente au Chapitre d'une pièce de terre à Saint-Michel, en la mouvance du prieuré de Saint-Pierre de Montlhéry est faite en 1313 par les exécuteurs testamentaires de Guillaume de Chailly, clerc de Montlhéry, parmi lesquels Messire Martin, doyen de Linas.

D'après la Bibliotheca Cluniacensis qui fait autorité en pareille matière parmi les prieurés immédiatement soumis à celui de Notre-Dame de Longpont, Saint-Pierre de Montlhéry en 1154 et Saint-Laurent de Montlhéry n'est réuni à Notre-Dame de Longpont pour son revenu qu'en 1420 seulement « prioratus S. Laurentii de Monte Leherico, paris diaec. unitus eidem prioratus de Longo Ponte anno 1420 per D. abbatem Cluniasensem » .

À suivre…

Notes

(1) On remarque, sur cette gravure, des erreurs d'échelle très importantes, tant du point de vue du positionnement par rapport à la tour-donjon que par celui de la taille du bâtiment. Millin avait déjà reproché à son dessinateur de « jouer avec l'authenticité », mais ici le dessin force le paysage et la perspective.

(2) J. Lebeuf, Histoire de la Ville et de tout le Diocèse de Paris , tome IV (Libr. Féchoz et Letouzey, Paris 1883) p. 100.

(3) Jusqu'en 1789, la paroisse, « parrochia » en latin, désignait à la fois un groupe de personnes rassemblées autour d'un prêtre, le curé chargé du soin des âmes « curatus animarum », le territoire de cette communauté chrétienne, mais aussi une aire géographique, unité administrative de base du royaume.

(4) L'auteur du cartulaire de Longpont donne la date de 1109 qui n'est pas possible. En effet, l'arbitre du conflit est le seigneur Milon le Grand « domnus Milo », fils de Gui « secut pater ejus Guido » et d'Hodierne, qui mourut en Palestine en 1102.

(5) Élevé par l'armée royale de Louis XI dans la nuit du 15 au 16 juillet 1465, le cavalier est un lieu dominant duquel l'observation et l'artillerie pouvaient œuvrer.

(6) Ansoud de Montlhéry est un descendant de la famille Le Riche, vicomtes de Paris, au temps des premiers capétiens. Son aïeul, Guérin 1er le Riche « Guarinus Dive » était baron de Paris sous Robert le Pieux.

(7) Un chapitre (du latin : capitulum ) est un collège de clercs appelés chanoines, « canonicis » attachés à une collégiale pour y accomplir les fonctions liturgiques les plus solennelles. L'érection d'une telle communauté à Montlhéry exigeant l'accord de l'Église de Paris, signifiait la puissance féodale du seigneur du lieu, qui, était un familier du roi avec sa charge de « forestier royal ». Cette institution impliquait la création de prébendes pour le doyen et les chanoines. Ce dont nous ignorons.

(8) Philippe de France, né le 29 août 1116, fut le fils aîné du roi Louis VI et d'Adèle de Savoie. Comme tous les premiers princes capétiens, il avait été associé à son père sur le trône et avait été sacré à Reims le dimanche 14 avril 1129. Alors qu'il se déplaçait à cheval dans Paris, un pourceau qui errait dans les rues effraya son cheval qui se cabra et fit tomber son cavalier au sol. Philippe mourut des suites de cette chute le 13 octobre 1131. Son frère Louis fut sacré roi et couronné à Reims dès le 25 octobre par le pape Innocent II.

(9) La date de 1164 parfois indiquée pour le rattachement de la collégiale Saint-Pierre de Montlhéry au prieuré de Longpont est erronée puisque toutes les sources concordent pour en attribuer l'approbation à Anastase IV, qui était mort en 1154. La copie détenue dans les archives du presbytère de Longpont indique « Latran, VII Kalendas Decembris 1154 ».

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