Corpus Essonnien

Histoire et patrimoine du département de l'Essonne

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Louis de Bavière, seigneur de Marcoussis

Chronique du Vieux Marcoussy —————————– —- _————————— Novembre 2009

JP. Dagnot

C. Julien

Cette chronique fait suite à celles que nous avons consacrées à la vie de Jean de Montagu ; continuation logique puisque le duc de Bavière « Bavarie dux », frère de la reine Isabeau a détenu les terre et seigneurie de Marcoussis confisquées dès le lendemain de l'exécution du Grand maître. Le propos de notre texte est de présenter les documents se rapportant à la période 1410-1417 pendant laquelle le comte palatin du Rhin resta en France auprès de sa sœur, ayant un siège au conseil du roi.

Le duc Louis VII de Bavière-Ingolstadt

Depuis le mariage de sa sœur Isabelle avec le roi Charles VI, le 17 juillet 1385 à Amiens, Louis VII duc de Bavière-Ingolstadt demeura à Paris, vécut à la Cour, occupa un siège comme membre du Conseil du roi et devint même régent au moment de la folie du roi. Souvent désigné comme « comte palatin du Rhin » dans les actes, l'histoire l'a retenu par le surnom le Barbu , car il portait la barbe, selon la mode française de l'époque. Né vers 1368, de l'union du duc Etienne III le Pacifique et de la milanaise Thadée Visconti. Louis passa plusieurs années en France entre 1391 et 1415. Il succéda à son père de 1413 jusqu'en 1443.

Plusieurs auteurs ont fait mourir le duc de Bavière en 1417 pour justifier le retour de la seigneurie de Marcoussis dans le patrimoine de la famille Montagu. La réalité est que Louis le Barbu décéda le 1er mai 1447 au château de Burghausen. L'erreur commence au XVIIe siècle avec Guillaume Pijart qui précise : « J'ay rapporté tout cecy pour prouver que le dit Louis, comte &c., a retenu et jouy de la terre et seigneurie de Marcoussis non obstant le rétablissement de la mémoire de messire Jean de Montagu, jusqu'à sa mort qui est arrivée dans son château de Bouchain ou Bohain en octobre 1417 ».

Simon de La Mothe, qui produisit un plagiat du texte de Pijart, nous dit : « La reine se maintient dans la jouissance de Tournenfuye jusqu'à sa mort qui arriva en 1435. Le duc Louis Guillaume de Bavière, son frère posséda Marcoussis jusqu'en l'année 1417 qu'il mourut sans enfants de son second mariage, pour lequel il lui était hipotéqué », l'auteur ayant été abusé par une erreur de transcription entre 1447 et 1417. Mais, elle se propagea sans vérification de la source historique. Dans la biographie de Jean de Montagu, Lucien Merlet dit : « Quant aux biens de Jean de Montagu, ils furent restitués à ses héritiers, à mesure que les détenteurs moururent. Ainsi, Marcoussis, en octobre 1417, à la mort de Louis de Bavière ». Malte-Brun a repris ce texte « Le duc de Bavière resta en possession du domaine de Marcoussis jusqu'à sa mort, arrivée en 1417 ». Donc, il faut lire 1447.

Selon l'auteur anonyme du Journal d'un Bourgeois de Paris , après la prise de Melun, le duc Rouge [Louis de Bavière, dit le Barbu, frère de la reine Isabeau] fit son entrée à Paris avec le roi la reine et d'autres seigneurs, le 1er décembre 1420, « jour de Sainct Eloy qui fust à ung dimenche » (1). La thèse du décès en 1417 est ainsi battue en brèche !!!

