Corpus Essonnien

Histoire et patrimoine du département de l'Essonne

Outils pour utilisateurs

Outils du site


antoinette.deluxembourg

Lien vers cette vue comparative

Les deux révisions précédentesRévision précédente
Prochaine révision
Révision précédente
antoinette.deluxembourg [2022/07/25 16:54] – [Antoinette de Luxembourg (...1544-1553)] bgantoinette.deluxembourg [2022/07/25 23:36] (Version actuelle) bg
Ligne 1: Ligne 1:
-======Antoinette de Luxembourg (...1544-1553)======+======Antoinette de Luxembourg (1525-1603)======
  
-  * 38e des [[:yerres#abbesses|45 abbesses d'Yerres]] (1544-1553).+  * 38e des [[:yerres#abbesses|45 abbesses d'Yerres]] (1553-1603).
   * Autres graphies: ?   * Autres graphies: ?
-  * [[marie.depisseleu|Abbesse précédente]] — [[antoinette.deluxembourg|Abbesse suivante]].+  * [[marie.depisseleu|Abbesse précédente]] — [[catherinealph.jouveneldesursins|Abbesse suivante]].
  
 =====Notule===== =====Notule=====
  
-  * Antoinette de Luxembourg, religieuse de l'abbaye de Notre-Dame de Soissons et sœur de la maitresse de François Ier, fut faite par ce roi la trente-septième abbesse de Notre-Dame d'Yerres, de 1544 à 1553.+  * Antoinette de Luxembourg, religieuse de de Notre-Dame d'Yerresen fut la trente-huitième abbesse de 1553 à 1603.
  
 =====Notice de l'abbé Alliot===== =====Notice de l'abbé Alliot=====
  
-  * **Chapitre XIXMarie de Pisseleu (1544-1553).**+  * **Chapitre XXAntoinette de Luxembourg (1553-1603).** 
 +    * //Nomination de Madame de Luxembourg. — Son caractère. — Premières années de sa prélature. — Ses voyages: leur explication, leur but et leur résultat. — Séparation des pouvoirs — Contrats et actes d'administration. — Diminution du nombre des moniales. — Les causes. — Charité de l'abbesse. — Transformation du droit de chèvecerie. — Contestations avec les curés des paroisses et les seigneurs. — La justice. — Les titres de Madame de Luxembourg. — Elle laisse ses nièces gouverner. — Sa mort. — Son tombeau.//
  
