Corpus Essonnien

Histoire et patrimoine du département de l'Essonne

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Les seigneurs laïcs de Longjumeau (de Louis VI à la Révolution )

Chronique du Vieux Marcoussy ————————————- _————————-Décembre 2009

C. Julien

Cette chronique présente la suite des seigneurs laïcs de Longjumeau depuis le règne de Louis VI le Gros jusqu'à la chute de la féodalité le 4 août 1789 . De tout temps, les seigneurs de Longjumeau ont été ceux de Chilly, terres qui relevaient de la prévôté de Montlhéry. Dans ce qui suit, nous avons mis l'ordre successif des seigneurs en attribuant un numéro en chiffres romains à partir de Robert de France, comte de Dreux.

Préambule

Les érudits s'accordent à décrire l'origine de Longjumeau dont le toponyme « Nogemellum » donné par le cartulaire de Longpont est formé par les racines Noveo et Mellum employées pour désigner l'implantation d'une celle ou d'un couvent. Nous trouvons les altérations « Noïumeau , Noïomaellum » qui sont devenus Nongemel en langue romane. Le Pouillé de Paris met la paroisse de Montgimel ( ?) en 1270.

Trois grandes périodes peuvent être distinguées quant à la possession par filiation, pour chacune d'elles, de la seigneurie de Chilly et Longjumeau avec un intermède au début du XIVe siècle quand les terres passèrent, pendant une courte période, dans les mains d'Enguerrand de Marigny :

• du XIIe au XVe siècle, les maisons de Dreux, de Bretagne, d'Anjou et de Nemours,

• au XVIe siècle, les Gaillard de Longjumeau,

• du XVIIe siècle à 1789, les marquis Ruzé d'Effiat, les duc de Mazarin et le prince de Monaco.

Signalons également que plusieurs communautés religieuses possédaient des fiefs et des censives à Longjumeau : le prieuré Saint-Éloi, la commanderie des Templiers de Balisy et celle des Hospitaliers de Saint-Jean, le chapitre métropolitain de Paris, les Chartreux de Paris, l'abbaye Saint-Maur-des-Fossés (1) et le prieuré de Longpont qui, entre autres biens possédait toute la dîme du pressoir de Longjumeau « omnis decima tocius vini torcularis de Nogemello » qui avait été donnée par Elisabeth de Chevreuse en 1140.

Le premier seigneur connu de Longjumeau est le chevalier Ansoud de Chailly qui possédait le fief du marché de Longjumeau (2). C'est vers 1125 que le nommé Guillaume, fils d'Ebrard Chosi, légua au prieuré de Longpont deux sols dans la part qu'il avait au marché de Longjumeau « in parte sua in foro Mongemelli », la donation fut accordée par Ansoud, du fief duquel cela était (charte CCL). À la même époque Arnaud de Longjumeau et son fils Duran donnent une demi arpent de vigne à Champlan avec l'accord de son beau-frère Évrard d'Étampes (charte CCXXX).

Les seigneurs de Longjumeau : Louis 1er d'Anjou, Pierre Mauclerc et Louis d'Armagnac.

Les comtes de Dreux

En 1118, à la mort de Milon II de Bray, le roi Louis VI le Gros prit possession de la châtellenie et comté de Montlhéry. À sa mort, en 1137, son fils Louis VII apanagea son jeune frère cadet Robert qui reçut de nombreux biens dont les comtés de Dreux et du Perche et la seigneurie de Chilly et Longjumeau. Ces deux terres étant dans la mouvance du domaine royal, elles furent engagées par le roi qui s'arrogeait du droit de retour à la couronne par rachat ou confiscation. C'est ce que nous allons découvrir par la suite.

I.- Robert 1er de Dreux était marié en premières noces à Agnès de Garlande puis en troisièmes noces à Agnès de Baudement qui lui donna 10 enfants dont deux devinrent des hauts dignitaires de l'Eglise : Henri, évêque d'Orléans, et Philippe, évêque de Beauvais puis archevêque de Reims. Robert avait les titres de comte de Dreux, du Perche et de Braine, seigneur de Chailly et Longjumeau , de Savigny, de Torcy, de Brie-Comte-Robert. Les terres de Braine, de Fère-en-Tardenois, de Quincy, de Pontarcy, de Nesle, de Longueville et de Baudement avaient été apportées en dot par sa femme. Robert fit bâtir un puissant château à Chilly qui fut désormais le siège de la seigneurie. Un acte daté de 1171, rédigé à Calliacum , exempte Saint-Germain-des-Prés du paiement du cens. Il mourut le 11 octobre 1188 à l'âge de 65 ans. Robert II de Dreux succéda à son père au comté de Dreux.