D'autres documents valident la date de la mort de Louis de Bavière. En 1429, Louis le Barbu, frère d'Isabeau de Bavière, commanda un projet de relief funéraire, un couvercle de sarcophage, à Hans Multscher (1400-1467), un des meilleurs artistes de l'époque demeurant à Ulm. Le duc, ayant approuvé le projet, en demanda l'exécution en 1438 et fit venir à cette fin, d'Ingolstadt, une grande plaque de marbre rouge. Ce projet ne fut jamais réalisé, mais le modèle en calcaire (85 cm x 31 cm), lui, nous est parvenu. Le testament du duc, d'où proviennent ces informations, exprimait sa volonté bien arrêtée d'y voir figurer la Trinité, d'y être lui-même représenté agenouillé devant elle sur un ou deux genoux, « comme il semblera le mieux à l'artiste », et d'y voir portée une inscription avec la prière suivante : « O sancta Trinitas miserere mei […] et pardonne tous mes péchés [ces derniers mots en allemand] ». Les figures se détachent sur un fond timbré d'un motif de soleil couronné à rayons. Agenouillé tout en bas sur le lion traditionnel, devant son écusson, le duc est en armure, coiffé, et tient une lance ; la tête légèrement rejetée en arrière, il fixe des yeux la Trinité, qui est figurée en trône de grâce et entourée de trois anges, dont un qui paraît apporter la prière du duc au pied de la Croix. L'œuvre a su associer la crainte du Très Haut et la confiance en lui. Dans les œuvres complètes de Voltaire (t. 13, p. 444), nous lisons « 1434, si les princes de l'empire laissaient leur chef dans l'impuissance de se venger, ils ne négligeaient pas toujours le bien public. Louis de Bavière, duc d'Ingolstadt, ayant tyrannisé ses vassaux, abhorré de ses voisins, et n'étant pas assez puissant pour se défendre, est mis au ban de l'empire ; et il obtient sa grâce en donnant de l'argent à Sigismond ».

En 1425 , une version latine de la Bible fut dédiée au duc Louis VII de Bavière - Ingolstadt , puis la traduction allemande fut établie dans les années 1427-1428. En 1435, Ulrich Riederer fut employé par le duc Louis VII de Bavière - Ingolstadt comme procureur auprès de la Curie romaine, chargé de défendre les droits du Bavarois.

Les mariages du duc de Bavière

Après avoir manœuvrer pour éliminer Jean de Montagu et avoir fait faire la tâche criminelle par Pierre des Essarts, son homme de main, le duc de Bourgogne revint à la Cour en novembre 1409 pour calmer le ressentiment de la reine et se faire pardonner la mort du favori. Jean sans Peur partit aussitôt pour Melun, afin de rendre en personne raison de sa conduite. Mais son secret dessein était de proposer le mariage de Louis de Bavière, frère de la reine, avec la fille de Charles de Navarre, son confident, à laquelle le château de Marcoussis serait donné en dot. La reine ne voulut pas consentir à ce mariage, et le duc de Bourgogne, désirant à tout prix se la rendre favorable, fit donner néanmoins à Louis la terre de Marcoussis, et à Isabeau celle de Tournenfuye, au commencement de l'année 1410.

Dans cette affaire, la version du sous-prieur Simon de la Mothe est la suivante « En même temps le duc de Bourgogne croyant après la mort du duc d'Orléans avoir exterminé en la personne de Montagu son plus fidèle serviteur et se persuadant ensuite d'une action tant lâche et si noire qu'il ne devait satisfaire aucunement à la reine qu'il s'avait été contraire à ses intérêts. La fut trouver à Melun où elle s'était retirée pour lui rendre compte en personne d'une entreprise odieuse, mais sa ruse fut de lui proposer le mariage de Louis de Bavière, son frère, avec la fille du roi de Navarre son confident afin de s'acquérir sa bienveillance, et de lui donner en dotte le château et la terre de Marcoussis avec toutes ses appartenances et dépendances confisquées au roi par la mort infâme dudit de Montagu à l'hôtel duquel il s'était emparé avec tous les meubles, le lendemain de son exécution. La reine changeant sa tramontane témoigna n'avoir pas à continuer ce dessin, et ne fut point honteuse de faire voir par cette dessimination qu'elle était non seulement allemande du côté de ce prince Etienne duc de Bavière, son père, mais encore qu'elle était fille d'une Italienne de la dona Thadia Visconti, autrement de Milan, tante du côté maternel de Valentine ».

Et par un autre édit le roi pour parvenir au sujet de l'alliance projetée entre le duc de Bavière, frère de la reine et la veuve du roi de Sicile, fille du roi de Navarre, permit à ce sieur dauphin de donner audit duc Louis de Bavière, son oncle maternel, la terre seigneurie dépendances de Marcoussis pour lui et ses héritiers en loyal mariage, à la charge qu'il ne pourrait aliéner, ni vendre ladite terre et que s'il meurt sans enfants, elle retournerait à lui duc d'Aquitaine qui en fit la donation à même temps et au mêmes conditions.

Monstrelet (chap. LVIII) se trompe également quand il dit « Le duc Loys de Bavière, frère de la royne de France espousa en ces jours audit lieu de Méleun, [Blanche] la fille du roy de Navarre [Charles III] ». Blanche, fille de Charles III, roi de Navarre, avait effectivement épousé, l'an 1402, Martin, roi de Sicile. Cette princesse ne fut pas mariée en secondes noces avec Louis de Bavière, mais avec Jean, fils de Ferdinand 1er, roi d'Aragon, et cela, non pas en 1409, mais en 1419.

