Corpus Essonnien

Histoire et patrimoine du département de l'Essonne

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Le prieuré Notre-Dame de Longpont (III. Chartes de Philippe Auguste)

Chronique du Vieux Marcoussy ———————————————————————Janvier 2010 ————————— _——————————

Vue de Montlhéry depuis les bords de l'Orge à Longpont (1) . C.Julien

Cette chronique est le troisième volet de la série de textes qui exposent les chartes du prieuré Notre-Dame de Longpont. Nous avons appris précédemment que le Prieuré de Longpont, grâce à ses puissants patrons, avait grandi rapidement en richesse et en importance. Pour des raisons historiques, trois cartulaires fournissent les abondantes preuves du XIe au XIIIe siècle dont deux sont des copies des titres vidimées au XVIIIe siècle.

Chartes inédites des rois de France (1140- 1207)

Cinq chartes inédites, quatre de Philippe-Auguste et une de la mère de ce roi, Adèle de Champagne, ont été transcrites en 1909 par Henri Omont qui les publia dans le Bulletin de la Société de l'Histoire de Paris et de l'Île-de-France, vol 36 . Selon l'auteur, ces textes en langue latine sont « empruntées à trois cartulaires de la région de l'Île-de-France, exilés depuis près d'un siècle en Angleterre, à Middlehill, puis à Cheltenham, dans la bibliothèque de sir Thomas Phillipps, et récemment entrés dans les collections de la Bibliothèque nationale ». Deux autres chartes du roi Louis VII les accompagnent, elles concernent des Commanderies Templières de l'Oise (2).

Trois chartes de Philippe II qui concernent le prieuré de Longpont, ont été données au commencement de son règne. La première, datée de 1181, accueille une plainte des habitants de Montlhéry contre la garnison du château. La seconde approuve, en 1183, une donation faite aux religieux de Longpont par Béatrix et Agathe de Pierrefonds. La troisième confirme, en 1204, la donation en faveur du même prieuré d'une dîme sise à Marolles-en-Hurepoix.

La dernière pièce publiée dans une prochaine chronique émane d'Adèle de Champagne, mère de Philippe-Auguste, en présence de laquelle deux juifs et une juive, Salomon, Salemin et « Judeola », donnent quittance générale de ce qui leur était dû par les religieux de Longpont. L'acte fut donné en 1201, au Temple, à Paris.

Ces chartes font partie du Cartulaire (II) de Longpont , conservé de nos jours à la Bibliothèque nationale de France (BnF) sous la cote 932 des Nouvelles acquisitions latines (cf. Chronique N°I de cette série sur le prieuré de Longpont).

Le droit de fourrage des habitants de Montlhéry

Cette charte XX du second cartulaire de Longpont fut donnée par Philippe II Auguste en faveur du prieuré de Longpont. Elle a reçu le titre de « Littere constitutionis regis Francie pro hominibus de Monte Letherico ». Elle fut donnée dans toutes les formes juridiques par le jeune roi qui résidait alors avec la cour à Fontainebleau. Voici le texte intégral transcrit par Henri Omont du Mss. n.a.lat. 932.

« In nomine sancte et individue Trinitatis. Amen. Philippus, Dei gratia Francie rex. Regie interest majestatis sicut bonas regni sui consuetudines illesas conservare, ita et pravas abolere. Noverint, ideo universi presentes pariter et futuri quod homines de Monte Letherieo nostram adierunt presenciam, conquerentes super quadam prava consuetudine que marchocia apellabatur , videlicet quod milites castellanie Montis Letherici toto mense maii herbam pratorum, que protenduntur a castris usque ad Villam Moison, supra rippas Urgie, secabant et in usus suos transferebant, ita ut sepiissime contingeret quemlibet illorum hominum herba. sua tempore fenationum destitui.

« Hanc itaque consuetudinem·rationi penitus contrariam attendentes, equitatis instintu et predictorum hominum supplicatione commoti, prata pretaxata ab hac detestabili consuetudine, salvo jure regio, absolvimus et tante injurie immunia esse precepimus, precepto nostro adicientes, ut si quis de cetero, nomine illius consuetudinis in dicta prata manum miserit, periculum tam corporis quam pecunie ad nostrum incurrat arbitrium. Quod ut in posterum stabile inconcussumque permaneat, presentem paginam sigilli nostri auctoritate ac regii nominis karactere inferius annotato precepimus communiri.

