Corpus Essonnien

Histoire et patrimoine du département de l'Essonne

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Les frères hospitaliers du Déluge (1232-1495)

Chronique du Vieux Marcoussy —————————– —- _————————— Novembre 2009 (refonte d'août 2007)

Original de 1232

JP Dagnot

A Nicolas Payen qui a guidé mes premiers pas vers l'histoire

Tout d'abord, amis lecteurs qui n'avez pas forcément une grande connaissance de la région de Montlhéry, permettez-moi de vous situer le Déluge; cette ferme, ancienne commanderie des hospitaliers, localisée sur la commune de Marcoussis, se trouve en bordure de la route allant de Marcoussis à Janvry, proche la Francilienne (N104).

Les documents les plus anciens

Pour constituer ce récit, les documents imprimés n'ont été pris en compte que s'ils permettaient de consulter des originaux ou des vidimus (copies transcrites), afin de coller au plus près aux documents historiques. Cette plongée dans le monde des archives permet notamment de tordre le cou à des légendes qui ont la vie dure…

La plus répandue de ces “erreurs” en ce qui concerne le Déluge, colportée dans un certain nombre d'ouvrages ayant traité le sujet (de plus ou moins près), est de déclarer cette commanderie comme “templière”. Un auteur est même allé jusqu'à narrer l'arrestation (par des officiers royaux) des prétendus templiers du Déluge le fameux 13 octobre 1307 ! Du roman et encore du roman… bien loin de la réalité historique. L'origine de ces affirmations provient de l'ouvrage de Malte-Brun, page 29, où l'auteur déclare: que le Déluge avait appartenu d'abord aux Templiers, puis octroyé en 1311 aux Hospitaliers après suppression de l'ordre rival. Nous nous attachons ici aux documents les plus fiables, reléguant en fin d'article les documents les plus incertains concernant le Déluge.

Nous sommes en 1189, les frères de l'Hôpital possèdent à Paris une maison… On y trouve un frère nommé Garnier de Naples qui cumule deux dignités: - celle de prieur de l'Hôpital en Angleterre (prior hospitalis in Anglia), - également maître de l'ordre en France (preceptor ejusdem in Francia) afin de régler les affaires de l'ordre (vicem prioris gerentes in Gallia). Cette appartenance se verra jusqu'en 1303 lors de l'achat d'une partie de la seigneurie de Linas par des anglais.

La maison des chevaliers de l'ordre de saint Jean de Jérusalem s'appelle maison de l'Hôpital dans les actes les plus anciens, puis est nommée Hôpital ancien au 14 ème siècle, ensuite deviendra saint Jean de Latran et pour terminer par Baillage de la Morée.

Le premier acte latin, sans ambiguïté, date de 1232. C'est un original récemment trouvé, récompensant la tenacité de l'auteur qui le recherchait vainement depuis une dizaine d'années. Dans ce document il est fait mention de “magister de diluvio ordinis hospitalis jerosolimitani” soit maître du déluge de l'ordre hospitalier de Jérusalem. Le contenu de cet acte est repris dans une chronique sur Chantecoq, écart de Janvry.

Dix ans plus tard, un second document latin est rapporté sous forme de vidimus . Cette transcription est faite en 1347 devant le prévôt de Paris. Nous apprenons par cet écrit que Guillaume (d'Upton), comme commandeur du Déluge, de l'ordre de l'hôpital de Saint-Jean de Jérusalem, accepte l'amodiation (bail à ferme) faite par l'abbaye de Saint-Magloire de la moitié des dîmes du Déluge, de “pampuce” et de Marivas (Marivaux), moyennant une rente annuelle de 29 setiers de grain, sur la grange dîmeresse de Briis.

En 1245, un troisième acte, est cité dans le cartulaire général de l'Ordre des Hospitaliers. Ce document, ainsi que le suivant, sont aussi des vidimus de 1347. Leur contenu similaire décrit une ratification par religieux homme Thierry de Nusse, jadis prieur des frères de l'Hôpital de Jérusalem en Angleterre, avec le religieux du couvent de Saint-Magloire. Le premier acte est repris et cite Guillaume d'Upton, chapelain, et les frères de la maison de l'Hôpital Saint-Jean de Jérusalem du Déluge, reprenant l'essentiel du premier document (dont l'appartenance des dîmes à Saint-Magloire).

Un vingtaine d'années plus tard, le roi saint Louis fait échange avec Jean de Poissy, de la terre de Bruyères-le-Châtel pour celle de Poissy. Ce Jean de Bruyères se dira quelquefois de Poissy et apparaîtra lors de l'acquisition par le Déluge d'une partie de la seigneurie de Linas.

