Corpus Essonnien

Histoire et patrimoine du département de l'Essonne

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Prieuré Saint-Wandrille de Marcoussis (2) (1500 à 1516)

Chronique du Vieux Marcoussy ———————– ———– _————————— Décembre 2009

Diplôme de l'évêque de Paris relatif au prieuré de Marcoussis (1005).

JP. Dagnot

C. Julien

Cette Chronique poursuit le récit commencé pour la période 663-1500 sur le prieuré Saint-Wandrille de Marcoussis. Souvenons-nous que le prieuré de Fontenelle était situé à l'origine du côté de Guillerville et fut déplacé avant l'an mil plus à l'ouest. Nous avions laissé des lieux plus ou moins ruinés par la guerre de Cent ans.

Précédemment, nous avons appris qu'à la fin du XVe siècle, Gervais Gosse curé de Marcoussis, confessait « faire annexe du bail du prieuré ». Puis, en 1497, Dom Montelle était devenu prieur dudit lieu quand un mandement de l'official de Paris touchait ceux qui contestaient les dixmes de Marcoussis. Un mémoire de 1499 dresse l'état du prieuré. Le commissaire parle de « ruyne et décadence pendant l'espasse de soixante ou quatre-vingt ans » et déclare un maigre revenu d'une centaine de livres insuffisant pour la subsistance d'une moine.

La sortie du Moyen Âge permit le renouveau économique du Hurepoix et la reconstruction du prieuré. Ce fut l'œuvre de Guillaume La Vieille, un religieux hors du commun venu de Normandie qui fit face aux embûches de toute sorte.

Les contentieux avec le seigneur haut-justicier

À la fin du XVe siècle, le prieuré de Marcoussis n'avait toujours pas été relevé de ses ruines après tous les dommages causés par les guerres et le passage des troupes tant anglaises que françaises. Le dernier épisode de la bataille du 16 juillet 1465 apporta également son lot de destructions. Succédant à son père Jean VI Malet, Louis de Graville reçoit la seigneurie de Marcoussis. Devenu chambellan du roi Louis XI, dès l'âge de 25 ans, sa puissance et sa fortune ne cesseront de grandir. En 1474, les commissaires royaux lui restituent les terres normandes de ses ancêtres confisquées par les Anglais : Bernay et Sées. Deux ans plus tard le roi lui fait don de la seigneurie de Radeval et le pourvoit dans la charge de capitaine de Pont-de-l'Arche. Il est capitaine de Dieppe en 1480 et devient gouverneur de Rouen. Outre sa haute charge militaire d'amiral de France, Louis de Graville exerçait des fonctions administratives et juridiques (1).

Il est incontestable que Louis Malet de Graville releva la seigneurie de Marcoussis tombée dans la ruine totale. L'amiral ne supportait pas de voir sa terre en état de ruine et notamment la pauvreté de l'église paroissiale et du prieuré laissé à l'abandon « inhabité tant pendant les guerres que aultrement et tellement qui ny avoit que cinq ou six personnes demeurant en ladite paroisse » dit l'administrateur dans son mémoire de 1499.

Le seigneur de Marcoussis considérait que plusieurs des terres de la seigneurie ecclésiastique du prieuré étaient des fiefs dans sa mouvance « donnant d'entendre qu'ils estoient de sa seigneurie et teneur et que non comme il apparoit que les dits fieffes appartenoient audit prieuré ». Le curé Gervais Gosse avait été dans l'impuissance de prouver la propriété de tous les héritages du temporel de Saint-Vandrille. Comme « nul prieur résidait sur le lieu dudit prieuré toute la preuve tous les héritages, cens, rentes, revenus et possessions, immeubles quelconques appartenant audit prieuré » n'avaient pas été déclarés au seigneur éminent. L'amiral était un administrateur et juriste pointilleux, prétendant que « estoit tenu ledit prieur de faire papiers nouveaulx de la recepte et paiements dudit prieuré et si ne pouvoit rien couppé des boys dudit prieuré sans déffricher… ».

Le contentieux dura plusieurs années ; nous assistons à une chicane entre un puissant seigneur, officier éminent du Roi, et un membre du bas clergé à propos de quelques deniers. Mais, l'objet principal était ailleurs. Il s'agissait d'intérêts plus importants : les fameux droits honorifiques dans l'église de Marcoussis que l'ancêtre de l'amiral n'avait pas réussi à attirer à son profit. Loys de Graville s'obstina ; il n'eut pas gain de cause car la puissante abbaye normande était derrière « messire le prieur de Marcoussis ». L'amiral était connu pour être un seigneur procédurier, tous ses voisins l'apprirent à leurs dépens (2) .

