Corpus Essonnien

Histoire et patrimoine du département de l'Essonne

Outils pour utilisateurs

Outils du site


dagnot:chronique33.06

Page en chantier


Le moulin de Grouteau (3) (1700-1754)

Chronique du Vieux Marcoussy –Marcoussis———— _—- ———————————- –Août 2009

Plan géométral de Grotteau dressé au XVIIIe siècle.

JP. Dagnot

C. Julien

Cette chronique est le troisième volet de l'histoire du moulin à eau de Grotteau « à faire bled farine » qui fut installé sur l'Orge depuis le XIe siècle. Ce moulin appartenait au prieuré Notre-Dame de Longpont dont il était dans la mense du prieur commendataire.

Lors de la chronique précédente, nous avions appris qu'à la fin du XVIIe siècle, le moulin de Grotteau, véritable hameau de Longpont, était affermé, à raison de 896 livres tournois par an, à Damien Fleury, maistre meunier et à Claude Groussant sa femme ; ce couple avait sept enfants vivants, dont l'aîné Nicolas travaillait au moulin.

Le moulin (ou plutôt le hameau) de Grotteau est une vraie entité économique qui fait vivre plusieurs feux. Ainsi, à la fin du XVIIe siècle, quatorze personnes travaillent à Grotteau qui forme un hameau d'au moins quarante habitants (en comptant 5 personnes par feux). Le montant de l'affermage et le nombre de travailleurs laissent à penser que ce moulin était d'une des plus grosses installations dans la région. Lors du partage des revenus du prieuré de Longpont, en 1712, le moulin de Grotteau faisait toujours partie de la mense prieurale.

Jean Persehaye, meunier à Grotteau

L'an 1710, le meunier Jean Persehaye et sa femme Marie Artage prennent le moulin de Grotteau. Le bail est accordé par le fondé de pouvoir du prieur commendataire de Longpont. L'acte est passé devant Leroy, notaire à Montlhéry, en présence de Jean Artage, beau-père du preneur qui se porte caution envers Messire l'abbé Bignon. En 1715, le meunier à Grotteau ne peut plus satisfaire ses obligations et abandonne le bail du moulin avant son expiration à son beau-père Jean Artage, receveur de la terre et seigneurie de Janvry qui s'engage à continuer le bail de 1710. « lequel Persehaye disant laisser la jouissance dudit moulin et lieux en dépendance audit sieur Artage, son beau-père audit nom pour le temps qui en reste à expirer de celuy porté par yceluy bail ».

Comme il est d'usage, deux experts sont nommés afin d'estimer et priser le moulin. Ce sont Michel Benoist, maître charpentier demeurant à Linois et Damien Fleury, « cy-devant meusnier audit moulin de Grousteau, à présent demeurant au village de Saint-Michel-sur-Orge », désignés pour donner la juste valeur. La visite a lieu en 1715. Voici un extrait du procès-verbal détaillant le bâtiment et les « ustensiles tournants et travaillants » qui font 23 articles, dont :

