* Eugène Hamelin, né le 10 septembre 1841 à Étréchy, se maria le 16 mars 1868 à Corbeil, où il fut huissier-audiencier pendant 38 ans. Une fois à la retraite, il publia en 1909 un ouvrage d'érudition locale consacré à l'histoire des rues de cette commune.

* Son fils Henry Édouard, clerc d'huissier puis principal clerc d'avoue à Corbeil, a eu pour gendre et pour petite-fille deux autres historiens locaux qui ont continué ses recherches, Georges Michel et Marguerite-Marie Cadot, qui ont publié le fruit de leurs recherches respectivement en 1976 et 2011.

• Eugène Hamelin, Les rues de Corbeil. nouvelles recherches (XVII+141 p., in-16), Corbeil, H. Xémard, 1908.

• Anonyme, « Variétés », in Gazette des Tribunaux 84/25199 (14 février 1909) 147

Compte-rendu de cet ouvrage par la Gazette des tribunaux

Les Rues de Corbeil, par M. Eugène Hamelin, huissier honoraire à Corbeil. — 1 vol in-24. — Xémard, éditeur, Corbeil.

Nous écrivions récemment, à propos d'un ouvrage sur la ville de Nantes pendant la Révolution: “On ne saurait trop encourager les études consacrées aux histoires locales”. Cette réflexion nous a valu l'envoi d'un petit opuscule, plein d'intérêt, sur les Rues de Corbeil.

L'auteur, M. Eugène Hamelin, a été plus de trente-huit ans huissier à Corbeil; c'est dire à quel point il connaît cette ville et ses environs. Il occupe aujourd'hui les loisirs de son honorariat à des recherches sur le passé de la cité qu'il habite toujours; et il a groupé les renseignements recueillis en les appliquant aux rues, places, ponts, quais et monuments de la ville.

Corbeil, qui compte 10,000 habitants, est d'origine celtique, ainsi que l'indique son nom formé de deux mots: Cor beel, qui signifiaient habitation sacrée. Sa devise est: Cor bello paceque fidum (Cœur fidèle en guerre comme en paix).

Au moyen âge, au bout du pont sur la Seine, existait une forteresse, dont la tour principale s'appelait Hourdy. Louis le Gros s'en empara, et la ville devint une châtellenie gouvernée par des prévôts. Plus tard, en 1590, le duc de Parme, qui commandait des troupes espagnoles envoyées en France pour empêcher Henri IV de s'emparer de sa capitale, assiégea Corbeil, défendue avec vaillance par un capitaine provençal nommé Rigault.

C'est à Corbeil que, sous Louis le Gros, au sortir de Paris, Abeilard ouvrit une école qui attira un grand nombre de jeunes gens. M. Hamelin combat la légende d'après laquelle, il aurait connu dans cette ville, à cette époque, Héloïse.

Il y eut aussi â Corbeil des chevaliers de l'Ordre de Saint-Jean de Jérusalem, comme l'indique une rue qui porte encore leur nom.

Mais, tous ces anciens souvenirs sont de nos jours bien effacés; la ville a conquis par ses établissements de commerce et l'importance de son industrie, une célébrité plus moderne. À Essonnes, qui n'est autre qu'une partie de Corbeil, le grand manufacturier Oberkampf, après avoir fondé la célèbre fabrique de toiles de Jouy, vint créer des filatures de coton.

Enfin, tout le monde connaît les grand moulins de Corbeil et la fameuse papeterie Darblay d'Essonnes qui est, sans contredit, la première du monde.

Plusieurs familles ont puissamment contribué à la prospérité de la région, entre autres: les familles Feray, Darblay, Creté et Galignani, originaire d'Italie; MM. Galignani, châtelains d'Étioles, sont au premier rang parmi ces bienfaiteurs.

Dans une brochure de trente pages, écrit M. Hamelin, intitulée “Notes documentées sur la création à Corbeil, par les frères Galignani, d'un hôpital-hospice, d'un orphelinat, d'une école communale de filles et d'une école maternelle”, notre sympathique concitoyen, M. Ernest Lasnier, ancien receveur des finances, vice-président ordonnateur des hospices de Corbeil, dont le dévouement pour les œuvres de bienfaisance est infatigable, a dressé l'état de toutes les sommes versées par eux en faveur de ces institutions et établi que leur total s'élève à 1,113,805 francs 25.

On ne saurait être plus précis. C'est, on l'avouera, un chiffre de largesse des plus respectables. Or, il n'est que juste, de rappeler qu'en outre, les frères Galignani ont fondé à Neuilly, pour les gens de lettres, le bel établissement de retraite qui porte leur nom.

L'ouvrage de M. Eugène Hamelin contient de curieuses indications et de piquantes anecdotes. Celle qui suit est assurément assez originale.

M. de Salvandy (beau-frère de M. Ernest Feray, de Corbeil), aimait tant la pêche à la ligne, que, même étant ministre de l'instruction publique, il allait taquiner le goujon au pont Notre-Dame, à Paris. Un jeune instituteur, connaissant cette particularité et qui, malgré ses réclamations, n'obtenait pas un emploi, alla s'installer, une ligne à la main, à l'endroit précis, ordinairement choisi par le ministre. M. de Salvandy, arrivant, fut fort désappointé; et, cette petite scène s'étant renouvelée, elle eut le don de l'importuner au point qu'il en vint à reprocher à ce jeune homme de ne pas travailler.

— Hélas! Monsieur, lui répliqua celui-ci, en feignant d'ignorer à qui il parlait, je ne demande qu'à m'occuper, mais je suis instituteur et M. le ministre de l'instruction publique n'a pas, paraît-il, d'école pour moi.
Alors, M. de Salvandy lui dit qu'il connaissait Son Excellence et qu'il le recommanderait à Elle. Peu de jours après, le jeune homme avait sa nomination.

Et voilà comment un instituteur a eu sa place de maître d'école et comment un ministre a conservé sa place de pêcheur à la ligne.

Empressons-nous d'ajouter que M. Eugène Hamelin rapporte l'aventure d'après la légende, et se garde bien d'en garantir l'authenticité. Ceux qui, en effet, ont entendu beaucoup parler du comte de Salvandy, d'abord militaire, puis conseiller d'État, député, diplomate, ministre et membre de l'Académie française, ont peine à se le figurer, sous la monarchie de Juillet, perdant son temps, sous un pont de Paris, à surveiller son bouchon.

Quoi qu'il en soit, égayées de la sorte, les pages du petit livre qui nous occupe, sont aussi amusantes qu'instructives.