II.- Guillaume de Dreux , quatrième fils de Robert 1 er reçoit, en partage, les terre et seigneurie de Chilly-Longjumeau et de celles de Braye et Torcy (3). Étant mort sans postérité ses biens reviennent à son frère aîné.

III.- Robert II de Dreux , dit le Jeune reprit les seigneuries de Torcy et Chilly-Longjumeau. En secondes noces, il avait épousé, en 1184, Yolande de Coucy qui lui donna 12 enfants. Parmi ceux-ci, nous trouvons Robert III Gasteblé, son successeur au comté de Dreux, Henri, archevêque de Reims et Pierre Mauclerc qui devient comte de Bretagne à cause de sa femme Alix de Bretagne, héritière du comté. Dans un acte daté de 1190, l'abbaye de Sainte-Geneviève lui donne toute la terre qu'elle tenait à Chilly.

Les Bretagne-Lusignan

IV.- Pierre de Dreux , dit Mauclerc , second fils de Robert II, était titré seigneur de Fère-en-Tardenois, de Pontarcy, de Brie-Comte-Robert et de Chilly-Longjumeau. Il a été fait chevalier à Compiègne par le roi Philippe Auguste à la Pentecôte 1209. Il fut l'un des seigneurs qui se liguèrent contre la régente Blanche de Castille mais finit par rendre foy et hommage au roi en novembre 1234. Il épousa, en 1213, Alix comtesse de Bretagne, fille aînée et héritière de Gui de Thouars, comte de Bretagne, à cause de sa femme Constance. Elle mourut le 21 octobre 1221. Avec Pierre de Dreux, la seigneurie de Chilly-Longjumeau entrait, par engagement, dans la famille de Bretagne avec l'accord du roi Louis IX.

V.- Jean 1er le Roux , comte de Bretagne, fils aîné de Pierre Mauclerc, fut armé chevalier à Melun par le roi Louis IX et fit en même temps hommage-lige pour la Bretagne et les seigneuries de la région parisienne. Il avait épousé Blanche de Champagne, fille aînée de Thibaud VI, et en eut 8 enfants. Avec son fils aîné, il suivit le roi à Tunis pour la VIIIe croisade. Il mourut en 1286. C'est son fils Jean II qui devient duc et pair de France par les lettres patentes de 1297 « déclarant que désormais il seroit nommé duc de Bretagne dans les lettres royaux, au lieu que jusques-là, lui & ses prédécesseurs n'y avoient été qualifiez souvent de comtes ». En 1238, Jean 1er dota sa sœur Yolande des comtés de Porhoet et de Penthièvre et des seigneuries de Chilly et de Longjumeau.

VI.- Yolande de Dreux , dite de Bretagne, comtesse de Penthièvre, dame de Fère-en-Tardenois, et de Chilly-Longjumeau fut promise successivement à Richard d'Angleterre, puis Jean de France, mais fut mariée en janvier 1238 à Hugues XI dit le Brun, sire de Lusignan ( Luzignem en vieux français), comte de la Marche et d'Angoulême (v. 1221-v. 1260). Il accompagna Saint-Louis à la croisade de 1248. Il avait chassé l'évêque d'Angoulême, et tout son clergé, en s'emparant des revenus épiscopaux. Saint-Louis soumit cette affaire aux évêques de Cahors et de Limoges, qui condamnèrent le comte à faire amende honorable à l'évêque, couvert d'un sac, et à payer 500 livres .

VII.- Hugues XII de Lusignan était encore mineur à la mort de son père, et était sous la tutelle de sa mère de 1250 à 1256. Il a épousé, le 29 janvier 1253, Jeanne de Fougères, fille et héritière de Raoul II de Fougères, et d'Isabelle de Craon qui lui donna 6 enfants. Il devient seigneur de Fougères du chef de sa femme. En 1270, il prit part à la seconde croisade de Saint-Louis, et y mourut.

VIII.- Hugues XIII de Lusignan , comte de la Marche et d'Angoulême, sire de Lusignan, naquit le 25 juin 1259. Il fit la campagne d'Aragon en 1285. Il avait fait son testament, le 9 août 1283, en faveur de son frère Guy, mais celui-ci ayant pris les armes contre lui, il le déshérita par un nouveau testament, le 12 juin 1297, faisant son héritier son cousin Geoffroy de Lusignan, à défaut son cousin Aymard de Valence, ensuite son neveu Renaud de Pons, puis son cousin Amaury de Craon. Le 20 septembre 1286, il traita avec le chapitre de Notre-Dame la Grande de Poitiers, au sujet de la dîme novale de la paroisse de Chey. En 1301, il céda, au roi Philippe le Bel, la seigneurie de Chilly et Longjumeau, en échange d'autres terres, et lui engagea les seigneuries de Lusignan et les comtés de la Marche et d'Angoulême, pour de grosses sommes d'argent tout en gardant l'usufruit de Longjumeau. Il décéda sans enfants, vers le 11 novembre 1303, et fut inhumé dans l'église des Cordeliers d'Angoulême. Il avait épousé en août 1276, Béatrix de Bourgogne, fille d'Hugues IV, duc de Bourgogne, et de Béatrix de Navarre, sa seconde femme. À la mort d'Hugues, le roi Philippe Le Bel traita avec elle, et réunit les comtés de la Marche et d'Angoulême à la couronne de France.