Louis de Graville aménagea toute la vallée de Marcoussis en prenant comme exemple l'oeuvre de son ancêtre Jean de Montagu. Outre les travaux civils, l'amiral voulut laisser sa contribution à l'embellissement de l'église paroissiale (3). « Son ego lui commandait d'entrer dans l'histoire », dit un chroniqueur. Il semble qu'il en fut empêché par le patron lui-même, c'est-à-dire le prieur de Saint-Vandrille qui redoutait de perdre ses droits honorifiques et bénéficiers à Marcoussis. Nous avons vu dans les précédentes chroniques sur l'église Sainte-Marie-Madeleine que le patronage était jalousement protégé par le curé primitif, détenant ses prérogatives selon la coutume de Paris. L'amiral n'a pas obtenu l'autorisation de construire une nouvelle nef, partie nommée « capsium » par l'abbé Lebeuf. Seuls, quelques travaux d'embellissement furent effectués ; malgré tout, l'amiral imprima sa marque dans le sanctuaire en plaçant ses armes sur les clés de voûtes. C'est ce qui a fait croire à certains que la nef fut reconstruite du vivant de sa fille, Jeanne de Graville, dame d'Amboise par mariage.

Depuis 1500, les religieux de Saint-Vandrille défendaient leurs dîmes de Marcoussis « de toutes lesquelles feu Gervais Gosse curé de Marcoussis, fermier du prieuré a joy sa vie durant selon bail. Toutes lesdites parchemynures ont esté données par les prédécesseurs dudit Admiral ». Juridiquement l'amiral n'était pas en position de force car le prieur possédait toutes les franchises sur les héritages, l'avocat mentionnant dans son mémoire « les religieux, abbé et convert de l'abbaye de saint Wandrille ont à Marcoussis estant en la fondation royale membre dépendant de ladite abbaye augmentée par les seigneurs dudit lieu de Marcoussis ». En reprenant bien évidemment la fameuse fausse charte de « l'an de grâce 704 accordée par le roy de France nommé Childebert… ».

Il y eut saisie féodale. En l'an 1500, un arrêt de main levée du temporel du prieuré saisi faute par le prieur dudit lieu d'y faire sa résidence, lequel bénéfice ne valloit que 33 livres tournois de revenus. Dans un ancien acte de 1500, vidimé et scellé au XVIIe siècle nous lisons: « par lequel il appert qu'il est exempt du droit de visite envers l'archevesque de Paris ». Une autre feuille mentionnant 1508 dit qu'il s'agit de « l'archidiacre de Paris ». Notons qu'à cette époque Paris n'était qu'un évêché puisque faisant partie de la province de Sens où siégeait un archevêque.

En tout état de cause, c'est la commende « in commendam » qui était attaquée à Marcoussis. Il convient de faire le point. Lors du règlement du conflit des Investitures, en 1122, le nomination des laïcs comme commendataire fut abolie. Vers 1300, Boniface VII admit « qu'un bénéfice qui avait charge d'âmes » - le cas de Marcoussis - pouvait passer en commende pendant un court laps de temps. Le régime de commende reprit de plus belle à l'époque des papes d'Avignon. Ce fut le concordat de Bologne, signé le 18 août 1516 entre le pape Léon X et le représentant de François 1er qui organisa la commende en France.

Le priorat de Guillaume La Vieille

La tourmente de la guerre de Cent ans passée, les prieurs de Saint-Wandrille s'employèrent à relever les ruines et à récupérer les terres prises par les communautés voisines. Les restitutions produisirent des procès dont le curé assurait la charge. Finalement, Pierre Montelle abandonna son bénéfice « per simplicem resignationem » par simple résignation. Guillaume La Vieille fut pourvu du prieuré de Marcoussis (4). Il avait fait ses classes d'administrateur de l'abbaye de Fontenelle au temps du conflit occasionné par la vacance de l'abbatiat. Certains historiens prétendent que ce fut le 6 janvier 1504, mais nous trouvons des actes pour lesquels le prieur Guillaume La Vieille intervient à partir de 1501.

Il semble que sous l'impulsion de l'amiral, les autorités civiles de la châtellenie et comté de Montlhéry prennent des dispositions autoritaires. Prétendant que le prieur négligeait son prieuré, une ordonnance de délaissement avec saisie féodale fut délivrée le 13 mars 1505 par le prévôt de Montlhéry : « Ne faict les reparacions necessaires audit prieuré, .., et edifices tumbent et choient en totalle ruyne et decadence, ne faict les omosnes et bienfaitz ordonnés estre faitz en iceluy prieuré ».

