Corpus Essonnien

Histoire et patrimoine du département de l'Essonne

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Le fief de Courtabeuf (5) (1712-1888)

Chronique du Vieux Marcoussy –Marcoussis————— _——————————_- —- Juin 2009

Extrait du plan d'intendance d'Orsay vers 1750.

JP. Dagnot

C. Julien

Cette chronique est la cinquième et dernière partie de l'histoire du fief de Courtabeuf, devenu après la Révolution la grande ferme que l'on pouvait admirer encore dans les années 1960.

Après la déconfiture du sieur Josias de Rouen, la terre de Courtabeuf était dans les mains de plusieurs particuliers dont : Marie Girard, veuve d'un secrétaire du roi, qui possède la plus grande part et une autre dame nommée Marguerite Pottier, veuve Charles Tubeuf. Cette dernière a vendu tous les biens qu'elle avait dans les environs à Hubert de Champy, intendant de la marine en Bretagne. En septembre 1696, les biens de l'intendant sont saisis.

Le grand Courtabeuf aux Boucher d'Orsay

En 1712, Charles Boucher, seigneur d'Orsay, prévôt des marchands de Paris, acquiert le fief principal de Courtabeuf, complété d'un second en 1724. L'acquisition du fief de Courtabeuf est faite en 1712 par Charles Boucher à Nicolas Boulet. « Nicolas Boulet, chevalier, seigneur de Douchamp et Anne Elizabeth Dunoyer, son épouse, demeurant paroisse Saint-André des Arts, vendent à Charles Boucher, chevalier seigneur d'Orsay, demeurant paroisse Saint-Paul, le fief terre et seigneurie de Courtabeuf sis en la paroisse d'Orsay, consistant en bâtiments, clos, jardins, prés, bois, terres labourables, cens, …, déclaré au contrat d'acquisition que Marie Girard, veuve Guillaume Menguy, ayeule du vendeur, en a fait à l'audience des criées de Josias de Rouen en 1683 ». Les biens lui venant par donation dans son contrat de mariage par ladite ayeule. Attachées trois rentes à payer de peu d'importance; la vente faite moyennant 22.000 livres de principal et 875 livres pour le troupeau. Guillaume Menguy intervient dans la vente et en fait “ son propre fait ”. Un mémoire relate les mêmes faits.

Charles Boucher décède et son inventaire après décès est réalisé en 1714. Après de nombreuses tractations, le partage de la succession Boucher d'Orsay est fait deux ans après, pour Courtabeuf, en présence de trois héritiers : • Arnoul Boucher d'Orsay, abbé de Notre-Dame de Beaulieu, demeurant à Paris, isle Notre-Dame, • Henri Boucher d'Orsay, chevalier, capitaine au régiment des gardes françaises, demeurant à Paris rue Saint-Claude, • et Jacques Lemoyne, bourgeois de Paris, procureur de Charles Boucher d'Orsay, chevalier de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem, sous-lieutenant au régiment desdites gardes. À l'article 19, l'acte de partage mentionne « est compris dans la masse le fief, terre et seigneurie de Courtabeuf et terres labourables et dépendances sur la paroisse d'Orsay, acquis par le deffunt seigneur d'Orsay de Nicolas Boulet, chevalier de Donchamps et d'Elizabeth Dunoyers son espouze, avec le bétail et les ustancilles de ménage, estimés dans l'inventaire après décès à 30.000 livres … ». La masse totale à partager était de 483.683 livres .

Une donation entre vifs de la terre et seigneurie de Courtabeuf est faite en 1718 entre les Boucher: « Arnoul Boucher d'Orsay, abbé de Notre-Dame de Beaulieu les mau? et Marie Anne Boucher d'Orsay, fille majeure, frère et sœur, demeurant ensemble quai d'Alençon Isle Notre-Dame, paroisse Saint-Louis à Paris, pour que le survivant vive plus commodément font donation irrévocable : Marie Anne donne le fief, terre et seigneurie de Courtabeuf plus 1.680 livres de rente de 37.000 livres au principal…, plus la maison de Paris, en contre partie l'abbé cède tous les biens lui appartenant à l'exception de deux rentes ».

En 1716, Arnould Boucher, seigneur de Courtabeuf, abbé commendataire de Notre-Dame de Beaulieu, de présent en son chasteau de Courtabeuf, paroisse d'Orsay , vend 21 arpents un quartier et demy de terre à Pierre de Louvain, écuyer de la petite escurye du roy, seigneur de Villarceaux (2). Le 26 septembre 1723, devant de Beauvais, le partage des biens de Nicolas de Champy a lieu entre les membres de la famille Duquesnes, légataires universels.