Longjumeau dans les mains du roi

IX.- Il semble que le roi redistribua la terre de Longjumeau à des officiers de sa maison. Une charte de 1305 nomme Béraud de Mercœur , connétable de Champagne, seigneur de Chilly et Longjumeau. Le même personnage eut par la suite seulement une rente de 700 livres que Philippe le Bel lui assigna sur ces terres.

X.- Philippe le Bel est le prince de l'ordre civil qui, pour financer la guerre de Flandres, n'hésite pas à spolier la noblesse. Ce roi régna avec les légistes aidés par les frères Marigny. Philippe était archevêque de Sens et présida le tribunal qui condamna les Templiers, Jean était évêque de Senlis, et le plus célèbre, Enguerrand, fut trésorier et chambellan du roi « c'était, dit un contemporain, comme un second roi, et tout se faisait à sa volonté ». La seigneurie de Longjumeau fut donnée à Enguerrand de Marigny comme récompense de ses “bons services”. La mort de Philippe le Bel, le 29 novembre 1314, fut le signal de la réaction contre sa politique. Enguerrand fut arrêté sur l'ordre de Louis X le Hutin, répondant à la demande de Charles de Valois ; on porta sur lui vingt-huit articles d'accusation y compris celle d'avoir reçu des pots-de-vin. L'accusateur principal n'était autre que son propre frère cadet, l'évêque Jean de Marigny. Il fut condamné et pendu le 30 avril 1315 au gibet de Montfaucon.

XI.- En mars 1317, le roi Philippe V le Long donne une partie de la seigneurie avec toute la juridiction à Pierre de Vic , le neveu du pape Jean XXII. Chilly et Longjumeau reviennent dans le domaine royal en 1320 par échange de la terre de Villemur-sur-Tarn (4).

XII.- En 1328, Philippe VI de Valois donne en viager Chilly-Longjumeau à Jeanne de Bourgogne , la veuve de Philippe V, qui n'en jouit que peu de temps, étant morte deux ans plus tard (5). Voulant s'attirer les bonnes grâces de la noblesse, le roi redonne la seigneurie de Chilly et Longjumeau au duc Jean III de Bretagne.

Retour aux ducs de Bretagne

XIII.- Jean III de Bretagne , surnommé le Bon , né le 8 mars 1286, était le fils du duc Arthur II de Bretagne et de Marie de Limoges, fille de Gui VI et de Marguerite de Bourgogne (6). Dès son avènement en août 1312, il entame un long procès contre sa belle-mère Yolande de Dreux dont il contestait le mariage avec Arthur (7). Le mariage avec le duc de Bretagne n'avait pas reçu la dispense nécessaire « quoyque parens au quatrième degré » (cf. généalogie des comtes de Dreux). Jean III, fils aîné du premier lit d'Arthus contesta le douaire de sa belle-mère et l'état de ses demi-frères et sœurs. Le pape renvoya l'affaire à un commissaire et Charles de Valois, frère de Philippe le Bel, fit un concordat entre les parties au mois d'avril 1313. Jean III de Bretagne mourut sans enfants le 30 avril 1341. Son testament écartait son demi-frère, le fameux duc de Montfort, fils de la marâtre, au profit de la branche cadette de Penthièvre issu de Gui de Bretagne, son frère cadet. Fidèle au roi Philippe de Valois avec qui il avait combattu à la bataille de Cassel, ce dernier redonna les terres de Chilly et Longjumeau au duc de Bretagne. Jean III les reçut en échange de la seigneurie de Saint-Jean de Beuvron et l'offrit en douaire à sa troisième femme Jeanne de Savoie (8).