Le nom de Guillaume La Vieille apparaît dans un estimé et supplique par « l'abbé et convert de Saint-Wandrille et Dom Guillaume La Vieille, prieur, du prieuré d'ancienne fondation royale qui comporte tout droit de haulte et moienne justices avec plusieurs maisons, masures, jardins, terres, vignes, homes, hostes … avec l'usage de boys et forests des seigneurs dudit lieu… ». Il s'agit plus que de droits honorifiques, mais des prérogatives de haut-justicier. Le défendeur demande la suppression de la saisie féodale « depuis un certain temps dépossédé des terres droits et privilèges par vos prédécesseurs de leur autorité, demande à vos officiers d'estre cassés !! …. ne voulant aucun procès suit la déclaration des biens ».

L'an 1505 est l'année mentionnée sur la couverture d'un « registre des chartes et escritures du prieur de Saint-Wandrille de Marcoussis faict par Domp Guillaume la Vieille prieur dudit lieu ». Les table et répertoire contenus dans ce présent registre donnent un résumé chronologique très détaillé avec les faux dont celui de « Loys roy de France qui confirme la donation du roy Childebert ». Cette même année voit la sentence rendue au Châtelet contre le curé adjugeant par provision à Dom Guillaume et bénéficier du prieuré de Marcoussis la dixme de ladite paroisse au préjudice du curé « avec lettre d'acquiessement du procès par ledit curé ». Une collation du prieuré est faite la même année.

Un nouvel estimé du prieuré de Marcoussis est établi en 1505. Il est dit que « [le prieuré] a esté pendant l'espasse de lx ou iiii,xx ans en ruynes et décadence tellement que le prieur a esté contraint d'aller demeurer à l'abbaye de Saint-Wandrille dont est ledit prieuré deppendant ». Il est constaté encore une fois qu'il « ny est demeure, maison, granches, estable, ni quelconque autre choze qu'il ne soit venu en ruyne tant pour la journée de Montlhéry dont est contigu ». L'huissier précise que « ledit lieu de petite valleur, jusqu'à ce que dom Guillaume de la Vieille a esté prieur lequel a eu par justice les deux parts des dixmes dudit lieu ».

Le lettre au prévôt de Montlhéry, donnée le 14 mars 1506, rappelle les origines, le bail à ferme et les réparations nécessaires aux édifices tombant à présent en totale ruyne et décadence ; de plus l'officier royal dit que « le prieur absent ne fait pas le service divin ». Quelques semaines plus tard, le 21 juin, Guillaume la Vieille baille toutes les grosses dixmes à Robert Angenoult prestre et à un marchand nommé Jehan Belloy, tous deux demeurant à Marcoussis.

En juillet , devant la prévosté de Paris, s'ouvre un jugement au château du Louvre ou Châtelet de Paris, entre Louis Roussel, prestre, curé de la cure et église paroissiale de Marcoussis, docteur en droit de Paris demandeur et complaignant en cas de saisine d'une part, et frère Guillaume la Vieille, prieur de Marcoussis. Ce dernier a pris la garantie et « deffense en cette partye pour Messire Augemont Léonard et Jehan Bellon, ses fermiers deffenseur, ……, requiert qu'il fut maintenu et mis en possession des dixmes et fruits généraulx tant des novalles que autres venant et croissant en la paroisse de Marcoussis, des menues dixmes et des fruits proffits revenus et émoluments à icelles dixmes, … de les prendre les amasser par luy, les tenir en sa main, ou les bailler… ». Il s'agit bien de toutes les dîmes tant grosses, menue que novales. Apparemment, le procès entre les deux parties vient en appel au Châtelet, juridiction supérieure à celle de Montlhéry. La cause semble gagnée puisqu'une ordonnance mentionne « savoir faisons apparemment adjugeons à frère Guillaume la jouissance durant le procès ».

La gestion du prieuré de Marcoussis en 1508

En 1508, Guillaume poursuit la reconstruction de Marcoussis. À cause du conflit généré par la nomination de l'abbé commendataire de l'abbaye, le prieuré fut l'objet d'une saisie féodale par l'administration royale de Montlhéry « le prieur d'iceluy prieuré ne réside sur ledit prieuré mais le baille à ferme au plus offrant et derrain encherisseur, ne tient religieux pour faire le divin service, ainsi qu'on a accoustumé faire d'ancienneté et aussi le revenu le peult supporter, ne fait les reparacions necessaires audit prieuré, maisons, grandes fermes et meteries d'iceluy [et] église d'iceluy prieuré, maisons, grandes et efifices tumbent et choient en totalle ruyne et decadence, ne fait le somosnes et bienfaitz ordonnés estre faitz en iceluy prieuré ». La charge est lourde pour le prieur qui est accusé « defrauder l'intencion et ordonnance des fondateurs d'iceluy ».