  • le plancher des vannes garny de quatre pièces de bois de différentes longueurs et de neuf planches, prisé la somme de 13 livres,
  • les quatre vannes à jeter de côté et d'autre l'eau sous la roue dont il y en a une qui manque un écrou, prisés la somme de 21 livres,
  • le chevessier de dehors de sept pieds de long garny de son chausse composé de quatre pièces de bois de chesne chacune de huit pieds de long, prisé la somme de 21 livres (1),
  • l'arbre tournant de 14 pieds 8 pouces de long et de 18 pouces de gros garny de cinq frettes et deux tourillons, prisé la somme de 75 livres,
  • la rouë de 12 pieds 2 pouces de diamètre garnie de ses embrasures avec coyaux, prisée la somme de 55 livres,
  • la rouë de 6 pieds 1 pouces de diamètre garnie de son chevetsier et lanterne et garnie de deux frettes et de ses fuseaux, prisée la somme de 40 livres,
  • le chevetsier de dedans de 4 pieds et demy et un pouce de long garny de son accotoire, prisé la somme de 5 livres,
  • le grand pailler servant à porter la meule courante de 9 pieds de long et 11 pouces de gros, prisées la somme de 19 livres,
  • deux chaises servant à porter le pailler, prisées la somme de 12 livres,
  • la husche sen bois servant à recevoir la farine et quatre bluteaux, prisés la somme de 22 livres 10 sols,
  • l'escalier servant à monter aux meules garny de sept marches et deux limons, prisé la somme de 4 livres,
  • le plancher servant à porter le bled aux meules composé de 16 planches, prisé la somme de 12 livres,
  • la meule gisante de pierre de molière de 6 pieds de diamètre et 17 pouces er demy d'épaisseur, prisée la somme de 240 livres,
  • la meule courante de courante de 6 pieds de diamètre en pierre de brye, cassée à moitié et entretenue par un cercle de bois, écrou pour fer et scellé en plomb et 9 pouces 2 lignes d'épaisseur, prisée la somme de 60 livres,
  • une crémaillère, une masse, un rouleau, le baillebled, etc…., prisés la somme de 13 livres,
  • la petite roue servant à monter le bled, garnie de son cordage, prisée la somme de 9 livres,

Le tout se monte à la somme de 800 livres.

Lambot, meunier à Grotteau

Il semble que nous soyons en présence d'un tour de passe-passe, car le beau-père ne garda pas le moulin de Grotteau. L'affaire était-elle intentionnelle ou bien réalisa-t-il qu'il ne pouvait pas assurer ses engagements ? Nous n'en saurons rien ! Toujours est-il que le droit de bail fut transporté un mois plus tard, à Joseph Lambot, meunier demeurant à Chastres, qui devient maître-meunier de Grotteau. Voici quelques détails relevés dans le bail fait au nom de l'abbé Bignon, prieur commendataire de Notre-Dame de Longpont. Joseph Lambot accepte « tant pour luy que pour Marie Grenier sa femme par laquelle il promet de faire ratifier ces présentes et s'oblige solidairement… » (2).

Joseph Lambot avait donc épousé à Marie-Madeleine Grenier. Plusieurs enfants naîtront de ce mariage. Un accident survient à Grotteau au mois de juin 1721, la victime est Jean Bailly, garçon meunier âgé de vingt ans, originaire de Champs en Brie, alors que le garçon-meunier Etienne Boulain et sa femme Anne Leblanc travaillent ensemble au moulin.

Bien que toutes les clauses du bail précédent soient réputées identiques, le transport est une mauvaise affaire pour le prieur de Longpont qui doit réajuster le loyer annuel à raison de 1.000 livres, payables en quatre termes, au lieu des 1.400 livres que payait Persehaye. Une prisée est organisée avec deux experts : Michel Benoist, charpentier à Linoys est nommé par Artage et Christophe Filleul, meunier à Guillerville est désigné par Lambot. Quelques jours plus tard, le procès-verbal de visite est signé chez maître Leroy, notaire royal à Montlhéry. Le moulin est estimé à 660 livres « sur laquelle somme ledit Jean Artage a consenty et convenu que Ledit Joseph Lambot paye en son acquis à Damien Fleury cy-devant meunier audit moulin de Grousteau la somme de 50 livres pour l'augmentation par luy fait ». Il s'agit de réparations qui concerne la roue, un tasseau au chenessier de dedans. Damien Fleury avait également refait à neuf la grande vanne du milieu et une vis à la première vanne, « le tout pour faciliter l'écoulement des eaux et l'exercice des ustensiles tournants et travaillants dudit moulin ». Ainsi Joseph Lambot « promet et s'oblige » à payer le surplus, soit 610 livres.

Signatures au bas du compromis du transport de bail du moulin de Grotteau (mars 1715).