-======Marie de Pisseleu (...1544-1553)====== +  Évidemment on n'attendait que le décès de l'ancienne abbesse pour donner une titulaire à l'abbaye d'Yerres, vacante en réalité depuis cinq ou six ans. Le choix était arrêté depuis longtemps; et //Antoinette de Luxembourg// reçut son brevet de nomination dès le mois de mars 1553, et ses bulles, peu de temps après
- +  * Nous avons déjà rencontré le nom de la nouvelle abbessecar elle était, depuis plus de vingt ans, sous le cloître dont elle devenait la supérieure. Née en 1525, Antoinette était fille de Charles de Luxembourg Brienne et de Charlotte d'Estouteville. Attirée à Yerres, ainsi que sa sœur Mariequi devint abbesse de Notre-Dame à Troyes, par la réputation de leur parente, l'abbesse Marie d'Estoutevilleelles prirent l'habit toutes jeunes et entrèrent au noviciatAntoinette était professe dès 1544, à dix-neuf anselle vécut sans distinction au milieu des moniales, sous la conduite de Sidonie le Picart, et fut faite abbesse à 28 ans
-  37e des [[:yerres#abbesses|45 abbesses d'Yerres]] (1544-1553). +  * Madame de Luxembourg était digne de gouvernerD'une |**213** piété ferme et éclairéeelle sut demeurer inébranlable dans sa foiet inattaquable au point de vue des mœursdans la vie la plus agitée et les conjonctures les plus délicates qui se puissent imaginerCar elle eut à faire facenon seulement aux soucis inséparables du gouvernement d'une grande maison, et à la gestion difficile d'un domaine temporel assez étendu et mal réuni, mais encore à des épreuves d'un genre particulier. La fin du XVIe siècle fut agitée par les Guerres de Religionet les supérieures de communautés eurent à surmonter bien des périls. Tenir dans la paix les jeunes moniales du cloître et lutter contre les obstacles du dehorstel fut le labeur d'Antoinette de Luxembourgelle s'en tira à son honneur et à sa louange
-  * Autres graphies: en latin //Maria//. +  * Les premières années deson abbatiat semblent s'être écoulées d'une manière assez tranquilleElle n'eut à lutter, ce semble, que contre les éléments. En 1557les pluies furent si abondantes que l'Yerres sortit de son litenvahit l'enclos du couvent, inonda les cloîtres, pénétra dans la chapelleoù il y avait deux pieds d'eauLe mausolée d'Eustachie de Corbeilceux de plusieurs abbesses furent submergés et détruits, on ne put les réparerÀ part cet accident regrettablemais d'ordre matérielles archives du couvent nous laissent voir l'abbesse dans les fonctions ordinaires de sa charge; c'est-à-dire dans l'instruction de ses filles du cloîtredans la présidence des offices religieuxdans le gouvernement de son domaineet la gestion assez compliquée des intérêts matériels et moraux de sa communauté, dans la surveillance et le remplacement de son personnel. Elle signe des contrats, ménage des échanges ((**Note d'Alliot.** — Elle en fit plusieurs avec les Budé: un le 13 septembre 1553 avec Anthoine Budéseigneur de Marly-la-Ville en partie et d'Yerres en partieCelui-ci était fils du fameux Guillaume Budé et de Roberte le Lyeur; il n'avait pas suivi sa mère à Genève. Un second échange fut signé le 4 février 1577 avec Pierre Budé; et un troisième le 18 février 1580avec Dreux Budé, seigneur d'Yerres en partie et de Baignault-en-BeaucePierre et Dreux Budé étaient fils de Jean III et de Jacqueline de Bailly.))renouvelle des baux, s'entretient avec son procureurqu'elle change plusieurs fois. Tout en un mot porte la trace de son activitéet dénote de sa part des aptitudes remarquables. |**214** 
-  * [[etiennette.deguaigny|Abbesse précédente]] — [[antoinette.deluxembourg|Abbesse suivante]]. +  * Mais cette première période de six ou sept ans passée, notre abbesse quitte son cloîtreet la voilà sur tous les chemins de Paris et de la Francesollicitant partout une faveur, une exemptionune réparation d'injustice pour son couventCes déplacements quiau premier abordsemblent peu compatibles avec la stabilité, imposée à toutes les moniales et principalement aux filles de Saint-Benoîtsont pourtant fort bien justifiés par les circonstances et les évènements de l'époqueJamais d'ailleursnous le répétons, ils ne portèrent atteinte à la réputation d'Antoinette. 
- +  * Qu'était-il donc arrivé? La guerre des Protestants battait son plein. Ces fanatiquesavides du sang des moines et des nonnesmenaçaient tous les cloîtres de la destruction, de l'incendie et de la ruine. Ce fut pour détourner ces malheurs de sa maison, que notre abbesse se mit en campagne et entreprit de multiples pérégrinations. Elle était bien placée pour se faire écoutercarpar ses attaches de familleelle avait de nombreuses relations dans les deux partis, catholique et protestantAussi passe-t-elle avec une facilité admirable d'un camp à l'autreet trouve-t-elle, presque toujours, ici et là une oreille disposée à écouter ses plaintes et ses réclamationset à y faire droit. Ce qui légitime ses fréquents voyages et ses longues absences, c'est leur résultat. Tandis que de 1555 à 1595c'est-à-dire pendant 40 anspresque toutes les maisons religieuses des environs de Paris sont contraintes de quitter leurs cloîtres de campagne, pour se mettre à l'abri dans les villesafin d'échapper aux dangers de la guerre et des haines hérétiques; les Bénédictines d'Yerresdurant cette époque tourmentéepeuvent tenir leur couventle préserver du désastrey vivre dans une paix relative et sauver leurs manuscrits et leurs meubles du pillage et de l'incendie ((**Note d'Alliot.** —  Cependant, vers 1587. l'abbaye dut subir la présence d'une troupe de protestantsqui rompirent et renversèrent une partie du mur de clôture. L'abbesse s'empressa de le relever malgré de nombreuses difficultés.)); elles sont protégées par leur abbessequi ne recule devant aucune démarche, si pénible fut-elle, pour sauvegarder l'honneur et la vie de ses chères filles du cloître. 
-=====Notule===== +  * Il nous est impossible de suivre Antoinette de Luxembourg |**215** dans ses voyages, qui n'appartiennent qu'incidemment du reste à l'histoire de l'abbaye, que nous voulons poursuivre sans nous laisser distraire par les incidents de la vie de l'abbesse. 
- +  * Celle-ci avait pris soinavant de se mettre en routede pourvoir au bon ordre intérieur de sa maisonaussi bien qu'à l'administration des affaires temporelles durant son absence
-  * Marie de Pisseleureligieuse de l'abbaye de Notre-Dame de Soissons et sœur de la maitresse de François Ierfut faite par ce roi la trente-septième abbesse de Notre-Dame d'Yerresde 1544 à 1553. +  * Sidonie le Picart, Marie de SaillyÉtiennette HodonJeanne Viole, sœur ou nièce de l'évêque de ParisMarie de LongueilMadeleine le Blanc, Madeleine Seguier, Marie de Harlay, tour à tour prieures, sont chargées de veiller au bon ordre de la communauté, à la régularité des exercices et de l'office divin, en un mot elles sont préposées à tout ce qui concerne la vie claustrale et monastiquePour les choses extérieures, la signature des contratsles rapports avec le procureur, Madame de Luxembourg a fait choix d'une autre monialenommée Anne le Cirierquiavec le titre singulier de "Commise", remplace l'abbesse empêchée. Aussi lit-on en tête de tous les actes de cette période... "furent présentes... Madame Anne le Cirier, Commise de la dite dame en son absence"Anne le Cirier était professe d'Yerres, mais c'est une religieuse peu connue; on ne sait pourquoi Madame de Luxembourg l'avait en si particulière estimeDans les cérémonies et les officeselle la plaçait toujours la première après elle, avant la prieure et les autres officièresce qui faisait un peu murmurer sous le cloîtremalgré le respect et l'obéissanceque toute la communauté professait pour les décisions de sa supérieure