«Auctum apud Fontem Blaaudi, anno incarnationis verbi M° C° LXXXI°, regni nostri anno secundo, astantibus in palacio nostro quorum nomina supposita sunt et signa : S. comitis Teobaudi, dapiferi nostri. S. Guidonis buticularii. Signum Mathei camerarii. Signum Radulphi constabularii. Data per manum Hu-[Monogramme]gonis cancellarii ».

Nous en donnons la traduction.

« Au nom de la Sainte et Indivisible Trinité. Amen. Philippe par la grâce de Dieu roi de France. Il importe à sa royale majesté comme agissant en bon roi à la préservation de ces coutumes toutes les fois qu'elles seraient abolies à tord.

« Pour cette raison, tous tant les présents que les futurs auront pris connaissance que les habitants de Montlhéry se sont adressés à nous pour se plaindre sur l'attaque de l'usage appelé droit de fourrage. À savoir que les chevaliers de la châtellenie de Montlhéry s'approprient l'herbe qui peut-être coupée dans les prairies qui s'étendent sur les bords de l'Orge depuis Chastres jusqu'à Villemoisson. Et pour leur usage que tous les empêchements soient abrogés pour que les habitants aient le loisir de prendre l'herbe au temps de la fenaison (3) .

« Dans ces conditions, nos serons tout à fait attentif à considérer des actes hostiles aux coutumes ; les habitants susdits et les cavaliers supplient humblement avec émotion, car il est détestable de reprendre les usages des prairies, que Sa Majesté à juste titre les dégagent de tant d'injustice et les dispense de tomber dans le malheur, de dire en outre son opinion, de la manière qu'il soit désigner celle des coutumes dans les prés susdits seront mises dans leurs mains ; il y aurait péril tant corporel que pécuniaire suite à un arbitrage confus. Que pour consolider fermement et pour toujours, par l'apposition de notre sceau et par le monogramme du nom royal tracé ci-dessous nous corroborons le présent acte de notre autorité.

« Acte fait à Fontainebleau, l'an de l'Incarnation de notre seigneur 1181, deuxième année de notre règne.

« Etant présents dans notre palais ceux dont les noms et les souscriptions suivent. Souscription du comte Thibaud, notre sénéchal. S. de Gui, bouteiller. S. de Mathieu, chambrier. S. de Raoul, connétable. Donné par la main de Hugues, chancelier.

Charte de Philippe Auguste avec son monogramme.

Seigneur, juge et roi : Philippe Auguste confirme après enquête le droits de fourrage des habitants de Montlhéry qui avaient porté plainte contre les chevaliers de la garnison. Le roi donne satisfaction à ses sujets, d'autant que le droit, dont il est question avait, été donné, plus d'un siècle plus tôt, au prieuré de Longpont par Guy, fils de Thibaud File-Etoupe, fondateur de la maison de Montlhéry.

La charte est datée de 1181, alors que Philippe II, surnommé Dieudonné puis Auguste, était âgé de 16 ans. Il avait été sacré en la cathédrale de Reims le 1er novembre 1179 et monta sur le trône à l'âge de 15 ans à la mort de son père Louis VIII le Jeune le 18 septembre 1180.

Le diplôme royal mentionne un droit d'usage et de coutume appelé « marchocia ». Dans son glossaire latin, aux mots Marcocia et Marcouceia , Charles Du Cange fait correspondre une prairie où on élève et nourrit des chevaux car la racine « March » ou « Mark » signifie cheval en langue celtique et gauloise. L'abbé Lebeuf attribue l'étymologie de Marcoussis au nom d'un endroit où des prairies existaient « au temps de la première race de nos Rois », de sorte qu'après avoir dit au IXe siècle Marcoconctum , et dans le langage vulgaire Marcocint, on vint à dire dans le XIIe siècle Marcouchies ou Marcoucies .

On savait qu'au XIe siècle le mot « marcoucie » était utilisé pour exprimer le droit de fourrage . Nous le trouvons vers 1108 dans la charte XLVII du Cartulaire (I) de Longpont quand Milon II de Bray confirme le droit de pâture donné par son grand-père Guy 1er de Montlhéry, fondateur du monastère « ut omnia eorum prata libera et quieta essent ab omni marcocia armigerorum ». Le pâtre Etienne et autres serviteurs des moines se plaignent d'avoir été chassés des prés du couvent par les écuyers de Montlhéry. La plainte est entendue par le seigneur Milon et le droit de fourrage est rétabli.