Louis Hué, garçon meunier, décède le 22 mai 1715 au moulin de Grotteau à l'âge de 40 ans et est inhumé au cimetière de Longpont en présence de Joseph Lambaud, maître meunier. Plusieurs nouveaux-nés arrivent à Grotteau. Marie-Madeleine Grenier « maistresse » femme de Joseph Lambaud « musnier à Grotau » donne naissance à une petite Jeanne le 28 mai 1715 dont maître Simon Huguet boulanger à Chastres est le parrain et Jeanne Santou demeurant à Paris est la marraine. L'année suivante, Jean naît le 22 juin, baptisé le même jour à l'église de Longpont en présence du parrain Jean Quatrehomme, maréchal à Montlhéry et la marraine Marguerite Beauvais qui ont signé sur le registre. Née le 5 octobre à Grotteau, Elisabeth est portée sur les fonts baptismaux le 7 octobre 1717 par le parrain Pierre Grenier, maréchal et la marraine Elisabeth Lambot, oncle et tante de l'enfant.

Un accident mortel survient à Grotteau le 27 juillet 1716. Un jeune garçon nommé Duchesne, âgé de 12 ans ou environ , demeurant paroisse de Saint-Michel-sur-Orge , fils de défunt Antoine Duchesne, vigneron et de Marie Dubos , se noye à Grotaud dans la rivière d'Orge, paroisse de Longpont. Le curé de Longpont, Joseph Bernerd, exprime son mécontentement sur le registre des sépultures car le garçon « a été enterré au cimetière de l'église de Saint-Michel par erreur comme le reconnut Mr Rebut, curé dudit lieu et n'a signé le présent acte sans raison vouloir dire… ». Bien qu'habitant à Saint-Michel, le jeune Duchesne devait être inhumé à Longpont, paroisse où le décès fut constaté. Était-il vrai ? Querelle de curés, quand on sait que l'Orge délimite les deux territoires !!

L'affaire entre les hoirs Artage-Persehaye et le propriétaire du moulin n'est pas finie. Le prieur commendataire de Longpont avait une créance, pour loyers impayés par Persehaye, ce qui avait obligé son beau-père à reprendre le bail du 12 juin 1710. Ce dernier étant décédé, les héritiers se trouvaient avec un passif de 2.775 livres qui sont réclamés le 5 avril 1718 par le sieur Thomas Maro, avocat en Parlement et fondé de procuration de l'abbé Jean-Paul Bignon, prieur commendataire de Longpont. Ainsi en ce jour d'avril, les héritiers Artage sont convoqués chez maître Hermier, notaire royal à Montlhéry ; ce sont : Jean Persehaye, meunier au moulin du Petit-Paris à Leuville, comme tuteur des enfants mineurs de luy et feue Marie Artage, Pierre Houdoyer, laboureur à Vert-le-Grand, au nom et comme ayant épousé Marie Artage sa femme, Jean Artage laboureur demeurant à Bures, et Fiacre Artage laboureur demeurant à Marolles, comme héritiers de Jean Artage, laboureur à Janvry et Louise Froissant leurs père et mère. Les héritiers sont dans l'obligation solidaire de payer la dette pour moitié à Pâques et le reste est du le jour de Saint-Jean-Baptiste.

Filleul, meunier à Grotteau

La prisée du moulin de Grotteau est faite en 1718 lors du changement de meunier : l'entrée de Christophe Filleul succédant à Joseph Lambot. L'acte est rédigé à Montlhéry « sur le réquisitoire de Christophe Filleul, meusnier demeurent de présent au moulin de Guillerville, paroisse de Linois et de Joseph Lambot, meusnier demeurant au moulin de Grousteau paroisse de Longpont, nous sommes transpotez audit moulin de Grousteau pour rédiger par écrit la prisée qui va être présentement faite des ustensils tournants et travaillants dudit moulin de Grouteau par Michel Benoist, maître Charpentier demeurant à Linois, expert commis respectivement par lesdits Filleul et Lambot, qui après serment par luy fait, et en sa conscience procéder à la prisée ». Nous retrouvons les mêmes termes que lors de la visite de 1715. La meule courante en pierre de Brie est toujours cassée par le milieu et renforcée d'une valeur de 40 livres, tandis que que la meule gisante est estimée à 167 livres. Cette fois l'estimation totale des ustensiles du moulin se monte à 710 livres 10 sols, somme jugée « être véritable et sincère » par les experts.