- +  * Sous la direction de la prieure et sous le gouvernement de fait exercé par la "Commise", l'abbaye continua sa vie régulièreLes contrats et toutes les affaires administratives se traitent d'une façon normale "au grand gril, toutes les religieuses assemblées et congregées" selon l'usage. Elles comparaissentsous la présidence d'Anne le Cirier, devant le tabellion le Jude ((**Note d'Alliot.** —  Les le Jude et les Olignon furent tour à tour notaires à Yerres pendant une durée d'environ 150 ans.)) ou ses substituts, afin de donner leur |**216** assentiment aux mesures prises pour le plus grand bien du monastère. 
-=====Notice de l'abbé Alliot===== +  * Il serait fastidieux et sans profit, croyons-nous, de faire la nomenclature des centaines d'actes, gardés dans le chartrier de la maison et passés durant le long abbatiat d'Antoinette de Luxembourg ((**Note d'Alliot.** — L'un d'eux cependant mérite une mention spécialecar il nous montre les deux frères Dreux et Pierre Budé séparant la seigneurie d'Yerres le 2 juin 1573.))bien que plusieurs donnent de curieux détails et racontent des traits de mœurs intéressantsLes fermes de Lieusaint, de Tremblayde Sénart, de Moisenetdes Godeaux, le moulin de Masières ((**Note d'Alliot.** — Voici une liste respectable des baux du moulin durant l'abbatiat d'Antoinette de Luxembourg. En 1550il était affermé à un certain Noël le Clercvenu de SenlisLe 16 mai 1553, l'abbesse le loue à Barthélemy Ferrant pour 60 livres— Le 26 juin 1559 à Antoine le Clerc pour 60 livres  — Le 1er novembre 1561 à Thomas Molin pour 60 livres— le 10 février 1579, à Jean Henaut et à Adrienne Meuse pour 26 écus et 6 chapons— le 6 novembre 1584à André de Hallon pour 33 écus et 6 chapons; — le ler février 1585, à Jean Henaut et sa femme; — le 14 décembre 1594aux mêmes— le 10 octobre 1599à François de Gasles; — le 10 mai 1600, à François de Gaslesfils du précédent.)) apportent leur tribut régulier à ce monceau de parchemins et de papiers. À l'aide de toutes ces pièceson voit les parties en cause recourir aux mêmes moyens, aux mêmes arguties, aux mêmes dissimulations que de nos jourspour défendre leurs intérêtsétendre leur pouvoir et leur domaine, et diminuer leurs charges
- +  * Malgré les qualités éminentes de Madame de Luxembourget son dévouemement à sa maison et à ses sœurs, l'abbaye vit son personnel monastique diminuer de plus de moitié pendant cet abbatiatCela tient à plusieurs causes qu'il est nécessaire de faire connaître
-  * **Chapitre XIXMarie de Pisseleu (1544-1553).** +  * 1° La petite école fut supprimée de fait. Par suite des dangers de la guerreles parentsd'un côté, n'osaient pas confier leurs enfants aux religieusesde l'autrecelles-ci, placées à la campagne dans une maison sans défense, ne se souciaient pas de prendre une telle responsabilité: ce qui amema l'extinction partielle du recrutement. — 2° Plusieurs jeunes religieuses du cloître furent réclamées par leurs familles inquiètes, et leur départ diminua d'autant le personnel monastique— 3° Antoinette de Luxembourg envoya |**217** un grand nombre de ses filles gouverner d'autres maisons religieuses. Elle voyait ces exodes sans déplaisir, les favorisait même, et un certain nombre de ses courses eurent pour but d'accompagner ses moniales à des bénéfices qu'elles leur avaient obtenu par son influence. L'abbesse croyaitavec raison peut-être, qu'un certain lustre rejaillissait sur sa maison, de ce fait, que nombre de ses membres étaient jugés dignes de gouverner d'autres communautés. Nous avons déjà dit que sa sœur Marie de Luxembourg obtint l'abbaye de Notre-Dame à TroyesDes bénéfices furent aussi attribués aux sœurs de Harlay, de LongueilCécile le Picart, de Lory, Briçonnet, Séguier, le CirierBudé et autresSi bien que Madame de Luxembourg, qui avait trouvé plus de 60 religieuses vêtuesà son entrée en chargen'en laissa pas plus d'une trentaine en mourant: un bail de juillet 1587 ne nomme que 16 professesSi son système avait l'avantage de jeter un certain lustre sur l'abbayeen portant au loin son nomil avait aussi le très grave inconvénient d'affaiblir la discipline et d'appauvrir la sève religieuseen prenant au monastère ses meilleurs éléments
-    * //Le roi nomme une abbesse. — Famille et antécédents de Marie de Pisseleu. — Elle est abbesse perpétuelle. — Son caractèreses procès. — Elle veut détruire l'œuvre de la réforme. — La résistance. — Marie quitte Yerres. — Elle y revient momentanément. — Sidonie le Picart gouverne le monastère. — Les difficultés qu'elle rencontre. — Rapport de 1547. — Charles Beguynprocureur— Ressources de la communauté.// +  * Durant son long abbatiat. Madame de Luxembourg fit preuve de qualités éminentes et de vertus exceptionnelles. Sa charité envers les pauvres et les déshérités était si connueque de tous côtés on faisait appel à sa libéralité, et jamais les malheureux ne s'éloignèrent d'elle sans en obtenir une aumône et un soulagement
- +  * Au point de vue administratif, elle fut contrainte de prendre une multitude de mesures, qui toutes paraissent marquées au coin de la plus grande sagesse. Les Dominicains avaient quitté l'abbaye à la suite de pénibles débats avec Marie de Pisseleu; elle y fit venir, au moins de temps à autre, des Bénédictinsparmi lesquels nous voyons apparaître assez fréquemment frère Remy Jouin et quelques autres. Des procureurs ecclésiastiques fort nombreux gérèrent les affaires de la communautéJean DurantGeoffroy ColletHugues Régnault, Pierre BoudeauJean et Martin Petit, Gervais Boutevillain remplirent tour à tour ces délicates fonctions, qui à la fin furent confiées à un laïque, en conformité avec |**218** un point de la règle de Poncher. Un certain Pierre Motheau ((**Note d'Alliot.** — Ce Motteau sortait d'une vieille familleliée avec l'abbaye dès 1520. Ses descendants se sont perpétués à Brunoy jusqu'à nos jourset l'un d'eux, M..... Motteau, notre excellent confrère de la Société historique de Corbeil, nons a fourni, pour cette histoireun certain nombre de renseignements intéressants.)), originaire de Brunoy, ami de l'abbaye en fut chargé l'un des premiers. Enfin Madame de Luxembourg supprima le droit suranné et devenu odieux de chèvecerie à Notre-Dame de Paris, par un accord honorable avec les chanoines, eh 1598. 