La mainlevée fut obtenue le 19 août 1508 par le Parlement de Paris en présence du prêtre Robert Angenou, du clerc Jean Belon, du marchand-hôtelier Liénard Monestier et du marchand-laboureur Jehan Petit. Le prieur reprenait l'administration de la justice sur tous les gens et toutes les choses qui dépendaient de Marcoussis.

Le même jour, le prieuré fut baillé à ferme pour une période de quatre ans à Antoine Chambaron, lieutenant général du roi à Montlhéry. Il fallait non seulement reconstruire les lieux – les réparations étaient mentionnées comme clauses du bail – mais rétablir tous les droits féodaux : grosses et menues dîmes, rentes, cens, champarts et la justice. Voici les termes du contrat d'affermage « Je, Guillaume la Vieille, religieux de l'abbaye et monastère de Saint-Wandrille et prieur du prieuré de Saint-Wandrille de Marcoussis, confesse avoir baillé à titre de ferme et louage jusqu'à quatre ans et quatre dépouilles, à honorable homme Anthoine Chambaron, lieutenant pour le roy à Montlhéry, c'est à savoir le manoir et domaine de mon prieuré dudit Marcoussis, les maisons, court, colombier, jardin, prez, terres et tous les droits de dixmes tant grosses que menues appartenant audit prieuré avec les rentes … moyennant vingt livres… Ledit Chambaron sera tenu de parfaire la muraille de six pieds de hault… venant du costé devers la maison, gaignant vers le columbier et, depuys ledit columbier jusques à l'autre massonnerie, et y aura une huisserie pour aller de la court au pré ; laquelle muraille sera d'aussi bonne mayière comme l'autre muraille est ». Le fermier du prieur est également tenu « de faire réparer le colombier bien et duement de massonerie à chaulx et sable, le peupler de pigeons … sera tenu de faire dire une basse messe [chaque dimanche] à la dévotion et intention de moy prieur ». Il faudra finir le creusement de la mare, conduire les procès en cours.

Sceau de l'abbaye Saint-Vandrille et signature du prieur Guillaume La Vieille.

Ainsi, nous avons une description précise du prieuré de Marcoussis par les actes établis lors des baux à ferme passés par le nouveau prieur Guillaume La Vieille. L'acte de 1508 confirme que toutes les prérogatives de seigneur ecclésiastique sont recouvrées. Le prieur stipule qu'il possède le droit de colombier réservé au seigneur haut justicier. Tous les droits sont transportés au fermier « sauf réservé le patronage de l'église dudit Marcoussis qui demeure à ma volonté ».

La gestion du prieuré de Marcoussis en 1509

Une requête de 1509 est explicite pour la « haulte justice dudit prieuré de Marcoussis ». Dans sa lettre leu prévôt de Montlhéry ajoute qu'il « supplie humblement le frère prieur de Sainct Wandrille comme à cause de son dit prieuré, entre autres droictz et privileges, il ayt droict de justice [haulte], moienne et basse sur tous les hostes et subgectz, comme il offre vous faire apparoir par titres et enseignemens ».

Dans l'inventaire des biens du prieuré de Marcoussis dressé en 1509, on dispose de « la mesure du jardin, court et granche de Marcoussis » comme suit. « L'an de grâce 1509 fut mesuré-en espasse l'enclos du prieuré de Marcoussis en la présence de dom Guillaume La Vieille , prieur dudit lieu, le 14ème jour d'octobre endit an par maistre Romain Meris, Jehan Berard et Raulin Le Vaige ». L'opération d'arpentage eut lieu le 14 octobre. Le procès-verbal mentionne :

  ledit clos et jardin a, depuys le coullombier jusquez à la rivière, 52 espasses.
  depuis ledit coullombier jusquez au mur devers l'eglise, 47 espasses.
  la largeur dudit clos et jardin depuys la rue de la Planche jusquez à la maison de la vefve du Roux, qui est la largeur dudit clos et jardin vers l'église, a 66 espasses.
  la largeur dudit jardin, par bas, au bout de la riviere, a 75 espasses.
  somme: l'enclos et jardin dudit prieuré a de long, depuys le mur près le cymetière jusquez à la rivière 60 espasses. Et, de large, par hault, vers l'eglise, 66 espassez. Et, de large, par bas, vers ladite rivière, 75 espassez.
  chacune espasse contient III piétz à pié : vallent 420 piés de long. Et par bas, de large, 225 piés. Et par hault, de large, 108 piés.
  la granche dudit lieu, qui a été faicte ceste présente année (1509) par ledit La Vieille , prieur dudit Marcoussis, et a, de long, par dehors, 56 piéz et, de large, en creux, par dedens, 27 piéz, le tout à mesure de pié. Et a cousté ladite granche 100 livres tournois.
  ledit La Vieille a fait haucher la maison de la prieuré, la wys (escalier), les retraictz, les estables, réparer le coullombier et clore tout le prieuré de muraille.
  la court du prieuré de Marcoussis, a, de long, 60 piés, c'est assavoir, depuis le mur devers l'église jusquez au mur qui est vers le pré joingnant à la granche. Et, de large, ladite court a cent dix piés, c'est assavoir, depuys la maison manante jusquez au mur qui est vers la maison Monestier.

