Cet article avait été rédigé par Louis-Eugène Lefèvre en juin 1918 pour paraître dans L'Abeille d'Étampes mais il fut interdit par la censure militaire, et ne fut publié par ce journal que le 22 avril 1933 dans les circonstances qui sont expliquées plus bas, bien après la mort de l'auteur, décédé en 1926.
Texte
L'Abeille d'Étampes 122/16 du 22 avril 1933, p. 11).
Vieille chronique d'actualité
Caves voûtées étampoises
Une certaine émotion a régné la semaine dernière à Saint-Pierre à la suite de la visite d'une Commission municipale chargée, de repérer les abris souterrains, et tout de suite on a voulu voir là des préparatifs de guerre. Les abris souterrains sont en effet destinés à recevoir la population civile en cas de bombardement aérien, mais il n'en est pas question, heureusement, et si au mois de juin 1918, Dame Censure nous avait “coupé” un intéressant article que notre regretté ami, Louis-Eugène Lefèvre avait écrit sur cette question, cette publication ne présente plus aujourd’hui d'inconvénients:
Les caves étampoises voûtées se présentent sous divers aspects selon leur ancienneté. Léon Marquis avait eu le premier l'excellente idée d'en établir la liste (Annales de la Société archéologique du Gâtinais, 1884). Personnellement, je me suis appliqué à les classer par catégories suivant leur construction, et ensuite à déterminer leurs époques également variées de creusage (Conférence des Sociétés Savantes de Seine-Oise, à Étampes, 1908).
Nos plus anciennes caves voûtées, qui datent du XIᵉ ou du XIIᵉ siècle, ne sont pas sous les maisons mais dans les jardins: elles sont donc comparables à de véritables casemates, mais il est évident que pour être un abri efficace, il faut qu'elles soient recouvertes d'une très épaisse couche de terre ou de tuf.
Je crois bien que la plupart d'entre elle ne sont pas dans ce cas.
Elles affectent l'aspect de longs couloirs avec de petites niches à droite et à gauche pour recevoir les tonneaux. La partie la plus profonde est sans maçonnerie: ce n’est plus qu'un boyau creusé dans du tuf. Pour un motif quelconque, le plus souvent aujourd'hui, un mur sépare les deux parties de la cave, celle qui est bâtie et celle qui ne l'est pas: par suite, il n'y a plus d'accès dans la partie profonde. L'aérage se fait par une ou plusieurs cheminées à travers la voûte et la terre.
Les caves de ce genre qui constituent dans mon classement la première et la seconde catégorie sont presque toutes situées dans la rue Saint-Jacques du côté des numéros pairs, soit pour préciser aux numéros 42 bis, 82, 160, 162, 164.
Par exception l'une d'elle se trouve sous le numéro 29 et sous la maison, après, sans doute, avoir été extérieure, et puis d'autres au numéro 21. Enfin, j'ai signalé naguère l'intéressante cave sous le jardin du 47, rue Sadi-Carnot, que je soupçonne d'avoir été construite pour l'hôpital de Buval.
Dans la troisième catégorie, j'ai classé des caves se composant encore de couloirs et de niches, mais creusées sous les maisons. Les couloirs sont parallèles à la rue, les niches placées d'un seul côté, celui de la rue. Exemple, 9, rue Darnatal.
La quatrième catégorie nous met en présence de caves notamment plus belles, plus larges, d'architecture plus savante aussi. Les voûtes de ces caves reposent sur des colonnes centrales isolées.
Il existe à Étampes deux caves de ce type; l'une est au Collège. L'autre au 13. de la place de l'Hôtel-de-Ville.
Toutefois, sur un plan du même genre a été construite, à destination d'ossuaire, la vaste cave située sous la sacristie actuelle de l'église Notre-Dame.
Enfin, je rappelle qu'il existe plusieurs salles anciennes bien conservées avec voûtes et pilier central: l'enhaussement du sol environnant a fait passer l'une d'elles à l'état de cave ou de sous-sol: je veux parler des salles situées 46 bis, rue Sainte-Croix, 3 bis, rue de la Roche-Plate, et 27, rue des Cordeliers.
Les caves de la cinquième catégorie sont plus nombreuses en même temps qu'elles sont plus vastes. Ce sont des pièces voûtées en berceau plein cintre ou surbaissé. À citer en premier lieu la belle cave de l'Hôtel de Ville non point immense mais magnifique comme ampleur de voûte: de construction très solide, je crois, avec des murs énormes pour la soutenir. Dans le même genre, je connais des caves sises sous des immeubles, 1, place Notre-Dame, 29, rue des Cordeliers, 14, rue de la Tannerie, et 21, rue de la Roche-Plate. D'autres sont dans les jardins, comme l'excellente cave du vieux Prieuré de Saint-Pierre, comme celle du 23, rue de la Juiverie, qui pourrait bien être d'origine royale, comme celle encore du 162, de la rue Saint-Jacques.
Au numéro 8, du Carrefour des Religieuses, se trouve une belle cave voûtée, de construction soignée et peu enfoncée dans le sol. C'est probablement l'ancien cellier des Cordeliers, et au-dessus devait se trouver la grange; l'ensemble devait constituer ce que Dom Fleureau a désigné “le magasin des vivres des Cordeliers”.
Enfin, il existe encore la très solide cave du Palais du Tribunal. Composée de trois pièces reliées par un couloir, elle peut offrir un abri que je crois sûr à un nombre respectable de personnes. J'en ai publié le plan en 1908.
J'ajoute que plusieurs caves sont à double étage. Telles celles du 23. de la rue Saint-Jacques, du 13, place de l'Hôtel-de-Ville, et celle du 2, rue Saint Antoine qui s'étend sous !a rue.
Au 14, rue de la Juiverie et au 16-18, place Notre-Dame, il y a une cave inférieure voûtée et une cave supérieure charpentée.
La crypte, sous le chœur de Notre-Dame est aussi, en somme, une cave voûtée.
En résumé, à part les caves de l'Hôtel de Ville et du Palais du Tribunal, il n'existe pas à Étampes d'abris souterrains aux termes militaires du mot. Les caves sont en effet destinées à recevoir le vin; espérons que nos concitoyens n'auront jamais à les utiliser autrement.