Corpus Essonnien

Histoire et patrimoine du département de l'Essonne

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Agnès de Brie (?-1317)

Notule

  • Agnès de Brie, religieuse de l'abbaye Notre-Dame d'Yerres, en fut la quatorzième abbesse, de 1312 à 1317.

Notice de l'abbé Alliot

  • Chapitre IX. (…) Agnès de Brie (1312-1317)
    • (…) Agnès de Brie. — Les procureurs. — Les confesseurs. — Affaiblissement de l'austérité. — Influence des religieux de Cluny. — Le chant des Offices supprimé. — Le Ferculum. — Le pécule et la vie privée. — Omissions de l'Obituaire.
  • (…)
  • Marguerite de Courtenay [abbesse d'Yerres] avait été emportée par une maladie épidémique, qui fit un grand nombre de victimes à l'abbaye et dans les environs. Agnès de Brie, sa remplaçante, fut également moissonnée par ce même fléau. En l'absence de documents péremptoires, nous n'oserions affirmer qu'elle appartenait à cette famille Briard, l'une des anciennes et des plus généreuses bienfaitrices du monastère. Il est certain toutefois qu'elle était de haute naissance et tirait son origine de Brie-Comte-Robert. Jeune, active, entreprenante, elle prit pendant son court abbatiat des mesures importantes.
  • Le 9 février 1313, elle nomme des procureurs séculiers pour gérer les affaires temporelles de la communauté, et notamment pour toucher la dîme du pain, accordée par le roi dès l'origine de l'abbaye.
  • Elle prend également une décision plus importante encore relativement au confesseur de sa maison. Depuis la disparition du prieuré de Saint-Nicolas, ou mieux depuis sa transformation, le service religieux de la maison était fait par des prêtres séculiers, désignés par l'autorité épiscopale, ou plutôt attirés par leur goût et par l'amour de la retraite à l'ombre du cloître abbatial. Ces prêtres toutefois n'accomplissaient pas, ou que bien rarement, l'une des fonctions les plus délicates du ministère ecclésiastique: celui de confesseurs de la communauté. Pour cette charge, on avait recours, tantôt à l'abbaye de Saint-Victor de |105 Paris, et tantôt à celle de Saint-Maur-les-Fossés, qui députaient un de leurs moines, pour entendre les confessions de nos moniales, celui-ci demeurait temporairement à Yerres.
  • La question des confesseurs de religieuses avait attiré l'attention du chef de l'Église dès le moyen âge. On trouve, dans les archives de l'abbaye, une bulle pontificale, trop mutilée pour en permettre l'analyse et en extraire le règlement. Néanmoins son existence prouve l'importance que Rome attachait à cette fonction. Ce fut peut-être la lecture de ce document, dont l'écriture se rapporte au commencement du XIVe siècle, qui détermina Agnès de Brie à choisir, pour confesseur de sa maison, un religieux de Cluny.
  • L'arrivée de ce moine bénédictin amena une assez notable transformation dans la vie intérieure de nos moniales. Celles-ci, avons-nous dit, étaient alors visitées par un terrible fléau, une épidémie, qui fit parmi elles de nombreuses victimes. Nos moniales, apeurées par la maladie, décimées par la mort, et occupées à soigner leurs agonisantes, commencèrent à sentir vivement le poids écrasant de leurs longs offices, et de l'austérité de leur vie.
  • À Cluny, paraît-il, la règle bénédictine permettait aux religieux de manger des poulets, des canards, de la volaille, sans enfreindre l'abstinence commandée par la législation monastique. En venant à Yerres, les Clunisiens y apportèrent ces doctrines, et nos moniales, malgré leurs traditions d'austérité, poussées par les souffrances, conseillées par leur confesseur et aussi peut-être par leur médecin, adoptèrent les pratiques de Cluny. De cette époque et non pas du milieu du XVe siècle, comme on l'a dit, date l'introduction de la viande dans la nourriture de nos Bénédictines.
  • Durant les quarante premières années du XIVe siècle, les religieuses d'Yerres n'écrivirent pas un mot dans leur Obituaire; elles tentèrent bien plus tard de réparer ces lacunes, néanmoins il est impossible de savoir à combien s'éleva le chiffre des morts de cette période, mais il est certain que le nombre de nos moniales, autrefois si considérable, s'abaissa bientôt à cinquante et même au-dessous. |106
  • Plusieurs des valides étaient occupées à soigner leurs sœurs malades et infirmes, et cependant il fallait satisfaire à l'obligation de l'office, devenu en peu d'années, très long et fort compliqué. Outre les Heures canoniales, l'église d'Yerres, transformée en une sorte de nécropole, devait célébrer à peu près chacun des jours de l'année, l'anniversaire de quelques-unes de ses religieuses ou de l'un de ses bienfaiteurs défunts. Ces anniversaires avaient comporté jusque-là le chant de l'Office des morts. Avec des religieuses fatiguées et réduites à un petit nombre, il ne fut bientôt plus possible de satisfaire à cette obligation; c'est pourquoi on se contenta de réciter ces offices au lieu de les chanter, et on les réduisit le plus possible.