XIV.- Jeanne de Penthièvre , surnommée la Boiteuse , nièce de Jean III reçoit la seigneurie de Chilly et Longjumeau à la mort de celui-ci. Elle était la fille de Gui de Bretagne, vicomte de Limoges (1287-1331) et de Jeanne d'Avaugour, comtesse de Penthièvre. Mariée à Charles de Valois, Jeanne revendiqua la Bretagne usurpée par le fils de la comtesse de Montfort-l'Amaury. La querelle provoqua la guerre de succession de Bretagne ou guerre des deux Jeanne , qui fut l'une des causes de la guerre de Cent ans (9). Par le traité du 12 avril 1364 entre Jeanne et son cousin Montfort, celui-ci rétrocéda ses droits qu'il avait à Longjumeau.

Les ducs d'Anjou

XV.- Marie de Châtillon , dite de Blois, fille puînée de Charles de Blois et de Jeanne de Penthièvre est mariée le 9 juillet 1360 à Louis, second fils de Jean II le Bon. Le roi avait apanagé son fils du comté du Maine en 1456 et du duché d'Anjou en 1360 ; il devient chef de la seconde maison capétienne sous le nom de Louis 1er d'Anjou (10). Marie apporte dans sa corbeille de mariage « les terres de Mayenne-la-Juhez, Chilly et Longjumeau près Paris » ; elle prit la tutelle de ses enfants pendant leur minorité après la mort de son mari le 20 septembre 1384. Elle mourut à Angers le 12 novembre 1404. On lui connaît trois enfants : Louis II duc d'Anjou (1377-29 avril 1417), roi de Naples, de Sicile, de Jérusalem et d'Aragon, pair de France, Charles d'Anjou qui suit et Marie d'Anjou qui mourut avant son père.

XVI.- Charles d'Anjou , comte du Maine fut partagé par le testament de son père du comté de Roucy, des terres de Guise, de Chilly et Longjumeau, de plus des comtés d'Etampes, de Guise et de Gien, et de quelques autres seigneuries, en cas que son aîné parvînt à la couronne de Sicile. Il mourut à Angers le 17 mai 1404. Il avait épousé une dame de Saint-Séverin.

XVII.- René d'Anjou (1409-1480), fils de Louis II d'Anjou et de Yolande d'Aragon reçoit la seigneurie de Chilly-Longjumeau de son oncle décédé sans postérité. En qualité de seigneur de Chilly, il unit en 1475 la léproserie au prieuré Saint-Éloi. À sa mort, le 10 juillet 1480, le duché d'Anjou fut saisit par Louis XI.

XVIII.- Charles IV du Maine succéda à son oncle René d'Anjou. Il avait épousé Jeanne de Lorraine-Vaudémont dont il n'eut pas d'enfants. Il fit son testament, le 10 décembre 1481, en faveur de Louis XI et les terres de Chilly et Longjumeau revinrent également à la couronne. Le roi en gratifia Guillaume Picard d'Estellan, bailli de Rouen, pour le récompenser de ses services. À la mort de son père en 1483, Charles VIII rétablit l'ordre des choses et donne les terres jadis tenues par Charles du Maine aux neveux de celui-ci, Jean et Louis d'Armagnac, les enfants de Louise d'Anjou.

XIX.- Louis d'Armagnac , né en 1472, était le fils cadet de Jacques d'Armagnac et de Louise d'Anjou. Prince de la branche des Valois par sa mère, il était qualifié comte de Pardiac, duc de Nemours, comte de Guise et pair de France. Le 3 mars 1483, il obtient du roi Charles VIII par manière de provision avec son frère Jean les terres de Guise, Nouvion, Sablé, Mayenne, Brou, Nogent-le-Rotrou, Montmirail, …, Chilly et Longjumeau, avec une maison au faubourg Saint-Marcel à Paris. Ces biens provenaient de la succession de sa mère Louise d'Anjou et de son oncle Charles, le comte du Maine. Les terres furent depuis laissées à perpétuité par lettres royaux du 20 mars 1491. Le duc de Nemours obtient délai le 9 septembre 1491 de faire hommage des terres de Chilly et Longjumeau, qu'il rendit le 30 septembre de l'année suivante. Armagnac mourut sans postérité au cours de la troisième guerre d'Italie à la bataille de Cérignole le 28 avril 1503 (11). Jean, comte de Briey, bâtard de Lorraine († 1504) lui disputa l'héritage de René d'Anjou en tant que seul héritier de Jean II d'Anjou, fils aîné de ce dernier.

