Corpus Essonnien

Histoire et patrimoine du département de l'Essonne

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L'église Sainte-Marie-Madeleine de Marcoussis (1) (des origines à 1406)

Chronique du Vieux Marcoussy —————————– —- _————————— Décembre 2009

C. Julien

JP. Dagnot

Cette chronique est la première d'une série donnant l'histoire de l'église Sainte-Marie-Madeleine de Marcoussis. L'histoire de ce monument est complexe et pose encore certaines questions non résolues auxquelles nous essaierons modestement de répondre. Pour sa part, l'auteur de l' Anastase écrivit « et quoyque l'on ne sache point précisément le temps de cet établissement, il est assuré du moins que l'on peut compter son origine du moment que la dévotion des peuples les porta à ériger un autel ou bien une chapelle sous l'invocation de sainte Marie-Madeleine, et à prendre ce miroir de pénitence pour la patronne de leur bourgade ».

Une origine imprécise

Jusqu'à la fin de l'Ancien régime, l'église de Marcoussis a été placée sous une double juridiction ; elle fut à la fois église paroissiale et église prieurale. Cette dualité était due au transfert, à une époque indéterminée, du prieuré de Saint-Vandrille initialement installé au lieu appelé Buison « Bucionem » que les historiens ont identifié à Guillerville, à l'endroit que nous connaissons qui avait pris le nom de La Magdeleine .

Ce transport que nous avons évoqué précédemment dans la chronique intitulée « Le prieuré Saint-Wandrille de Marcoussis » a été décrit par l'abbé Migne dans son Dictionnaire de Géographie Sacrée et Ecclésiastique publié en 1849. Nous en donnons un extrait (p. 215) : Buciona, la terre de Bution, située près de Marcoussis , aujourd'hui du diocèse de Versailles, département de Seine-et-Oise. Lorsque saint Vandrille vint, en 661, trouver Clotaire III, pendant qu'il était dans son château de Palaiseau, situé dans le territoire de Châtres, et qu'il obtint de lui la confirmation du terrain sur lequel il avait fondé son monastère, au-delà de Rouen, un des seigneurs de ce canton, nommé Hartbain, fils d'Erambert, déclara à ce saint abbé qu'il voulait quitter le siècle et se rendre religieux, et lui fit la donation d'une terre nommée Bution, « prœdium aliquod nominé Butionem », dans lequel il bâtit une église et un monastère, où il mit des moines (1).

Dom Mabillon a cru que le lieu où était ce monastère pouvait être Boissy, qui est au bas de la montagne de Saint-Yon, à cause de quelque légère ressemblance du nom; et il a été suivi par Baillet. « Mais lorsque ce savant écrivain fit imprimer la vie de saint Vandrille, il n'avait pas encore connaissance d'un titre de l'an 845, qu'il a donné depuis au public », nous dit le moine bénédictin de Saint-Germain des Prés (2). Le roi Charles le Chauve, énonçant dans un diplôme les biens de l'abbaye de Saint-Vandrille, avec le pays où ils sont situés, met, « in Parisio, Bucionam cum vineola in Marcocincto, Vallodiugam et Tuchilugam villas cum oppendiciola eorum Laom ». En cet endroit, Dom Mabillon reconnaît Marcoussis dans Marcocinctum ; il aurait pu ajouter que Buciona ne devait pas être éloigné qu'il était contigu. En effet, on trouve dans les titres des XIIe et XIIIe siècles, des vestiges de l'ancien domaine dont l'abbaye de Saint-Vandrille a joui, entre Linas et le village de Marcoussis, avant que les guerres eussent obligé cette abbaye d'en accommoder les seigneurs de Linas et ceux de Montlhéry, lesquels depuis cédèrent ou vendirent des portions à divers particuliers (3).

Finalement, nous remarquons qu'aucun auteur ne paraît avoir découvert la véritable histoire de la fondation de l'église de Marcoussis. L'abbé Lebeuf donne l'an 661 pour la venue de saint Vandrille, date reprise par l'abbé Migne qui semble avoir plagié le célèbre historien du diocèse de Paris. Par contre, l'auteur de l'Anastase donne l'an 693. Ajoutons que la charte de l'année 704 s'avère être un faux notoire comme on en créa quelques uns au Moyen-Âge pour justifier des titres de propriété.