« La maison de la prieuré de Marcoussis a 34 piés de long, de pignon en pignon, par dedens, à mon pié, et 23 piés de large de mur en mur, par dedens, le tout de mon pié » . Une note à la fin du procès-verbal précise que « la perche, à la mesure de France, a 18 piés, mesure de Roy; et à l'arpent a cent perches. Les troys arpens vallent deux acres de Normendie. Il y a 4 quartiers à l'arpent ». La lettre du 25 octobre reprécise qu'il convient « de faire et parfaire certaing coullombier estant en ledit prieuré ».

Contestation des dîmes du prieuré

Un nouveau conflit éclata à propos des dîmes du prieuré de Marcoussis, en 1511. Cette fois c'est la puissante communauté de la collégiale de Linas qui s'attaque au redoutable prieur Guillaume. Le 14 octobre, Maistre Guillaume Granchier, doyen et chanoyne de Monsieur Saint-Merry de Linois et comme soi-disant procureur des doyens et chanoines dudit Saint-Merry et se portant fort d'eux d'une part, et vénérable et religieuse personne Domp Guillaume la Vieille, religieux et prieur du prieuré Monsieur Saint-Wandrille de Marcoussis-les-Montlhéry, « en tant que à luy touche seulement d'autre part, disant comme procès fust mené par devant le prévost de Montlhéry où son lieutenant entre les deux parties disoient maintenant que toutes les dixmes des grains venant et croissant en la paroisse dudit Lynois et appartenances d'icelles avoient jouy eulx et les prédécesseurs ».

Il semble que ce droit dîmier assis sur le terroir de la paroisse de Linas soit un vieux droit qui proviendrait du temps où le prieuré de Fontenelle était établi à l'entrée de la vallée de Marcoussis. Les attendus du procès décrivent exactement le canton dîmier contesté : « depuis le lieu chemin où sont assises les deux croix en allant du pont fermé et dudit pont en allant en hault au grand chemin soulloit avoir un chesne nommé le chesne Saint-Ladre , assis dedans le pré auxdits administrateurs dudit Saint-Ladre de Montlhéry, et mesme… des dixmes venant et croissant au clos appartenant aux dits administrateurs de Saint-Ladre ou estoit ledit chesne dessus en ensuyvant ledit grand chemin qui tend de la Roue au lieu et fief nommé Mortemer, et dudit lieu de Mortemer en allant contremont selon un chemin du roy qui tend dudit Mortemer aux terres du Fay ». Et ledit prieur de Marcoussis disait au contraire « qu'il avoit jouy luy et ses prédécesseurs des dixmes venant et croissant audit clos de Saint-Ladre en allant tout droit contremont aux Castignerois appartenant aux hospitaliers Saint-Jehan de Latran de Paris, et de là en allant jusqu'aux prés du Fay au long des Castignoys et bois Sainte-Katherine du Val des Escolliers de Paris ».

Ainsi, on devine toutes les communautés religieuses mises en jeu dans cette chicane : le prieuré de Marcoussis, les chanoines de Linas, la léproserie Saint Lazare de Montlhéry, le prieuré Sainte-Catherine du Val des Escolliers de Paris et la commanderie Saint-Jehan de Latran de Paris, tous possédant des héritages à Linas. Ces environs seront également décrits lors des chroniques sur Bellejame et Chenanville.

Un arrangement est trouvé « Néanmoins , pour avoir paix et nourrir et amour ensemble quy sont tous gens de raison et voisins eulx conseillers et gens sages, et pour éviter procés … c'est à savoir due le chapitre aura toutes les dixmes depuys le chemin desdites deux croix en ensuyvant le chemin jusqu'au pont fermé de vers Linois et dudit pont fermé en allant en hault au grand chemin qui tend de la Roue audit chemin Saint-Ladre, assis dedans le pré appartenant auxdits administrateurs, et ledit prieur aura les dixmes depuis le chesne et chemin allant tout droit au fief de Mortemer et dudit mortemer en allant par le chemin ancien jusqu'aux prés appelés les prés Pierre de Goutes, .., et depuys en allant dudit pré le long des boys Sainte-Katherine jusqu'à un chesne appelé le gros chêne et de ce gros chêne jusqu'aux mares du Fay du côte de Linois …. resteront au chapitre ».

