Corpus Essonnien

Histoire et patrimoine du département de l'Essonne

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Le moulin de Grouteau (2) (1562-1713)

Chronique du Vieux Marcoussy –Marcoussis———— _—- ———————————- –Août 2009

Plan d'intendance de Longpont-sous-Montlhéry (1787).

JP. Dagnot

C. Julien

Nous présentons le deuxième volet de l'histoire du moulin de Grotteau installé sur l'Orge à Longpont (avec l'orthographe Groteau sur le plan d'intendance de 1787). Dans la chronique précédente, nous avons appris que Grotteau fut autrefois un hameau. C'était un des moulins à eau les plus importants de la région. Le moulin, bâtiments et dépendances, terres, prés, isle et pâtures comptent pour 9 arpents 45 perches.

Nous nous étions arrêtés en 1587 quand le nommé Benjamain Glignet était déclaré être « musnier du moullin de Grousteau ». Depuis 1543, le moulin est baillé au profit d'un homme influent, Pasques Lebourrelier « greffier pour le Roy des eaux et forest de la chastellenie de Montlhéry », qui prétend être propriétaire au lieu et place du prieur commendataire de Longpont. Poursuivons maintenant l'histoire du moulin banal de la seigneurie ecclésiastique de Longpont.

Grotteau à la fin du XVIe siècle

Pendant les guerres de Religion, en novembre 1562, les exactions conjuguées des reîtres allemands et des huguenots du prince de Condé (1) concourent à ruiner le Hurepoix et les mercenaires passent à Longpont ravageant le pays, dévastant le couvent et profanant l'église. Les quatre statues du portail perdirent leurs têtes lors du saccage. Après l'assassinat d'Henri III, Henri IV, son cousin et beau-frère, arrive sur le trône de France le 2 août 1589 avec le dessein de redresser le royaume. Outre la guerre et l'arrivée de la peste en octobre, l'année 1582 fut catastrophique pour les récoltes atteintes par des pluies continuelles et glaciales . Toutes ces conditions vont influencer l'histoire du moulin de Grotteau.

En 1590, Pasques Lebourrelier, en tant que propriétaire de Grotteau, passe un bail au profit de Jacquette Linoer, veuve de Jacques Deschamps, du moulin de Grouteau par devant Guillaume Couart, notaire royal de Montlhéry . Cette dame ne reste pas longtemps au moulin puisque, cinq mois après, Pierre Chevrier, « musnier demeurant à présent au moullin de Grousteau » ratifie un bail dudit moulin, à titre de « ferme moison de grain et loier d'argent avec Messire Pasque Lebourrelier, greffier pour le Roy des Euaux et Forest de la châtellenie de Montlhéry ». Les conditions ne sont pas décrites mais, il est fait référence à un contrat rédigé précédemment par le notaire royal de Montlhéry.

En fait, la veuve Deschamps vient de transporter son bail à Pierre Chevrier faute de pouvoir assurer l'activité du moulin. C'est à cette époque que les affaires se compliquent car, en la personne du sous-prieur Jehan Girard, Messieurs les Religieux de Longpont se rappellent au bon souvenir du propriétaire et de son locataire en tant que seigneurs éminents (2). L'année suivante, « religieuse et discrette personne Domps Jehan Girard soubz prieur et Roger Ruelle, secrétaire prestre religieux profès, promettent par ces présentes à Pierre Chevrier musnier demeurant au moullin de Grousteau acceptant de l'acquitter des dommages et faire valablement descharges de la saisie sur luy faite pour ce qu'il doit par chacune semaine auxdits religieux à cause dudit moullin ».