Une fois encore, le bail n'arrive pas à son terme car le meunier de Grotteau est malade. Fin 1719, le moulin de Grotteau est affermé par l'abbé Bignon à Estienne Boulanger devant le notaire Dutartre. Les prisée et estimation sont faites à la demande de Christophe Filleul, meunier sortant, et de Marie Quatrehomme, d'une part, et Estienne Boulanger, meunier entrant demeurant à Hières ; le bailleur étant l'abbé Bignon, prieur commendataire. La prisée est prévue d'être faite par le charpentier Michel Benoist, demeurant à Linas, accompagné d'un meunier de Montgeron nommé Montalan. Christophe Filleul décède le lundi 11 octobre. Finalement, l'estimation est faite le lendemain avant midi par Michel Benoist et Louis Mareuil, meusnier demeurant à Juvisy « au lieu de place du nommé Montalon qui n'a pu venir à cause du retardement de la prisée causé par la maladie dont ledit Filleul est décédé ». Le procès-verbal mentionne : • l'arbre tournant de 15 pieds de long et de 19 pouces de gros garny de cinq frettes et deux tourillons, prisé 67 livres, • la roue de 12 pieds et ½ de diamètre garnie de fer, embrasures, clefs, coins, fermetures, coyaux, prisée 126 livres, • le rouet de 6 pieds 2 pouces de diamètre et 7 pouces d'épaisseur garny de fer, embrasures, clefs, coins, fermetures et feuillets, prisé 124 livres, • le grand pallier de 9 pieds et ½ de long et de 10 à 11 pouces de gros, garny de fer, poillette, noyau, prisé 15 livres, • le petit pallier à porter la bluterie garny de son arbre de bluterie avec un pivot de fer dans le bas, cinq frettes de fer, battes, baguettes garnie de sa lanière, prisé 5 livres, • la huche servante à recevoir la farine de 6 pieds et 8 pouces de long et 2 pieds 8 pouces de large de bois de chesne garnie de son couvercle, prisé 28 livres, • la meulle gisante de pierre de molière de 6 pieds de diamètre et de 16 pouces d'épaisseur, estimée à raison de 12 livres 10 sols pour chaque pouce, cy 200 livres, • la meulle courante de pierre de Brie cassée par le milieu ; rechargée de plâtre et bois et de 6 pieds un pouce, prisée en bloc à 27 livres, • les trémies de 8 pieds de long et 4 pouces de gros, prisées 6 livres 5 sols, « et tous les ustensiles qui se sont trouvés dans le moulin de Grouteau et après calcul fait des sommes cy dessus, ladite prisée se trouve monter à la somme de 863 livres 15 sols ». Le procès verbal est signé par les intervenants, Mathurin Filleul, fils du meunier défunt, et deux témoins : Denis Chartier, commissaire de police et Bernard Pochonnet, clerc demeurant à Montlhéry.

Signatures au bas de la prisée du moulin de Grotteau.

Le 28 juin 1721 Jean Bailly âgé de 20 ans, originaire de Champ-en-Brie, « garçon meunier à Grotto » est inhumé au cimetière de Longpont en présence de Estienne Boulanger « son maistre munier à Grotto ».

Le 29 juin 1723 Pierre Jumelle est meunier à Grotteau quand sa femme Louise Massé accouche d'une fille nommée Marie-Louise par sa marraine Marie Madeleine Massé, paroissienne de Montlhéry. Une seconde fille prénommée Barbe Catherine naît à Grotteau le 25 juin 1724 ; puis Marie-Madeleine arrive le 26 septembre 1726 ; Louis pousse son premier cri le 15 octobre 1728. Pierre Jumelle est à nouveau père d'un petit Jacques le 3 décembre 1730. Le 1er avril 1729, le sieur Jumelle, meunier de Grotteau, a une dette de 3 livres 10 sols pour un quarteron de foin nouveau qui est livré à sa servante.