Les indices du cartulaire

Nous trouvons, dans le cartulaire de Longpont, quelques indices pour nous aider à définir le temps où Marcoussis apparaît. Plusieurs chartes font allusion à des bien-fonds et droits seigneuriaux usurpés aux moines de Saint-Vandrille dès le haut Moyen-âge. Ce sont des terres et des dîmes situées à Buison « Buisun, Buisien » autrement dit Fontenelle « Fontis, Fontenellas, Funtenellas ». Vers 1100, il est nommé Buisun à l'occasion d'une mine de froment qu'Aymon Aries, moine à Longpont assigna à son monastère. À la même époque, le pâtre Etienne est redevable de 2 sols de cens sur une terre à Fontenelle « de terra Fontis, duos solidos », contiguë de la vigne de Robert de Buisun.

L'usurpation semble avoir été consommée dès le début du XIIe siècle. De toute évidence, à cette époque, les familles aristocratiques avaient trouvé des dîmes inféodées dans leur patrimoine et les possédaient par succession. La majeure partie des restitutions se firent sans l'intermédiaire de l'autorité diocésaine. Les mobiles les plus souvent invoqués étaient la maladie et la crainte d'une mort prochaine. Le legs permettait aux donataires, les moines clunisiens de Longpont, d'intercéder auprès du Ciel pour la tranquillité de l'âme du donateur. La mort des proches pouvait aussi inciter les donateurs à s'assurer des prières des moines.

Un acte important aurait été donné vers 1100. Il s'agit du transport, par Guy de Linas, de toutes les dîmes de Fontenelle au couvent de Longpont « omnem decimam quam apud Funtenellas habebat ». Puisque les dîmes étaient inféodées au profit de la puissante famille de Linas, on peut comprendre que le prieuré de Saint-Vandrille avait été dépossédé de Bution et s'était déjà replié à Marcoussis « Marescaleiæ », devenu « Marcociæ » en latin, où il avait reçu plusieurs biens dont la fameuse vigne mentionnée dans la charte de 854 « in Parisio, Bucionem cum vineola in Marcocincto » . En 1136, le chevalier Guillaume de Guillerville était seigneur du lieu quand il légua 10 deniers de cens à prendre sur un certain Herman à Buisien au profit des moines de Longpont . La nécessité de se mettre en règle avec l'Église incitait les libéralités pieuses au puissant monastère clunisien.

Ainsi les dîmes retournèrent massivement dans les mains de l'Eglise après la réforme grégorienne. La plupart de celles qui avaient été prises dans le temporel de Saint-Vandrille rentrèrent dans des communautés nouvelles, comme Sainte-Marie de Longpont fondée en 1061 ou Notre-Dame des Vaux de Cernay fondée en 1118. Par contre, celles de Guillerville restèrent inféodées jusqu'à la Révolution.

Le territoire du prieuré avait pris le nom de Fontenelle, vocable qui est ainsi nommé dans les chartes de Longpont, puisque étant un toponyme commun. On y voit de nombreuses donations de toutes espèces : terre, vigne, pré, bois, hostises et principalement des dîmes. Ne serait-ce pas les parties du fief de Bution usurpées par ces mêmes donateurs ? Il semble que ce soient les chevaliers de Montlhéry qui forcèrent le prieuré de Saint-Vandrille à s'installer plus en deçà de la vallée de Marcoussis où les moines possédaient la vigne de Marcocincto .

La christianisation du Hurepoix

Avant de continuer plus en avant l'histoire de la paroisse de Marcoussis, arrêtons-nous quelques instants pour évoquer la christianisation du Hurepoix . Tous les historiens s'accordent pour dire qu'à partir du IIIe siècle, saint Yon , en latin Ionius ou Æonius , disciple de saint Denis, prêcha la foi dans le pays du sud parisien, principalement à Châtres, où il bâtit une église, et subit le martyr en 290 par les ordres du præfect Julian . On le fête le 5 août. Du Breul en parle en ces termes « Le mont Sainct-Yon lez Châtres soubs Montlhéry est rendu assez célèbre par l'église dédiée en l'honneur de S. Yon, l'un des premiers martyrs de nos Gaules et des environs de Paris ». Selon ce prélat, saint Yon aurait été ordonné prêtre par saint Denis avec saint Rustic et saint Eleuthère pour annoncer l'Evangile en pays châtrais «… ne mangeant que des herbes et ne buvant que de l'eau, il ne fut pas longtemps qu'il ne convertit tout le peuple à la foy et religion Chrétienne… ».