Un mois plus tard, les mêmes religieux représentant le prieuré de Longpont rencontrent le propriétaire du moulin de Grotteau, Pasquier Lebourrelier, « greffier des eaux et forestz de la châtellenie de Montlhéry, demeurant audit ». Lebourrelier consent que Pierre Chevrier son meunier livre auxdits religieux par chacune semaine « troys minots de bled mousture » suivant l'accord fait entre eux le 2 octobre dernier, sans diminution de ladite ferme à cause des guerres . Le concordat est établi « lesquelles partyes pour éviter un procès qui est pendant entre eux par devant le prévost de Paris à cause de la saisie faicte à la requeste des religieux sur ledit Lebourrelier du moulin de Grousteau situé sur la rivière d'Orge et icelluy assoupir ».

Les difficultés pécuniaires du meunier sont, une fois de plus, évoquées en mai 1593, quand Dom Ysaac de Montqueron, prêtre et chantre au couvent Notre-Dame de Longpont et Roger Ruelle, prêtre et secrétaire « faisant la plus grande partie des relligieux résidents à présent en icelluy » convoquent Pierre Chevrier au prieuré « confessent à Pierre Chevrier, musnier demeurant au moullin de Grousteau, deppendant dudit couvent, de les acquitter de dommages et indemnités et vallablement par cet effet de la saisie et arrest sur ledit Chevrier, à la requeste de domp Jehan Girard du 21 avril dernier ». Ledit Chevrier promet de rendre et payer. En cette fin d'année 1593, Pierre Chevrier donne procuration générale à sa femme Jacquette pour l'exploitation de Grotteau alors qu'il prend personnellement le moulin de Basset.

En 1594, une étrange transaction est faite entre Pierre Chevrier, meunier demeurant au moulin de Basset et son frère Denis Chevrier, vigneron, « lesquelles parties font les cessions qui ensuivent »: - Pierre cède à Denis les droits de bail du moullin de Basset, moyennant la ferme et pension y continue et que ledit Denis promet payer, ce transport fait pour le temps qui reste à expirer, les moullans, …, d'icelluy moyennant la somme de 13 escus 1/3 à payer audit Pierre, - Denis cède à Pierre le droit de bail du moulin de Grousteau passé par Pasques Lebourrelier.

L'échange entre les deux frères nécessite une prisée de Groteau. Le 7 août 1595, Loys Crampon, charpentier de la grande coignée et Marin Sancyer, musnier au Carouge, se rendent sur les lieux à la requeste d'honorable homme Pasquier Lebourrelier, greffier de la gruerie des eaux et forests de la châtellenie de Montlhéry et Guillaume Beausse, musnier demeurant au moulin de Grousteau. Ils se sont transportés « au-dedans de la maison dudit moulin où estant avons procédé de la visitation prisée et estimation des tournans, arbre, rouet, pallier garny de deux chaises, roue, plancher, meules non prisées ».

Une nouvelle prisée a lieu en 1597. François Laigle, charpentier de la grande coignée demeurant à Chastres, Michel Beauvais, musnier demeurant au moulin d'Aulnay, et Guillaume Baude audit estat de musnier audit Chastres sommes transportés au moulin de Grouteau auquel lieu à la requeste de Guillaume Beausse, meusnier entrant, et de Pierre Chevrier à présent à Saint-Michel-sur-Orge pour faire la prisée dudit moulin. Le procès-verbal mentionne « le moulin est tournant, le gisant constitué de 25 pierres de mollières 17 escus, l'arbre est neuf, il y a une vieille roue ».

Il semble que dès la fin du XVIe siècle, le moulin de Grotteau revient dans la directe du prieuré de Longpont. Il fait alors partie du tiers-lot du prieur commendataire. L'année suivante, Mathurin Bligny au nom de Nicolas Legay, prieur commendataire du prieuré Notre-Dame de Longpont, baille à titre de ferme et pension de grain jusqu'à troys ans à Jacques Couleau, musnier de Linois, le moulin de Grouteau comprenant maison, cour, jardin, terres, vignes et saussayes. Le preneur sera tenu de moudre franchement audit moulin, les grains qu'il conviendra pour « la provision et aumosne des religieux et maison audit prieuré de Longpont, iceux grains aller quérir et ramener au prieuré et outre moyennant troys muids huit septiers de grains deux tiers bled mestail, un tiers mousture ». La prisée faite le mois d'après par François Laigle, charpentier, Michel Beauvais et Guillaume Ranet, meuniers, se monte à 83 escus.