En 1726 le prieur commendataire décide d'effectuer des travaux dans les biens qui dépendent de son lot. Le 11 mars, un marché est conclu entre l'abbé Jean-Paul Bignon, prieur commendataire de Notre-Dame de Longpont, bibliothécaire du roy, demeurant à la Bibliothèque rue de Richelieu , et Claude Perrot, masson et couvreur de Saint-Pierre de Brétigny, signent un acte « lesquels sont convenus du marché qui ensuit. Ledit Perrot s'engage à entretenir toutes les couvertures en thuille de tous les logements de la Moinerie et du Mesnil à Saint-Pierre, du logement du prieur derrière l'église, du moulin de Grouteau, …, moyennant 100 livres par an ».

Le Sage, meunier à Grotteau

L'abbé Bignon, prieur commendataire de Longpont, afferme « le moulin de Grouteau avec ses bâtimens et quelques pièces de terre ou prez pour 3, 6 ou 9 ans commencés le 1er octobre 1731 à Nicolas Le Sage et Jeanne Vaneaux, sa femme, moyennant vingt cents livres payables aux quatre termes ordinaires plus six canards gras le vif rendus à Paris ». Le jeune couple aura trois enfants à Grotteau.

Nicolas Lesage est qualifié comme « meunier au moulin de Grotteau » lors de la naissance de son fils Pierre, le 12 décembre 1732. Marié à Jeanne Vanneau, ce couple voit naître un second bébé prénommé Louis le 17 décembre 1733 par son parrain Louis le Houx, boulanger à Paris. Le 10 janvier 1735, Marie-Françoise est baptisée à Longpont, puis Marianne, le 27 mai 1736, quand son père est encore « meunier à Grotto ». Le maître meunier meurt au moulin dans le courant de cette année. Sa veuve, âgée de 37 ans, se remarie le 26 février 1737 avec Claude Branchery qui devient meunier de Grotteau à l'âge de 32 ans. Ce dernier décède l'année suivante et est enterré dans le cimetière de Longpont le 16 mars 1738.

Dans un imprimé, daté de 1732, sur l'attaque en justice des religieux de Longpont envers le seigneur de Lormoy au sujet “des eaux” destinées au grand canal du parc, il est fait mention que la ferme du moulin de Grouteau s'est accrue de moitié en trente ans. Le contentieux entre l'abbé Bignon, prieur de Longpont, contre l'abbé Pajot, seigneur de Lormoy, avait été porté devant le Grand Conseil « parce que plusieurs conduites amenant des eaux à Lormoy passaient dans les héritages de la Seigneurie de Longpont ». Et que « le moulin au-dessus duquel on a saigné la rivière à M. l'abbé Bignon, et que depuis cette prise d'eau ce moulin ne peut pas travailler comme auparavant…. Ainsi avoir permis à M. Pajot de prendre les eaux de la rivière, c'est d'avoir disposé au préjudice de M. l'abbé Bignon des droits attachez à sa qualité de Seigneur, c'est d'avoir chargé le territoire de son fief d'une multitude de servitudes envers don propre censitaire ».

En 1737, le moulin de Grotteau fait partie du troisième lot de la mense conventuelle pour “ l'acquittement des charges de la maison ”. Veuve du meunier Nicolas Le Sage , Jeanne Venot “ meunière au moulin de Gronteaux ” est remariée à Louis Paillard nouveau maître-meunier de Grotteau en 1744 . Le 14 novembre 1747, elle marie sa fille Jeanne à Nicolas Véron de Villiers, puis le 22 juillet 1749 sa seconde fille Marie à Nicolas Hue, maréchal-ferrant à Montlhéry.

Dans sa supplique adressée au prévost royal de la chastellenie de Montlhéry, en 1739, Albert Hyacinte Barret, prêtre, prieur commendataire de N.-D. de Longpont autorise Louis Paillard à délaisser le bail du moulin de Grouteau « à moudre de bled farine » passé devant maître Lhéritier, notaire. En fait, cet acte est un simple transfert de propriété du moulin, qui étant précédemment dans la mense du prieur, est transféré dans celle des moines du prieuré à cause des dettes considérables dues à la reconstruction du monastère.

