Corpus Essonnien

Histoire et patrimoine du département de l'Essonne

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Prieuré Saint-Wandrille de Marcoussis (3) (1518-1629)

Chronique du Vieux Marcoussy ———————– ———– _————————— Décembre 2009

JP. Dagnot

C. Julien

Après avoir décrit le relèvement du prieuré Saint-Vandrille de Marcoussis, nous présentons le troisième volet de l'histoire de ce monastère. Nous avons précédemment compris que Marcoussis fut bouleversé par les entreprises du flamboyant Jean de Montagu et de son descendant le brillant Amiral de Graville. Ces deux hommes donnèrent une considérable impulsion à leur domaine en établissant une seigneurie puissante et en faisant une riche dotation au couvent des Célestins.

Le village de Marcoussis entra dans la grande Histoire avec grand fracas, fut-il au détriment du prieuré de Saint-Vandrille qui resta modeste adossé à l'église paroissiale. Toutefois, deux prieurs conduisirent des actions contre la réduction au néant du petit couvent : Ponce de La Marette, en 1404, s'opposa à la poursuite des travaux du « chancel de l'église parrochial de Marcoussy » et Guillaume La Vieille, à partir de 1504, releva le prieuré n'hésitant pas à entrer en conflit avec le « Très haut et très puissant seigneur, Monseigneur l'Amiral » (1).

L'amortissement du prieuré de Marcoussis

En tant que seigneurie ecclésiastique, le prieuré de Marcoussis était mouvant du roi à cause de la châtellenie de Montlhéry. L'amortissement du prieuré de Marcoussis est donné à Paris par le roi Philippe V le Long le 12 septembre 1318. En droit féodal, l'amortissement était un droit que les mainmortables (les communautés religieuses) devaient au roi lorsqu'ils devenaient propriétaires par héritages ou succession. Nous croyons devoir expliquer la nature de ce droit. Les gens de mainmorte ne pouvaient pas vendre ce qu'ils avaient acquis ; le roi se trouvait ainsi frustré des droits de vente, comme seigneur suzerain, et l'amortissement servait à le dédommager. Il y avait trois sortes d'amortissements, le général, le particulier et le mixte. Le premier était accordé par le roi à tous les habitants d'une province, à tout le clergé d'un diocèse, à un prieuré ou chapitre, sans qu'on entrât dans le détail des biens. Le second était spécial et décrivait les confins de la propriété amortie. Le troisième ne permettait d'acquérir que jusqu'à la concurrence d'une certaine somme.

L'amortissement produisait plusieurs effets, entre autres celui de rendre les biens allodiaux, et exemptait les mainmortables de la taxe du ban et de l'arrière-ban. On comprenait sous le nom de mainmortables, les ecclésiastiques individuellement pour le temporel de leurs bénéfices; les communautés religieuses, les communautés d'habitants, les corps de marchands, les hôpitaux et les collèges. Le droit d'amortissement était ordinairement le cinquième du fief et le sixième du bien de roture; il ne se prescrivait pas, et était regardé comme un droit de la couronne , jus coronœ . Le droit d'indemnité, qui était le même que l'amortissement , se payait au seigneur dans la mouvance duquel se trouvait l'héritage ; il se prescrivait par un laps de temps fixé différemment, suivant les coutumes (2).

L'amortissement est passé devant les officiers royaux au Châtelet de Paris : « A tous ceulx qui ces présentes lettres verront François Boucher, conseiller du Roy, lieutenant général au bailliage de Sens, commissaire ordonné sur le faict des francz fiefz et nouveaulx acquestz en la ville, prévosté et vicomté de Paris, enclaves et anciens ressors d'icelle, salut. Comme eussions faict convenir et appeler par devant nous le prieur de Sainct Wandrille de Marcoussis… pour nous bailler par déclaration tous les cens, rentes, possessions, héritages et autre revenu temporel qu'il tient et possède en la prévosté et vicomté de Paris, ensemble les tiltres et admortissemens qu'il a et dont il se vouldroit aider, pour du non admorty paier finance… ».