La raison du plus fort est toujours la meilleure (La Fontaine).

La gestion du prieuré de Marcoussis en 1509

Des extraits de l'aveu et dénombrement sont baillés en la chambre des comptes de Paris les 28 juin 1511 et 12 octobre 1510. Les religieux de Marcoussis déclarent : « qu'il leur appartient un prieuré, manoir, maison, vignes, terres, jardins, dixmes, noblesse de fief, court, et usage en haute, basse et moienne justice avec le pronage de l'église , grange, colombier et autres édifices, prendre du mort boys ».

Un acte décrit les actes précédents : « une page de parchemin concernant l'adveu et denombrement baillé du roy nostre sire par les religieux abbé et convers de Saint-Wandrille, des lieux, fiefs, baronyes, terres et seigneuries diceulx appartenances assis en plusieurs baillages, prévosté et vicomté contient six feuillets escripts signés Bègue duquel estoit attaché certain mandement de la chambre des comptes de Paris sous leur signet le 27 juin 1511 signé Bègue. Duquel raye a esté extrait par moy de la requeste dudit prieur estoit escript ce qui ensuit : item à Marcoussis près Montlhéry nous avons un prieuré auquel y a manoir, maison, …. noblesse de fief, prônage de l'église dudit lieu ». À la fin nous lisons « fait le douzième jour d'octobre mil cinq cen dix ».

En 1512, une lettre du roy est obtenue par le prieur en forme de mandement « qui deffend à toute personne de troubler ledit prieur dans la gestion de la juridiction dépendante dudit bénéfice » . Une autre feuille décrit la haute justice dudit prieuré. Au même moment, une transaction entre les chanoines de Saint-Merry et le prieur de Marcoussis est passée en faveur de la discorde entre les parties pour des dixmes nommées les « dixmes de Lynois » que chacun d'iceux disoient leur appartenir par laquelle transaction, il est arrêté que ledit prieur de Marcoussis jouyra desdites dixmes depuis un chesne et un chemin en allant tout droit au fief de Mortemer et dudit fief en allant par le chemin ancien jusqu'aux prés appelés le pré de Pierre de Goutte desquels pré et terres, les fruits demeureront audit prieur les dixmes pour lui et ses successeurs.

Les chicanes entre le prieur et le seigneur de Marcoussis ne sont pas éteintes. Le 25 janvier 1513, à l'instance et requeste de Dom Guillaume la Vieille, …, trésorier et chambrier de Saint-Wandrille, devant le lieutenant en la vicomté de Caudebec, se transportant en l'abbaye, en raison du procès pendant au Châtelet avec le seigneur de Graville pour des extraits de registres de ladite abbaye, deulx cayers contenant forme de dénombrement baillé du roy du temporel de ladite abbaye: Il s'agit des titres anciens du prieuré de Marcoussis :

  le premier rédigé en 1392. À Marcoussis-prez-Montlhéry, les prieur, religieux et convers ont ung prieuré, terres, rentes, jardins, dixmes, noblesse de fief, cour et usage, le prônage de l'église avec les services, redevances, franchises, libertés er seigneuries…
  le second écrit en 1454. À Marcoussis-prez-Montlhéry, nous avons et nous appartient ung prieuré dont les maisons sont chenes (?) en ruyne décadence à l'occasion de la guerre et si y avons terres, jardins, dixmes...
  ung livre en latin par apparence faict d'ancienneté et en fort vieille escripture intitulé registre de possessions antiques abbaties Fontenelle «  monarchi Fontenellensis habent apud Marchocies, item habent prioratu xxxv arpenta terre arabilis cum hospittibiz ». Ce qui signifie que les moines de Fontenelle possèdent un prieuré avec 35 arpents de terre avec les hôtes à Marcoussis. La charte précise que le prieuré détient les dixmes grosse et menues dans le «  Valle Heroart  ».

desquels dénombrements et vieil livre ont esté extraits les articles cy dessus.

Les droits de seigneurie ecclésiastique

Une nouvelle fois, le droit de seigneur haut justicier est contesté au prieuré Saint-Vandrille. Il faut dire qu'il n'est pas commun de trouver deux seigneurs hauts justiciers dans la même paroisse. Louis de Graville par l'intermédiaire du prévôt de Montlhéry et le prieur Guillaume s'affrontent encore.