L'abbé Lebeuf nous parle des reliques conservées en l'église Saint-Clément de Châtres « on y voit sous le grand-autel étant descendu par derrière, une grande chasse couverte d'argent dans laquelle est enfermée une partie considérable du corps de saint Ion, prêtre, compagnon [et] disciple de saint Denis, premier évêque de Paris, et martyrisé dans cette contrée-là… ». Le père Chastelain, chanoine de Paris, donne à entendre dans son Martyrologe Universel, au 5 août, « que la plus grande partie qui reste du corps de ce saint est conservée à Châtres… » ; mais, en réalité il faut lire Corbeil.

Le mot paroisse « parochia » qui désignait la première communauté chrétienne a été utilisé pour définir une aire géographique. Plusieurs paroisses des environs avaient défini, dès le VIIIe siècle, la subdivision de base du diocèse de Paris. Comme nul ne parle de démembrement paroissial à Marcoussis, la paroisse Sainte-Marie-Madeleine ne peut être que primitive. Après la christianisation du Hurepoix, une chapelle mariale, ancien sanctuaire de la déesse-mère des Gaulois, existait non loin de Marcoussis, sur l'emplacement même de l'église actuelle de Longpont. Selon Michel Réale (4), vers l'an mil, elle tombait en ruines après avoir été plusieurs fois reconstruite alors que la chapelle rurale Saint-Barthélemy à Guiperreux était un démembrement de celle de Linas.

L'origine compliquée de la paroisse de Marcoussis pourrait être reliée au début de l'organisation religieuse du royaume franc au travers du démantèlement de la paroisse de Linas. L'abbé Lebeuf nous dit que Louis d'Outremer avait concédé un petit couvent « abbatiolam » dédié à Saint-Médéric au village de Linais, dont dépendaient vingt ménages, lequel fut confirmé par Carloman au IXe siècle. Plus tard, au XIIe siècle, le pouillé du diocèse de Paris désigne Linas comme étant le siège d'un doyenné rural « decanatus de Linais » de l'archidiaconé de Josas .

Au début du XI e siècle, l'Europe occidentale se couvrait d'églises : un blanc manteau d'églises comme il est écrit dans l'œuvre du moine auxerrois Raoul Glaber. Le passage du chroniqueur bourguignon est fort célèbre : « Comme approchait la troisième année qui suivit l'an mil, on vit dans presque toute la terre, mais surtout en Italie et en Gaule, réédifier les bâtiments des églises ; bien que la plupart, fort bien construites, n'en eussent nul besoin, une véritable émulation poussait chaque communauté chrétienne à en avoir une plus somptueuse que celle des voisins. On eut dit que le monde lui-même se secouait pour dépouiller sa vétusté et revêtait de toute part un blanc manteau d'églises. Alors, presque toutes les églises des sièges épiscopaux, celles des monastères consacrées à toutes sortes de saints, et même les petites chapelles des villages, furent reconstruites plus belles par les fidèles ».

Qu'en fut-il pour Marcoussis ? La construction d'un « oratoire » aurait suivi l'évangélisation par saint Yon qui essaima des missionnaires à son tour. L'hypothèse de l'existence d'une chapelle primitive au lieu-dit « Marescalceiæ » doit être considérée.

Selon Perron de Langres

Bien que l'abbé Lebeuf ait dit : « L'autorité du manuscrit françois du Prieuré cité par l'auteur de l'Anastase de Marcoucies n'étant pas assez forte pour nous persuader que ce soit le roi Childebert qui ait bâti à la fin du VIIe siècle l'église de Marcoucies sous le titre de Saint Vandrille… », citons ce qu'écrivit Perron de Langres : « L'an de grâce 693, le roy de France nommé Hildebert si renommé pour son zèle particulier envers l'Eglise et ses ministres donna Marcochies le 20 octobre à Monsieur Saint Bayn adonc abbé de la Fontenelle , et ledit roy fit édifier une église à Marcocies en l'honneur et révérence de Saint Vandrille… ». Voici une controverse qu'il convient d'analyser.