Enfin, dans un acte notarié de 1599, nous trouvons le nommé Jacques Cordeau « musnier au moullin de Grousteau, paroisse de Longpont ». « Cordeau » est un nom de famille répandu dans la région, installés notamment à Montlhéry, Saint-Michel-sur-Orge, Longpont et Leuville. Au XVIIe siècle, Claude Cordeau, fermier aisé demeurant à Longpont fut receveur des religieux de prieuré Notre-Dame et était considéré comme « le coq du village ».

Les meuniers de Grotteau sous Louis XIII

Comme nous l'allons voir, être meunier à Grotteau au XVIIe siècle est une tâche difficile, car le moulin du prieuré était dans les mains du prieur commendataire qui voulait en tirer un revenu trop important pour que le meunier puisse vivre décemment de son travail. C'est ainsi que bien souvent, les baux ne sont pas conduits à leur terme et sont transportés à un collègue qui tente son métier de meunier à Longpont.

En 1620, Noel Moullin, musnier demeurant au moullin de Grousteau baille le moullin du Pré de Brétigny. La même année, vénérable personne Messire Hillaire Masnet, aumosnier ordinaire de Messire Dominique de Vic et aumosnier ordinaire du roy, abbé, Aubert, prieur et seigneur de Luynes lequel se portant fort du seigneur de Vic baille le moulin de Grouteau à Michel Gripon, musnier demeurant au Breuil.

De 1624 à 1628, divers actes notariés qualifient le sieur Michel Tamponnet en tant que « musnier au moullin de Grousteau ». L'an 1629, Michel Tamponnet, meunier du moulin de Grouteau « cedde et transporte le bail à Gervais Rayer, meunier de Savigny, le moulin de Grousteau, à la charge de payer au prieur de Longpont, propriétaire dudit moulin, la somme de 360 livres et six chappons le jour de Noël… ».

Un bail du droit de chasse est rédigé également. Nous avons déjà vu à plusieurs reprises que la chasse consistait à aller quérir les grains chez le particulier qui voudra bien les bailler, les moudre en son moulin et ramener la farine bien moulue. Le meunier prélève une quotité de farine pour rétribuer son travail. Le travail devant être fait sous 48 heures. « Fut présent en sa personne, honorable homme Messire Pierre Poullier, recepveur de la terre et seigneurie de Marcoussis, lequel a volontairement recongnu et confessé avoir baillé et délaissé à titre de loyer et moison de grain par an, le temps et espasse de trois années …, à Gervais Rohier, meusnier demeurant au moulin de Grousteau, acceptant , la chasse des grains sur les habitans de la Ville-du-Bois, et aller prendre lesdits grains et iceux convertir en farine bien et de..? … les règlements qui sont donnés sur le faict des moultures et rendre lesdites farines auxdits habitans bien et duement moulues dans deux fois vingt quatre heures après ce bail et pr..? fait avec les charges et outre moyennant la quantité d'ung muid de bled mestail bon, loyal, marchand, mesure de Marcoussis à rendre au grenier du chasteau dudit lieu, …, de trois mois en trois mois pendant les trois ans… ».

Toujours en cette même année, Michel Tamponnet, meunier demeurant au moulin de Bizon, ….., a fait saisir les fruits pendant par les racines sur ung arpent ou environ de vignes deppendant dudit moulin de Grousteau, d'une affaire concernant Vahier, gendre de la veuve Gilbert….