Convoqué par le conseiller du roi – en fait, notaire au Châtelet – le prieur en personne se présente devant messire Boucher en exhibant les anciens titres restés en sa possession «… En obéissant ausquels commandemens se seroit ce jourd'huy comparu par devant nous religieuse et noble personne domp Guillaume La Vieille, prieur dudit prieuré de Marcoussis, lequel nous a baillé la déclaration du revenu temporel dudit prioré dudit Marcoussis et affermé par serment icelle contenir vérité et le tout estre de l'ancienne primitive fondacion, dotacion et augmentacion dudit prioré el deuement admorty. Et pour faire apparoir dudit admortissement a mis et produit par devers nous certaines lettres de chartre du roy Philippe, en date de l'an mil troys cens dix neuf, au mois de novembre, esquelles sont incorporées unes outrez [lettres] de chartres du roy Loys, données à Pontoise en l'an mil cent septante et sept, scellées en cire vert et lactz de soye, par lesquelles appert iceulx seigneurs avoir admorly à l'abbaye de Sainct-Wandrille, le prioré de Marcoussis, l'église, les dixmes et hostes avec les appartenances dudict prioré assis en l'eveschié de Paris.. . ».

Après examen des lettres et diplômes de confirmation, le prieuré de Marcoussis est déclaré exempt du paiement afférant à la foy et hommage « Savoir faisons que, veuez lesdites lettres…, etc…, nous icelluy prieur de Marcoussis avons renvoyé et renvoyons sans jour et sans paier finance, en luy levant la main du Roy et tout autre empeschement qui, à cause de ce, luy aurait été donné ». Toutefois, une somme modeste est acquittée pour les frais « en paiant raisonnablement les fraiz du commissaire estably et sergent qui y ont vacqué, et sauf en autrez chozes le droit du Roy et l'auttruy. En tesmoing de ce nous avons faict mettre notre seel à ces presentes et faict seigner par maistre Claude Pellisson, greffier, ordonné en ceste partie. Donné à Paris le xij° jour de septembre, l'an mil cinq cens dix huit. Signé: Pellisson ».

La gestion du prieur Guillaume

Guillaume La Vieille fut l'ecclésiastique providentiel pour Marcoussis. Gestionnaire et de premier ordre, il a montré ses capacités d'administrateur et sa claire vision pour l'intérêt du couvent (3).

Nous sommes maintenant en 1516. L'amiral de Graville étant disparu, sa fille « madame la Grant Maistresse, dame de Marcoussis » est sollicitée par le prieur qui « veult et désire avoir paix avec madame et estre en sa bonne grâce. Et si madame veult bailler quelque récompense audit prieur pour lesdites terres, il est prest d'y entendre ». En réalité le prieur veut récupérer la censive confisquée par l'amiral « ne revient par an de censive à Madame que 15 karolus, et s'ilz estoient en la main dudit prieur luy pourraient valloir par an deulx ou troys muys de grain ». Marie de Balsac resta insensible au charme du prieur.

Il est fut de même avec le couvent des Célestins. « Les arguments sentimentaux étaient de peu de valeur devant un tribunal » nous dit Louis Bigard (4). Guillaume Le Villain, curé de Marcoussis, l'avait appris à ses dépens en l'an 1461. Un sujet récurrent : la circonscription dîmière pour quelques « escuz par an pour les dixmes ». À vrai dire la perception des dîmes de Marcoussis était un sujet sans fin car les titres originaux manquaient. Des procès « tout azimut » furent portés devant le prévôt de Montlhéry. Le prieur estait contre le chapitre de Linas, contre son curé de Marcoussis, contre les moines célestins, etc. La plupart du temps la procédure était menée devant le Châtelet de Paris.

Ainsi Guillaume La Vieille était devenu le possesseur d'un fief, celui de la seigneurie ecclésiastique de Marcoussis, laissant la gestion courante à un fermier. Le prieur s'adresse à un riche marchand, un bourgeois de Montlhéry et le plus souvent au curé de Marcoussis. Mais le prieur est exigeant avec « ses obligés » car c'est un bâtisseur. Dans une note à son fermier, le lieutenant de Montlhéry, il écrit « Je veulx faire eslever ma maison d'une levée par-dessus l'autre et y faire deux chambres, et qu'il me face finance de trefs [poutres] et autres boys nécessaires, et combien elle me cousteront, avec un beau degré en tourelle comme celuy de sa maison… ». Un bail de terres passé le 4 août 1518, comprenait la pièce de sept arpents appelée « autre bout l'estang neuf ».