Les Gaillard de Longjumeau

XX.- Michel 1er Gaillard , dont le père s'appelait Mathurin Gaillard, et qui épousa Marguerite Bourdin de Villène d'Assy, avait acquis en 1499 la moitié des seigneuries de Chilly et Longjumeau lors de l'achat qu'il en avait fait de Louis d'Armagnac. Originaire de Blois, cette famille remonte à Mathurin Gaillard, qui partagea, en 1453, avec Guillaume Gaillard, son frère, et acquit la terre de Villemorand (12). Il eut, entr'autres enfants, Michel Gaillard, général des finances de Louis XI, qui lui porta une affection particulière et le fit chevalier de l'ordre du Camail. Ce dernier est connu comme Michel II Gaillard , chevalier et panetier ordinaire du roi François 1 er , qui lui fit épouser, en 1512 à Amboise, sa sœur naturelle, Souveraine d'Angoulême (1490-1551), légitimée à Dijon en 1521. Michel reçut, dans la corbeille de mariage de sa femme, l'autre moitié de Longjumeau et Chailly. Il est alors qualifié de baron de Longjumeau et d'Escrennes, seigneur de Chilly, d'Harlancourt, de Fayet (13). Dans un registre des fiefs de Montlhéry, au chapitre intitulé Chailly, on lit ce qui suit « le chastel, seigneurie et châtellenie de Chailly et Longjumeau, qui jadis fut au roi de Sicile, depuis à Michel Gaillard, fils bâtard du duc de Lorraine, qui avait épousé Souveraine d'Angoulême, sœur bâtarde du roi François 1er , depuis à ses enfants, depuis à M. Martin Rueé, secrétaire des commandements de sa majesté ». Michel II Gaillard décéda le 4 juillet 1531.

XXI.- Michel III Gaillard , fils du précédent, baron de Longjumeau, d'Escrennes et de Chilly, puis baron de Courcy par sa femme, était l'un des plus fervents huguenots de Paris. Il habitait, en 1561, une maison « assise au Prey aux clercs », aujourd'hui rue du Bac. On le soupçonnait d'y tenir des assemblées religieuses, et ce furent vraisemblablement ces soupçons qui motivèrent l'arrêt rendu, le 26 avril, par le Parlement de Paris pour défendre les assemblées et conventicules, le port d'armes et les rassemblements au Pré-aux-Clercs, car l'ordre fut donné en même temps au sieur de Longjumeau de vider sa maison. Attaqué par la populace, il fut aidé par l'avocat Ruzé « qui frappait d'une épée bien tranchante ». En 1562, la ville de Longjumeau a été épargnée par les troupes huguenotes du prince de Condé. Le 23 mars 1568, fut signée la “ paix de Longjumeau ” qui rétablissait l'édit d'Amboise en rendant la liberté de culte aux protestants (14). Il est vrai que Michel Gaillard, seigneur de Chilly-Longjumeau, s'était converti au protestantisme quelques années auparavant. L'église Saint-Martin fut occupée par des protestants et les statues ont été abattues. Devant ces dévastations, le Parlement de Paris avait condamné les longjumellois à remettre en état le presbytère. Il avait épousé Louise Sains dont il eut 12 enfants.

L'abbé Lebeuf nous apprend qu'un factum de Louis Gaillard, sieur du Fayet, évoque la vente, en 1596, par son père Michel de « Chailly et Longjumeau pour la somme de 40.000 écus à Messire Martin Ruzé, secrétaires des Finances du roi », alors que M. de Courcelles écrit dans son Dictionnaire de la Noblesse « la famille [Gaillard] conserva la seigneurie jusqu'en 1616 » (15). Cette assertion semble fausse puisque Martin Ruzé étant mort le 16 novembre 1613, il ne pouvait pas avoir acheté la seigneurie.

Les Ruzé d'Effiat

XXII.- Martin Ruzé de Baulieu (1527-1613), fils de Guillaume Ruzé, seigneur de Beaulieu et de Marie Testu, fut un personnage puissant au temps des Valois et des Bourbons qu'il continua à servir. Il occupa les charges de secrétaire d'Etat sous Henri III, conseiller du roi, secrétaire de ses finances et secrétaire des commandements de la reine-mère (1576), contrôleur de la Chancellerie (1578), grand trésorier des ordres du roi (1589), ministre de la marine, puis ministre de la guerre d'Henri IV. Il possédait de nombreux biens, et entre autres la seigneurie de Beaulieu-en-Touraine, etc. Ayant acheté Chilly et Longjumeau en 1596, le nouveau propriétaire fit abattre le vieux château-fort et le remplaça par une demeure magnifique, dont Jacques Lemercier dirigea la construction. Les plus grands artistes du temps furent chargés de l'orner et réussirent si bien dans leur mission que la demeure fut surnommée le petit Versailles (16). N'ayant pas d'enfant, il institua Antoine Coeffier, son petit-neveu, son héritier à condition de porter le nom et les armes des Ruzé. Toutefois, Martin Ruzé se réserva l'usufruit de la seigneurie.