En 1724, Messire Arnoul Boucher d'Orçay, seigneur de Courtabeuf, paroisse d'Orçay, abbé de l'abbaye Notre-Dame de Beaulieu , de présent en son château de Courtabeuf, lequel baille à tiltre de ferme et loyer et prix d'argent pour neuf ans à Charles Goix, laboureur en la ferme de la Plesse , savoir: - la ferme de Courtabeuf, …, et clos de murs, le tout nouvellement construit à neuf, comme cuisine et fournil… - la quantité de 300 arpents de terres labourables, 6 arpents dont jouit le domestique de l'abbé et non sa maison, 9 arpents de pré, 15 arpents de bois, le preneur en jouissant, ainsi que du pressoir, le coulombier, les deux cours près du château, moyennant le prix de 2.900 livres à payer au château de Courtabeuf.

En 1745, Claude Louise Jeanne d'Illiers d'Entragues, dame de Marcoussy, Gié et autres demeurant à l'abbaye de Port-Royal, mineure émancipée, constitue son procureur général et spécial, Lhéritier ancien procureur en la prévosté de Montlhéry pour faire sommation au sieur Regnault demeurant en la basse-cour du château de Marcoussy pour lui demander s'il est fondé en bail , sinon de vider les lieux; également lui donner pouvoir de se transporter sur les terres de Fretay, la Poitevine et autres pour être présent au procès-verbal d'arpentage et bornage que la demoiselle d'Orsay entend faire faire de la seigneurie de Courtabeuf; fait à l'abbaye de Port-Royal. Ledit Regnault est fermier de la terre de Marcoussis. Ainsi, la confiance ne régnait pas entre dame de haut lignage.

Dans un acte de 1751, Marie Anne Boucher d'Orsay est dite « dame des terres et seigneurie de Courtabeuf ». C'est aussi à ce titre que la dame d'Orsay présente, le 29 juillet 1752 devant Jourdain et son confrère, foy et hommage pour partie de fief terre et seigneurie de Courtabeuf. La déclaration comprend un manoir seigneurial et ferme formés par : - un château et une première cour, une autre fermée de fossés plein d'eau, pont de pierre pour entrer au fond de laquelle est baty le manoir consistant en un appartement de maitre, chapelle dédiée, remise, grange, colombier, - de l'autre côté duquel bâtiment, pont de bois pour aller au parc qui est derrière ledit château, - un parterre, parc planté en charmilles, grande allée au milieu, - dans le parc, cave et glacière.

On constate que l'abbé et sa soeur ont agrémenté les lieux allant même jusqu'à construire une glacière à la mode à cette époque.

Un autre mémoire décrit foy et hommage avec aveu et dénombrement aux dames de Saint-Cyr, par Marie Anne Boucher d'Orsay, dame de Courtabeuf pour ce qui est mouvant de leur baronnie de Magny-Lessart, venant de la donation de 1718. La description détaillée des lieux est reprise avec mention d'une melonnière

En avril 1754, un aveu et dénombrement est donné par Marie Anne Boucher, dame du fief terre et seigneurie de Courtabeuf assis en la paroisse d'Orsay, mouvant du roy à cause de sa tour de Montlhéry: pour un terrain de 4 arpents 36 perches clos de murs « dans laquelle pièce étoit cy devant construit le principal manoir, appelé la Seigneurie dont il n'y a plus aucun vestige ». Suivent un nombre important d'arpents pour les terres labourables, le bois de la Cyprenne de 17 arpents, et les droits seigneuriaux.

Une demande la vérification d'aveu est faite en septembre la dame de Courtabeuf, demeurant à Pais rue des Tournelles paroisse Saint-Paul, disant « qu'à cause dudit fief, mouvant du roy à cause de la tour et château de Montlhéry, elle a baillé aveu en la Chambre des Comptes le 22 avril dernier par l'intermédiaire du sieur Blondeau ». Un bail de la ferme de Courtabeuf est fait par Marie Anne Boucher au profit de Pierre Serouge en1760.

Courtabeuf à la famille Grimot du Fort

En 1767, devant Bronot notaire, Pierre Grimod du Fort, comte d'Orsay, achète la seigneurie de Courtabeuf. Sur l'acte notarié, nous lisons « Haute et puissante demoiselle Marie Anne Boucher d'Orsay, majeure demeurant rue des Tournelles paroisse Saint-Paul à Paris, vend à messire Pierre Gaspard Marie Grimod d'Orsay, seigneur d'Orsay, mineur émancipé, la terre et seigneurie de Courtabeuf , …., le bail emphitéotique fait par la fabrique, ladite seigneurie reçue comme donataire de son frère Arnould Boucher d'Orsay, abbé de Notre-Dame de Beaulieu » (1).