Le même jour un nouveau bail est accordé à Louis Paillard, meusnier, et Jeanne Venaux sa femme « qu'il authorize à l'effet des présentes, demeurant au moulin de Grouteau ». La communauté des religieux avait été « capitulairement assemblée au son de la cloche en la manière acoutumée en la salle ». Ce sont : Dom Jacques Benoît Picard, prieur claustral, Dom Joseph Bernard, curé, Dom Jean-Baptiste Petitclerc, sacristain, Dom Jean Bourdon, Dom Pierre Geoffroy, procureur syndic et Dom François Garinson, tous prestres religieux profès de l'Etroite Observance de l'Ordre de Cluny… qui donnent à ferme le loyer pour trois, six et neuf années à compter du jour et feste Saint-Rémy 1740…, le moulin à eau appelé le moulin de Grouteau « le bail ainsy fait moyennant le prix la somme de 800 livres de forme le loyer pour et par chacune des dittes trois, six, neuf années que lesdits preneurs promettent et s'obligent… ». Ce nouveau bail correspond bien au changement de régime de la mense conventuelle du prieuré de Longpont.

Les Guignard, meuniers à Grotteau

Les meuniers, constatant que le bail accordé à Paillard en 1749 est expiré, et que Guignard, son fils et sa femme entrent à Grotteau, décident de faire une estimation et prisée du moulin et s'accordent à nommer des experts pour la visite. La prisée précédente avait été faite du temps de feu Nicolas Lesage et Jeanne Venaux sa femme, remariée à Louis Paillard. Les experts nommés par les parties sont : Jean Martin, charpentier demeurant à Brétigny « nommé et choisy par ledit Paillard » et Michel Soyer « aussy charpentier demeurant à Saint-Maurice, arbitre nommé et choisy par ledit Jacques Guignard ».

Devant un notaire de Montlhéry, un compromis est passé la même année entre, d'une part, Louis Paillard, demeurant au moulin de Grotteau et sa femme Jeanne Vinaux, veuve de Nicolas Le Sage, meunier sortant et, d'autre part, Jacques Guignard, meunier demeurant au moulin de Biron, paroisse de Longpont « tant en son nom ainsy comme se faisant et portant fort de Jean-Jacques Guignard, son fils, meunier demeurant au moulin de l'Etang, paroisse de Linois, et de Marie Houdouard, sa femme » meuniers entrant à Grotteau (3).

La visite de prisée est organisée le lendemain en présence du notaire. Le procès-verbal donne les détails de construction du moulin :

  trois grandes vannes de 6 pieds de hauteur sur 3 pieds de large garnies de leurs visses et écrou,
  la vanne de la roue de 5 pieds de haut sur 3 pieds de large,
  le plancher des vannes composé de planches avec quatre pièces de bois servant à porter les planches faisant 32 pieds de bois, deux toises un quart de planches,
  le chevetcier de dehors garni de son chausse de quatre pièces,
  l'arbre tournant garni de fer, frettes et tourillons, coins et fermetures,
  la roue garnie de fer, embrasure, aube et coyaux,
  le chevetcier de dedans garni de fer, calle et coins de 6 pieds de long de 12 à 12 pouces,
  le broy garni de fer, ambrazure et chaussure avec deux lanternes une croisée,
  le palier garni de sa palette et noyau, coin et fermeture,
  les deux chaises garni de fer, le plancher servant à porter les meules composé de huit pièces de bois de 6 pieds de long, 10 pouces de large, 2 pouces et demy d'épaisseur avec quatre planches de bois blanc au bout des meules,
  la meule gisante de pierre de molière de 6 pieds de hauteur et de 9 pouces ½ d'épaisseur,
  la meule courante de pierre de Brie de 6 pieds de hauteur et de 9 pouces 9 lignes d'épaisseur,
  les quatre anchevestrures servant à entourer la meule gisante,
  le grand et le petit engin garni de son cable et vintaine,
  la huche dudit moulin garnie de son dodinage avec son couvercle, mouton et ensachoir (4),
  six blateaux tant blanc que bis à la huche,
  les mesures, sçavoir un minot, un boisseau, deux corbeilles et un quart d'ozier,
  la roue à monter le bled, garnie de son cordage, une poulie attachée au fait,
  la chèvre, deux vieilles férées, la crémaillère, les coins à queue, l'escalier servant à monter aux meules garni de deux limons et de sept marches,
  le plancher où passe la poulie de 2 toises, un autre plancher où passe l'escalier de 2 toises et demy de planches, un autre plancher au-dessus de la huche d'une toise et demy, et un autre petit plancher au-dessus de la porte,
  six pièces de bois servant de solives pour porter le plancher et six autres pièces de 4 pieds aussy servant de solives…