Une nouvelle fois, en 1633, Pierre Poullier « baille à François Leroux, musnier du moulin de Grouteau, preneur, le temps restant de la chasse des grains de Nozay et Ville-du-Bois, pour iceux mouldre convertir les bled en farine, comme il est accoustumé et rendre iceux grains biens moullus ..? septier quatorze boisseaux de farine…, vingt quatre heures, à charge aussy que le musnier à van de Marcoussis puisse chasser sur les lieux cy dessus, ce bail fait au charges en outre moiennant la quantité de quatorze septiers de bled mestail… ». Il faut dire qu'à cette époque le moulin à vent de Marcoussis était en mauvais état et de plus n'avait pas la capacité suffisante pour assurer la banalité sur toute la seigneurie de Marcoussis dont Nozay et La Ville-du-Bois faisaient partie.

En 1634, Grotteau est affermé par Michel Le Masle, prieur commendataire de Longpont au profit du meunier Lemiau pour 630 livres . Puis, le moulin est affermé à François Leroulx. Le pré de Grouteau est loué à raison de 26 livres l'arpent. Le tarif est élevé mais il faut avouer que la prairie de Longpont est renommée pour être « la plus grasse de la région ».

En 1637, Loys Bligny, lieutenant des chasses de la châtellenie de Montlhéry, lequel au nom des religieux du prieuré de Longpont, reconnaît avoir baillé par ces présentes à titre de loyer jusqu'à six ans, à François Leroux, musnier demeurant à Chastres, le moullin de Grousteau faisant de bled farine qui se consiste en maison manable couverte de thuilles, granche couverte de chaulme, cave, cour, jardin, terres, vignes, saulsoye… situé sur la rivière d'Orge en la paroisse de Longpont, avecq deux arpents de pré derrière le moullin .. ledit preneur disant bien savoir congnoistre; ce bail faict moyennant la somme de trois cents soixante livres et six chappons gras…. Une clause impose de « nettoyer la rivière tant au dessus que au dessoulz dudit moullin, tonte des saules et peupliers ». La suite du bail avec Robert Lesné, est rédigée sur le même acte.

Le 27 juin 1637, le procureur de Pierre Saulger échange avec les religieux de Longpont « sept quartiers de terre prez la Fosse aux Clercs au-dessous de la maison de Lormoy autrement appelée la ferme de Grousteau… »

En 1640, le moulin était affermé à Vias l'aîné « musnier demeurant à Lynois » moyennant 450 livres tournois par an. Le maître meunier était aidé de cinq meuniers, quatre garçons meuniers, quatre servantes et un garde moulin. On remarque qu'avant la mécanisation, cette “entreprise” faisait vivre quinze ménages, soit plus d'une soixantaine de personnes.

Un transport du bail du moulin est fait en 1641, « fut présent Pierre du Pressoy meusnier demeurant à présent au moullin de Grousteau, paroisse de Longpont, à cause du transport de bail à luy fait par Jehan Lesné aussy meusnier demeurant au moulin des Suzeaux, lequel volontairement retrocedde audit Jehan Lesné acceptant ledit moullin de Grousteau moullant, tornant, travaillant et ustancilles d'iceluy, du premier jour d'avril jusqu'à la fin du bail fait audit Jehan Lesné par Messire Michel Le Masle, seigneur prieur Desroshers avecq ses appartenances et deppendances ».

Le 21 juillet 1642, Robert Lesné, musnier du moulin de Grousteau, transporte la chasse des bleds de Nozay à Estienne Lesné, meusnier de la Roue, moyennant trente livres, « selon les règles et la coustume » ; il se réserve la chasse sur la ville.

Suite des intempéries et tempêtes de 1660, il fallut réparer la « couverture de chaume de la grange du moulin de Grouteau ». La quittance du couvreur se monte à « cy 4 livres tournois » (3). Après les dévastations de la Fronde, la décennie suivante est spécialement fraîche, peu favorable à la production agricole. Selon Leroy-Ladurie « il y a bien une composante météo-traumatique, froide, humide, météo déficitaire en blé, réelle, sinon décisive par rapport à la politique ». La hausse des prix du blé engendrée par le mauvais climat pluvieux et les mauvaises récoltes en synchronisme avec la Fronde, attise un mécontentement populaire dont les origines, elles, sont bien entendu politiques, non pas climatiques. En 1661, Augustin Dollivier est qualifié de « meusnier à Groutau ».