La déclaration du revenu du temporel est donnée en septembre 1518. En voici la contenance : « Le prieur de Saint-Wandrille de Marcoussis, membre dépendant de l'abbaye de Fontenelle…, Dom Guillaume la Vieille, prieur …, lequel nous a baillé la déclaration du revenu temporel du prieuré et affirmé par serment icelle contenu vérité et le tout estre de l'ancienne primitive fondation dotation et augmentation dudit et duement admorty et pour faire apparoitre dudit admortissement a mis et produit par devers nous certains trésors de charte du roy Philippe en date de l'an 1319 au moys de décembre lesquelles sont incorporées une autre de charte du roy Loys donnée à Pontoise en l'an 1167 scellées en cire verte et laitz de soye par lesquelles appert iceulx seigneurs avoir admorty à l'abbaye de Saint-Wandrille, le prioré de Marcoussis, lequel avec les dixmes et hostises, avec les appartenances et deppendances dudit prioré assis en l'evesché de Paris. Et aussi produit un renvoy fait par le lieutenant du bailly de Mantes commissaire sur ledit faict des francs-fiefs et nouveaulx acquetz daté de l'an 1489 ». L'acte est daté du 15 janvier…, avec mention du prieur de Chauffour et de celui de Rosny membre de Saint-Wandrille (5) .

Huit jours plus tard, Geoffroy Lemaistre lieutenant et garde de la prévosté sur la requête de Dom Guillaume la Vieille, … « procède à la vissication du dénombrement par eulx baillé et présenté à la Chambre des Comptes de Paris, le 27 juin 1511…, que ledit prieuré était d'ancienne fondation royale, appartenait à l'abbaye Saint-Wandrille que en icelluy avoit manoir, …., et usage de haulte justice », bref, le prieur reprend tous les droits.

Le 23 mars 1520, frère Guillaume La Vieille, prieur de Marcoussis, s'adresse à un homme de loi à Caudebec, « nous a esté exposé, que pour son bon droit qu'il a eu en certaine cause à l'encontre des Célestins de Marcoussis, nous montre plusieurs actes lequel pour éviter de les perdre, demande qu'on fasse des vidimus ». Il s'agit :

  15 juillet 1506, entre Loys Roussel, prestre curé de la cure de Marcoussis, pour raison des dixmes de grain de la cure et prieuré du lieu demande de faire un rétablissement avec Guillaume La Vieille .... que le curé pour son gros touche la tierce partie.
  28 juin 1511, item un cayer contenant l'adveu et dénombrement par les religieux de Saint-Vandrille des lieux fiefs baronies, disant que l'on a le droit de prendre du mort boys pour nous aux forests des terre et seigneurie de Marcoussis avec plusieurs autres droits et franchises.

Une nouvelle fois l'affermage des revenus du prieuré est baillé le 20 mars 1521. « Furent présents en leur personnes messire Jehan le Musnier, prestre vicaire perpétuel de l'église paroissiale de Saint-Wandrille de Marcoussis, et Jacques le Musnier marchand frère dudit vicaire demeurants audit lieu de Marcoussis qui recongnoissent retenir à titre de ferme muable et titre de louage de religieuse personne Domp Guillaume la Vieille, religieux trésorier et seigneur censier de l'abbaye et monastère de Saint-Wandrille et prieur du prieuré de Saint-Wandrille de Marcoussis, jusqu'à douze ans et douze dépouilles, c'est à savoir le prieuré de Marcoussis, le manoir, domaine, maison, grange, court, jardin, pray, coullombier à pied, estables, les deux parts des dîmes des grains, vins et toutes autres dixmes grosses, menues et novalles, … sauf toutefois et réservé le prônage de l'église dudit lieu et les rentes que doit ledit musnier prestre ou ses hoirs qui ne sont point comprises dans ce bail mais demeurant audit prieuré ». Ce présent bail à ferme ainsy fait pour le prix et somme de soixante livres tournois…

Il semble que le prieur de Marcoussis ait été appelé une nouvelle foi à l'abbaye mère pour y régler les affaires de direction puisque la clause finale du bail mentionne « à paier à Rouen ». Nous savons que Guillaume fut médiateur à maintes occasions pour solutionner la collation de l'abbaye passée en régime de commende. De plus une clause du bail précise « Faire célébrer une basse messe à ladite église de Marcoussis, chacun dymanche de l'an à la dévotion et intention dudit prieur et de faire ou faire faire et entretenir clostures, toitures, pigeons au coullombier, partie de la grange…., refaire tout de neuf la muraille qui est de présent tombée prez le cymetière ». Nous savons qu'à cette époque le cimetière de Marcoussis entourait l'église paroissiale.