Notons que la demoiselle laisse les vases sacrés de la chapelle, les ornements qui sont dans le chasteau dudit Courtabeuf, la bibliothèque, etc. La seigneurie relève de plusieurs suzerains : le roi, les religieuses de Saint-Cyr, les religieux de Saint-Éloy, le seigneur de Marcoussis, le seigneur d'Orsay, le seigneur de Montjay à Bures et le seigneur de Villarceaux à Nozay. « La venderesse se réserve sa vie durant la jouissance du chasteau, du parc et du potager avec la maison du jardinier, et du colombier, et du droit de chasse ». La vente est faite moyennant 170.000 livres, détaillée par suzerain pour les droits, constitué notamment par une rente de 6.000 livres ; la dame est âgée de 80 ans. Un inventaire des meubles est fait au château, il ne permet pas de retrouver toutes les pièces, notons: - au rez-de-chaussée, cuisine, fruitier, garde-manger, office, salle de compagnie, chambre à coucher, - au premier étage, bibliothèque, chambres n°11 et 12, - au second étage, alcove, - un grenier au dessus, - une chapelle.

En annexe, sont également les titres de la seigneurie, dont un imprimé d'un arrêt du Parlement du 6 mars 1682 contenant contrat d'abandonnement fait par Daniel Josias de la terre de Courtabeuf aux créanciers de Josias de Rouen, leur père ledit contrat passé devant Baglan, notaire à Paris, le 20 février 1682 : « la ditte dame venderesse (Marie Girard) déclare que toutes lesdites pièces sont dans une chambre ou chartrier du château de Courtabeuf et elle s'oblige de les faire remettre audit sieur acquéreur dans trois mois de ce jour à peine. Enfin ledit sieur Rabache reconnoit que ladite demoiselle venderesse luy a présentement remis les expéditions des foys et hommages, aveux et dénombrements et déclarations par elle rendues au roy et aux dames de Saint-Cyr de la terre de Courtabeuf, l'expédition du procès verbal de terrier relatif à la terre de Courtabeuf fait à sa requeste, lesdites grosses des baux d'héritages et des baux à cens et rentes faits à son profit par différents particuliers et autres pièces… ».

La demoiselle d'Orsay décède dans son hôtel parisien le 3 mars 1775. L'acheteur de la seigneurie de Courtabeuf, messire Grimod, fait faire un inventaire des travaux considérables à réaliser. Plus de 400 articles sont répertoriés par un architecte !!! Après une transaction avec l'architecte de chaque partie, le montant est estimé à 2.998 livres . Grimod est tenu de payer à l'héritier 1.080.000 livres pour extinction de la rente de 6.000 livres . Les actes des 6 avril 1773 et 10 mars 1774 du testament de la demoiselle d'Orsay sont déposés devant Arnoult le jeune, notaire.