Le 12 avril 1667, nous trouvons Gilles Bourgeron « musnier demeurant audit moulin de Grousteau » quand celui-ci est l'un des experts avec Jean Thualagan, receveur de la terre et seigneurie de Marcoussis pour faire l'estimation et prisée du moulin de la Roue à Linas à la « requeste de Louis Gueusdin lesné meunier au Carouge ». Ce moulin appartient à Louis de l'Isle, héritier de François de l'isle, seigneur de Marivaux et la Roue.

Dans un bail à loyer de la ferme du prieuré de Longpont passé en 1672 par Jacques Leroy, receveur de la seigneurie ecclésiastique de Longpont, homme d'affaire et fondé de procuration « sous le bon plaisir et à la charge néantmoing de l'agrément de Monseigneur l'évesque d'Orléans, prieur seigneur dudit Longpont » au profit de Louis Chardon, il est fait mention « du droit de pesche de la rivière » donné à Gilles Bourgeron, meusnier de Grousteau (4).

Damien Fleury meunier à Grotteau

La fin des années 1680 voit arriver un nouveau meunier à Longpont : Damien Fleury qui vient d'épouser Claude Grossant, veuve d'un frère de Gilles Bourgeron, ancien meunier. Le maître meunier de Grotteau n'est pas un inconnu dans la région : son neveu Charles Menaye est déjà maître meunier au moulin à vent du Boulay dont la femme Louise Jumelle est la sœur de Charles Jumelle, maître meunier au moulin de Basset. La meunerie est une corporation fermée. Nous allons vérifier encore une fois qu'on se marie entre meuniers, même s'il faut sortir des limites de la paroisse.

Les meuniers de Grotteau avaient d'autres activités. Ainsi, Damien Fleury avait des activités agricoles. Pour l'alimentation des chevaux de trait, il cultivait des prés à Longpont comme l'indique les actes notariés suivants. Le 19 juillet 1687 un rapport d'arpentage mentionne « une pièce de pré située dans la prairie du Perray appelée La Marcoussis , fait par Pierre Aumont, arpenteur, à la requête de Damien Fleury, meunier du moulin de Grouteau. Ladite pièce contenant 13 arpents et demi et 3 perches ». À la date du 28 février 1689, il est écrit sur le minutier de Longpont « Bail à loyer passé par le fondé de pouvoir de Messire du Camboust de Coislin, prieur commendataire de Longpont, à Damien Fleury, meunier demeurant au moulin de Grouteau, de 18 arpents de pré sçis en la prairie de Longpont. Ledit bail pour neuf ans, moyennant 567 livres par an ». L'état du temporel de 1706 donne une description du « moulin de Grouteau et les terres qui en dépendent, cinq quartiers de vignes, trois quartiers de terres, une pasture, une petite isle, sept arpents de prés ». Lors du renouvellement de bail, Grotteau était affermé pour 896 livres tournois par an à Damien Fleury.

Un procès-verbal, dressé en 1689, pour constater l'effondrement d'une des arches de la « Chossée de Guiperreux » suite à intempérie nous indique les terribles hivers de cette fin de XVIIe siècle. C'est François Dedinan, conseiller du roy, prévost et vouer titulaire, lieutenant civil criminel et de robe courte, commissaire examinateur de la ville, prévosté et chastellenie royale de Montlhéry qui fait l'état des lieux « de la rupture d'une des arches de la chossée de Guiperreux par l'abbondance des eaux et mesme qu'à ce moyen les gens de pied ne pouvoient plus passer sur lazdite chossée… que les prairies circonvoisines de ladite arche estoient touttes couverthes d'eaux et que mesmes quelques pierres provenant de ladite arche avoient esté portées par l'abondance des eaux et par leur impétuosité… ». Le prévôt termine en disant « cette dégradation comme très préjudiciable à la commodité publique ».