Guillaume la Vieille reçut une charge de notaire apostolique en 1528 et mourut en 1531. On sait qu'il eut pour successeur à Marcoussis, Dom Médard le Dieu.

Le prieuré de Marcoussis au XVIe siècle

Nous n'avons aucun document sur le priorat de Dom Médard le Dieu. Selon Bigard le prieuré passa « dans les mains d'un prieur commendataire, Dom Pierre Julien, ami des Célestins de Marcoussis qui se fit enterré dans leur église ». Le biographe de Guillaume La Vieille poursuit avec une phrase malheureuse « c'est peut-être à ce moment que le prieuré de Marcoussis passa aux mains des Célestins ».

Epitaphe de pierre peinte vis-à-vis l'autel en la première chapelle dans l'aile gauche de l'église des Célestins de Marcoussis.

Il semble que le prieur commendataire habitait Marcoussis, puisque le 19 septembre 1542, un notaire fait ratification du testament de Pierre Jullien « estant en son lit malade demande à estre inhumé aux Célestins ». Selon Perron de Langres, il décède âgé de plus de 80 ans « comme en fait mention son épitaphe, qui est aux Célestins de Marcoussis » dit-il. Après son décès le prieuré était à la collation de l'abbé de Saint-Wandrille, est passé de régie en commande . Notons la contradiction entre Bigard et l'Anastase.

Replaçons nous cette année. Martin Charron, laboureur est fermier du prieuré, il est marié à Jehanne Grassart. L'inventaire après décès des meubles laissés par Messire Pierre Julien, prieur du prieuré Saint-Vandrille de Marcoussis, est dressé. Le prieuré est maintenant doté de chambres haultes. Il est mentionné « en la chambre haulte dudit hostel: - une table de sept pieds de long, une table de pareille longueur garny de deulx traiteaulx à goussets, le tout de boys de chesne avec une chaise à dossier à servir la table.vet couche a pilliers - item une couche daiz à pilliers ronds en forme daiz en laquele y a ung lit traversin, couverture blanche… - item deux coffres de bahuz ferrez de fer blanc fermans à clef chacun de quatre pieds ou environ, le premier dans lequel a esté trové une robe de drap noir à usage d'homme… - item dans l'autre coffre … - au lieu de la prieuré, un tas de bled et un tas d'avoyne, déclarés par Martin Charron fermier dudit prieuré… ».

Trois jours plus tard, une saisie est faite à la requeste de Jean Lehoux, procureur fiscal de Marcoussis des biens de Pierre Jullien. Puis, le 23 du même mois une sentence de main levée des scellées est donnée par la prévôté de Marcoussis des biens de Pierre Julien à la requeste des Célestins. Jehan Peuvrier est alors garde de la prévosté des hauts et puissants Guillaume et Thomas de Balsac, héritiers de Jeanne de Graville leur tante. Guillaume Bistel est le clerc tabellion juré dudit lieu.

Le prieuré Saint-Wandrille continue d'exister. En 1551, un bail à ferme et prix d'argent du prieuré Sainte-Madeleine est passé par noble homme et discrette personne Germain Vialas, prieur et curé de Marcoussis, à dicrette personne Nicolas Larcher, prestre à Marcoussis, avec tous les droits proffits et esmoluments, moyennant 200 livres tournois en deniers, 200 bottes de foing et 200 gerbes…

Une transaction est passée en 1570 ; en voici la teneur. « Messire Esmé Leroux, maistre en arts en l'université de Paris et curé de la cure et église parochiale la Madeleine de Marcoussis , demeurant à Paris et disant que au nom de Messire Pierre Leroulx, prieur du prieuré de la Madeleine dudit Marcoussis, se faisant fort dudit Pierre auroit passé transaction avec Messire Tristan Harlay, prestre demeurant audit Marcoussis, par laquelle lesdit Leroux et Harlay, pour éviter des procès, tant devant l'officialité de Paris, que par appel devant l'officialité de Sens, et encore devant le prévôt de Paris, conviennent d'une transaction entre eux, que les procès et instances demeurent nulles…» Le sujet de la discorde est le bail de la cure de la Madeleine de Marcoussis et deppendances.