Description du fief de Courtabeuf

Un mémoire daté de 1777 décrit les terres labourables au terroir et dans la plaine de Courtabeuf. Le château de Courtabeuf consistant en : • un pavillon où sont plusieurs appartemens de maître et autres au premier, et au second étage, au rez-de-chaussée, cuisine, office, salle à manger, salon et autres distributions ; • autre corps de batimens tenant audit château distribué en plusieurs remises bûchers, greniers au dessus, volière à l'opposite desdits batimens en une chapelle, cour au milieu desdits lieux, le tout entouré de fossés plein d'eau vive sur lequel sont deux ponts, l'un pour aller au parc ; • et l'autre à la basse-cour consistante en écuries remises, granges et autres batimens, porte charretière pratiquée sur le chemin de Courtabeuf à Montlhéry ; • au nord dudit château parterre, parc planté de bois traversés de plusieurs allées, au milieu duquel et en face du château est l'allée principale en marronniers ; • une cave et une petite serre en dessus près le château, glacière à l'autre bout dudit parc ; • grande pièce de terre labourable plantée d'arbres fruitiers. Le tout clos de murs au long desquels du côté du couchant et au nord sont des espaliers. • potager tenant audit parc dans l'un des coins duquel est le logement du jardinier ; sur le chemin de Courtabeuf à Orsay, melonnières et autres distributions, clos de murs, ledit potager séparé dudit château par la ferme ci-après décrite. Contenant le tout environ 30 arpents, tenant la totalité d'un long d'orient au chemin de Courtabeuf à la Butte Sainte-Catherine, d'autre long d'occident à une pièce de terre contenant 12 arpens 86 perches et par hache saillante à cause dudit potager et logement du jardinier audit chemin de Courtabeuf à Orsay, d'un bout au nord au sieur Chavet et l'article 43 cy après, le chemin anciennement appelé la voye Pernaulde entre deux et par hache rentrante à cause dudit potager à la ditte pièce de terre de 12 arpens 86 perches et d'autre bout du midy par devant lesdits batimens au chemin de Courtabeuf à Montlhéry et à Orsay. Le tout loué particulièrement au sieur Chabert dont jouissent ses ayans causes et fait l'objet de l'article premier de l'aveu de Courtabeuf aux dames de Saint-Cyr (3). La ferme de Courtabeuf consistante en logement de fermier, pressoir, pouillailier, écurie, grenier au dessus, granges, bergeries, écuries, vacheries, remises, hangars, grande cour au milieu desdits lieux, marre en icelle près la grande porte charretière pratiquée sur ledit chemin de Courtabeuf à Orsay, contenant le tout environ un arpent et demi en fond de terre tenant d'un long d'orient à la basse-cour dudit château et aux fossés ci-dessus, d'autre d'occident au potager, d'autre part du nord au par cet d'autre part du midy audit chemin de Courtabeuf à Orsay. Fait partie du bail de la ferme de Courtabeuf et de l'article premier dudit aveu aux dames de Saint-Cyr. Le jardin de la ferme clos de murs contenant 60 perches tenant d'un long d'orient, d'autre d'occident, d'un bout au midy à l'article 75 cy après, et d'autre bout du nord à la ditte ferme, le chemin entre deux. Fait partie du bail de la ferme de Courtabeuf et de l'article 6 de l'aveu et dénombrement de Courtabeuf au Roy. Terres labourables sis audit terroir de Courtabeuf en face de la grille du bout du parc, tenant d'un long d'orient au chemin de Courtabeuf à la Butte Sainte-Catherine, d'autre long d'occident audit sieur Charvet, d'autre part du nord au bois de la grille par hache saillante en pointe sur ledit chemin de la Butte Sainte-Catherine et d'autre bout du midy audit parc, ledit chemin anciennement appelé la voye Pernaude entre deux. Fait partie du bail de Courtabeuf et est l'objet de l'article 2 de la déclaration censuelle rendue aux chanoines de Saint-Éloy les Longjumeau.

Courtabeuf à Pierre-Gaspard Marie Grimod

Nous trouvons plusieurs actes de devoirs féodaux passés par le comte d'Orsay, Pierre-Gaspard Marie Grimod, seigneur de Courtabeuf. Le 17 novembre 1779, foy et hommage est rendu au roy par Pierre Gaspard Marie Grimod pour les fiefs: - de la Plesse, mouvant de la grosse tour du Louvre, - de Courtabeuf, situé à Orsay, Villebon, Villejust , à cause du comté de Montlhéry, - de la Vove ,…. Le fief de Courtabeuf vient de deux acquisitions la première en 1767 et la seconde en 1778.

En 1780, un aveu est rendu par Pierre Gaspard Marie Grimod, chevalier, comte d'Orsay, aux dames religieuses de la royale maison de Saint-Louis établie à Saint-Cyr les Versailles, à cause de la baronnie de Magny-Lessart uni au duché de Chevreuse, situé dans la paroisse d'Orsay et Villebon . À sçavoir : - un château à Courtabeuf, paroisse d'Orsay, contenant plusieurs salles basses, appartements de maître, - à gauche de la cour plusieurs remises, grenier au dessus, colombier chapelle, le tout entouré de fossés remplis d'eau vive, - avant cour où sont des écuries granges greniers en laquelle on entre par une porte charretière, - parterre, derrière le château, allée au milieu, glacière dans ledit, avec bois et terre le tout contenant 30 arpents, - ferme dudit Courtabeuf, logement fermier, …, pressoir, cour au milieu, potager, melonnière, logement de jardinier, … Toutes les terres contiennent 84 arpents. Un plan est associé au dossier présenté aux dames de Saint-Cyr. La légende associée au plan mentionne la ferme du petit Courtabeuf appartenant au Prince de Condé. L'aveu est présenté par Ledur, commissaire à terrier, demeurant à Paris rue Beaubourg, paroisse Saint-Nicolas-des-Champs, feudiste bien connu. Également un projet du document, qui comprend les numéros des parcelles de l'aveu .

Dans l'aveu rendu au roi en 1782 par Pierre Gaspard Grimod, seigneur comte d'Orsay, on trouve la contenance totale des terres de 210 arpents, sis sur les paroisses d'Orsay, de Villejust et de Villebon. Le détail des terres mentionne au premier article le lieu appelé « le Clos de la Seigneurie où estoit anciennement le manoir » . Un autre acte notarié daté du 31 août 1782 mentionne que Pierre-Gaspard Grimod, comte d'Orsay, est seigneur de Courtabeuf, la Plesse , Villeziers et Fretay.