Louis de Bavière eut deux femmes :

  Anne de Bourbon, veuve de Jean II de Berry, comte de Montpensier, cousin germain de Charles VI, épousée le 10 octobre 1402 dont sont nés deux enfants Louis VIII de Bavière-Ingolstadt né en 1403 et Jean né et mort à Paris en 1404. Anne de Bourbon, fille de Jean 1er , comte de La Marche et de Vendôme, pair de France et de Catherine de Vendôme, est décédée en septembre 1408.
  Catherine d'Alençon, veuve de Pierre de Navarre, mort dans l'expédition de Bourges, se remaria en secondes noces avec le duc Louis de Bavière qui, le 4 mars 1413, en considération de ce mariage, reçut le comté de Mortain (2). Le 29 septembre 1413, la reine Isabeau donna en outre à son frère la valeur de 2.000 écus en vaisselle d'or qui devait lui être offerte le jour de ses noces. Le roi de Navarre s'était engagé, de son côté, à remettre aux futurs époux une somme de 50.000 francs, mais il ne tint pas sa promesse, car le duc de Bavière et sa femme lui intentèrent, à ce sujet, une action au Parlement en avril 1414.

Dans son étude sur l'Empereur Robert et de Grand schisme d'Occident , Michel de Boüard évoque la politique menée par la reine Isabeau de concert avec son frère Louis VII de Bavière, qui, ayant réussi à s'implanter à la cour de Paris, fit partie du conseil de tutelle (3), puis reçut le comte de Mortain et occupa la charge de maître d'hôtel du roi. On sait de quelle manière les joyaux de la couronne furent pillés au profit du frère de la reine. Le 5 février 1404, à la requête d'Isabeau, le roi en engageait une partie en garantie du payement d'une somme de 120.000 livres qu'il avait données à son beau-frère à l'occasion de son mariage avec la comtesse de Montpensier, Anne de Bourbon. D'autres fois c'étaient des dons en espèces que la reine faisait à son frère. Le 19 mars 1404, elle lui faisait remettre 46.000 livres par un banquier de Venise. Nombre d'objets d'art furent alors distraits du trésor de la Couronne et emportés en Bavière (4).

Le seigneur de Marcoussis

Le duc de Bavière fut mis en possession des terre et seigneurie de Marcoussis par l'acte du 3 décembre 1409 qui autorise « Monseigneur Louis de France, duc de Guienne et dauphin de Viennois, à transporter et donner à Monseigneur Louis de Bavière son oncle le chastel et appartenances de Marcoussis ». Une lettre donnée à Paris le mercredy 31 août 1413, sous l'administration de Robert de la Heuze dit le Borgne, chevalier « seigneur des villes Chastillon, de Bellecombes, conseiller chambellan du Roy nostre sire et commis à la garde de la prévosté de Paris » rapporte les actes d'octobre et décembre 1409. « Charles par la grâce de Dieu roy de France sçavoir faisons à tous présents et avenir comme par nos autres lettres… nous avons donné entre autres choses à nostre très cher et très amé ainsné fils Louis duc de Guienne daulphin de Viennois les chastellenie et seigneuries de Marcoussis avec tous les revenus… ». En tant que suzerain éminent, Charles VI accepte que Marcoussis passent dans les mains de « nostre très cher et très amé frère Louis duc de Bavière ». Pijart mentionne, à ce propos que Monstrelet, André du Chesne et Malingre se trompent quand ils l'appellent Guillaume. À cause de ce legs, Monstrelet va même le qualifier « duc de Marcoussy ». Pijart ajoute que le duc de Bavière possédera Marcoussis « de nostre pleine puissance et authorité royalle ». Le don est fait « à nostre dit frère de Bavière et à ses hoirs masles présents et advenir nés et procréés de son corps en loyal mariage… les dites terres, chastel et chastellenie de Marcoussis avec toutes les adjonctions… ».

Le legs de « Loys aisné fils du roy de France duc de Guienne et daulphin de Viennois » est donné au Bois de Vincennes au mois de décembre l'an 1409, ainsi signé par le dauphin, le roy de Navarre, les ducs de Berry et de Bourgogne, les comtes de Hainaut et de La Marche et plusieurs autres présents. « Sçavoir fesons à tous présents et advenir que comme par certain juste tiltre et don de Monseigneur, nous soit naguerre venus et entre autres choses et nous competer et appartiendre les chatel, chastellenie, terre, seigneurie de Marcoussis, fiefs… nous considérant les très grands, notables et loyaux et agréables services que nostre très cher et très amé oncle Louis comte palatin du Rhin, duc de Bavière, frère germain de ma Dame… ».