Les titres du prieuré Notre-Dame donne la clé du « droit appelé marchocia ». De ce droit a été donné le toponyme du lieu-dit « La Marcoussis » clairement localisé dans les titres du prieuré, c'est une prairie située en aval de la Chaussée de Longpont sur le terroir du Perray. Plusieurs actes de l'inventaire nous le précisent. Le 19 septembre 1540, la moitié d'un bail à ferme est passé par Denis le Fournier, bourgeois de Paris, receveur de Louis de Sauteoye, prieur de Longpont à Boniface et Olivier Moisson, laboureurs à Villiers, de 9 arpents 3 quartiers de pré au terroir de Longpont tenant les prés de Marcoussis , pour l'espace de quatre ans, moyennant 5 livres 10 sols par an. Suite au différend entre les religieux de Longpont et le seigneur du Perray, plusieurs procès-verbaux d'arpentage furent produits au XVIIe siècle :

• celui du 23 août 1657 concerne deux pièces de pré sçises en la prairie de Longpont, lieu-dit la Marcoussis dont la première s'est trouvée contenir 14 arpents, dépendante du temporel du prieuré, et la seconde dépendante du Petit couvent s'est trouvée contenir cinq arpents un quartier.

• l'arpentage d'une pièce de pré située dans la prairie du Perray, lieudit La Marcoussis , appartenant au sieur prieur de Longpont, est fait 22 juillet 1686 par Pierre Aumont, laquelle pièce contenant 13 arpents 42 perches.

• l'arpentage d'une pièce de pré située dans la prairie du Perray appelée La Marcoussis, est fait le 19 juillet 1687 par Pierre Aumont, arpenteur, à la requête de Damien Fleury, meunier du moulin de Grouteau, ladite pièce contenant 13 arpents et demi et 3 perches.

Donation d'un bois à Montfaucon

La charte XLIII datée de 1183 de Philippe II Auguste en faveur du prieuré de Longpont a reçu le titre de « Littere super donatione nemoris de Monte Falconis ». L'inventaire des titres de 1713, résume la charte du second Cartulaire (page 35) en les termes « Ratification par le roy Philippe-Auguste de la donation faite au Prieuré de Longpont par Béatrix de Pierrefond d'une partie de la forêt de Montfaucon et de Vioveta près de Cernay ».

Citons la version latine, copiée au folio 22 du Mss. n. a. lat. 932.

« In nomine sancte et individue Trinitatis. Amen. Philipus, Dei gratia Francorum rex. Noverint universi presentes pariter et futuri quoniam Beatrix de Petrafontis ecclesie Sancte Marie de Longo Ponte partem suam nemoris de Monte Falconis et de Vioneto in elemosinam donavit et jure perpetuo possidendam concessit, post cujus obitum Agatha de Petrafontis, ipsius filia eamdem elemosinam laudavit et predicte ecclesie in perpetuum habendam concessit. Quam elemosinam factam tam a Beatrice quam a filia ejus Agatha, quoniam res de feodo nostro est, concedimus et approbamus et in perpetuum stabilem esse precipimus. Quod ne in posterum ab aliquo perperam valeat retractari, presentem paginam sigilli nostri auctoritate et regii nominis caractere inferius annotato precipimus confirmari. Actum Parisius, anno Incarnati verbi M°C°LXXXX°III°, regni nostri anno quinto. Astantibus in palacio nostro quorum nomina supposita sunt et signa: Signum comitis Theobaldi, dapiferi.nostri. S. Guidonis buticularii. S. Mathei camerarii. S. Radulphi constabularii. Data per manum Hugonis cancellarii ».

Voici la version française.

« Au nom de la sainte et indivisible Trinité. Amen. Philippe, par la grâce de Dieu, roi des Francs. Que sachent tous aussi bien présents que futurs que Béatrice de Pierrefond donna en guise d'aumône son bois de Montfaucon et Viviers à l'église Sainte-Marie de Longpont et le concède perpétuellement à bon droit après le décès de sa fille Agathe de Pierrefond, laquelle approuve la susdite cession pour que l'église soit mise en possession à perpétuité. Que l'objet de cette aumône faite tant par Béatrice que par Agathe qui est dans notre mouvance soit concédée, approuvée et ordonnée être durable perpétuellement. Afin que cela puisse garder toute sa valeur, nous apposons notre sceau et par le monogramme du nom royal tracé ci-dessous nous corroborons le présent acte de notre autorité.

« Fait à Paris, l'an de l'Incarnation de notre seigneur 1183, quatrième année de notre règne.