Un acte de 1580 nous apprend que Messire Jehan Lecoustellier est prieur du prioré Marie-Magdalene de Marcoussis, et qu'il demeure à Paris, rue de l'Arbre Sec. Ce personnage baille à Jehan Roussel, curé de Montlhéry, ledit prieuré de Marcoussis « prouffits, revenus et esmoluments quelconques et qui proviendront durant le temps d'ung an, excepté le grain estant de présent dans la granche dudit prieuré,…, receptes eschues par moitié ». Ce bail est fait avec la clause « à la charge que ledit preneur est tenu de dire, faire dire chanter et célébrer le service divin à cause dudit prieuré ». Rappel de la moitié pour faire labourer et ensemencer les jardins dudit prieuré et des dépenses à prendre sur les revenus. Des deux actes ci-dessus, la religion à Marcoussis est détenue par des parisiens qui sous-traitent le fonctionnement à des subalternes! Cet état de fait se voit dans d'autres paroisses de la région.

L'année suivante le bail est reconduit. « Messire Julien Lecoustellier, procureur en la cour de parlement de Paris, possesseur du prieuré de Saint-Marie-Madeleine de Marcoussis, lequel confesse avoir transporté à Jehan Roussel, prestre desservant le bénéfice et divin service dudit prieuré soulz ledit Lecoustellier accepter la moitié de tous les fruits et revenus, que les dixmes tant grosses que moyennes appartenant audit prieuré… Ce transport fait moyennant la somme de 25 escus sol ».

Exactement un mois plus tard, « Jehan Michel, marchant demeurant à Marcoussis, confesse avoir print à vénérable et discrette personne Jehan Roussel, prestre vicaire du prieuré de l'église de la Magdeleine de Marcoussy, de amasser et recueillir les dixmes sur le territoire de Marcoussis, moyennant la quantité de troys septiers de bled et vingt six botteraulx de fourrage… Quand ledit Michel amassera les dixmes ledit Roussel sera tenu de fournir la nourriture ». Ou s'arrêtera la sous-traitance!

En 1588, nous retrouvons « vénérable et discrette personne Messire Jehan Roussel, prestre soubz prieur de l'église et prieuré de la Madeleine de Marcoussis, d'une part, et Guillaume Gardenlorge receveur de la terre et seigneurie dudit Marcoussis d'autre part, lesquelles parties pour vuider et terminer entre eulx certain procès criminel en la cour de Parlement de Paris, à la requeste de Gardenlorge… ». Le sous prieur doit les frais d'appel, soit une somme de 18 escus. Une clause pour l'extinction du conflit stipule … comme a promis de faire son debvoir en la charge de soubz prieur assister au service dyvin qui se dit en ladite église ainsi qu'il est tenu, et de faire offrir à l'offertoire de la première messe ung pin bénist ainsy que les pédécesseurs et soubz prieurs de la prioré sont tenus de fournir…». Cette transaction fut faite en la présence d'André de Béning, escuyer, maistre dhostel du seigneur d'Entragues . Au fil du temps, l'organisation varie, et à cette époque, c'est un sous prieur qui se charge du temporel!

L'année suivante, Jehan Roussel est qualifié de prestre vicaire du prieuré de Marcoussis. L'acte décrit un bail de vache à poil rouge concédé à Guillaume Basset, vigneron de Montlhéry.