XXIII.- Antoine II Coeffier de Ruzé , marquis d'Effiat, baron de Massy, seigneur de Chilly et Longjumeau, de Cinq-Mars, chevalier des ordres du roi devient gouverneur et grand bailli de Touraine, et suivit de bonne heure la profession des armes. Il était le fils de Gilbert II Coeffier (ou Coyffier), seigneur d'Effiat, et de Charlotte Gaultier. Gilbert fut député de la province d'Anjou aux État de Blois en 1588, et militaire au temps de la Ligue et connu comme capitaine de 90 hommes d'armes et lieutenant pour le roi au gouvernement de la basse Auvergne. Cette famille était issue d'un gentilhomme auvergnat, Gilbert 1er Coeffier, seigneur d'Effiat, qui avait épousé, en 1545, Bonne Ruzé, la sœur de Martin.

Le marquis d'Effiat est nommé maréchal de France en janvier 1631. Il avait été ambassadeur extraordinaire, en 1624, pour négocier le mariage d'Henriette de France avec Charles 1er d'Angleterre. Il fut nommé, le 16 juin 1626, surintendant des finances dans le gouvernement de Richelieu. Sa fortune est due à son grand-oncle maternel Martin Ruzé qui, l'ayant pris en affection, l'institua son fils adoptif et son héritier universel à condition de porter le nom et les armes de Ruzé. Il avait épousé Marie de Fourcy le 30 septembre 1610, fille de Jean de Fourcy, issu d'une grande famille auvergnate. Alors qu'il secourait l'électeur de Saxe, il mourut le 27 juillet 1632 à Lutzelstein d'une fièvre inflammatoire à l'âge de 51 ans. Le marquis d'Effiat est le père d'Henri Coeffier de Ruzé d'Effiat, favori du roi Louis XIII, plus connu sous le nom de marquis de Cinq-Mars, qui fut exécuté à Lyon le 12 septembre 1642 pour avoir comploté avec les Espagnols contre le cardinal de Richelieu.

XXIV. Marin Ruzé , marquis d'Effiat était le fils aîné du maréchal dont il hérita, en 1632, des terres de Chilly et Longjumeau et de la baronnie de Massy. Il fut lieutenant du roi au « bas païs d'Auvergne ». En 1635, il obtint des lettres pour réunir la terre de Massy au marquisat de Longjumeau. Marié à Isabelle d'Escoubleau, il eut 3 enfants, Antoine, Adrien et Marie, ces deux derniers morts en minorité.

Les seigneurs de Longjumeau : le marquis d'Effiat et le duc de La Melleraye.

XXV. – Antoine III Ruzé d'Effiat , fils du précédent fut marquis d'Effiat, de Chilly et Longjumeau, baron de Massy, de Thury, de Capel, de Croc, de Vaux & de Limagne, seigneur de Gannat, de Vichy, de Montrichard, de Chissé, de la Tour-d 'Argy, de Fougères, etc. Il avait épousé Marie-Anne Olivier, fille de Louis Olivier, marquis de Leuville (1638-1684). Sans postérité, en lui finit la famille d'Effiat. Antoine III Ruzé est mort en 1719, à l'âge de 81 ans au château de Chilly. On peut voir la dalle funéraire du marquis d'Effiat dans l'église Saint-Etienne de Chilly-Mazarin. Tous les titres et qualités, ainsi que les armoiries de ce personnage, ont été bûchées à la Révolution , en 1793, ne laissant que son nom et sa date de décès. Il avait été accusé, sans preuve sérieuse, d'avoir contribué par le poison à la mort de Madame, duchesse d'Orléans. N'ayant pas d'héritier, les biens passèrent dans les mains des ses cousins, les enfants de Marie Ruzé.

XXVI.- Marie Coeffier Ruzé partageait avec son frère Martin des droits à Longjumeau. D'après Pinard elle porta, en 1630, Longjumeau en dot à Charles de La Porte qui prit le titre de marquis de Chilly. Il était cousin de Richelieu. Il fut grand maître de l'artillerie, nommé, en 1639, maréchal de France par Louis XIII. En 1663, un an avant son décès, Louis XIV érigea en duché-pairie ses terres de Partenay et de Gâtine, sous le nom de duché de La Meilleraye , titre que porteront ses héritiers. Marie est décédée en 1632 des suites de ses couches.

Les Mazarin-Durfort

Selon les termes de la substitution de 1609 et du testament de Martin Ruzé, les terres de Chilly et de Longjumeau restaient perpétuellement transmissibles par les aînés mâles puis, au besoin, par les cadets mâles, ou d'autres branches mâles des Ruzé. Ainsi, lors de l'extinction de la branche Ruzé d'Effiat, les terres de Chilly et de Longjumeau auraient dû revenir à leurs cousins Ruzé. Le puissant duc de Mazarin s'en arrangea autrement et favorisa les femmes pour faire entrer sa nièce Hortense Mancini dans les rangs de la noblesse française.