Les experts-arbitres s'accordent « conjointement et d'une unanime voix tout ensemble » la somme de 1.010 livres et déclarent « avoir fait ladite prisée en leur âme et conscience ». Le procès-verbal, établi sur papier timbré à raison de 12 sols, fut contrôlé le 4 octobre suivant par le prévôt de Montlhéry.

Un bail d'affermage du moulin de Grotteau est passé à cette période par Elie Radet avocat, fondé de procuration d'Albert Barret, prieur commendataire de Notre-Dame de Longpont, pour neuf années à Jacques Guignard l'aisné, meunier à Biron… avec des terres moyennant 750 livres de ferme, six canards gras vifs, et en plume de la Saint-Martin à Noël, et un cochon de lait rendu vif à Paris chez le prieur commendataire au mois de janvier. Les demandes en nature s'accroissent, le prieur de Longpont ne représente pas un cas isolé!

Signatures au bas du procès-verbal de prisée du moulin de Grotteau.

En 1750, Jean-Jacques Guignard l'ancien, veuf de Madeleine Boutry, afferme le moulin de Grotteau moyennant 900 livres environs par an. C'est le 23 février 1751 qu'il conduit les noces de sa fille Marie-Madeleine avec Jean Couturier, meunier demeurant au moulin de Guillerville à Linas. « Attendu la minorité dudit Jean Couturier » (il avait 23 ans et ses parents étaient décédés), il fallut désigner un tuteur en la personne de son beau-frère Michel Mainfroy, meunier au moulin du Carouge à Brétigny. Marie-Madeleine Guignard habitait chez son grand-père, Jacques Guignard, meunier du moulin de Biron. Voilà de quelle façon un mariage peut réunir quatre moulins de la région. Au printemps 1753, une épidémie emporte successivement Marie-Jeanne Odouard, la seconde femme du maître-meunier et Michel Gosnier le garçon-meunier, tous les deux à l'âge de 40 ans. Remarié à Elisabeth Laval, un nouvel héritier prénommé Jean-Julien vient à Jean-Jacques Guignard en 1754.

À suivre …

Notes

(1) Les chevetsiers sont des pièces de bois placées horizontalement aux deux extrémités du grand arbre, sur lesquelles posent ses tourillons ; on y fait, pour les recevoir , une entaille en demi-cercle, où l'on met de la graille ou du vieux oing, pour que les tourillons n'éprouvent point de résistance en tournant. Le chevetsier du dedans est celui qui reçoit le tourillon de l'arbre placé dans la salle du moulin, sous son beffroi.

(2) Nous trouvons plusieurs variantes orthographique pour ce patronyme : Lambot , Lambaud , Lambaut et même Lembeau .

(3) Au cours des chroniques sur les moulins de Longpont, nous avons vu que les Guignard constituent le témoignage que la meunerie reste bien une affaire de famille. Après avoir été meunier au moulin Biron, Jacques Guignard avait affermé le moulin de Grotteau, plus productif, laissant Biron à son fils Jean-Julien et sa femme Geneviève Malherbe, pendant que l'autre fils Jean-Jacques et sa femme Marie-Catherine Nizet tiennent le moulin à vent du Boulay.

(4) La huche de dodinage se place sous celle du premier bluteau, en sens contraire, c'est-à-dire, que sa tête doit répondre au pied de la huche supérieure ; le dodinage étant l'appareil d'un second bluteau qu'on place sous le premier, et qui sert à séparer les gruaux du gros son.

dagnot/chronique33.06.txt · Dernière modification: 2020/11/12 04:13 de bg