À la fin du XVIe siècle, c'est messire Pierre Charlemagne qualifié de « vénérable & discrète personne, prestre, soubz prieur au prieuré de Marcoussis » qui a succédé à Jehan Roussel. Dans l'acte concerné, il est question de la vente de récoltes se trouvant dans la grange du prieuré. Le sous-prieur déclare demeurer au prieuré à Marcoussis, « lequel volontairement confesse avoir vendu par ces présentes à Jacques Thierry, marchand boucher et Isabeau Danet sa femme demeurant à Marcoussis, ung tas de bled et un tas d'avoyne en gerbes provenant des dixmes dudit prieuré et estant en la granche d'icelluy, lequel Charlemagne leur a baillé la clef, à la réservation pour ledit Charlemagne de l'orge en gerbes, des fourrages y estant et des grappins et pailles, du vin … moyennant la somme de 70 escus sol, 3 septiers du bled, un cent bottes de feurres du bled, un cent bottes de feurre davoyne… ». Le boucher et sa femme déclarent ne savoir ny escrire ny signer.

Examinons un instant la situation de l'agriculture en cette fin de XVIe siècle. Selon Leroy-Ladurie, à cause du « petit âge glaciaire » il y a bien eu une détresse économique pendant les rudes années 1597-1598. L'hiver 1597 fut très neigeux, ce qui, une fois de plus, produisit de maigres moissons et des restrictions céréalières. La crise déficitaire du vin est attribuée au manque de soleil, aux vendanges tardives et aux gelées. La crise frumentaire retentit sur la démographie : on observe un net déficit des baptêmes pendant cette période.

Le prix du froment sur le marché de Paris passe de 40 sols le bichet en 1597 à 150 sols le bichet deux ans plus tard, soit plus du triple, alors que le setier de blé était payé 50 sols le setier en 1572 (6). Un ouvrier agricole gagne de 8 à 10 sols par jour, salaire qui double dans les mois de récolte.

Le révérend Lelouet, prieur commendataire de Marcoussis

Une transaction est passée en 1603 entre Messieurs les doyens, chanoines du chapitre de Linas et les sieurs curé et prieur de l'église Sainte-Madeleine de Marcoussis,pour raison des droits de dixmes qu'ils prétendoient respectivement leur appartenant sur plusieurs héritages situés proche Chenanville au dessus du parc de Bellejamme, la limite se trouvant au carrefour du coin du parc de Bellejamme. Il semble que le contentieux rencontré en 1511 reprend de plus bel entre les deux communautés. Afin de nourrir paix et amitiés, les parties font appel aux notables à cause de leur ancien age, à savoir: - pour Linas, Martin Oppinel, marchand, 61 ans, Michel Brizard, marchand, 60 ans, Estienne Anceau, marchand, 65 ans, - pour Marcoussis, Loys Gourby, marchand, 65 ans, Michel Regnault, marchand, 63 ans, Michel Michel, 52 ans, Ils se rendent sur place au carrefour à l'angle du parc du sieur de Bellejambe, à Choinville où se trouve de l'autre côté du chemin la maison de Jehan Tissier… La suite est une description des limites de dîmage des deux seigneuries ecclésiastiques. Il est fort probable que les religieux de Linas ont vu leurs documents détruits par les récentes guerres de religion.

Un autre différend se fait jour en 1605 entre « vénérable et discrète personne Messire Jacques Lelouet, prestre, prieur du prieuré de Marcoussis y demeurant, d'une part, et Messire Denis Le Chappelain, prestre curé de l'église paroichiale, aussy y demeurant d'autre part, disant que à cause de sa dignité et qualité de prieur, la présentation de ladite cure luy appartient, et aussi le costé dicelle église, également chanter, célébrer, faire dire le divin service aux quatre festes annuelles que le jour du patron, et encore luy appartient les offrandes à iceux jours, tant pour l'argent, le pain, le vin, que aultrement, et pour les deux parts des menues dixmes de la dite paroisse. Au contraire, disant ledit Chapelain, doit célébrer le service divin et les offrandes luy appartiennent et toutes les menues dixmes… Pour nourir paix et amitié fraternelle entre eulx, iceux ont de leur bon gré, pure franche et libérale volonté, sans aultre forme de contrainte, ont faict accord de ce qui ensuit: - ledit Lelouet en sa qualité de prieur, luy appartient la dignitté de tenir en icelle église, le premier rang du costé droit, et que pour la célébration du service divin dubs et accoustumé estre faict chanter célébrer en icelle église tant les quatre festes annuelles, que patron, ils le feront alternativement par moytié, chacun un jour après l'autre, - ledit Lelouet quitte et délaisse aidit Lechapelain les offrandes et oblations qui se feront en ladite église, moyennant 6 livres tournois que ledit Lechapelain est tenu payer audit prieur, - quant aux menues dixmes, ils jouyront chacun par moytié…, - des grosses dixmes de la paroisse de Marcoussis, ils jouyront selon et ainsy que de tout temps ils ont accoustumés…