Une supplique est faite par Guillaume de la Vieille le 28 septembre 1512, à cause de son prieuré Saint-Wandrille de Marcoussis, entre autres droits et privilèges « qu'il ait droit de justice haulte moienne et basse sur tous ses hostes et suggects comme il offre vous faire avoir par tiltres et enseignements et soit aussi que depuys certain temps, en va au moien de ce que le pays a esté en ruyne et décadence, inhabité et non peuplé de gens, le dit suppliant que ses prédécesseurs nont joy dudit droit de justice qui ressorti par devant vous par appel pour doulte ledit suppliant que si à présent il faisoit exercer ladite justice sans vraie ..? que vous ne voulussiez empescher .? ses officiers ces choses considérez il vous plaise luy délivrez ladite justice telle que ses prédécesseurs l'avoient du temps passé et qu'il vous fera savoir par bons tiltres et enseignements et au bas estoit escript soit permis du procureur du roy…

La réponse du prevôt de Montlhéry du 1er octobre suivant est envoyée au religieux prieur du prieuré Saint-Wandrille qui a exposé que à cause de la fondation et dotation d'icelluy exposait à tout droit de justice haulte moienne et basse audit lieu, ladite haulte justice obstant que par cy-devant elle n'a esté exercée au moyen de ce que icelluy prieuré a esté par aucun temps en ruyne, inhabité et les droits d'icelluy en non valloir tant au moyen des guerres que aussi les tiltres et enseignements estoient esgarez et à cette cause ledit exposant qui a reconnu ou espère de recouvrer les tiltres et enseignements saisis mention d'icelle haulte justice doubte que si de présent il la voulloit exercer par ses officiers il en serait empeschez sans voir obtenu nos lettres de provision.

Le coup est rude pour le reconstructeur du prieuré. La justice féodale est inflexible, même avec les ecclésiastiques. Guillaume la Vieille est débouté puisqu'il est dans l'impossibilité de donner des titres.

Le bail « de la prieuré » est passé en 1512 à Anthoine Chambaron moyennant cinq muyds et demy de grains. À la fin de l'année, Dom Guillaume la Vieille, prieur et trésorier de l'abbaye Saint-Wandrille donne confirmation de papiers au seigneur de Graville ; ceux-ci concernent les appartenances du prieuré à Marcoussis.

Le 5 juin 1513, un nouvel acte est produit par le prieur Guillaume la Vieille… « nous a esté exposé en complaignant que les dixmes des fruits venant et croissants en la paroisse de Marcoussis, ont luy et ses prédécesseurs prieurs toujours jouy et usé à tout le moins de deux parts dont les trois font le tout… ». Puis, des lettres du roy portent que « Dom Guillaume la Vieille , ancien religieux de l'abbaye de Saint-Wandrille, est maintenu en qualité de prieur de Marcoussis à la perception de deux tiers de dixme, de ladite paroisse au préjudice du curé ».

Le 13 septembre 1513, un nommé Etienne, fermier du prieuré de la Madeleine de Marcoussis, est condamné au profit des Célestins de Marcoussis. La sentence « par laquelle il est condamné a restitué les gerbes par lui enlevées sur les profits de dixmes et cens ». En 1514, une transaction est passée entre le curé et le prieur par laquelle le curé consent et accorde que le prieur jouisse des deux tiers de la dixme à cause du prieuré dépendant de l'abbaye.

Le bail du prieuré de Marcoussis est passé au curé en 1514. Nous donnons un extrait de l'acte d'affermage : « entre religieuse et honneste personne frère Guillaume de la Vieille, prestre prieur de Saint-Wandrille de Marcoussis, aultrement dit la Magdeleine, membre deppandant de l'abbaye Saint-Wandrille au diocèse de Rouen, lequel délaisse, à titre de ferme et pension d'argent, jusqu'à douze ans, à vénérable personne messire Jehan Musnier, prestre curé dudit lieu de Marcoussis, c'est à savoir ledit prieuré, comprenant maison, court, granche, jardins, fosses à poissons, coullombier avec pied, avec prés moyennant quarante livres tournois, ensemble deux parts de dixmes grosses menues et novalles appartenant au prieur et le tiers au curé ». Un autre acte est établi le même jour par le prieur Guillaume, pour cause de la dotation et fondation de son dit prieuré il avoit plusieurs baux droits et entre autres que toutes les dixmes grosses et menues, fait accord avec le curé pour cueillir dans la grange du prieuré l'ensemble et diviser lorsqu'elles seront battues et sera tenu ledit prieur de paier les deux parts de frais et le curé le tiers. Il est fait mention, dans la transaction, de l'accord avec le chapitre de Linois et des limites vers Bellejame.