Les fermiers sous la Révolution

Le bail de la ferme signé en 1788 précise que l'ancien château et des deux pavillons existent encore. Le bail à ferme est passé par le comte d'Orsay au profit de la fermière Françoise Fauchon, veuve de Marin Boëte, et de Pierre et Louis Boëte, ses deux fils majeurs, devant maître Trulat, notaire. Le bailleur donne « à titre de ferme et loyer pour neuf années et récoltes entières consécutives à commencer par les jachères à lever pour semer au mois d'octobre 1788 et récolter pour la première fois en 1789 et finir par la récolte de 1797 et promet de faire jouir pendant tout ledit temps ».

Les preneurs ont déclaré bien connaître les lieux « depuis dix-huit ans à l'exception néanmoins de remises à gibier qui ne faisoient pas partie des deux baux précédents et qui de convention express, ont été compris en celui cy ». La bail est fait moyennant le prix et somme de 9.600 livres de fermage et loyer par chacune des neuf années que lesdits preneurs promettent et s'obligent solidairement les uns pour les autres, un d'eux pour le tout, sous les renonciations de droits acquis.

Nous ne résistons pas à donner la carte de visite et les titres du bailleur : « Fut présent messire Pierre Etienne de Saint Faust de la Motte, ancien écuyer du roi, fourier du corps de Monsieur frère du roi, demeurant à Paris, rue de Bourgogne au nom et comme fondé de la procuration spéciale à l'effet des présentes, de haut et puissant seigneur Pierre Gaspard Marie Grimaud, comte d'Orsay, d'Autrey et de Nogent-les-Béthune, cy devant le Rotrou, baron de Rupt et de Poyaut, souverain seigneur de la principauté de Delain, seigneur d'Orsay près Paris, Courtabeuf, la Plesse, Attricourt, Vaucoucourt et autres lieux, chevalier grand croix de l'ordre chapitral et illustre association de l'ancienne noblesse, chevalier de l'ordre d'association et de famille de la sérénissime maison de Hohensolé, premier maréchal des logis de Monsieur ». En 1790, le bail de la ferme de Courtabeuf est renouvelé à raison d'un loyer annuel de 1.030 livres à la veuve Bocle.

Les clauses du contrat de locations imposent aux preneurs : • qui s'obligent pareillement de labourer deux fois par an et pour les autres arbres de les garnir et garantir avec des épines qu'ils prendront dans les hayes des remises à gibier comprises au présent bail ; • de même compris au présent bail, le colombier à pied situé dans la cour de l'ancien château de Courtabeuf, à la charge par les preneurs de fournir audit sieur bailleur six douzaines de pigeons par an, soit à Paris, soit au château d'Orsay ; • se réserve expressément le sieur bailleur les objets cy-après, sçavoir les cens et les rentes foncières et seigneuriales ainsi que les lods et ventes et rachats auxquelles les mutations qui pourroient survenir pendant le cours du présent bail ; la grange et les écuries dans l'avant-cour de l'ancien château de Courtabeuf, ainsi que les deux pavillons qui existent encore ; • se réserve expressément le sieur bailleur, la pièce de terre du chantier de Montgarni, louée au nommé Martin de La Ville-du-Bois, ainsi que les terres louées au sieur Pacate de la contenance de 7 arpents environ, et celles louées au nommé Jean-Baptiste Fourneau et au nommé Flou ; • se réserve expressément le sieur bailleur, le clos et parc dudit Courtabeuf ainsi que les arbres fruitiers y étant et le jardin potager le joignant ; • lesdits preneurs seront tenus et s'obligent de labourer, répandre les fumiers, semer et herser chaque année la quantité de 4 arpents de terre au profit dudit seigneur bailleur dans les lieux qui leurs seront indiqués par les gens d'affaires, sans pouvoir prétendre aucune rétribution ; • seront tenus lesdits preneurs de fournir par chacun an audit seigneur bailleur à Orsay, la quantité de 400 bottes de paille de bled de la meilleure qualité…

On note la disparition du château.

Courtabeuf sous la Révolution et l'Empire

Le comte Pierre Gaspard Marie Grimod d'Orsay , meurt à Vienne en Autriche le 3 janvier 1809. Son fils Jean-François Grimod d'Orsay déclare renoncer à la succession de son père le 5 août 1809.