À la fin du XVIIe siècle, de nombreuses personnes demeurent à Grotteau, véritable hameau de Longpont dans la seigneurie ecclésiastique des moines du prieuré. Le moulin est affermé par le prieur commendataire au profit de Damien Fleury, maistre meunier et à Claude Groussant sa femme, à raison de 896 livres tournois par an. Damien Fleury a sept enfants vivants. Nicolas, son aîné travaille avec lui.

Pendant l'année 1692, Grotteau est endeuillé par deux décès : d'abord Saincte Molineau, âgée de 50 ans, femme de Louis Colet, meunier à Grotteau est enterrée le 26 avril 1692 dans le cimetière de Longpont en présence de son mari, Claude Colet son fils, et Anthoine Bourgeron, son neveu. Puis, le 23 octobre 1692, Michel Hautour, âgé de 22 ans « de la paroisse de Brières-Chasteau, décédé dans le moulin de Grouteau où il estoit serviteur » est inhumé en présence de Bon Goix et de Pierre Penon, bedeau qui signe le registre.

Une quinzaine de personnes travaillent et demeurent au moulin. Parmi les habitants se trouvent quatre servantes : Catherine Nion, Jacquète Godeau, Marie Logre, Marie Mignon ; quatre garçons meuniers: Jacques Capelain, Michel Alizon, Pierre Girardeau et Michel Hautoux. Des amitiés et même des romances se nouent entre les jeunes gens de Grotteau où de nombreux mariages sont fêtés.

Procès-verbal signé par François Dedinan, prévôt de Montlhéry (1689)

L'importance de Grotteau s'estime au nombre des meuniers. En 1697, Michel Foulquier est qualifié de « meusnier à Grouteau ». Vers 1700, ils sont cinq : Jean Percey, Bastien Mignon (père de Marie), Jean Fracon, Louis Hié et Jacques Finet, époux de Geneviève Louais. Il y a aussi Estienne Grisse, garde-moulin. La veuve Morsan, dont le mari fut autrefois meunier, demeure toujours au moulin. Elle garde son petit-fils, Jean-Baptiste Thierry.

Lors de la prise de possession du prieuré en 1706 par le prince Frédéric de la Tour d'Auvergne, on trouve “ le moulin de Grouteau et les terres qui en dépendent, 5 quartiers de vignes, 3 quartiers de terre, une pasture, une petite isle, 7 arpens de prées, le tout affermé à Fleury moyennant 896 livres et six chappons ”.

Les noces à Grotteau

Une grande fête a lieu à Grotteau le 22 juillet 1692 pour les noces d'Antoine Bourgeron, fils de feu Gilles Bourgeron et de Magdeleine Moulineau, ancien maître meunier à Grotteau avec Elizabeth Grossant, nièce de maître Damien Fleury meunier actuel. Le mariage a été célébré dans l'église de Longpont par le curé Dom Armand Valeilhes (5). Parmi les témoins qui signèrent l'acte de mariage, il y a du côté du garçon : Jacques Masson et Louis Collet oncle ; et du côté de l'épouse : Claude Grossant oncle, Charles Verjon beau-frère, Damien Fleury oncle et plusieurs autres parents et amis dont Pierre Mary, Nicolas Fleury et Jean Havon.