« Etant présents dans notre palais ceux dont les noms et les souscriptions suivent. Souscription du comte Thibaud, notre sénéchal. S. de Gui, bouteiller. S. de Mathieu, chambrier. S. de Raoul, connétable. Donné par la main de Hugues, chancelier.

Entrée du roi Philippe II Auguste à Paris au lendemain de la bataille de Bouvines ( par Paul Lehugeur, XIXe s.).

Le domaine clunisien n'était pas négligeable à Montfaucon. Le prieuré de Longpont y possédait plusieurs héritages reçus en aumône au XIIe siècle. Vers 1100, la famille seigneuriale d'Orsay fait des libéralités aux moines du prieuré Saint-Martin, dépendance de Sainte-Marie de Longpont. Il s'agit de Sevin Chastel « Sevinus, filius Milonis Castelli », qui donne toute la dîme qu'il possédait à La Boissière et deux arpents de terre qu'il avait à Grand Viviers « omnem decimam quam habebat apud Bosseriam et duos arpentos terre quos habebat apud Viverios ». Parmi les témoins les oncles et les cousins du donateur sont présents Pierre Chastel et Gui, son fils, Payen Chastel et Hilduin son fils (charte CCLXV). Ce Sevin était l'un des fils de Milon d'Orsay qui avait pris le froc de moine à Longpont. Nous rencontrerons son frère Nantier délaissant sa part de La Boissière à un autre monastère du sud parisien, l'abbaye des Vaux de Cernay.

À la même époque, vingt arpents de terre sont donnés par Gautier Arbalaster avec approbation de sa femme et ses deux fils, Pierre et Drogon. Le scribe précise que la terre est située à La Boissière , près d'Orsay « in Buxeria, juxta Orceacum » (charte CCLXXVII). Puis en 1140, le chevalier Thomas, fils d'Hugues, prenant les habits monastiques à Longpont « seculum relinquens et ordinem monachicum expetens », lègue la moitié de la terre de la Boissière qu'Herbert de Ballainvilliers travaillait sans relâche « mediatatem terre de Busseria quam Hubertus de Bellemviler exercet ». La moitié de cette terre était déjà dans les mains des moines de Sainte-Marie. La dot de Thomas est approuvée par sa femme Odeline et par Nicolas, son neveu (charte CCXVI).

Dans la déclaration de 1511, le procureur des Vaux de Cernay écrit « Le fief, terre et seigneurie de la Bussière, autrement nommé Montfaulcon et de présent la Granche aux Moines, assis près Mont-le-Héry et en la châtellenie dudit Mont-le-Héry, avec toute la justice et seigneurie dudit lieu et le ressort au prévôt de Paris. Toutes lesdites franches de dixmes… ». Après lecture de la charte CLX du cartulaire de N.-D. des Vaux de Cernay, nous pouvons envisager que le bois donné par les dames Béatrice et Agathe de Pierrefond fut échangée plus tard avec l'abbaye cistercienne.

Un accommodement « chirographum » concernant la terre de Buxière avait été signé en 1208. La charte est écrite sous la dictée de Guillaume de Milly, prieur de Longpont « ego Willelmi prior Longipontis et ejusdem loci conventus, terram de Buxeria quam domus de Orceaco habetat apud grangiam monachorum Sarnaii que Mons Falconis dicitur … ».Il s'agissait d'héritages dans la grange de Montfaucon que possédait le prieuré d'Orsay, dépendance de Longpont. L'échange de la terre de Montfaucon est faite contre deux pièces de terre labourable situées à Viviers que dame Rancia de Palaiseau avait données en aumône aux moines blancs des Vaux de Cernay « quam domina Rancia de Palaisol ipsis in elemosinam contulit apud Vivers ». Pour compenser la perte du droit dîmier, les moines de Longpont reçoivent un demi arpent supplémentaire. Parmi les témoins du côté des Vaux de Cernay, nous trouvons Amaury Moreher, Robert de Dourdan et Barthélemy de Chevreuse, tandis que du côté de Longpont sont présents le sous-prieur Ancher, Mathieu, prieur d'Orsay, Gui de Massy et Simon Paste. Une clause de retour avait été envisagée.