Par utile précaution, l'acte stipule l'agrément des oncles du roi et des princes du sang « … avons donné, octroyé, baillé et délaissé et transporté et par les présentes de nostre grâce espéciale, donnons, octroyons, baillons et délaissons, cédons et transportons à toujours mais perpétuellement les dites terres, chastel et chastellenie de Marcoussis avec toutes les adjonctions et acquisitions… resibués à mon dit seigneur et à ses successeurs, les foys et hommages souveraineté et ressortis deübs et accoutumés dudit chastel terre et seigneurie de Marcoussis, et des choses dessus dites et le retour d'icelles à venir à nous ou à nos hoirs au cas déclaré et d'iceux chastel, terre et seigneurie de Marcoussis ses adjonctions et autres choses dessus dites. Nous desaississons, devestons et delimitons au profit de nostre oncle et l'en revestons et saississons par le bail à tradition de ces présentes, par la manière dessus dite voulant et consentant qu'il en soit mis et reste en bonne possession et saisine, foy et hommage ou il appartient, donnant en mandement, &c. ».

Outre la terre de Marcoussis, Louis de Bavière avait occupé l'hôtel parisien de feu de Montagu, près Saint-Paul, sa paroisse. Ce logis situé devant le palais des Tournelles ayant été abandonné par le duc Louis de Bavière, dans la crainte d'une émotion populaire contre sa personne. Et le lendemain 28 du même mois de septembre 1412, l'hôtel avait été restitué le même jour à messire Charles de Montagu, fils aîné du Grand-maître.

Comme la plupart des chevaliers de l'ost du roi, Louis de Bavière participa à de nombreuses campagnes militaires des Armagnacs. Nous le trouvons en 1414 au siège de Soissons en compagnie de son beau-frère Jean 1er d'Alençon, du connétable Charles d'Albret, de Philippe d'Orléans, comte de Vertus, et du comte Bernard VII d'Armagnac. Le 23 juillet, la ville est prise, pillée et incendiée.

Le duc Loys à la Cour de France

Nous avons évoqué les missions confiées au duc de Bavière par sa sœur, la reine de France. « La reyne Isabel estant à Melun 1406, donna charge à Louis duc de Bavière son frère et à Jean de Montagu qu'ils luy amenassent le dauphin son fils, duc de Guyenne et se femme, lesquels l'ayant mené jusqu'à Gevisy [Juvisy] furent contraints de les rendre au duc de Bourgogne qui les ramena au Louvre. Les nouvelles en estant venues au duc d'Orléans, il manda de toutes parts à tous les princes et seigneurs ses alliés et amys qu'ils le vinsent sévir à l'encontre de son cousin le duc de Bourgogne et qu'il avoit pris de fait le fils aisné du Roy son nepveu par force et violence des mains de la Reyne qui en avoit le gouvernement, et ne sçavoit où il le vouloit mieux », dit Pijart.

Louis de Bavière joua un rôle diplomatique entre l'empereur Robert et sa sœur vers 1402 (5). Sous prétexte de régler les affaires religieuses et les conflits entre Avignon et Rome, une expédition contre Milan fut projetée. L'empereur n'admettant pas l'érection de la Lombardie terre impériale en duché au profit de Jean-Galéas Visconti, envoya, en Italie, des troupes qui furent défaites lamentablement à Brescia au mois d'octobre 1401. L'ambassade du duc de Bavière avait pour but de renverser l'alliance de la France et du duc de Milan, il échoua car ce dernier devait sa force à l'appui que lui prêtait son gendre, le duc d'Orléans.

La tutelle de ses enfants royaux était le premier point qu'il fallait régler à cause de la maladie du roi. On décida que, si le roi venait à mourir, la régence serait remise à la reine, à Louis de Bavière, son frère , et aux ducs de Berri, de Bourgogne et de Bourbon. La qualité de premier prince du sang fit conférer au duc d'Orléans l'administration du royaume, conjointement avec un conseil composé de ses trois oncles, auxquels on adjoignit Louis de Bavière, trois prélats et six seigneurs.