Quatre ans plus tard, le 22 mai 1696, deux serviteurs de Grotteau sont mariés dans l'église de Longpont. C'est Jacques Capelain, garçon meunier, fils de Pierre Capelain et de deffuncte Jeanne Mestivet qui épouse Marie Mignon fille de deffunct Mignon et de Marguerite Boituse devant les témoins Jean Bourgeron, Jean Martin, Denis Guionnet et Damien Fleury, maître meunier à Grotteau. Plusieurs enfants vont naître au moulin : - le fils aîné prénommé Louis naît de cette union le 28 avril 1697, - puis Jacques le puîné est baptisé par le vicaire Bochet 7 mars 1699 en présence du parrain Nicolas Fleury, fils du maître meunier, - Jacques le troisième garçon est porté par son parrain, Pierre Boutry, sur les fonts baptismaux de Longpont le 18 décembre 1703, - François est baptisé le 25 juillet 1706 par Dom Valeilhes en présence de ses parrain et marraine, François Gentil et Elisabeth Hanias, habitants de Longpont.

Un des plus grands mariages jamais fêté à Grotteau est celui de la fille du maître meunier le 27 novembre 1696. Ce sont les noces de Nicolas Froissant, demeurant à Ballainvilliers avec Jeanne Fleury, fille de Damien Fleury. Dom Valeilhes, curé de Longpont écrit sur le registre « aprez les fiançailles et publication des bans par trois jours de festes faites tant dans cette église que celle de Saint-Jacques de Barinvilliers dont j'ay certificat et ny ayant eu aucun empeschement, je soubs signé, curé de Longpont, j'ay en ladite église ay interrogé Nicolas Froissant de la paroisse de Barinvilliers, et Jeanne Fleury de cette paroisse et leur consentement mutuel pris, les ay solennellement par paroles de présent conjoins en mariage, puis dit la messe à laquelle je leur ay donné la bénédiction nuptiale, en présence des sieurs Germain, Jean, Denis et Louys Froissant, frères de l'époux, et Eustache Bourgeron, officier de la maison de la feue Reine, oncle dudit époux, Damien Fleury et Claude Grossan parens de ladite épouse qui ont signez avec moy ».

Signatures au bas de l'acte de mariage de Jeanne Fleury, fille du maître meunier.

Un autre couple de serviteurs vivants au moulin de Grotteau est marié le 28 janvier 1698. Michel Alison « servant actuellement au moulin de Grotteau », âgé de 25 ans, épouse Marie Logros, servante au moulin âgée de 28 ans « attestez de maître Damien Fleury, meusnier audit moulin de Grotteau, Jean Bourgeron, et Nicolas Fleury qui sont de cette paroisse et ont signé avec mùoy en présence du père et des frères et autres parens de l'époux qui ont déclaré ne sçavoir signer ». Les naissances vont se succéder à Grotteau : - Marie, née le 15 décembre 1698, baptisée le lendemain par le père Bochet, vicaire de Longpont, décède à l'âge de 20 jours, - des jumeaux naissent le 3 février 1701. L'un d'eux, ondoyé par la sage-femme « à cause du péril de mort » ne vivra pas et est enterré le lendemain, l'autre nommé Michel est porté sur les fonts baptismaux par Nicolas Fleury, mais décédera le surlendemain, - Marie, née le 5 juillet 1705 est baptisée à Longpont en présence Marie Dumont, femme de Nicolas Fleury .

Un autre garçon meunier de Grotteau, Pierre Giraudon, âgé de 25 ans épouse Isabelle Lamy, âgée de 21 ans. La bénédiction nuptiale est donnée par dom Valeilhes, curé de Longpont en présence du maître meunier Damien Fleury, de Denis Guionet, vigneron à Longpont et Philippe Janeau de la paroisse Saint-Martin de Longjumeau.

Un second grand mariage a lieu pour Nicolas Fleury, fils aîné du maître-meunier qui épouse, le 12 février 1702, Geneviève Dumont, fille de Pierre Dumont, meunier de la paroisse d'Athis. Parmi les témoins de ce mariage, Jean Bourgeron, frère maternel de l'époux est qualifié « musnier à Grouteau » et Jean Dumont frère de l'épouse, apposent leur signature sur le registre. Un premier bébé prénommé Nicolas par Damien Fleury, son parrain et Grand-père, naît le 6 juin 1703.