-  * Que s'était-il donc passé à l'abbaye, pour qu'Étiennette de Guaigny, élue naguère par les suffrages de ses sœurs, fut contrainte de quitter si brusquement le pouvoir? +  * Son esprit de conciliation ne put la soustraire à l'ennui des procès. Elle en eut dès sa première année avec Jean Leprebtrereligieux profès de Saint-Magloire et curé de Brunoy, au sujet des dîmes paroissiales, qui ne lui étaient pas dues, affirmait le curéElle procéda également contre le curé de Villabéqui finit par reconnaître ses torts; et aussi contre celui d'Yerresson obligé pourtantEn effet, l'abbesse ayant fait cadeau d'un orgue à son église abbatiale; comme aucune de ses religieuses ne savait s'en servir, ce fut Thomas Yvert, qui fut le premier organiste de la maison, et pour le récompenser, l'abbesse lui donna la cure de la paroisse. On trouve encore d'autres contestations avec Pierre Huchebardfermier de Chintreaux, et avec les Budé et les de Lannoy, bien qu'ils fussent devenus parents de l'abbesse par alliance. Ces excellents seigneurs de village consentaient bien à placer leurs filles ou leurs sœurs au couventmais ils ne pouvaient renoncer à la douce satisfaction de faire des procès au monastère. 
-  * On se souvient du Concordat de 1515, entre le pape Léon X et le roi François Ier Par ce traité, le monarque avait obtenu le droit de nommer les titulaires de toutes les abbayes du royaume. Ce privilège, le prince ne l'exerça pas immédiatement. Pour ne point heurter de front les habitudes et surtout les droits imprescriptibles des monastèresil sut temporiser. De plusjuste au moment où il devenait le grand électeur de tous les couvents du royaume, la réforme et la règle de Poncher élevaient un nouvel obstacle à ses prétentions, par la destruction de la pérennité du pouvoir abbatial, et par l'obligation canonique de renouveler les élections tous les trois ansEn politique habileFrançois Ier attendit que l'enthousiasme des réformateurs s'émoussât, et que l'engouement des communautés du diocèse de Paris pour la réforme électoraleintroduite dans la vie bénédictine, fut tombé. Il observa, encouragea et fit naître au besoin les difficultés et |**202** les malaisesqui devaient nécessairement surgir dans les cloîtres par suite d'élections trop fréquenteset jamais il ne perdit de vue son dessein, qui était de s'attribuer partout la nomination des titulaires+  Enfin Madame de Luxembourgcomme toutes ses devancièresrevendiquait énergiquement ses droits de justicière. Un gros cahier relatif aux seules années 158315841585nous permet de voir le prévôt de l'abbesse jugeant vingt-cinq ou trente procèspour des affaires peu importantesil est vrai! C'était à faire pâlir la cour du Parlement. 
-  * Pour Yerresle roi attendit vingt-huit ans, et laissa faire d'assez nombreuses électionsÀ la fin il imposa sa volonté. Il ne protesta pas, ce semble, contre la dernière électioncelle d'Étiennette de Guaigny: il fit mieuxil la cassaou n'en tint aucun compteDe leur côténos moniales ne paraissent pas avoir protesté très énergiquement contre ce que, dès lors, on appelait le droit royalElles se soumirent sans trop de peinecroyons-nousaux entreprises du pouvoir civil, qui déjà triomphait assez aisément dans toutes ses luttes avec les gens d'Église. +  * Malgré ses qualitésAntoinette de Luxembourg eut aussi ses petites faiblesses, très faciles à relever dans les actes de son gouvernementSa piété était profondemais elle ne sut |**219** pas se défendre de cet air un peu solennelhautain et légèrement dédaigneuxqu'elle affectait surtout avec les Budé et les Lannoyces incorrigibles adversaires de sa maison. La premièredans les acteselle supprima tout à faitaprès quelque tempsl'//humble abbesse// pour devenir d'abord simplement //Madame l'abbesse//puis bientôt //Très illustre DameMadame Anthoinette de Luxembourgabbesse royale de Notre-Dame d'Yerres//Celles qui viendront ensuite renchériront encore sur ces titres pompeuxsur ces airs solennels et sur ces futilités mondainessi contraires à l'excellente et religieuse simplicité des anciennes filles de Saint-Benoît. 
-  * Et cependant jamais occasion plus légitime de faire de l'opposition ne se présenta; car le choix du roien s'exerçant pour la première foisne pouvait être plus inopportunni plus malheureux. Il suffit de dire le nom de son élue pour faire pressentir ce qu'elle allait être: elle s'appelait Marie de Pisseleu ((**Note d'Alliot** — Il faut prendre garde de la confondre avec sa sœurnommée, comme elle, Marie de PisseleuCelle-ci était abbesse de Maubuisson.)), était sœur d'Anne de Pisseleu, dont tout le monde sait les rapports avec François Ier. +  * En vieillissantMadame de Luxembourg sentit le poids de l'âge, et elle ne se prémunit pas suffisamment contre certaines intriguesnouées autour d'elle, sinon avec son consentementdu moins avec sa participation tacite. Le monastère, selon l'ordre naturelavait perdu un grand nombre de ses anciennes religieuses: Charlotte de MenemareBlanche de Lannoy, Jeanne Viole, Judith de Ferbois, et Hélène Régnault morte presque centenaire, en 1590 ((**Note d'Alliot.** — Hélène Régnault, née à la fin du XVe siècleétait déjà religieuse à Yerres en 1514; elle prit part à la réforme, et était demeurée comme la tradition vivante de ce qui s'était passé durant tout un siècle à l'abbaye.))étaient retournées à DieuLe cloître fit de nouvelles recruessurtout lorsque Henri IV eut rendu la paix et la tranquillité au paysParmi celles-ci nous remarquons Catherine DesmaretsCatherine des Ursins, et Françoise de Luxembourg-PineyCes deux dernières étaient nièces ou petites-nièces de l'abbesse; elles profitèrent de leur ascendant sur leur tante vieillie et débile, pour prendre la direction de la maison, où toutes deux voulaient porter la crosse: elles firent deux partis dans la communauté, au grand détriment de l'ordre et de la discipline. Antoinette de Luxembourgentourée du respectde l'amour et de la vénération de toutes ses fillesne voyait pas ces misères ou n'avait plus la force de les réprimer. Elle mourut le 30 septembre 1603à l'âge de 78 ans, après avoir porté la crosse à Yerres, pendant cinquante ans ((**Note d'Alliot.** — Son nom fut inscrit dans le Nécrologe de l'abbaye. Il est le dernier qui |**220** ait eu cet honneurcar déjà on commençait à imposer aux communautés comme aux paroisses, des registres mortuairesqui sont devenus notre état-civil. L'obit de Madame de Luxembourg ne fait mention d'aucun service religieux pour le repos de son âme.)). Elle fut enterrée |**220** dans le chœur de l'église abbatialeet on éleva sur sa tombe, un monument de pierrepour rappeler son nom et ses vertus. Plus tard, ce monument fut déplacé et mis dans la nef, avec une inscription un peu prétentieuse, où se lisaient plusieurs choses inexactesAvec l'éloge mérité de la piété, de la charité et des autres vertus de la défunteon dit qu'elle tint la crosse cinquante-cinq ansce qui est une erreur; et qu'elle réforma l'abbayeRien n'est plus fauxni plus injuste pour la mémoire de Sidonie le Picart. Quand Madame de Luxembourg fut promue abbessela maison n'avait nullement besoin de réforme, elle était régulière et fervente, remplie de dignes et saintes monialesSiau point de vue de la gloire et de la grandeur monastiqueson voulait faire une comparaison entre les deux époques de 1553 et de 1603, l'avantage ne serait certainement pas pour cette dernièreL'inscription insinue en outre que Françoise de Luxembourgqui fit élever le monument, fut l'héritièrenon seulement des vertusmais aussi de la charge de sa tante, //ministerii illius hæres//Le chapitre suivant nous apprendra ce qu'il faut penser de cette assertion.