L'auteur de l' Anastase de Marcoussis , prétend donner « une description exacte de la vallée de Marcoussy et de l'église matrice du même lieu, comme aussi de deux beaux prieurez qui sont dans l'enceinte de cette paroisse… » en rapportant la fondation royale de la paroisse. Se référant sans doute à la charte de Longpont de 1201 qui cite des biens au val Herouart , c'est-à-dire la vallée de Marcoussy . « Il y a bien de l'apparence que cette vallée commençant d'avoir des habitants en assez grand nombre l'on y établit une paroisse ou une cure comme dans les autres lieux du diocèse, et quoyque l'on ne sache point précisément le temps de cet établissement, il est assuré du moins que l'on peut compter son origine du moment que la dévotion des peuples les porta à ériger un autel ou bien une chapelle sous l'invocation de sainte Marie-Madeleine, et à prendre ce miroir de pénitence pour la patronne de leur bourgade laquelle en a conservé jusqu'à nos jours de nom de Madeleine ».

Dans l'expression utilisée par les moines de Marcoussis « Marcuciacevo in saltu monasterium Sacrae Triadi struxit », c'est-à-dire “le monastère de la Sainte Trinité édifié dans la clairière de Marcoussis”, Perron de Langres y voit une allusion au lieu où le roi Carloman aurait été blessé à mort au cours d'une partie de chasse. L'auteur de l' Anastase justifie par là-même l'antiquité du val d'Herouard, alias Marcoussy (5).

« Burgo Medio », le bourg du centre

Nous venons d'évoquer le prieuré de Saint-Vandrille à Fontenelle alias Guillerville, mais qu'en était-il de Marcoussis que l'on trouve sous les formes « Marcocincto, Marcociis , Marescolie, Marescalceis, Marchoucies, Marciciis, etc. » dans les documents anciens ?

L'antiquité de Marcoussis, en tant que village, est attestée par de nombreux actes. Plusieurs chartes de Longpont font état d'un peuplement et d'une paroisse à Marcoussis. Tout d'abord, vers 1090, au temps du prieur Henri Brito, un nommé Gumbert de Marcoussis assista au legs de deux arpents de terre à Brétigny par Eudes ; le scribe écrivit « Burco Medio », le bourg du centre, ce qui signifie que la configuration de Marcoussis était déjà distribuée selon plusieurs hameaux. C'est précisément à cet endroit que l'hôte Androld réside « apud Marcocias, in Burgo medio ». Un peu plus tard, nous trouvons Ysembert, sa femme et leurs deux fils Radulf et Herbert cédant une vigne d'un arpent à « Marchociis », le scribe écrit « in eadem villa », dans ce village. L'endroit est donc habité, des masures semblent être agglutinées autour de la chapelle primitive qui dessert la vallée. En effet, le cartulaire de Longpont mentionne les nombreux hameaux ou habitats isolés de la vallée : « Lachieinrem » le Chêne-Rond, « Cavanvilla » Chouanville, « Vallaro » , Vaularron, « Mesniliacum Ansberti » le Mesnil. Vers 1136, un nommé Drogon « Drogo de Marcociis » paie deux deniers à cause de sa terre dans la censive de Jean Paale.

C'est la charte CCXLVII qui répond finalement au questionnement de l'existence d'une paroisse à Marcoussis. Vers 1120, Pierre, curé de Marcoussis « Petro presbitero de Marcociis » se trouve à Longpont quand, en compagnie d'Aymon de Massy, il assiste à la cérémonie de la donation par Adélaïde, femme de Manasse, d'un arpent de vigne dans le clos de Sceaux. Puis, en 1150, quand le prieur Thibaud achète la dîme de Nozay, le chevalier Milon de Marcoussis, seigneur éminent, est présent à Longpont en compagnie du prêtre Albert qui pourrait être le curé de Marcoussis.

Toutefois, il faut remarquer que la bulle de 1142 n'évoque pas directement l'église de Marcoussis bien que dans le même temps le cartulaire de Longpont parle des curés de cette paroisse .

Dans un document de la période de Guillaume de la Vieille , c'est-à-dire du XVIe siècle, au sujet d'une réponse sur des prétentions des moines Célestins sur les dîmes du prieuré, il est mentionné que toutes les dixmes de la paroisse de Marcoussis appartiennent au prieur dudit lieu et sont de la fondation d'icceluy appartenant par les anciens droits “ decima et aumona ” datant de l'an 1041 (noté m°xli). Un diplôme apostolique de l'an 1145 concernant la dîme de Marcoussis est signé “ beatus Eugenius tertius ” (m°c°xlv), enfin une bulle du pape Clément IV de 1267 se rapporte aux droit dîmier de la paroisse « parochia de Marescochies » …. avec la signature « Clemens quartus, m°cc°lxvii ».