Pour revenir un instant à la charte qui nous préoccupe, notons que Béatrice de Pierrefonds agissant seule, comme dame de soi, est donc veuve. Béatrice était une demoiselle de Rochefort ou de Crécy, c'est-à-dire la fille de Guy le Rouge, sire de Rochefort et d'Adélaïde de Crécy. Béatrice était donc la petite-fille de Guy 1er de Montlhéry et d'Hodierne de Gometz. Veuve de Manassès de Tournan, elle épousa en secondes noces Dreux II de Pierrefonds. Le bois de Montfaucon lui venait de son héritage paternel. Nous trouvons cette dame dans plusieurs actes de donation au prieuré Saint-Martin des Champs. En 1144, Béatrice de Rochefort avait cédé les droits de péage qu'elle possédait par héritage maternel à Crécy. Gui II de Châtillon [Montjay], devenu seigneur de Crécy, approuva ce don. Entre 1155 et 1168, Béatrice de Pierrefonds transféra tous ses biens, fiefs et arrière-fiefs, et tous ses droits à Bonnelles. Quant à Agathe, fille de Béatrice et Dreux de Pierrefonds, elle avait épousé Conon de Nesle, noble flamand, qualifié de comte de Soissons et seigneur de Pierrefonds « comes Suessionensis dominus Petrofontis et Nigelle ». Béatrice de Pierrefonds aurait eu quatre enfants de son second mariage : Dreux III de Pierrefonds, Ade mariée à Gaucher II de Châtillon (4), Marguerite femme de Pierre de Vic et Agathe mentionnée dans cette charte.

Donation des dîmes de Marolles

La charte XXI datée de 1204 de Philippe II Auguste en faveur du prieuré de Longpont a reçu le titre de « Littere super donatione de Marroliis facta ecclesie Longipontis ». L'inventaire des titres de 1713, résume cette charte du second Cartulaire (page 21) en les termes « Confirmation par le roy Philippe-Auguste de la donation de la dixme de Marolles au couvent de Longpont ».

Citons la charte copiée au folio 13v°-14 du Mss. n. a. lat. 932. Cette version latine est également citée par Lucien Delisle dans le « Catalogue des actes de Philippe Auguste », n°810.

« In nomine sancte et individue Trinitatis. Amen. Philippus, Dei gratia Francie rex. Noverint universi presentes pariter et futuri quod, sicut ex testimonio Willermi Munerii, et Ade Heron et Bertholomei Droconis cognovimus, Acho, clericus de Coldreio, donavit ecclesie Longipontis totam decimam suam de Merolis, quam jure hereditario possidebat et eam de predicta decima fecit saisiri, tali conditione quod illam tota vira sua tenebit; concedente Gar[nerio] de Coldreio, fratre suo, de cujus feodo est, et garandiante per fidem suam pro filiis suis Giridone et Bertholomeo; idem eciam concedentibus duabus sororibus suis Luciana et Tecelina, et nepotibus suis Matheo de Egliis et Guid[one] fratre Mathei et Theobaldo de Trossel, qui eciam id tenetur garandire pro fratribus suis Guid[one] et Henrico, concedente eciam Philippo de Sancto Verano, de [cujus] feodo prefata decima movebat, et Hugone filio ejus, et Hugone de Bastons, de quo Philippus predictus tenebat feodum prefate decime: Quod ut perpetuum robur ®obtineat sigilli nostri auctoritate et regii nominis karactere inferius annotato paginam salvo jure nostro confirmamus.

« Actum Parisius, anno incarnationis Domini M°CC° quarto, regni nostri anno vicesimo sexto, astantibus in palocio nostro quorum nomina supposita sunt et signa : Dapifero nullo. Signum Guidonis buticularii. S. Mathei camerarii. S. Droconis constabularii. Data, vacante cancellaria, per manum fratris Garini

Voici la version française.

« Au nom de la sainte et indivisible Trinité. Amen. Philippe, par la grâce de Dieu, roi de France. Que sachent tous aussi bien présents que futurs, comme il est dit dans le testament de Guillaume Munier et Ade Heron et Barthélemy surnommé Drocon, que Acho, curé du Coudray donna à l'église de Longpont toute la dîme de Marolles qu'ils possédaient à bon droit dans leur patrimoine et de cela la dîme serait transportée de telle façon qu'il en garderait l'usufruit sa vie durant. Ont approuvé cette donation : Garnier du Coudray, son frère qui détient le droit féodal et garantit la loyauté de ses fils Giridon et Barthélemy. De même, ses deux sœurs Lucienne et Teceline et ses neveux Mathieu d'Egly et Guy frère de Mathieu et Thibaud de Trossel approuvent cette donation et se portent garants pour leurs frères Guy et Henri ; Philippe de Saint-Vrain et Hugues, son fils, approuvent le legs en tant que seigneurs dont la dîme est dans la mouvance ainsi que Hugues de Bastons de qui Philippe susdit tenait le droit féodal de la présente dîme.