Après l'assassinat du duc d'Orléans, le comte de Hainaut fut prié de se transporter avec quelques uns de son conseil à Tours pour traiter cette affaire avec le roi, les princes et les seigneurs de sa suite « qui ne furent pas marry de ce meurtre ». Le succès des pourparlers fut « devoyer de la part du roy vers ledit duc de Bourgogne afin de l'informer par quel moyen il pouvait retourner en la grâce de Sa Majesté et quelle mesure il devait garder afin d'assoupir le sujet de sa disgrâce. Le duc de Bavière ayant été agréé du roi à cette occasion, on lui donna Montagu, Grand maître d'hôtel de Sa Majesté pour faire sçavoir à ce prince le résultat de cette négociation qui portait que lui duc de Bourgogne ferait quelque réparation verbal au duc d'Orléans qu'il lui demanderait pardon de la mort de son père… ».

L'auteur du Journal d'un Bourgeois de Paris nous apprend qu'en octobre 1412, le prévôt de Paris et plusieurs autres des plus grands s'enfuirent de la capitale « si mal se porta qu'il convinst qu'il s'enfouist, lui et plusiuers des autres des plus grands, comme le frère de la royne, duc de Bavière, le duc de Bar, Edouart, Jacques de La Rivière, et plusieurs chevaliers et escuyers ». Le calme revenu, les fuyards « feirent les bons varlets, et brassèrent ung mariaige de la femme au comte de Mortaing, qui mort estoit, au frère de la royne ».

Selon Monstrelet (ch. LXXXVIII), Loys duc de Bavière, frère de la Royne de France, fut débouté de la ville de Paris en 1412. Il était soupçonné par les Parisiens « d'avoir aucunement dit en secret au Roy et au duc d'Aquitaine aucunes paroles à la faveur des ducs de Berry et d'Orléans ». Il s'en alla secrètement au chastel de Marcoussis que lui avait le duc de Guienne par lettres du 3 décembre 1409 en faisant charger « un chariot de ses meilleurs bagues, avecques sa vaisselle et autres joyaulx » pour les conduire à Cambrai. En cours de route les biens furent dérobés et les valets et écuyers du duc Loys tués. Encore une fois on accusa le duc de Bourgogne qui finit par rendre les bijoux et punir les malfaiteurs. « Et aucun peu de temps après, icelui duc Loys se parti de Marcoussis, et fut conduit par ordonnance du Roy et du duc de Bourgongne et du vidame d'Amiens, très bien acompaigné, jusques en la ville de Valenciennes, où il demoura ».

Sur cette aventure malheureuse, Pijart écrit en donnant ses sources dans un abrégé d'histoire de Charles VI (pag. 405 de l'impression du Louvre, l'an 1412, et selon Claude Malingre, Annales de Paris, liv. 6, ch. 3, l'an 1413). «…le mesme Louis comte palatin du Rhin, &c. est chassé hors de Paris par les Parisiens et ses gens destroussez. Le duc Louis, &c. soupçonné des Parisiens d'estre Orléannois - qui estoit lors un crime capital, c'est-à-dire rebelle au Roy - fut contraint de se retirer en diligence de Paris pour quitter la fureur du peuple… et comme son bagage passoit entre la rivière d'Oyse et de Seine, les gens du duc de Bourgogne le volèrent sans qu'il fut jamais possible d'en tirer raison. Estoit qu'il fut mis dans une tour devant le Louvre en 1413. Le dauphin s'estant déclaré contre le duc de Bourgongne l'alla tirer de prison, le duc de Bar et autres ».

En février 1413, le duc de Bourgogne est déclaré ennemi du roi et nous dit le chroniqueur : « firent cier, sur la hart, que nul du commun ne se armast, et qu'on obéist au duc de Bavière et au comte d'Armagnac, qui estoient deux des hommes du monde qui plus haïssoient les bonnes gens de Paris ». La révolte des Cabochiens éclata en avril 1413 par nombreux assassinats. Le prévôt de Paris, Pierre des Essarts est mis à mort le 1er juillet et pendu au gibet. C'est le mardi 22 mai qu'Hélion de Jacqueville, à la tête des Cabochiens armés, envahit l'hôtel Saint-Paul et s'assura de la personne du duc de Bavière qui se voyait emprisonné en la « tour delez le Louvre ». C'était la veille du jour où il devait « espouser sa femme, mais sa chance tourna contre sa voulenté » (6).