Sur le registre des visitations faites en l'an 1298 par Monseigneur l'archidiacre de Josas, il est noté que les dixmes de Marcoussis appartiennent audit prieur et que le curé a son gros. Dans une lettre datée de Montlhéry en 1440, les dixmes sont affermées par un bail accordé à Gervais Gosse.

Les droits honorifiques et le patronage

Au Moyen-Âge, une prérogative féodale était liée de près à l'organisation du culte divin dans les campagnes, nous voulons parler du droit de patronage associé au droit honorifique dans l'église paroissiale. Depuis des temps immémoriaux le patronage comme la présentation de la cure de Marcoussis appartenait au prieur de Saint-Vandrille qui disposait de bénéfices ecclésiastiques assez considérables. De la dualité de la juridiction ecclésiastique paroisse-prieuré, il découlait que :

• le chœur, lieu réservé au clergé, était à la charge du prieur qui en assurait l'entretien,

• la nef, lieu fréquenté par les fidèles était sous la responsabilité de la fabrique, donc à la charge du curé et des paroissiens,

• le prieur, en tant que gros décimateur de la paroisse, s'acquittait d'un « gros » au curé,

• l'évêque de Paris, par l'intermédiaire de l'archidiacre de Josas avait droit de visite,

• le seigneur laïc haut-justicier de Marcoussis ne possédait pas le premier rang des droits honorifiques réservés au patron.

Un Traité des Droits Honorifiques et Utiles , fut publié en 1733 par l'ancien bâtonnier des messieurs les avocats, maître Michel du Perray (6). Selon cet éminent juriste, il existe un premier principe « que celui qui fait édifier une église du consentement de l'évêque, en ait le patronage, qu'il ait le droit de nomination ». Qu'en est-il à Marcoussis ? Le prieuré Saint-Vandrille serait devenu le patron après la translation évoquée plus haut avec l'accord de l'évêque de Paris qui conservait son droit de visite dans la paroisse. Cette hypothèse semble être confirmée par le contentieux ouvert à la fin du XIIe siècle par Maurice de Sully, évêque de Paris de 1160 à 1196 quand celui-ci tenta une récupération du droit de patronage de l'église de Marcoussis (7).

Selon la coutume de Paris, le droit de sépulture, comme celui de banc ou de chapelle était détenu par le patron qui ne pouvait pas le céder, étant considéré suivant la disposition du concile de Meaux comme un temporel annexé au spirituel. Il semble que ce soit l'une des raisons pour lesquelles Jean de Montagu décida de fonder le couvent des Célestins, pour en être le patron, le « fondeur » comme on disait au XVe siècle, et pouvoir y installer la sépulture familiale. Par contre le droit de chapelle appartenant au seigneur haut-justicier celui-ci pouvait le transmettre « perpetuo fideicommissio » puisqu'il était attaché à la terre, au château ou au fief et passait aux possesseurs « cum universitate fundi » de la seigneurie.

L'église de Marcoussis au XIIe siècle

Avant de continuer la chronologie, parlons une nouvelle fois de la dualité paroisse-prieuré qui fut une situation assez commune dans la région :

• à Longpont, la paroisse Saint-Barthélemy partageait l'église avec le prieuré Notre-Dame, cette situation perdura jusqu'à la Révolution.

• à Linas, la paroisse Saint-Vincent s'effaça progressivement devant le chapitre Saint-Merry qui occupa totalement la collégiale.

• à Montlhéry l'église Sainte-Trinité supplanta finalement la paroisse Saint-Pierre au début du XVIIIe siècle.

• à Marcoussis, le phénomène fut inversé puisque la paroisse Sainte-Marie-Madeleine prit le pas sur le prieuré Saint-Vandrille, qui toutefois en garda la présentation jusqu'à la Révolution.