Afin qu'elle conserve une valeur perpétuelle, par l'apposition de notre sceau et par le monogramme du nom royal tracé ci-dessous, nous corroborons la présente charte.

« Fait à Paris, l'an de l'Incarnation de notre seigneur 1204, vingt-sixième de notre règne.

« Etant présents dans notre palais ceux dont les noms et les souscriptions suivent. Nul n'étant sénéchal. Souscription de Gui, bouteiller. S. de Mathieu, chambrier. S. de Drocon, connétable. Donné par Garin, frère Hospitalier et conseiller du roi pendant la vacance de la chancellerie.

Cette charte nous donne des détails généalogiques précis sur la famille du Coudray. Plusieurs autres actes concernent les dîmes de Marolles au temps du roi Philippe Auguste. En 1203, a lieu un échange entre le chapitre cathédrale de Paris et les religieux de Longpont, par lequel les chanoines cèdent auxdits religieux de Longpont la dixme de Marolles, et en contre échange lesdits religieux cèdent ce qu'ils possèdent à Viry et payent en outre une somme de septante livres de retour (charte X du second cartulaire). Cette charte est également publiée dans le cartulaire du chapitre cathédral de Notre-Dame de Paris. La donation de la famille du Coudray fait suite à cet échange.

Le troisième cartulaire donne d'autres actes. Une convention portant que le prieuré de Longpont avait des dixmes sises à Marolles et que l'église de Paris avait les cens de Viry fut signée en 1203 (charte X du troisième cartulaire). Un nouvel accord intervient en 1207 entre le prieuré de Longpont et l'église de Paris au sujet des dixmes de Marolles et le cens à Viry. (charte XIX du troisième cartulaire).

Le prieuré de Longpont possédait des parts de dîmes qui lui avaient été données un siècle plus tôt. Vers 1100, Pierre, fils d'Agnès de Bruyères légua tous les droits de dîme qu'il avait à Marolles « apud Merrolas » dans la terre alodiale des moines (charte CCXLII du premier cartulaire). De nouveau, en 1108, le même seigneur céda une terre que sa mère avait donnée de son vivant et qui était dans le fief allodial de Marolles, à savoir un arpent, ou, s'il y avait plus, la totalité (charte CCXLIV du premier cartulaire). Une dizaine d'années plus tard, Bernard de Chevreuse, pensant à son salut, donna toute sa terre de Marolles avec le consentement de sa femme et de ses trois enfants. Plus tard, le comte de Montfort, suzerain de Bernard, contesta la donation (2). Bien que justifiant leurs titres, les moines durent plaider devant le roi Louis VII qui leur donna satisfaction (charte CCXLVI du premier cartulaire).

À suivre…

Notes

(1) En supposant que l'artiste ait planté sont chevalet sur les bords de l'Orge, il voyait Montlhéry depuis la prairie au-lieu-dit « La Marcoussis ».

(2) H. Omont, Chartes inédites de rois de France (1140-1207) , in Bulletin de la Société de l'Histoire de Paris et de l'Île-de-France, vol 36 (chez Champion, Paris, 1909) pp. 69-74.

(3) La traduction de « que protenduntur a castris usque ad Villam Moison » pourrait être « qui s'étend depuis le château jusqu'à Villemoisson ». Mais nous lui préférons « qui s'étend depuis Chastres jusqu'à Villemoisson » puisque, pour l'abbé Lebeuf, Chastres (de nos jours Arpajon) vient du latin du nom féminin pluriel « Castræ, Castrarum », alors que le premier cartulaire donne plusieurs fois « Castris » pour Milon de Chastres (charte XLIX) ou pour Menard, bourreau de Chastres (charte LXXI).

(4) Ade, veuve de Gaucher de Châtillon, vivait encore en 1162. Du Chesne avait pensé d'abord qu'elle était la fille de Dreux de Pierrefonds, mais Alberic dans sa chronique prouve qu'elle était fille de Hugues, surnommé Cholet, comte de Roucy et de Richilde, sœur de l'empereur Conrad (selon J.-B. de Courcelles, Histoire généalogique de la maison de Chastillon-sur-Marne, tome XI (Libr. Arthus-Bertrand, Paris, 1831).

(5) Il s'agit de Simon de Montfort, dit le Chauve, comte d'Évreux, second fils d'Amaury 1er, qui succéda à son frère aîné, Amaury II en 1140.

dagnot/chronique39.04.txt · Dernière modification: 2020/11/12 05:11 de bg