XXVII.- Armand-Charles de La Porte (1632-1713), duc de La Meilleraye , épouse, le 1er mars 1661, Hortense Mancini, nièce de Mazarin. Le cardinal avait mis toute sa fortune dans la corbeille de la jeune mariée dont le comté de Ferrette sous condition que son époux abandonne son nom et ses armes en prenant les noms et titres du cardinal. On dit que la dot se montait à 20 millions de livres. Bien que cette union soit mal assortie, trois enfants sont nés dont le fils Paul-Jules. Finalement, les Mazarin se séparèrent en 1668. Le duc de La Meilleraye possède une fortune considérable, il est comte de Forest, de Betford, de Marle, de Secondigny, de La Fère et baron d'Alkirq et marquis de Montcornet et prince de Château-Portien, pair de France.

XXVIII.- Paul-Jules de La Porte-Mazarin , duc de Mazarin et de Rethel, est le fils d'Armand et d'Hortense. Il épouse en 1685 Félicité de Durfort, fille de Jacques-Henri, duc de Duras, qui lui donna 4 enfants dont Gui-Paul, duc de La Meilleraye. Dès lors, le pays pris le nom de Chilly-Mazarin .

XXIX.- Gui-Paul de La Porte-Mazarin , né le 12 septembre 1701, duc de La Meilleraye , pair de France, mort le 30 janvier 1738. Il épouse, le 5 mai 1717, Louise-Françoise, fille d'Hercule duc de Rohan, morte en 1755. Une fille unique naîtra de cette union.

XXX- Charlotte-Antoinette de La Porte-Mazarin , née le 24 mars 1718, duchesse de Mazarin, épouse, le 1er mai 1733, Emmanuel-Félicité de Durfort, duc de Duras qui fut pair et maréchal de France. Entré aux mousquetaires en 1731, le duc de Duras devient colonel du régiment d'infanterie Puységur par commission du 10 mars 1734, puis colonel du régiment d'Auvergne le 6 mars 1743. Nommé ambassadeur extraordinaire près la cour d'Espagne, en mai 1752, il montra beaucoup d'habileté. Il fut élevé au grade de maréchal de France le 24 mars 1775. Lorsque la Révolution commença à se manifester, le duc de Duras, qui en prévoyait les conséquences, donna des conseils sages et vigoureux. Il mourut à Versailles, le 6 septembre 1789, à l'âge de 74 ans. La duchesse de Mazarin était morte le 6 octobre 1735.

XXXI.- Louise-Jeanne de Durfort (1735-1781), duchesse de Mazarin , fille du duc de Duras, épouse en décembre 1747, Louis-Gui duc d'Aumont (5 août 1732-20octobre 1799) qui fut brigadier, maréchal de camp, lieutenant général (1791). Une fille unique, Louise-Félicité, naît de cette union.

XXXII.- Louise-Félicité d'Aumont , duchesse de Mazarin, née le 22 octobre 1759, duchesse d'Aumont, morte en 1826. Elle épouse, le 15 juillet 1777, Honoré IV Grimaldi, prince de Monaco (1758-1819). Cette union n'a pas donné de postérité et le divorce fut prononcé en 1798.

L'abolition de la féodalité est votée le 4 août 1789 et les seigneuries disparaissent en droit. Depuis lors, parmi les nombreux titres des Grimaldi, princes de Monaco, nous trouvons ceux de marquis de Chilly-Mazarin, comte de Longjumeau et baron de Massy.

Notes

(1) En 1211, le cartulaire de Saint-Maur-des-Fossés marque que le prêtre de Longemel prend de ce couvent une vigne à rente.

(2) Autrefois on disait « Chailly » ; on trouve « Chailly-lès-Lonjumeau » en 1470.

(3) Braye est l'ancien nom de Brie-Comte-Robert.

(4) Pierre de Vic était le fils de Pierre du même nom et de Marie Duèze, la sœur de Jacques devenu pape en 1316, issus d'une famille de la bourgeoisie aisée de Cahors.