Plusieurs actes du XIIe siècle concernent l'église Sainte-Marie-Madeleine et le prieuré Saint-Vandrille de Marcoussis. Dans un acte du cartulaire de Paris daté de 1122, Girbert, évêque de Paris, confime la fondation de l'église Saint-Denis de la Châtre à Paris « ecclesiam beati Dyonisii de Carcere ». Ce prélat énumère les donations faites par Ansoud le Riche et sa femme Retrude des biens qu'ils possédaient au village de Marcoussis « unum arpentum terre cum omnibus ejudem arpenni consuetudinibus apud villam que dicitur altera Marescalceis, et totam decimam culturarum, quarum villarum altera Marescalceis, altera vocatur Noereiz, quicumque eas culturas excolat sive possideat ». Il s'agit d'un arpent de terre et de toute la dîme de culture tant à Marcoussis qu'à Nozay. Il est précisé que l'église parisienne doit jouir de ses biens en toute quiétude sous la protection paternelle de l'évêque. Encore une fois la dîme inféodée retournait dans le giron d'une église extérieure à Marcoussis.

Sainte Marie-Madeleine par Rogier van der Weyden et par Titien.

En avril 1231, une redevance perçue en la paroisse de Marcoussis au profit du chapitre de Linas est mentionnée dans le cartulaire de l'église Saint-Médéric. Les lettres de l'official de Paris, portent que Pierre « de Platea », chanoine de Cambray, fait donation à l'église Saint-Merry de Linas, pour y fonder sa prébende, de sa maison sise, « prout dicitur, in Brunello » c'est-à-dire le clos Bruneau à Paris, et d'une redevance en la paroisse de Marcoussis, pour fondation de son anniversaire. Dans un acte daté du 7 juillet 1245, la mention de Robert, « chapelain de Marcocys » est portée.

Un diplôme du Saint-Siège daté de 1141 confirme la possession des grosses dîmes, vin et annone, à l'église de Marcoussis « confirmatione romanoy pontificum, Innocœntius secundus, decime Marescocie in vino et annona… ».

Le cartulaire de l'abbaye des Vaux de Cernay mentionne également la paroisse de Marcoussis dans une charte datée en 1156 sous l'abbatiat d'André de Paris. C'est un diplôme confirmatif des biens du monastère par Thibault, évêque de Paris, « Theobaldus, Parisiensis episcopus » ce prélat cite toutes les donations dont celle d'Ours, curé de Marcoussis qui légua un arpent de vigne au lieu-dit Luisant à Montlhéry, à prendre après sa mort « Ursio, clericus de Marcociis arpentum vinee in Lucente , post obitum suum ».

Dans sa bulle datée de Paris le 2 mars 1163, le pape Alexandre III confirmait dans les mêmes termes toutes les donations faites à l'abbaye cistercienne « donationes confirmat et abbatiam Vallium Sarnaii sub sua protectione suscipit » en prodiguant sa protection à l'abbé « son fils André » et à tous les moines. Parmi les nombreux titres, le Saint-Père rappelle le legs du curé de Marcoussis « Ex dono Ursionis clerici, unum arpentum vineæ ».

Le roi Louis VII le Jeune « Ego Lugdovicus, Dei Gratia, Francorum rex et dux Aquitanorum » fut très attentif dans son action de protection de l'Église. Ayant été élevé et éduqué à l'abbaye de Saint-Denis, il avait continué l'œuvre de son père en gardant l'abbé Suger comme premier ministre. Étant dans son palais de Pontoise, le 24 avril 1177, sur la demande d'Ansfred, l'abbé de Saint-Vandrille, le roi confirme une partie des donations faites à l'abbaye, par le roi Childebert à Saint-Bayn, c'est-à-dire le cens et la dîme de Marcoussis dans l'évêché de Paris. Il faut voir dans ces lettres la régularisation de la charte de 704, considérée comme un faux notoire par les historiens. Perron de Langres parle abondamment de cette histoire en nommant le roi « Louis le Piteux » pour une raison inconnue. « Hildebert, donna à l'abbaye de S. Vandrille, Marcoucie, le patronage, dixmes et seigneurie dudit lieu , ce qui fut confirmé par Louis le Piteux l'an 1170, et par Philippes surnommé le Long l'an 1319 ». Cette charte, signée par les officiers royaux dont le sénéchal Thibauld, est donnée en annexe dans l' Anastase où l'on lit « Marcouchies et ecclesiam cum decima et hospitibus », l'église avec les dîmes et hostises.