Les charges de prieur et de curé étant exercées directement les chicanes ont repris! Le nom de Jacques Lelouet, prestre prieur de Marcoussis, apparaît sur le registre des baptêmes. En 1611, le révérend est parrain de la fille d'un cordonnier de Montlhéry. En 1619, il reçoit du sieur Dumoulin la somme de 30 lt en qualité de mandataire d'un laboureur de Janvry.

Un changement de direction eut lieu en 1621, comme on peut le voir avec l'affermage du prieuré. Nous allons assister à une querelle entre le doyen de Montlhéry, devenu prieur de Marcoussis et son prédécesseur nommé curé de Montlhéry. Fut présent en sa personne, vénérable et discrette personne Messire Louis Leroyer, prestre doyen de Montlhéry et prieur pour l'église Sainte-Marie-Magdeleine de Marcoussis lequel a volontairement recongnu avoir baillé par ces présentes à titre de loyer et prix d'argent, pour ung an…, à vénérable et discrette personne Messire Jacques Lelouet, prestre curé de l'église Sainte-Trinité de Montlhéry, preneur, tout le revenu entier dudit prieuré de Marcoussis avecq manoir et logis du prieuré, ce qui en deppend sans rien en réserver, comme il est encore à présent, le bail faict moyennant la somme de deux cents livres tournois, …, pendant lequel temps ledit preneur sera tenu de faire dire chanter et célébrer le service ordinaire en ladite église de Marcoussis, mesme de paier les decimes ordinaires et accoustumées, à prendre sur ledit prieuré à quoy ledit prieur est tenu et obligé mesme de payer icelluy preneur, la moitié des décimes extraordinaires sy aucunes arrivent pendant ledit bail sans diminution du loyer, comme aussy entretenir lesdits manoir logis et ne mettre aucun locataire sans le consentement du bailleur… Fait et passé en la maison du sieur preneur à Marcoussis audit prieuré le quinzième jour de novembre 1621. La permutation des charges parait curieuse. Comme on le verra dans d'autres chroniques, le doyen est un personnage très actif.

L'année suivante, Loys Leroyer reçoit de Jacques Lelouet les 200 livres de loyer. La semaine qui suit voit une prorogation du bail dudit prieuré pour ung an, aux mesmes conditions. Fait et passé en la maison du prieur à Montlhéry.

En 1625, nous retrouvons Jacques Lelouet, prestre prieur à Marcoussis. Le personnage aurait-il pris sa revanche en récupérant la charge de prieur? Malheureusement pour lui Loys Leroyer agit dans l'ombre. Le doyen de Montlhéry est le fils du seigneur de Guillerville. Il a quelques années auparavant négocié la vente de cette seigneurie au seigneur de Beljambe. Aujourd'hui, bizarrement, nous retrouvons “Jacques Lelouet, prestre prieur du prieuré Sainte-Marie-Magdeleine à Marcoussis y demeurant, diocèse de Paris, lequel vollontairement a faict et constituer son procureur, pour par espécial résigner et remettre es mains de nostre Saint-Père le pape ou Monseigneur son légat en France ledit prieuré Saincte-Magdelaine avecq ses droits et appartenances et consenti ladite résignation en faveur de messire Lois Leroier aussy prestre licencié en droit canon du diocèse de Paris et non d'aultre… , à la réservation touteffois d'une pension de deulx cens livres tournois par an à prendre sur les fruits et revenus dudit prieuré paier en deux fois…, dans laquelle résignation il n'y a aulcun dol, fraulde, ny paction? illicite et générallement promettant et obligeant passé au lieu seigneurial de Beljambe en présence de Monseigneur messire Louis Lemaistre, conseiller du Roy en son Grand Conseil demeurant à Paris rue de l'Esperon, paroisse Saint-Paul et François Boisseau, secrétaire du seigneur dudit Beljambe. On ne refuse rien aux seigneurs de Bellejambe!