Les années 1515-1516 voient des changements politiques tant à Marcoussis que dans tout le royaume. L'amiral Loys de Graville qui s'était retiré dans sa terre de Marcoussis est mort au château le 30 octobre 1516. Selon l'usage sa dépouille fut déposée dans trois églises : son corps fut porté au couvent des Pères Cordeliers de Malesherbes, qu'il avait fondé, son cœur fut confié aux chanoines réguliers de Graville, en Normandie, et ses entrailles furent déposées dans l'église du couvent des Célestins de Marcoussis. Louis XII décéda le 1er janvier 1515 et fut porté selon la coutume dans la nécropole de Saint-Denis. Un autre monde était né, celui du règne flamboyant de François 1 er .

Des allusions contestables

Plusieurs auteurs, dont Malte-Brun ont laissé entendre que suite aux difficultés pécuniaires du prieuré Saint-Wandrille, le bénéfice de celui-ci avait été laissé au couvent voisin des Célestins. Citons d'abord l'historien de Marcoussis « Les abbés de la célèbre abbaye normande avaient, depuis la guerre des Anglais, beaucoup négligé cet écart éloigné de leur riche domaine, et les dîmes que les prieurs de Marcoussis prélevaient dans le village suffisaient à peine à leur entretien ; d'ailleurs les religieux Célestins, dont le monastère était si souvent l'objet des bienfaits du seigneur du lieu, avaient hérité de l'importance passée du prieuré dont les titulaires se bornaient à défendre vivement leurs droits à la cure paroissiale et à exercer les fonctions sacerdotales ».

Dans son ouvrage contemporain, Henri Germain est beaucoup plus catégorique que son aîné. Il nous dit d'abord qu'après la mort du prieur Guillaume La Vieille, le prieuré de Marcoussis passa dans les mains « d'un prieur commendataire Pierre Julien, ami des Célestins de Marcoussis, qui se fit enterrer dans leur église ». Et d'ajouter d'une façon péremptoire « C'est peut-être à ce moment que le prieuré de Marcoussis passa aux Célestins ». Cette erreur semble avoir été introduite au XVIIe siècle par Dom Alexis Bréard, historiographe de l'abbaye Saint-Wandrille et reprise dans les Mémoires dressés pour l'instruction du duc de Bourgogne (5). Dans le mémoire de l'intendant de la Généralité de Paris dressant la liste des prieurés d'hommes du diocèse de Paris, nous lisons « Le prieuré de Marcoussis est uni à la Communauté des Célestins du lieu ; ils ont 15.500 livres tournois de rente ; ils sont vingt-deux religieux ».

La preuve du contraire est éclatante comme nous allons le développer par la suite. D'ailleurs, en 1699, l'abbé Bourguignon signe les actes paroissiaux en tant que « prestre, curé et prieur ».

À suivre…

Notes

(1) Eduqué par ses oncles maternels Louis de Graville avait une double formation, militaire et juriste. Il fit ses humanités au collège de Montaigu à Paris. Il instruisit le procès de Jacques d'Armagnac, duc de Nemours décapité en 1477. Il fut employé dans les négociations qui menèrent le roi René à abandonner l'Anjou et de préparer le rattachement de la Provence à la Couronne. Louis de Graville fut un serviteur dévoué de trois rois : Louis XI, Charles VIII et Louis XII.

(2) P.M. Perret, Notice Bibliographique de l'amiral Louis Malet de Graville (chez A. Picard, Paris, 1889).

(3) Vers 1490, Louis Malet de Graville engage la reconstruction de la collégiale Notre-Dame de l'Assomption de Milly. Le chœur et la nef édifiés dans le style gothique flamboyant sont inaugurés en 1495. C'est aussi en 1494 que Graville fonda à Malesherbes un couvent dédié à Notre-Dame-de-Pitié et desservi par les Cordeliers. La fondation fut confirmée en 1495 par le pape, mais ce ne fut qu'en 1496, que l'archevêque d'Orléans, Tristan de Salazar, autorisa la pose de la première pierre.

(4) Natif de Basse-Normandie, Guillaume La Vieille (†1531) fut « escolier » de l'Université de Paris, prêtre et administrateur de l'abbaye de Fontenelle. Le prieur de Marcoussis était pourvu d'autres bénéfices : le prieuré de N.-D. de Chauffour en 1514, la cure de Millebosc en 1519, celle de Saint-Michel-de-Hérouville en 1525 et une charge de notaire apostolique en 1528.

(5) Revue d'histoire de l'Eglise de France , vol. 3 (1912) pp. 246-248. – A.-M. de Boislile, Mémoires des Intendants sur l'État des Généralités dressés pour l'Instruction du Duc de Bourgogne (Impr. Nat., Paris, 1881) page 33.

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