(5) Dans son Histoire du canton de Longjumeau , Pinard semble faire une confusion entre la reine Jeanne de Bourgogne, femme de Philippe VI, fille du duc Robert II et d'Agnès de France, qui mourut en 1349 et sa cousine, la reine Jeanne de Bourgogne, veuve de Philippe V, fille d'Othon IV, comte de Bourgogne, et de Mahaut d'Artois, qui mourut le 21 janvier 1330. Chilly et Longjumeau ne pouvaient qu'être attribuées à cette dernière puisque le duc de Bretagne recevant à nouveau ces terres est mort en 1341. Il y a donc une incompatibilité entre les dates. Une autre erreur est introduite par Pinard à propos de la famille de Villiers. En 1534, Claude de Villiers , maître forestier de la forêt de Bière (au lieu de Bièvre, erreur reprise de Lebeuf) , était seigneur de Livry et de Chailly-en-Bière (et non Chilly-Mazarin) . De même pour François de Villiers, époux de Marguerite de Piédefer.

(6) Marguerite de Bourgogne (v. 1239- m. 27 août 1277) était la fille d'Hugues IV, duc de Bourgogne, et de Yolande de Dreux. Devenue veuve, en 1256, de Guillaume III de Mont-Saint-Jean, elle épousa Gui VI, vicomte de Limoges en 1259.

(7) Yolande de Dreux (1263-1322), fille de Robert IV, avait reçut la seigneurie de Montfort-l'Amaury de sa mère Béatrix. Veuve sans enfants, en 1285, du roi d'Écosse Alexandre III, elle se remaria avec le duc de Bretagne en mai 1294. Arthur et Yolande avaient un ancêtre commun au quatrième degré selon le droit canon, le comte Robert II de Dreux.

(8) Bien que marié trois fois, le duc Jean III n'eut pas de postérité. Sa première femme est Isabelle de Valois, fille aînée de Charles de France, comte de Valois et de Marguerite de Sicile, sa première femme, mariée au commencement de 1297, par dispense du pape, mourut en 1309, âgée de 16 ans. De ce fait, Jean III de Bretagne était le beau-frère du roi Philippe VI. Sa deuxième femme est Isabelle de Castille, fille aînée de Sanche IV, du nom, roi de Castille et de Marie de Molina, mariée à Burgos en 1310, mourut le 24 juillet 1328, âgée de 45 ans et fut enterrée dans le chœur de l'abbaye de N.-D. de Prières. Sa troisième femme est Jeanne de Savoie, fille unique d'Edouard, comte de Savoie et Blanche de Bourgogne, mariée dans l'église de Chartres le 21 mars 1329, mourut au château de Vincennes le 22 juin 1344, et fut enterrée aux Cordeliers de Dijon près de sa mère.

(9) La guerre de succession de Bretagne , dite aussi guerre des deux Jeanne (1341-1364), est considérée comme l'une des guerres secondaires qui eurent lieu au cours de la guerre de Cent ans. Le duc Jean III de Bretagne, fils d'Arthus II et de sa première femme Marie de Limoges, meurt sans descendance le 30 avril 1341, malgré trois mariages, avec Isabelle de Valois, Isabelle de Castille et Jeanne de Savoie, n'ayant pas fait de testament. Les prétendants au duché de Bretagne sont son demi-frère Jean IV dit Jean de Monfort , marié à Jeanne de Flandres et sa nièce Jeanne de Bretagne, connue sous le nom de Jeanne de Penthièvre , fille de Gui de Bretagne, mariée à Charles de Blois, neveu du roi Philippe IV de Valois.

(10) Le chroniqueur Jean Froissard prétend que le roi Jean le Bon apanagea ses fils cadets pour contrecarrer les entreprises du roi d'Angleterre, Edouard III, et du roi de Navarre, Charles le Mauvais.

(11) Armagnac est à la tête d'un bataillon composé de 9.000 hommes et de 26 pièces d'artillerie. La bataille se solde par la victoire des Espagnols commandés par Gonzalve de Cordoue.

(12) J.-L. Chalmel, Histoire de la Touraine , depuis la conquête des Gaules jusqu'à la l'année 1790 (chez Fournier Libr., Tours, 1828).

(13) La localité d'Harmancourt se trouve dans la Somme. Fayet est dans l'Aisne, près de Saint-Quentin

(14) Le 23 mars 1568, fut signée la “paix de Longjumeau” qui mit fin à la seconde guerre de religion entre catholiques et protestants. La signature eut lieu à “l'hôtellerie du Dauphin” située dans la Grande-Rue de Longjumeau.

(15) M. de Courcelles, Dictionnaire Universel de la Noblesse de France, t. III (Paris, 1821) ; Eugène et Emile Haag, La France protestante ou vies des protestants français qui se sont fait un nom dans l'histoire (Cherbuliez, Paris, 1855).

(16) Le château a été démoli en 1804 ; des champs cultivés remplacent son parc où l'on admirait des tilleuls étonnants par leur hauteur et l'étendue des leurs rameaux ; il reste un tronçon de canal qui le traversait, les fossés de la première cour et une partie des communs.

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