  • Mais ce que l'on conserva avec le plus grand soin ce furent les repas, d'anniversaires. L'usage de ces repas plus copieux, à l'occasion d'un service mortuaire, remontait très loin dans les monastères, au moins jusqu'au Xe siècle et sans doute au-delà; dès lors il était composé de quatre plats ou mets différents. Ce nombre ne diminua pas avec le temps. Nous avons déjà mentionné la fondation à Yerres d'un assez grand nombre de ces anniversaires, et des sommes léguées pour le repas qui suivait l'office. Dans le langage du moyen âge, ce repas était souvent appelé: Ferculum; il donna lieu à des abus, et c'est par lui que l'abondance, la vie facile, et le relâchement s'introduisirent dans certains monastères. À Yerres, il n'avait pas encore produit tous ces abus au commencement du XIVe siècle, mais déjà il était une cause d'affaiblissement de la discipline, car à la suite des longs repas, il fallait du repos et des récréations prolongées, et il en fut ainsi dans notre monastère au temps d'Agnès de Brie.
  • Celle-ci laissa également se développer parmi ses sœurs une autre pratique fort dangereuse. On a déjà pu remarquer que le moyen âge n'entendait pas tout à fait, comme les temps modernes, la vie commune, et surtout la pratique du vœu de pauvreté. Les religieuses d'alors, toutes ou presque toutes, sorties de familles aisées, gardaient la propriété et même l'usage de leur fortune sous le contrôle de leur supérieure. Il ne paraît pas que cette manière d'agir ait donné lieu à des abus; mais tout en demeurant maîtresses de leurs biens, les moniales |107 n'avaient pas le pécule, cette plaie destructive de la vie commune. Le pécule est une somme plus ou moins considérable d'argent possédée par le membre de la communauté et dont il a la libre disposition. Or, Agnès de Brie, si elle ne créa pas cette situation à Yerres, la laissa en tout cas se développer librement, et favorisa au moins par sa tolérance ce qu'on nomme la vie privée. Elle-même vécut moins familièrement avec ses sœurs, elle se sépara d'elles davantage et se constitua des appartements séparés, une sorte d'abbatiat, d'où elle commandait en maîtresse, au lieu de rester comme autrefois ses devancières, la première entre des égales. Dans quelques-uns de ses actes cependant elle reprit les anciennes traditions, et se fit appeler l'humble abbesse au lieu de Madame l'abbesse.
  • Elle recueillit la succession de Guillaume Le Nain et d'Aveline, sa femme, qui léguèrent à l'abbaye des biens assez importants sis à Varennes et ailleurs, à charge de prières 1). Alain de Lamballe, évêque de Saint-Brieuc, lui laissa également quatre livres parisis pour la pitance de ses sœurs. Ces donations et d'autres moins importantes vinrent alimenter la caisse du couvent entre les années 1312 et 1317, époque de la mort d'Agnès de Brie, qui ne porta la crosse que durant cinq ou six ans, pendant lesquels de nombreux changements furent accomplis, sinon de sa propre initiative, du moins avec son consentement tacite.
  • Comme ses deux devancières, Agnès de Brie ne fut pas inscrite à l'Obituaire, ce qui a fait penser à certains historiographes, que ces trois premières abbesses du XIVe siècle, ne moururent pas à Yerres; car, disent-ils, non sans quelque apparence de raison, il eut été à la fois odieux, déraisonnable et tout à fait en dehors des usages monastiques, de priver ces abbesses des prières et suffrages de leurs sœurs, aux jours |108 anniversaires de leur décès. Malgré cela, nous croyons que ces trois prélatures se terminèrent à Yerres par la mort, et bien que nous soyons privés de documents authentiques relatant leur décès, pour Marguerite de Courtenay, l'autorité de du Bouchet, historien de sa famille, et son épitaphe ne nous paraissent pas discutables; pour toutes trois, l'omission de leur nom dans le Nécrologe de la maison, nous semble due à un simple oubli, ce livre étant demeuré fermé à toute insertion nouvelle, durant près de 40 ans.

Documents

Sources

Bibliographie

Notes

1)
Note d'Alliot. — Le testament de Guillaume le Nain et de sa femme est à peu près la seule pièce contemporaine qui nomme par son nom l'abbesse Agnès de Brie, mais la date sous laquelle il nous est parvenu est certainement fautive. Ce n'est pas 1310 qu'il faut lire, mais bien 1312, car Agnès de Brie ne porta pas la crosse avant la fin de juin ou le commencement de juillet de cette année, Philippe de Dury étant prévôt de Corbeil, et Pierre des Choux garde du scel de la même prévôté.
agnes.debrie.txt · Dernière modification: 2022/07/21 03:42 de bg