Cinq mois après, Nicolas Lelouet, marchand mercier demeurant à Marcoussis vend à Jacques Lelouet, prestre prieur du prieuré Sainte-Marye-Magdeleine, en ladite qualité de prieur et acceptant dix huit livres de rente annuelle et perpétuelle sur une maison de cinq espasses sur le carrefour, tenant au cimetière, au ruisseau, … fait et passé en l'hostel dudit prieuré en présence de Pierre Poullier, receveur dudit Marcoussis. Ce sera le dernier acte où apparaîtra notre téméraire prieur.

En 1629, un nouveau fermier du prieuré arrive à Marcoussis alors que Louis Leroyer en est le prieur titulaire. Voici le texte du bail « Fut présent.., .messire Louis Leroyer, prestre licencié en droit canon, doyen et curé de l'église Sainte-Trinité de Monlhéry, prieur de l'église Sainte-Marie-Magdeleine de Marcoussis, demeurant audit Montlhéry, lequel a volontairement recognu et confessé avoir baillé et délaissé à titre de loyer et prix d'argent par an … jusques à l'espasse de quatre années …., à messire Amand Pasquier, prestre demeurant à Saint-Germain les Chastres, tout le revenu entier dudit prieuré de Marcoussis, consistant des grosses et menues dixmes, rentes et droits avecq le manoir et logis, jardin et clos ordinaire du prieuré…, toutes les deppendances sans en rien retenir ny réserver, ledit preneur a dit bien cognoistre et dont ont accoustumé, à jouir les anciens prieurs dudit lieu ce bail et prisés faicts, moyennant le prix et somme de deux cens dix livres de loyer… ». Suivent les conditions de paiement, d'entretien du prieuré, y compris de faire dire et chanter le service ordinaire de ladite église de Marcoussis que le sieur bailleur est tenu de faire célébrer en ladite église « en la qualité de payer les décimes ordinaires accoustumées… ». Le bailleur s'est retenu et réservé la chambre haute à feu avecq le poêle qui est à costé y aller et venir et faire sa résidence quand bon luy semblera dans le jardin ou dans le clos…

À suivre…

Notes

(1) Selon Dom Alexis Bréard « Ce fut lui [Guillaume La Vieille] sur lequel Jacques de Groussi, grand vicaire de Philippe de Clèves, abbé commendataire de Fontenelle, jetta les yeux le 6 janvier de l'an 1504 pour le faire prieur de Saint-Wandrille de Marcoussis, avec le titre duquel, il obtint, par dispense de Léon X, de pouvoir tenir un autre bénéfice régulier par ample recommandation de ses mérites et vertus… ».

(2) A.P. Barginet, Histoire du Gouvernement Féodal (chez Raymond, Paris, 1825). - Les gens de mainmorte étant ordinairement exemptés de l'hommage, ils faisaient rendre leurs droits de vassaux, par un laïque, que l'on appelait homme vivant et mourant .

(3) Les éléments qui peuvent constituer un bénéfice-cure sont au nombre de cinq : les biens-fonds, les cens et rentes, les droits féodaux, le paroissinage et la dîme.

(4) L. Bigard, Le Prieuré de Marcoussis (Le Bailliage, Chatou, 1926).

(5) Il s'agit des rois Louis VII le jeune et Philippe V le Long. Le premier fut très généreux avec les communautés religieuses du domaine royal. Dans notre région, nous connaissons les libéralités du prince envers le monastère de Longpont, la fondation de l'Hôtel-Dieu de Montlhéry. Le diplôme de 1167 [1170 selon l'Anastase] confirma les dîmes du prieuré de Marcoussis. Le second, à l'exemple de son père Philippe le Bel, continua l'organisation de l'administration royale en créant la Chambre des Comptes en janvier 1320. Ce prince capétien confirma une nouvelle la possession des dîmes de Marcoussis en l'an 1319.

(6) Capacité ancienne pour les grains et matières sèches, le bichet comprend 2 quartes ou 4 boisseaux. Comme on comptait 12 boisseaux par setier (156 litres), le bichet est le tiers de setier, soit 52 litres.

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