-  * Cette première abbesse de nomination royale était picarde d'origine, et fille de Guillaume de Pisseleu, seigneur d'Heilly, et de Madeleine de Laval, sa troisième femmeComme on le devine, l'élévation de Marie de Pisseleu était due uniquement à l'insatiable avidité de la maîtresse du roi, qui avait déjà fait donner huit ou dix évêchés à ses trois frères, et une demi-douzaine d'abbayes à ses deux sœurs ((**Note d'Alliot** — Guillaume de Pisseleu, le père de tous ces prélats, pressait souvent sa fille Anne de profiter de sa situation pour caser ses frères et ses sœursIl faut le direil y avait une excuse à son âpretécar Guillaume avait //trente// enfants!)); cela s'appelait posséder des bénéficeset ce n'était que cela en effet. +
-  * Si les religieuses d'Yerres ignoraient le caractère et l'humeur de leur nouvelle supérieureà lui seul son curriculum vitæ était capable de les renseignerMarie était professe de l'abbaye de Notre-Dame de Soissons, où elle avait passé une |**203** partie de sa jeunesse. Elle devint en 1526 abbesse de Saint-Paul de Beauvaispar la cession que lui fit de cette abbaye Bone de Prouvillecontre une compensation. À peine est-elle en possessionque le Parlement est forcé de s'occuper d'elleEn décembre 1526en février 1527, et surtout le 28 août 1532, où sur la demande de Charles de Villiers de l'Isle-Adamévêque de Beauvais, on est contraint de l'éloigner, pour procéder à la réforme de l'abbayeAfin d'occuper ses loisirselle obtient le priorat de l'hospice de PontoiseElle s'y installe, et y vit sans aucune contrainteretournant de temps à autre à son abbaye de Beauvais, où elle met le désordre, grâce à la connivence de l'indigne cardinal de Châtillon. Ce fut dans sa villégiature de Pontoise qu'elle reçutdès 1543du vivant même de Marguerite le Grandson brevet de nomination pour l'abbaye d'YerresComment les Bénédictins du //Gallia// ont-ils pu faire de cette femme une abbesse triennale de notre monastère? C'est de leur part une distraction qu'il n'est pas facile d'expliquercar il est bien évident que les moniales d'Yerres n'avaient aucune raison d'appeler chez elles une femme qu'elles ne connaissaient pasqu'elles cherchèrent même à écarteren donnant la crosse à Étiennette de Guaigny. +
-  * Est-ce parce qu'elles firent ensuitesur l'ordre du roiun semblant d'élection sur le nom de Marie de Pisseleu? Mais il en fut toujours ainsi dans la suite. Sitôt que la communauté recevait la notification du brevetlui donnant une nouvelle abbesseon se réunissait en toute hâteon faisait un simulacre d'électionen ayant bien soin de ne pas mettre dans l'urne d'autre nom que celui de la titulaire désignée par le roiOn tenait tant à ce droit d'électionil était si naturel et si canonique à la fois, qu'en en perdant la réalité, on s'attacha à en conserver l'ombre! +
-  * Dire pourquoi Marie de Pisseleu, en possession de son titre dès 1543, fut plus d'une année sans venir à Yerres n'est pas chose facile. Quelques difficultés et des retardsimposés à Rome pour l'expédition des bulles, expliquent peut-être cette insolite inactivité. D'ailleurs on ne perdait rien pour attendre. La nouvelle titulaire arrive à la fin de 1544Elle remet |**204** aussitôt en honneur le nom personnel de l'abbesse, un peu trop effacé dans les contratspar le procureur, durant les dernières prélatures. +
-  * C'est elle-même qui fait passer les baux en sa présence; elle se transporte volontiers dans les endroits où ils doivent être signés; car pour elle, la clôture est un simple vocable sans signification et dont elle n'a cure. Il faut voir, lorsqu'elle a conclu un bail, avec quelle rigueur elle en poursuit l'exécution de toutes les clauses: ceci n'était que justice. Mais si elle était âpre à réclamer ses droits, elle était non moins habile à dissimuler ses charges. Cette double tendance ne tarda pas à multiplier les difficultés et les procès: d'une part avec les fermiers de l'abbayequihabitués à vivre bonnement sous la crosseinterprétaient toujours largement à leur profit, leurs obligations envers le monastère; d'autre part, avec les curés, locataires et copropriétaires des dîmes paroissiales+
-  * Au nombre de ceux qui se défendirent le plus vigoureusement contre Marie de Pisseleunous pouvons nommer Jean Beauchesnecuré de Lieusaint. Il n'est plus fermier de l'abbayeil a été remplacé par un paysan, à qui il réclame une portion de la dîme. Ce malheureux paroissien a beau répondre à son curé qu'il ne dépend pas de lui, qu'il ne connaît qu'une seule maîtresse: Madame l'abbesse; Beauchesne ne l'en poursuit pas moins devant les tribunaux civils et ecclésiastiques ((**Note d'Alliot** — Ce procès se prolongea durant de longues annéesPlaidé devant la juridiction ecclésiastiquel'Official de Paris donna raison au curé; mais celui de Sens, juge d'appeldécida en faveur des religieuses. Enfinen 1550les juges de Paris se rangèrent à l'avis de ceux de Sens, et le curé de Lieusaint fut débouté de ses prétentions.))Ses voisins les curés de Brie-Comte-Robert et celui de Combs-la-Ville imitent son exemple et procèdent contre le couventDes difficultés naissent également entre l'abbesse et le curé d'Yerres, ainsi qu'avec ceux de Drancy, de Tremblay, de Villabé et de Puiselet. +
-  * Marie de Pisseleu met encore sa maison en procès avec beaucoup de tenanciers et de particuliersparmi lesquels se trouvent toujours les de Lannoy et les Budéreprésentés |**205** cette fois par Jacqueline de Baillyveuve de Jean Budéagissant au nom de ses enfants mineurs+
-  * Tant d'entreprises extérieures auraient dû, ce semble, absorber toute l'activité de la remuante abbesse, et la contraindre à laisser vivre en paix ses filles du cloître. Il n'en est rienEn même temps qu'elle est tourmentée du besoin d'entrer en lutte avec les séculiersMarie de Pisseleu veut bouleverser le régime disciplinaire de son cloîtrePour elle la règle suivie à Yerres est trop sévère; la clôture est une gêne qu'elle ne peut tolérer, même pour les autres: elle va changer tout celaMais ses religieuses ont ajouté dans leur profession aux trois vœux de pauvreté, d'obéissance et de chastetécelui de vivre sous clôture: elles l'inscrivent dans tous leurs actes, et refusent énergiquement de se prêter aux fantaisies de leur supérieure. Chose plus grave encore, la doctrine de Marie de Pisseleu est suspecte. Elle a prêté une oreille complaisante aux nouveautés dogmatiques venues d'Allemagne; son esprit inquiet incline vers l'enseignement hérétique, elle s'efforce de le glisserpar ses rares instructions, dans les âmes des Bénédictines, qui en ont horreur. Enfin, sous prétexte d'affaires diversesl'abbesse attire au monastère une foule de séculiers, qui se répandent avec son autorisation dans les lieux réguliers, troublent la paix du cloître, et rendent impraticables les exercices de la vie monastiqueBrefMarie de Pisseleu veut jouerau XVIe siècleles Jeanne de Rauville. +