Monstrelet nous dit que les grands seigneurs furent emprisonnés au Louvre « qui de trayson dont Pierre des Essarts, messire Jacques de La Rivière et Petitmesnil avoient eu les testes couppées, estoient droit maistres et ministres, et le duc de Bavière, frère de la royne de France, messire Edouart, duc de Bar, le sire de Boissay et deux de ses fils, Anthoine des Essars, frère dudit Pierre des Essars, et plusieurs autres, lesquels estoient emprisonnés au Louvre, au palais et au petit Chastellet », puis délivrés par les ducs de Guyenne et de Berry « ils firent les deux ducs devant dits, cappitaines, l'ung de Saint-Anthoine, et l'autre du Louvre ». Le bourgeois de Paris déclare « Et le frère de la royne fist le bon varlet, et servoit le roy aussi comme s'il n'en sceut rien, et ne se mut oncques d'avec le roy ».

Lors du banquet offert le jour de la signature de la promesse de mariage entre Catherine et Louis, en 1409, le chroniqueur parle de la vaisselle qui avait appartenu à Montagu « et là furent apportez grant nombre de vaisseaulx d'or et d'argent, en quoy autre foy on avoit acoustumé de servir le roy aux haultes festes. Lesquelz vaisseaulx long temps paravant n'avoient esté veuz, pour tant qu'ilz avoient esté engaigez pardevers Montagu, et les avoit en retrouvez après sa mort ou chastel de Marcoussis et ailleurs, où il les avoit fait mectre, et par l'ordonnance des princes du sang royal avoient esté rapotez zr remis en l'ostel du Roy, comme dit est ».

Foys et hommage au duc de Bavière

Après avoir vu les lettres touchant le don fait par le dauphin au duc de Bavière, de la terre et seigneurie de Marcoussis, il est nécessaire aussi de transcrire dans ce lieu quelques foys et hommages qui lui ont été rendus en cette qualité « selon que j'ay pu les retrouver pour prouver jusqu'à ce temps au moins il en a jouy », dit Pijart.

Une première lettre de foy et hommage faicte par Jean le Courtillier du fief appelé le Mesnil-Fruger, paroisse de Nozay à Louis comte palatin du Rhin, duc de Bavière et seigneur de Marcoussis. « Louis comte palatin du Rhin, duc de Bavière et seigneur de Marcoussis, à tous ceux que les présentes lettres verront, salut. Sçavoir faisons que aujourduy Jean le Courtillier, chanoine et bourgeois de Paris, nous a fait les foy et hommage qui tenu nous estoit faire d'un fief contenant trente huit arpens de bois et neuf arpents de bruyères avec toutes les appartenances dudit fief assis au Mesnil Fruger tenu et mouvant de nous à cause de Nostre chastel et chastellenie de Marcoussis auxquels foy et hommage après ce qu'il nous a affirmé par sement avoir autrefois esté en foy et paier les devoirs à nos prédécesseurs, nous l'avons receu, sauf nostre droit et l'autruy. Si donnons en mandement à nostre bailly, procureur, receveur et à tous les autres officiers de nsotre ditte terre de Marcoussis et à chacun d'eux, si comme à luy appartiendra que audit Jean Le Courtillier pour cause des dits foy et hommage à nous non faits, ils ne mettre ou donner ni faire mettre ou donner aucun empeschement en son dit fief. Si pour celuy estoit mis le luy mettent ou faire mettre sans delay à plaine délivrance pourvu toutefois que il baille son dénombrement suffisament dedans le temps deu et fasse et paye tous les autres droits et devoirs qui pour ce nous appartient si aucuns nous en sont deubz. Donné à Marcoussis le 23 e jour de février l'an 1409 (n.s.1410), ainsi signé par Monseigneur Villebrisme ».

Une seconde lettre de réception de foy et hommage fut donnée à à Marcoussis le 14 de juillet l'an 1410. « Louis comte palatin du Rhin, duc de Bavière et seigneur de Marcoussis, à nos bailly, procureur &c., salut. Sçavoir à tous faisons que Huet de Villepreux, escuyer varlet tranchant de Monseigneur de Guyenne nous a aujourduy fait foy et hommage que tenu nous estoit faire d'un fief et de ses appartenances assis à Grivery en chastellenie de Gommetz le Chastel… ». Pijart ajoute à ce propos : Jean de Montagu avoit esté recognu du mesme pour le mesme fief l'an 1406, le 22 d'octobre par devant Estienne Guispin, prévost de Montlhéry.