L'adjudication de la ferme de Courtabeuf est faite le 19 mai 1810, moyennant 280.000frs, suivant un jugement de l'audience des criées du tribunal de la Seine , sur publication faite à la demande du curateur de la succession vacante de feu Pierre Marie Gaspard Grimod d'Orsay « suite à la renonciation faite à ladite succession par Jean François Louis Marie Albert Gaspard Grimod d'Orsay, habilité à se dire seul héritier dudit sieur d'Orsay, son père, ainsi qu'il résulte d'une déclaration faite au greffe dudit tribunal le 5 août 1809… ». Ce jugement est transmis au bureau des hypothèques de Versailles le 2 juin suivant. Lors de l'adjudication faite à Paris au profit de Louis et Aimée Barmont par moitié, deux créanciers et de Jean-François Grimod, aussi créancier de son père, sont présents. Des quittances de paiement de l'adjudication sont produites devant Chodron, les 5 juillet, 19 et 20 septembre 1811 (4).

En 1828, la ferme de Courtabeuf est vendue moyennant le prix de 250.000 frs « Martin Louis Barmont, propriétaire, demeurant rue Pavée au Marais et sa sœur majeure Aimée Jacqueme Louise Barmont, vendent à Jean-Pierre Joseph Vincent Bonneau, inspecteur général des prisons et maire de Clichy, la ferme de Courtabeuf….d'une contenance de 13.591 m2 , avec 193 hectares de terres et 12 de friches, 3 de bois, 3 hectares de prés », soit une superficie totale de 214 hectares. Pendant le paiement le frère décède laissant sa sœur héritière en 1834.

Un procès-verbal d'arpentage est dressé en 1830 pour le début de délimitation des terres de Courtabeuf avec les voisins ; les travaux sont réalisés par Verrier, arpenteur à Orsay, et le procès-verbal est enregistré en 1836 à Palaiseau. En 1848, l'acquisition de la maison proche la ferme avec 8.442 m2 a lieu, par Henri Nicolas Empereur, propriétaire, à Mr Bonneau.

Courtabeuf au baron Nivière

L'acquisition de la ferme de Courtabeuf est faite en 1853 par le baron Nivière moyennant le prix de 452.000 frs payable sous quatre mois. « Jean-Pierre Joseph Vincent Bonneau de Lannoy, propriétaire demeurant Faubourg de Senlis, et Lucie Chardon, son épouse, vendeurs, d'une part, et Henri Léon Nivière, mineur demeurant à Paris rue de Lille, représenté par sa tutrice la comtesse Siméon, sa grand mère, acquéreur, d'autre part ». La désignation de la ferme de Courtabeuf comprend : - les bâtiments d'exploitation et d'habitation, cour, jardin, pièce d'eau et enclos contenant 20.554 m2 ; - une maison contiguë à la ferme contenant 8.442 m2 , - 222 hectares de terres … avec mention de Bernadotte sur le territoire de Nozay, chemin de la Croix Blanche. Nous relevons à Marcoussis une pièce de bois de 15.980 m2 , lieu-dit la Justice , tenant au nord au chemin de Gometz à Montlhéry, au sud au bois de Salperwick, à l'est à la veuve Louis Goix, à l'ouest à Saperwick et Boudinet (dito 1683).

Courtabeuf à West

Courtabeuf ne reste pas longtemps dans les mains du baron Nivière et change une nouvelle fois de propriétaire en 1864. L'acquisition ferme de Courtabeuf est faite, par Jean-Louis Gérard West du baron Henri Léon Nivière, demeurant à Paris rue de Marignan, moyennant 445.000 frs. L'acte précise: « le baron Henri Léon vend à Jean-Louis West, chevalier de la légion d'honneur, demeurant rue Bergère, la ferme de Courtabeuf consistant en un corps de ferme sur la commune d'Orsay … avec pièce d'eau, sur deux hectares, plus une maison contiguë à la ferme sur 8.442 m2 , et des terres labourables. Il y a également à Marcoussis une pièce de bois contenant 15.980 m2 , au lieudit la Justice , tenant au nord au chemin de Gometz à Montlhéry, au midi aux bois de Salperwick, à l'est à Emile Goix et à une route de chasse au couchant à Salperwick » Le tout ayant une contenance de 2.186.945 m2 soit 218 hectares 69 ares 45 centiares.

Par un jugement du tribunal de la Seine prononcé en 1866, nous apprenons que West s'est rendu adjudicataire sous le nom de Fitremann, avoué, pour 41 hectares venant de la ferme de la Plesse. Main levée d'hypothèque sur la ferme de Courtabeuf est faite en 1868, puis quatre ans plus tard, en 1872, devant Neveu notaire à Palaiseau, a lieu un échange de terres entre Rose Sanglier et West.