-  * Heureusement le cloître était bien gardéet Marie se trompait d'époqueNombreuses et ferventes, les moniales n'ont vu dans leur abbesse qu'une intruse, à elles imposée par la volonté du roiet dont elles se défientÀ leur têtepour la vie intérieure, se trouve une femme sûre, une religieuse éprouvée, qui tient à la régularité, à l'observance, à la clôture, au nom desquelles elle a déjà vu soutenir tant de luttes dans le passéC'est la Mère Sidonie le Picart, parente d'Étienne Poncheren 1514elle s'opposa un moment à la réformemais depuis lors elle l'a embrassée avec ardeur, elle la pratique depuis trente ans, et veut à tout prix en conserver le bienfait à sa maison, dont elle est devenue la prieure en 1541. Par sa dextérité et sa fermeté elle préserve ses sœurs des |**206** funestes enseignements de l'abbesse. Elle est aidée dans sa tâche par la Mère Marie de Saillymaîtresse des novices. Celle-ci est une ancienne religieuse comme la prieurecomme elle aussielle a trente ans de vie édifiante à son actif, et elle est très attachée à l'œuvre de la réforme. Toutes deux sont soutenuesappuyées et encouragées par les Dominicains. Ces religieux sont toujours confesseurs et directeurs de nos moniales; leur doctrine est sûreà l'abri des nouveautés suspectes, et d'un catholicisme à toute épreuve+
-  * Néanmoins toutes ces bonnes volontés réunies n'étaient pas capables de lutter avantageusement contre l'abbesseforte du pouvoir que lui donnait son titresoutenue par la Cour et appuyée sur l'autorité du roiC'est pourquoi Sidonie le Picart, bien conseillée, sollicita en sa faveur le concours de son supérieur direct: l'évêque de Paris+
-  * C'était alors Jean du Bellay, et il faut lui rendre cette justice que lorsqu'il s'agissait des autres, ce prélat se montrait généralement ami de la disciplinede la régularitéde l'austérité: chez luic'était une manière de rendre hommage à la vertu. Dans la circonstance, il n'hésita pas à faire son devoir. Les religieuses lui ayant dénoncé leur abbesse, comme troublant l'ordre de la communauté, menaçant l'œuvre de la réforme et suspecte au point de vue de la foiJean du Bellay donna à ses officiers la mission d'informer. Marie de Pisseleu était fort connueson procès canonique ne fut pas long, elle fut condamnée; mais elle en appela immédiatement au Parlement. Toutefois l'évêque de Paris eut assez de crédit pour la contraindre à quitter Yerresafin de soustraire ses religieuses à sa vengeance et à ses mauvais traitements. On lui assigna Dieu de Paris ou l'hôpital Saint-Gervais. Le procès est devant le ParlementTout d'abord les magistrats tentent de donner gain de cause à l'évêque, et à sa sentence, force de loi. Mais l'inculpée est protégée par une sorte de divinité mystérieuse, pas bien difficile à découvrir; elle obtient des délais, puis des enquêtes. +
-  * L'une d'elles met à nu le caractère de Marie de Pisseleu, et peint les mœurs du temps. L'abbesse se rend à Yerres pour |**207** défendre ses droitsdit-elle. "Mais elle se fait suyvre par une suyte de gens séculiers incongnuz et portans armes et bastonsqui accompaignent icelle de Pisseleu contre son état de religion", ce que les bons magistrats trouvent inconvenant. À Yerresl'abbesse "menace, injurie ceux qui témoignent contre elle, aussi bien que les juges et vicaires de l'évêque"; c'est pourquoi le Parlement donne des saufs-conduits aux juges qui devront aller à l'abbaye, et ordonne que Marie de Pisseleu, qui y sera reconduite, ne devra être accompagnée que par des religieuses de l'Hôtel-Dieu ou de Saint-GervaisCeci se passait le 9 juillet 1547. Le 6 août suivant, le procureur cherche à dessaisir l'évêque de la cause; et au cas où les Vicaires généraux voudraient passer outreils devront se faire accompagner par deux conseillers de la courpour les assister. Enfin le 21 août, le procureur ordonne que le procès fait par le promoteur lui sera remiscar telle est la volonté du roi et son bon plaisir! Ce fut tout. +
-  * En 1547le charme qui protégeait Marie de Pisseleu se rompit un instant par la mort de François Ier . Mais peu aprèsHenri II se fit aussi le soutien de celle que son père avait trop protégée. De lala fin de non-recevoir opposée au jugement rendu par l'officialité diocésaine. +
-  * Malgré cette opposition, Marie de Pisseleu ne rentra jamais à Yerres. Elle conserva néanmoins le titre d'abbesse de la maisonChassée de son siège, elle erra quelque temps au milieu de ses bénéfices, puis rentra à l'Hôtel-Dieu de Pontoiseoù elle mourut le 1er mars 1553. Sa dépouille mortelle fut transportée à Saint-Paul de Beauvaisabbaye dont elle était toujours titulaire. Elle avait été nominalement abbesse d'Yerres pendant 10 ans (1543-1553)mais elle n'y avait pas seulement résidé deux années+
-  * Après le départ de Marie de PisseleuSidonie le Picart la prieure eut le titre de vicaire du couvent, et gouverna le monastère avec pleins pouvoirs, en attendant la nomination d'une nouvelle abbesse+
-  * Sidonie put faire des bauxpoursuivre des procès, signer tous les contrats ((**Note d'Alliot** — En 1549. elle échangea un quartier de vigne avec la veuve de Jean Budé.))en un mot administrer. Et les six |**208** années qui s'écoulèrent entre 1547 et 1553 comptent au nombre des plus prospères de l'abbaye. Cependant les difficultés ne manquaient pas, car la situation créée par la conduite de Marie de Pisseleu avait amené chez nos religieuses plusieurs interventions étrangères. +
-  * La règle de Poncher exigeait des couvents qui lui étaient soumisle choix d'un visiteur élu, chargé de prendre la défense et aussi la direction des intérêts temporels et spirituels de la communauté. Nous ne savons si ce point de la règle fut observé à Yerres dès le commencement de la réforme; mais nous trouvons pour la première fois ce visiteur le 12 septembre 1547. Il se nommait frère Jean Goudequinprieur de Saint-Ladre-lèz-Parisil était accompagné d'un religieux appelé frère Martin de la Queueet de Pierre le Royalors confesseur ordinaire des sœurs. Ces trois ecclésiastiques assistèrent ainsi que toutes les professes à la passation d'un bail de la ferme de Herces, rédigé par Robert de Ellecourt, qui s'intitule pompeusement "notaire et greffier pour la réforme du dit monastère"Le monastèrenous l'avons dit, n'avait nullement besoin de réformemais bien l'abbesse titulaire, qui lui créait toutes sortes d'oppositions. +