Un autre foy et hommage de Renier Manit est rendu au comte Palatin du Rhin. « À tous ceux… Pierre des Essarts… garde de la prévosté de Paris, salut. Sçavoir faisons que par devant nous vint en jugement Renier Manit espicier bourgeois de Paris lequel advoua et par les présentes advoue tenir en foy et hommage de noble et puissant seigneur Monseigneur Louis comte palatin du Rhin, duc de Bavière et seigneur de Marcoussis, à cause de sa seigneurie de Nozay ce qui s'ensuit. C'est à sçavoir 14 livres parisis de cens, &c. le 21 juillet 1410 ». Jean de Montagu, grand maistre avoit esté recognu du mesme de ce fief, l'an 1405, le 15 de septembre par devant Guillaume Seguier de Tignonville, garde de la prévosté de Paris.

Un autre acte de foy et hommage de Thomas de Forges est rendu le10ème jour d'avril 1410 après Pasques. « À tous ceux &c., Jean Boisse garde de la prévosté de Montlhéry, salut. Sçavoir faisons… Thomas de Forges déclarant à Villiers sur Nozay… advoue tenir en fief à une foy et hommage de noble et puissant seigneur, Monseigneur Louis comte palatin du Rhin, duc de Bavière et seigneur de Marcoussis, à cause de son chastel et seigneurie dudit Marcoussis… C'est à sçavoir une mazure, jardin, &c. ».

Le lendemain, 11e jour d'avril l'an 1410, après Pasques, un autre acte de foy et hommage est rendu à Loys de Bavière. « À tous ceux &c., Jean Boisse garde de la prévosté de Montlhéry, &c. Rollon, veufve de feu Guillemin le Saige, déclarant à Villiers sur Nozay, advoue tenir en fief à une foy et hommage de noble et puissant seigneur Monseigneur Louis comte palatin du Rhin, duc de Bavière et seigneur de Marcoussis, à cause de son chastel et seigneurie dudit Marcoussis… C'est à sçavoir une maison, court, grange et jardin… séant audit lieu de Villiers tenant d'une part et d'autre à Thomas de Forges &c. ».

Un acte de souffrance demandé par Jean Duprez pour quelques fiefs relevant de Guillerville est donné le 1er décembre 1412. « À tous ceux…. Jean Chartier lieutenant d'honnorable homme et sage Messire Jean Doublé bailly de Marcoussis pour très noble et puissant prince Messire Louis comte palatin du Rhin, duc de Bavière et seigneur de Marcoussis et de Guillerville prez Montlhéry, sçavoir faisons qu'aujourduy est venu pardevant nous Jean Duprez, escuyer soy disant héritier de feu Galais Daulnoy son frère… nous avons mis par ces présentes, mettons en bonne souffrance de mon dit seigneur, d'iceux fiefs mouvants de ce, à cause de sa dite seigneurie de Guillerville… ».

Le mesme Louis comte palatin du Rhin, duc de Bavière et seigneur de Marcoussis et de Boissy (sous S. Yon), vend à Robert Malaufle demeurant à Boissy sous Saint-Yon, la tonture de 25 arpents trois quartiers de bois et terre pour une fois seulement pour la somme de quatre vingt trois francs onze sols parisis, c'est à sçavoir chacun arpent 52 parisis par devant Hugues Marguerite, prévost de Boissy, le dimanche 22 de septembre 1413.

Dans un livre de bazanne rouge, nous trouvons le même Louis comte palatin du Rhin, &c. qui afferme la prévosté de Boissy aux dits Hugues Marguerite et Guillaume Champion pour trois années le 22 septembre 1413, d'un livre couvert de bazanne vert.

Le mesme Louis, comte &c., seigneur de Marcoussis, nous remit la somme de 29 livres 6 sols parisis qui luy estoit deubs pour poisson et bois par son mandement addressé à son receveur de laquelle il donna quittance séparément ainsy « Scachez bien que, je Simon de Harricourt, receveur de Marcoussis, confesse avoir eu et receu de religieuses… en mandement addressant à moy et à Estienne de La Croix à eux octroyé par très noble et puissant seigneur Monseigneur le duc de Bavière » et dont le teneur s'en suit « Louis duc de Bavière, comte palatin du Rhin et seigneur de Marcoussis à nostre receveur… receu avons l'humble supplication de nos très chers et bien amés les Religieux Célestins de la très Saincte Trinité de Marcoussis faisant mention comme il nous plait considérer plusieurs grandes pertes qu'ils ont eu et de plusieurs de leurs maisons à l'occasion des guerres qui depuis six ans ont esté en ce royaume à leur donner et quitter franchement la somme de 29 livres 5 sols parisis en laquelle ils estoient tenus à nous à cause de certain poisson et buches prins par eux en nos estangs et parc de Marcoussis laquelle supplication et requeste nous de nostre grâce espéciale pour la singulière dévotion que nous avons à eux et à leur Eglise leur avons octroyé… le 24e jour d'octobre l'an 1414… et nous tiens pour contre tesmoing mon saing manuel et scel mis à cette cédule le 3e jour de janvier 1414. S de Harricourt ».