Le dénommé West n'a de cesse pour acheter ou vendre des biens immobiliers. Le 19 octobre 1874, une adjudication a lieu à la requête de West. Un extrait du cahier des charges nous apprend : « ce jour il a été extrait Jean Louis Gérard West, propriétaire, chevalier de la légion d'honneur et Honorine Modeste Duchesnay son épouse, demeurant rue Neuve des Mathurins, en leur maison de campagne à Lozère, lesquels vendent plusieurs pièces dépendant du domaine de Courtabeuf… ».

L'un des deux époux West, propriétaires de Courtabeuf décède vers 1880-1881. Un bail de la ferme de Courtabeuf est passé devant maître Sorbet, en 1881, par la famille West qui reste dans l'indivision, pour douze ans à Armand Dablin moyennant 90 frs l'hectare.

La succession est ouverte chez maître Sorbet qui procède au partage des biens de la communauté entre Jean-Louis Gérard West et Honorine Modeste Duchesnay . L'acte de liquidation des biens de la communauté West nous donne d'abord la liste des héritiers : - Pauline Modeste West, épouse Marie Augustin Doulcet, archiviste de la Chambre des Députés , demeurant à Paris au Palais de la Chambre des Députés, - Jenny Hortense West, épouse Denion du Pin, demeurant rue de Paradis, - Caroline Louise West, épouse Lefèvre Pontalis, demeurant rue des Mathurins, « Les trois sœurs sont héritières chacune pour un tiers de Honorine Duchesnay, leur mère décédée au château de Lozère, et Jean-Louis Gérard West, décédé à Paris rue des Mathurins ».

Il n'y a pas d'inventaire après décès, les biens comprennent le château de Lozère à Palaiseau, face à la gare , plus la ferme de Courtabeuf, s'étendant sur les communes d'Orsay, Villebon, Villejust et Marcoussis, composée d'un corps de ferme et de 240 hectares.

Dans cet épais dossier, nous relevons ce qui concerne Courtabeuf estimé à 550.000 frs. La ferme est attribuée aux Denion du Pin. À la fin du document, les origines de propriété sont données. Pour Courtabeuf, la description des biens est la suivante : - un corps de ferme, jardin clos et canal sis à Orsay pour 28.996 m2 , avec 237 hectares de terre. - un bâtiment en aile pour habitation derrière, autre pour distillerie de betteraves (machine à vapeur), grange avec batterie, grand hangar derrière, écuries, bouveries, bergerie, porcherie, grande cour au milieu. - un jardin et un grand enclos, au nord et à l'est des bâtiments, entouré de murs dans lequel est un grand canal, avec lavoir, petite remise, grange, colombier. - diverses maisons de service. Sont également mentionnés le nouveau chemin de Courtabeuf à Villejust et la vidange dite le Rouillon .

Une vente de 21.352 m2 est faite en 1888, par Fanny Hortense West, propriétaire demeurant à Paris rue de Paradis-Poissonnière, veuve d'Henri Denion du Pin. L'adjudication faite à un nommé Lambert constitue une partie de la ferme de Courtabeuf. Une seconde adjudication est faite au profit de Louis Tessier, rentier demeurant à Villejust, du dixième lot composé de 3.419 m2 ….

Le petit Courtabeuf

Revenons à la ferme du petit Courtabeuf et autres biens associés à ceux d'Hubert de Champy où nous l'avions laissé au XVIIIe siècle. Ne retenons que les descriptions liées à la petite ferme sise à Villejust. Un partage est fait en 1718, par devant le commissaire Petit. Le sieur Hubert de Champy et Claude Dolet son épouse avoient acquis la totalité de Courtabeuf dont moitié vendue à Marguerite Petit, veuve de Charles Tubeuf. Il est aussi question de l'héritage de Claude Colas, sœur aînée religieuse au couvent de Betonnère, ordre de Fontevrault.

En 1724, devant Lemasle notaire, la vente de la moitié de Courtabeuf relevant du roy est faite par Denis de Certieux, chevalier et seigneur de Saleux, et Louise Colas, son épouse, au profit de haut et puissant Charles Boucher seigneur d'Orsay. Il s'agit la moitié par indivis des biens cy après désignés : - la moitié du fief, terre et seigneurie de Courtabeuf située au village de Courtabeuf paroisse de Villejust , mouvant du roy à cause de sa grosse tour du Louvre, avec les cens et rentes, - plus la moitié de la maison et ferme de ladite seigneurie de Courtabeuf, avec le droit de colombier à pied et tous les terres et bois et friches dépendants de ladite ferme et qui dépendent de la métairie de Haute Brière présentement en ruine, consistant en 140 arpens de terres 23 de bois et 67 arpents de friches au lieu-dit Haute Brière, mouvant d'Orsay, - plus la moitié du fief, terre et seigneurie de la Plesse, …., avec des rentes, - plus la moitié du fief, terre et seigneurie Villefeu, mouvant d'Orsay, la maison seigneuriale détruite, - plus la moitié de la maison seigneuriale et ferme de la Plesse …. La vente faite moyennant 35.000 livres , 25.000 pour la Plesse et 10.000 livres pour la terre et ferme de Courtabeuf.