-  * Si le visiteur canonique pouvait à la rigueur être considéré comme partie intégrante de l'abbayedont il était pour ainsi dire le supérieur temporelil n'en était pas de même des membres de l'officialité diocésainequalifiés par les documents "vicaires généraux"; pas de même surtout des conseillers du Parlementdont la présence indiquait une sorte de suspicion. Ceux-ci étaient enquêteurs par natureIls interrogeaientquestionnaient sans trêveni relâcheIls exigèrentau début de cette année 1547, un état détaillé de la situation de l'abbaye à tous les points de vue. Un rapport leur fut fourni le 14 mars ; il existe encore, et s'il ne dénote pas une prospérité matérielle bien brillanteil a l'avantage de nous fournir des détails intéressants sur le personnel de la communauté ((**Note d'Alliot** — Voici ce curieux documentdû à la plume de Jacques de Mervillesprêtre et procureur de l'abbayepour la circonstance— Les revenus sont perçus à quatorze endroits dénommés, savoir: Brévannes, — Vitri, — Athis, — Corbeil, |**209*— les Godeaux— Herces— les Bordes— Lieusaint— Senard— Plessis-en-Chevrie— Tremblay— Villepinte, — Cintreaux, — Cossigny. — L'ensemble du revenu est estimé 1373 livres 14 sols 3 deniers oboles tournois*— Le procureur affirme que les moniales ne tiennentni ne possèdent autres revenus en la prévôté et vicomté de Paris. —— (Mais où sont donc les revenus de Brie, — Combs-la-Ville, — Evry, — Chalandray, — Yerres, — Ablon, — Draveil, — Drancy, — Paris, — Puiselet, — Carbouville, — Maurecourt, — Gironville, etc., — que nous verrons reparaître?) —— Les charges sont: 62 religieuses. — un religieux— 24 serviteurs. — passants et repassants— pauvres gens d'église, — mendiants, — pensions des prévôts et officiers des terres et seigneuries— procureur— avocats— gens du conseil (?)— soutenir dix procès ordinairestant au Parlement qu'au Châtelet et en cour d'église— payer les gages des gardes— médecin— barbier! et apothicaire— gages des serviteurs— façon des vignes— bois, — échalats, — nourrir les fermiers quand ils viennent à l'abbaye, — acheter pommes, — poires, — fruits, — chair, — poisson— œufs— harengs, — pois, — fèves, — sel, — chandelles, — bois, — charbon, — nourrir dix chevaux pour la maison, — payer faneurs, — faucheurs, — crocheteurs, — jardiniers, — maréchaux, — charron, — bourrelier, — serruriers, — cordiers, — menuisiers, — vitriers, — maçons, — charpentiers, — couvreurs, — plâtriers, — teinturiers, — cardeurs, — peigneurs de laine— tisserans en drap et en toile— réparer l'église— l'abbaye— les fermes. — Pour la nourriture de tous il faut 40 muids de blé— 20 muids d'avoine— et 12 muids d'orge pour le bétail. —— La dépense se monte à 4,500 livresy compris les deniers et dons gratuits du roi. —— (Ce que le procureur ne nous dit pas, c'est d'où on tire la différence entre 1.373 livres et 4,500 livresEt cependant, l'abbaye n'avait pas de dettes. Évidemmentce comptable a diminué la recette notablement, car on n'ose dire qu'il a enflé la dépense: 4.500 livres pour nourrir cent personnes! et le reste!))). |**209** +
-  * Entre autres choses, nous remarquons que le procureur Louis Tartin a disparuet qu'il est remplacé par Charles Béguyn, prêtre comme son prédécesseur, et comme lui fort zéléIl l'est tant qu'il dépasse parfois la mesure. N'a-t-il pas eu la malencontreuse idée, au mois de septembre 1548, de faire enfermer dans les prisons de l'abbaye, le sergent de justice de la dame d'Yerres? Sidonie le Picart avaitcomme ses devancièresdes idées fort arrêtées sur l'exercice de la justice. L'infortuné sergent instrumentait pour sa maîtresse, dans un des prés du monastère. De là son incarcération. +
-  * Après six mois de fer et des réclamations véhémentes, il fallut le relâcher; toutes les moniales, la prieure en tête"congrégées et rassemblées au grand gril du couvent" furent contraintes de faire des excuses à la dame d'Yerres |**210** (Jacqueline de Bailly) et de désavouer leur trop zélé procureur ((**Note d'Alliot** — Malgré l'âpreté de nos religieuses à réclamer la basse, moyenne et haute justice, on ne voit pas que leurs officiers aient jamais prononcé des peines bien graves; surtout jamais de peines capitalespas même des châtiments corporelsen dehors des incarcérations et des fers— L'enquête très détaillée qui eut lieu, au sujet de l'incarcération du sergent de Jacqueline de Bailly, eut certainement mentionné les châtiments graves, car elle renferme beaucoup d'autres traits de mœurs.)). +
-  Sidonie le Picart est d'ailleurs rentrée dans les bonnes traditions: toutes ses sœurs sont appelées à signer les baux des biens du monastère; c'est long et incommode, maintenant surtout qu'il y a 50 professes; mais c'est plus digne. Pendant qu'elle fut chargée de l'administrationelle ne passa pas moins de 20 ou 30 contrats, et tous sont marqués au coin du bon sens et de la stricte équité. +
-  * Les ressources nécessaires à l'entretien de la communautévenaient: 1° de la location des terres et des dîmes; 2° des droits de justicedes lods et ventes; 3° de certaines rentes viagères; 4° enfin des pensions des religieuses. Instruites par l'expérience du passénos moniales ne reçoivent plus de dons manuels ou bien peu. Ces dons en effet étaient ordinairement chargés de services religieux fort pénibles. Or, afin de ne pas changer leur église en nécropole pour services funèbres, comme au XIVe siècle, elles n'acceptent que les dons purement gratuits, très peu importants et pas nombreux. Elles trouvent du reste une compensation dans les pensions servies par les parents de leurs sœurs; et celles-ci atteignent parfois un chiffre assez notable pour l'époqueTémoin ce reçu écrit tout entier et signé de la main de la prieure, où elle "confesse avoir reçu de Messire Anthoine de Luxembourg, comte de Ligny, etc..., la somme de 400 livres tournois, pour les pensions de ces deulx chères seurs, les nostres bien aymées, seurs Anthoynette et Marie de Luxembourg"+
-  * Il reste plusieurs pièces manuscrites de la main de Sidonie le Picart. Son écriture droiteparfaitement formée, comme notre ronde moderne, dénote une femme d'ordre et de caractèretrès instruite pour le temps où elle vivaitSa famille occupait un certain rang dans la sociétécar son frère Étienne |**211** le Picart était seigneur de la Motte-Gallon en Brie; il donna à l'abbaye l'une de ses fillesCécile le Picart, professe en 1555. +
-  * Le pouvoir intérimaire de Sidonie cessa en 1553; mais elle garda la charge de prieureavec la nouvelle administration, jusqu'en 1565 ou 1566; elle l'avait exercée pendant 23 ansElle ne mourut qu'en 1572, presque octogénaire, ayant plus de 60 ans de profession religieuseaprès avoir porté vaillamment le poids de la règle et de l'observanceet rendu des services incalculables à son monastère. +
-  +
- +
-=====Documents===== +
- +
-=====Sources===== +
- +
-=====Bibliographie===== +
- +
-  * [[hn:jm.alliot|Jean-Marie Alliot]]"Chapitre XIX. Marie de Pisseleu (1544-1553)"in //{{ :hn:hn.jm.alliot.1899a.pdf |Histoire de l'abbaye et des religieuses bénédictines de Notre-Dame d'Yerres au diocèse actuel de Versailles, par l'abbé J.-M. Alliot, curé de Bièvres}}// (in-8°, XVI+313 p.), Paris, Alphonse Picard, 1899, pp. 201-211. +
- +
-=====Notes=====+
    