Le 22 août 1706, Julien Robin, ouvrier de céréales de La Ville-du-Bois épouse Jacquette Godeau, servante au moulin de Grotteau « dont les parents habitent Savigny-Laforest, diocèse de Rheims ». L'époux est âgé de 25 ans et l'épouse a 28 ans. Le mariage est célébré en l'église de Longpont en présence de Damien Fleury, meunier et de Jean Bourgeron garçon meunier.

Après les années de joie, ce sont les tristes années endeuillées par plusieurs décès à Grotteau. Catherine Nion meurt à l'âge de 23 ans le 3 septembre 1709. Marie Mignon, femme de Jacques Capelain « garçon meunier demeurant au bourg » disparaît le 8 mars 1710 à l'âge de 35 ans laissant plusieurs orphelins ; elle est enterrée le lendemain en présence de son mari et de François Gentil son beau-frère. Le 21 janvier 1711, un nouveau deuil atteint Jean Percet, « meunier demeurant à Grotteau », pour la mort de sa fille Françoise âgée de douze ans et demi. L'année suivante, un nouveau drame survient quand Marie Marge, âgée de 36 ans, femme de Jean Percet est enterrée au cimetière de Longpont le 7 août. Le 15 juin 1713, Damien Fleury enterre son neveu Charles Menaye, âgé de 32 ans qui était meunier au moulin à vent du Mesnil.

À suivre…

Notes

(1) La première guerre de religion (1562-1563) fut tragique pour Longpont. Dès l'arrivée des Huguenots dans la région de Montlhéry, les moines clunisiens se réfugièrent dans leur succursale parisienne, le prieuré Saint-Julien-le-Pauvre qu'ils avaient reçu au XIIe siècle.

(2) En cette année 1592, le statut du prieuré de Longpont est le suivant. Le couvent est placé sous l'autorité suprême de l'abbé de Cluny, qui au travers de la diète générale contrôle le temporel de Longpont après avis des visiteurs et définisseurs. Le couvent est administré sous le régime de la commende. Le prieur commendataire dont la manse est la tierce partie des revenus généraux est nommé par au Conseil du Roi. L'année 1592 voit passer deux prieurs commendataires à Longpont : Nicolas III Le Gay puis Dominique de Vic, abbé du Bec (cf. chronique) qui conservera ce bénéfice jusqu'en 1628. Le deuxième tiers-lot appartient aux moines de Longpont et la partie restante est destinée à l'entretien des lieux conventuels.

(3) L'année 1660 fut catastrophique pour l'agriculture. Un mémoire de “ l'estat du temporel du prieuré N.-D. de Longpont pour 1658-1660 ” mentionne « alloué en esgard à la mauvaise année 590 livres pour diminution faite à cause de la nulle année en 1660 savoir au fermier du Mesnil, 300 livres , au fermier de la Moinerie , 100 livres , au fermier de Nozay et la Ville-du -Bois, 130 livres et 60 livres au fermier des dixmes de Savigny ».

(4) Le bail comprenait le logement et la métairie de Longpont avec la ferme des dîmes de blé et de vins sur plusieurs paroisses, moyennant la somme de 1.010 livres tournois, en argent, 44 setiers de blé méteil, six setiers d'avoine, deux cent bottes de foin, douze cordes de gros bois, six milliers de fagots et 28 demi-queues de vin blanc, plus les redevances dues au curé de Longpont, plus les « dessimes à la table abbatiale », plus les frais des Rogations jusqu'à la somme de 75 livres et l'entretien les pressoirs.

(5) À la fin du XVIIe siècle, les six moines du prieuré de Longpont étaient : Dom Armand Valeilhes, prieur claustral et curé de Longpont, Dom Philippe Dufresne, chambrier, Dom Michel Louis Guérin de la Martière , chantre, Dom Jacques Beaudelot, aumônier, Dom Claude Joseph Dumont, sacristain, et Dom Louis Bau, religieux profès.

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