Trois mois après, Paul Graindorge, chevalier seigneur du Teil, demeurant en Normandie, et Claude Marie de Colas son épouse, vendent à « très hault et très puissant seigneur » Charles Boucher, seigneur d'Orsay, maître des requêtes, demeurant à Paris rue Saint-Guillaume paroisse Saint-Sulpice, la moitié par indivis, à cause de sa femme, l'autre moitié appartenant audit seigneur d'Orsay, en conséquence d'une vente faite en juin dernier, voir le détail il s'agit de l'autre moitié; les biens viennent de Louise Vinet mère des filles Colas, femme de Jacques Colas qui lui était héritier de son oncle Hubert de Champy des quatre cinquièmes de Nicolas de Champy et Antoine François Jolybois et sa femme Gabrielle Duquesnes du partage de 1723. La vente faite moyennant 40.000 livres dont 30.000 lt pour la terre de la Plesse et 10.000 lt pour la terre de Courtabeuf. Dans la vente, est compris le fief de Grandainvilliers, mouvant de Saint-Éloy.

En 1730, par devant Thiphaine, notaire tabellion du baillage et marquisat de Palaiseau, un bail est passé de la ferme du Petit Courtabeuf par le marquis de Pomponne au profit de Nicolas Garreau, laboureur et de Jeanne Tixier, son épouse. Sept ans plus tard, le fermier de Courtabeuf décède et le 25 octobre, le transport du bail de la ferme du petit Coutabeuf est fait par la marquise de Pomponne, dame de Palaiseau, au profit de Pierre Garreau, fils de Jeanne Tixier et de feu Nicolas Garreau, laboureur à Fretay, paroisse de Viljust.

En avril 1795 (germinal an 3), Courtabeuf est vendu comme bien national avec tous les bâtiments de son exploitation, et 107 arpents 81 perches de terres en six pièces ; ce sont les biens séquestrés de l'émigré Condé, seigneur de Palaiseau. L'acquisition est faite par Gastinel frères, négociants à Versailles, moyennant 80.200 francs.

La transcription de l'acte de mutation des Gastinel, domiciliés à Brignoles (Var) est faite en 1819 : Jean-Pierre Gastinel, ancien négociant de Saint-Quentin, agissant pour Pierre Gastinel, militaire (prisonnier en Angleterre en 1813), Jean-Antoine Gastinel propriétaire, Anne Claire, femme d'un fabricant de bas, ces derniers du Var, une autre branche Proal, cantonnée à Barcelonnette, lesquels vendent à Augustin Rabourdin, propriétaire cultivateur et sa femme demeurant en la ferme du Petit Vivier à Orsay la ferme du Petit Courtabeuf, sise à Villejust se composant de : - bâtiments pour le fermier, contenant 3.419 m2 , - 43 hectares à Villejust et Orsay dont 42 hectares en six pièces.

Il est fait mention de la ferme du grand Courtabeuf mitoyenne . La vente est faite moyennant 64.000 frs. En 1820, une transcription aux hypothèques de Versailles concerne une pièce de 1.080 m2 acquise par Pauquet de Villejust.

Notes

(1) Pierre Gaspart Marie Grimod d'Orsay (1748-1809) avait hérité de la seigneurie d'Orsay, achetée le 8 juillet 1741 et érigée en comté par son père Pierre Grimod du Fort, l'un des plus fastueux fermiers généraux du XVIIIe siècle.

(2) Pierre de Louvain devient seigneur de Villarceaux et Villevents à la mort de son père Claude. Il était écuyer, commandant de la petite écurie du roi, marié à Marthe d'Arguiers. Il meurt en 1738.

(3) Les dames de Saint-Cyr sont les religieuses de la maison Royale de Saint-Louis , école ouverte « aux filles des gentilshommes tués ou ayant ruiné leur santé et leur fortune pour le service de l'État » créée par Madame de Maintenon en 1684.

(4) La Caisse des Dépôts s'est rendue propriétaire de Courtabeuf en 1960. Les bâtiments et les terres de la grande ferme restèrent intacts, jusqu'à ce que la tranchée de l'autoroute A10 vint couper en deux le domaine.

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