L'autre quittance est de mesme excepté ce qui suit le 4e jour de janvier l'an 1414. S. de La Croix. Guillaume le Maçon bourgeois et Marion sa femme, demeurant à Montlhéry et voulant renoncer par devant le prévost dudit Montlhéry à un demy arpent de vigne séant au chantier des Poutiz au lieu que l'on dit le Poirier, chargé envers noble et puissant seigneur Louis comte palatin du Rhin, duc de Bavière et seigneur de Marcoussis et de Guillerville de 2 sols 6 deniers parisis de cens le jour S. Rémy et de 8 sols parisis de rente pour franchise de pressoir le jour S. Martin dhiver au dit lieu de Guillerville sont condamnez à payer les arrérages et obligez à continuer la dite rente tous leurs biens y estant hipothéquez duquel jugement les lettres ont esté expédiées et scellées le 5e jour de may 1415.

Pour finir Pijart déclare « J'ay rapporté tout cecy pour prouver que le dit Louis comte &c. a retenu et jouy de la terre et seigneurie de Marcoussis non obstant le rétablissement de la mémoire de Messire Jean de Montagu, jusqu'à sa mort qui est arrivée dans son château de Bouchain ou Bohain en octobre 1417. Laquelle est depuis retournée à Pierre de Bourbon à cause de sa femme sans autre formalité ».

Notes

(1) L'auteur anonyme du Journal d'un Bourgeois de Paris dit que l'année 1420 vit « tres grant pouvreté de fain ». Un pain que l'on payait ordinairement 4 deniers parisis « coustoit 40 deniers parisis, le sextier de farine 24 francs, le sextier de pois ou de fèves bonnes 20 francs ».

(2) Les gisants de Pierre d'Evreux de Navarre, comte de Mortain (mort en 1412) et de Catherine d'Alençon (morte en 1462), exécuté après la mort du comte, se trouvait sous un enfeu de la chapelle Saint-Jean-l'Evangéliste dans l'église de la Chartreuse de Paris (détruite à la Révolution) sont actuellement conservés au Louvre. Catherine d'Alençon, qui survivra cinquante ans à son mari, se fera représenter en gisant de son vivant, dès 1412/1413.

(3) Le conseil de tutelle fut institué par Charles VI au mois de janvier 1393. Il comprenait, avec la reine Isabeau, les ducs de Berry, de Bourgogne et de Bourbon, et le duc Louis de Bavière.

(4) Plus tard, le 6 avril 1459, le roi Charles VII envoya une ambassade sous la direction de Thierry de Lenoncourt pour reprendre les biens dérobés. « Item, pour ce que le riche duc de Bavière est tenu au roy en grande somme de deniers pour plusieurs bagues et joyaulx, et aussi détient plusieurs belles places qui sont l'éritaige maternel du roy, lesditz bailly et lieutenant remonstreront audit conte Palatin le tort que le duc tient au roy, lequel duc est prochain parent et allyé dudit conte, et ly requèrent que il se veuille emploier par bon moyen ad ce que ledit duc face restitution au roy de ce en quoy il ly est tenu ».

(5) À cette époque, de nombreuses alliances avaient été faites entre les Valois et les branches de la maison de Bavière. Jean de France, né le 31 août 1398, duc de Touraine et de Berri, dauphin de Viennois après son frère Louis, fut marié le 30 juin 1406 à Jacqueline de Bavière, fille unique de Guillaume IV de Bavière, comte de Hainaut et de Hollande. Il meurt de poison à Compiègne, sans enfants, le 5 avril 1416.

(6) Les Cabochiens emmenèrent les dames d'honneur de la reine à la Conciergerie : Catherine de Villiers, Bonne Visconti, Isabeau Maréchal, Marguerite Aubin, Isabeau des Barres. Le même jour, Renaud d'Angennes, chambellan du dauphin et autrefois son gouverneur, Jean de Nielle, chancelier du dauphin, Charles de Villiers, Raoul Cassinel, cousin germain de Jean de Montagu, et Conrad Bayer, maîtres d'hôtel de la reine, Jean Picard, son secrétaire, Jean de Nantouillet, Enguerran de Marcognet et plusieurs autres seigneurs attachés à la maison du roi et du duc de Guyenne furent enfermés à la Conciergerie.

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