  
Ligne 75: Ligne 41:
 =====Bibliographie===== =====Bibliographie=====
  
-  * [[hn:jm.alliot|Jean-Marie Alliot]], "Chapitre XIX. Marie de Pisseleu (1544-1553)", in //{{ :hn:hn.jm.alliot.1899a.pdf |Histoire de l'abbaye et des religieuses bénédictines de Notre-Dame d'Yerres au diocèse actuel de Versailles, par l'abbé J.-M. Alliot, curé de Bièvres}}// (in-8°, XVI+313 p.), Paris, Alphonse Picard, 1899, pp. 201-211.+  * [[hn:jm.alliot|Jean-Marie Alliot]], "Antoinette de Luxembourg (1553-1603)", in //{{ :hn:hn.jm.alliot.1899a.pdf |Histoire de l'abbaye et des religieuses bénédictines de Notre-Dame d'Yerres au diocèse actuel de Versailles, par l'abbé J.-M. Alliot, curé de Bièvres}}// (in-8°, XVI+313 p.), Paris, Alphonse Picard, 1899, pp. 212-220.
  
 =====Notes===== =====Notes=====
antoinette.deluxembourg.1658764497.txt.gz · Dernière modification : de bg

Donate Powered by PHP Valid HTML5 Valid CSS Driven by DokuWiki