Une chicane éclata entre l'évêque Maurice de Sully « Mauritius, Dei gratia, Parsiensis episcopus » et le prieur de Saint-Vandrille à propos du droit de présentation à la cure de Marcoussis. Cette action remettait en cause le patronage de l'église de Marcoussis ; on pourrait penser qu'à cette époque, l'épiscopat avait des besoins considérables d'argent pour finir l'édification de la cathédrale de Notre-Dame. À la fin de sa vie en 1196, l'évêque parisien délaisse le droit de présentation de Marcoussis qu'il s'était abusivement arrogé. Ce sont les vicaires épiscopaux qui restituent les droits « Robertus, sancti Victoris abbas, et Reginaldus, sancti Marcelli deecanus … cum itaque Ricardus, prior de Marciciis , ad nos veniens, patronatum ecclesie ejusdem ville et prosentacionem ad se pertinere… ». Un procès-verbal d'installation du curé de Marcoussis, un nommé Simon, est présenté par le prieur Richard.

L'église de Marcoussis aux XIIIe-XIVe siècles

En 1206, Eudes de Sully, successeur de Maurice à l'évêché de Paris, confirme les privilèges de l'église de Marcoussis en précisant l'exemption de la procuration pour la visitation. Les lettres latines mentionnent « monasterium de Vadrevilla habere et possede donacione sue ecclesie de Marchocies… ». Le 26 octobre 1267, dans son diplôme pontifical, Clément IV reprend les mêmes termes, tout en appuyant sur le droit de patronage « in villa de Marescochies ,…et jus patronatus quod in ejusdem vill ecclesia obtinetis » . Son successeur, le bienheureux Grégoire X confirme encore une fois, en 1273, les privilèges de Marcoussis (8) .

Perron de Langres cite l'existence d'un obituaire ou vieux cahier d'obits, « fondez en l'église et paroisse de Marcoussy qui a plus de cinq cens ans d'antiquité » où il est fait mention du décès d'un chevalier nommé Thomas de la Ronce décédé le 19e jour d'avril sans aucune autre chronologie. Ce qui signifie en clair que cet obituaire daterait du XIIe siècle. Dans le même cahier, il est aussi fait mention que Jehanne dame de la Ronce trépassa l'an de Nostre Seigneur 1287, la vigile de Noël, laquelle donna au curé dudit lieu de Marcoussy 40 sols parisis pour célébrer tous les ans une messe à son intention.

Au début du XIVe siècle, la situation économique devint mauvaise, des blocages de la croissance se révèlent aussi à Marcoussis provoqués par la stagnation de la production agricole et la démographie ; la société médiévale est devenue un « monde plein ». En 1304, Guillaume le Douillé écrivait « devant la pauvreté du prieuré de Marcoussis , qui ne peut entretenir qu'un religieux statue que le trésorier du couvent lui versera 30 livres ».

Un texte donné le 10 juillet 1300, concerne le serment que le prêtre de la paroisse Sainte-Marie-Madeleine doit faire au prieur de Marcoussis. À nouveau, en 1306, la confirmation pontificale est donnée au prieur de Marcoussis par le pape Clément V qui s'installa à Avignon en mars 1309.

La fabrique, comme la cure, avait le pouvoir de détenir des droits féodaux et notamment des censives et des rentes issues des donations pieuses. Un prieuré ou un chapitre de chanoines pouvait être seigneur ecclésiastique, gens de mainmorte dont les fiefs étaient amortis par le suzerain, le roi le plus souvent. L'amortissement du prieuré de Marcoussis fut accordé par le roi Philippe V le Long, en novembre 1319.

En 1343, Guillaume de Préaux, sire de Marcoussis, confirme, dans les mêmes termes que Louis VII, les privilèges accordés au prieur de Marcoussis « decima et ecclesiam ». Plusieurs procès opposent alors le seigneur haut-justicier au prieur de Saint-Vandrille ; finalement « ledit sieur de Préaulx reconnoit que le jardin nommé le jardin de la Planche est amorty et renonce au droit de patronage dudit lieu de Marcoussis ».

Simon de la Motte dit dans son manuscrit « en l'an 1349, un nommé Guillaume de Préaux, chevalier, sire de Marcoussis, renonce en faveur des moines de Saint Wandrille au patronage de l'église de Marcoussis et de tous les revenus de dixmes d'icelle et de la prieuré tant pour lui que pour ses hoirs et déclare exempts de la justice tant à l'égard des moines que pour les hommes justiciables ».

Cette affaire va laisser des traces dans la mémoire des ecclésiastiques de Marcoussis qui resteront toujours méfiants envers les agissements des seigneurs laïcs et les accaparements possibles de leur droit de patronage, faisant dire à Simon de la Motte « ce qui peut être suivant la remarque de l'auteur de notre cartulaire ou pancarte a donné lieu à l'opposition que fit le prieur à ce que Messire Jean de Montagu ne fit édifier la nef de son église ».

Nous connaissons le nom de quelques curés de Marcoussis qui vivaient au XIVe siècle : messire Pierre Gaugis est cité dans un titre de l'an 1340, messire Henry Fournier en 1361, messire Nicolas le Gros en 1391. Lors d'une vente à Jean de Montagu, le 22 janvier 1391, c'est Nicolle Legroux, prestre curé qui s'acquitte.

Signalons que Pijart est presque muet sur l'histoire de l'église de Marcoussis, si ce n'est pour dire que vers 1406, « le chasteau, le monastère et le chœur de l'église de S. Vuandrille paroisse dudit Marcoussis à présent la Magdelaine furent bastis en trois ans seulement ». Tandis qu'il donne la date de pose de la première pierre et celle de la dédicace de son monastère, le moine est silencieux sur la construction du chœur de l'église Sainte-Marie Madeleine de Marcoussis.

À suivre…

Notes

(1) L'abbé Lebeuf avait donné une autre version rapportée par un moderne : « il existait au VIIe siècle dans le pays de Châtres, aujourd'hui Arpajon , un domaine appelé Butio que l'abbé Lebeuf, dans son célèbre ouvrage sur le Diocèse de Paris et ses environs, identifie à Villebouzin ». Il semble que cette interprétation soit en contradiction avec la suite relevée dans la monographie de l'instituteur de Marcoussis. En effet, dans son histoire de Marcoussis, Malte-Brun écrivit « une terre, désignée sous le nom de Butio, avait été aliénée par le roi à un certain Hartbain qui, voulant quitter le monde et se faire religieux à Saint-Wandrille, qui se trouvait au pays de Châtres (aujourd'hui Arpajon). Clotaire III confirma cette donation, en 661, pendant son séjour à Palaiseau où le saint abbé s'était rendu près de lui. Or ce lieu, Butio (le buisson) dépendait de la vallée de Marcoussis ainsi que le confirme un diplôme de Charles le Chauve, daté de 845, énumérant tous les biens de l'abbaye de Saint-Wandrille avec les pays où ils étaient situés, et qui dit positivement : in Parisio Buaonam cum vineola in Marcocincto ».

(2) Il est peu probable que cette charte ait été signée en 845, car, après avoir été élu et acclamé par les grands aristocrates du royaume, Charles le Chauve, petit-fils de Charlemagne, reçut l'onction du sacre le mercredi 8 juin 848 à l'église Sainte-Croix d'Orléans des mains de l'archevêque de Sens. Il faudrait mieux lire 854.

(3) Plusieurs auteurs évoquent un diplôme qui aurait été donné en l'an 704 par le roi Childebert III énonçant les multitudes possessions de l'abbaye de Fontenelle au diocèse de Paris. Les chercheurs n'ont accordé aucune créance à ce texte qui est considéré comme un faux produit au XIIe siècle afin de sauvegarder les fiefs secondaires pour lesquels les diplômes anciens avaient disparu.

(4) M. Réale, La Basilique de Longpont (Eds. du Soleil Natal, Étréchy, 1988), p. 17. - Abbé Arthaud, Archives du presbytère de Longpont.

(5) Le mot latin « saltus » peut désigner un terrain boisé, une clairière, un pâturage, une propriété rurale ou un domaine en culture.

(6) Michel du Perray, Traité des Droits Honorifiques et Utiles des Patrons et Curez primitifs (chez Paulus-du-Mesnil, Paris, 1733).

(7) Il faut noter, qu'après le XIIe siècle, la qualité de curé primitif peut cesser dans le cas de partage des cures pour en faire des prieurés à condition d'en payer la portion congrue ou le gros ( 300 livres tournois selon l'ordonnance de 1686).

(8) L'histoire de l'élection de Grégoire X (Théobald Visconti), qui n'était ni prêtre, ni cardinal, mérite d'être citée (1er septembre 1371). Ce pape fut élu après trois ans de vacance du trône de saint Pierre. Excédés par le délai, les citoyens de Viterbe avaient enfermé les cardinaux et les nourrissaient de pain et d'eau. Ces événements sont à l'origine de l'instauration du conclave.

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