Nous arrivons à la fin du 13ème siècle, “Thomas, sire de Bruyères, chevalier, confesse qu'il avoit pris et reçu à toujours de religieux homme frère Ychier de Manteuil, prieur, et des frères de la sainte meson de lospital saint Jehan de Jerusalem en France, le moulin que lesdits religieux avoient à Guisseroy [Guisseray à la limite de Bruyères et de Breuillet] et trente sous parisis de cens ou de rente que le commandeur de Chauffour [Chauffour-lès-Etréchy] prenoit chacun an sur leur meson du déluge pour ce que la meson du déluge tient de Chauffour au terrouer de Bruyères”. Quelques mois plus tard, nous retrouvons frère Baudoin “commandeur à ce temps de la sainte maison de l'Hôpital de Jésuralem du Déluge en l'évesché de Paris” pour une rente d'un setier de blé à Soucy (commune de Fontenay-lès-Briis).

D'autres actes pourraient être apportés, mais il est évident que le Déluge, à cette époque, dépend de la commanderie de Chauffour et que l'ordre de rattachement est hospitalier et non templier. Cet avis est confirmé par Mr Jean-Marc Roger, conservateur en chef de la section ancienne aux Archives nationales.

La célèbre répression commence, et deux mois après, le roi Philippe le Bel ratifie un échange, intervenu entre les hospitaliers du Déluge et Thomas de Bruyères (voir article sur les seigneurs de Marivault). Relevons que par quatre fois, il est fait mention de responsables en Angleterre.

Nous en resterons là sur l'appartenance du Déluge, les autres documents exploités et analysés seront replacés dans leur contexte, dans les chroniques concernant Loppigny, Chastres (Arpajon), Soucy, Ollainville, Linas, et Marcoussis.

La commanderie au quatorzième siècle

Peu de documents nous sont parvenus sur cette période. Tout juste nous retrouvons , vers 1345, au cours d'un procès, le frère Richard Bernard, chevalier, de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem, commandeur de la maison du Déluge près Montlhéry, qui par sa prodigalité, se fait saisir ses biens au Déluge, comprenant les ornements liturgiques de la chapelle … C'est certainement la raison pour laquelle les religieux de Saint-Magloire ont fait transcrire les actes du siècle précédent prouvant qu'ils étaient les détenteurs des dîmes du Déluge, à défaut de paiement de la rente.

Deux autres mentions nous sont connues. Le premier de ces actes, passé à Montlhéry, concerne le “droit de prise de pain” en la ville de Linois [Linas]. Sont alors réunis les trois seigneurs de Linas dont le grand prieur de France. La dernière mention pour ce siècle apparaît lors d'achats de biens passés par Jean de Montagu pour des terrains mitoyens…

Fin de la guerre de Cent ans et redressement de la commanderie

En 1410, le Déluge est cité dans un aveu au duc de Bavière, alors seigneur de Marcoussis et Gometz -le-Châtel. Un nommé Jean Le Jeune y déclare soixante cinq arpents de prés, relevant de la seigneurie de Gometz et tenant aux Hospitaliers du Déluge.

La guerre terminée, la région est dans un état de délabrement total. La commanderie essaye alors de remettre de l'ordre, fait le point sur ses titres et sur l'état de ses biens. Les lieux suivants sont concernés: Chastres (Apajon), Buisson (Ollainville), Fontenay-les-Briis, Saclay, Chenanville, Bruyères, Briis, Janvry, Egly, Baudreville, Linas, Marcoussis, Igny, Beaunes. Les actes importants sont soigneusement recopiés en tête de registre, suivent les biens classés par lieux (certains de faible importance). L'historique de certains lieux sera repris dans d'autres chroniques.

Un exemple de cette reconstruction à Chastres (Arpajon): religieuse et honnête personne frère Regnault …, “commandeur de lospital ancien saint Jean de Jérusalem du Déluge et de Ballizy”, baille à cens et rente à un nommé Jehan Périer “une place où soulloit avoir molin et ses appartenances nommé jadis le molin de francherel”. Le preneur sera tenu de réédifier un moulin et le rendre tournant et moulant.

Nous arrivons en 1479. Reprenons les notes manuscrites d'un érudit, confirmant les ravages de la guerre, qui déclare pour le domaine du Déluge: “son revenu réduit de beaucoup suffisait à peine à l'entretien de son commandeur, c'est pourquoi, dans le chapitre provincial tenu à Paris, le conseil de l'Ordre prit une décision où il déclara que la commanderie du Déluge serait réunie à celle de saint Jean de Latran, attendu sa proximité de Paris & sa petite valeur qui ne vaut la vie et le chevissement (entretien, nourriture) d'un frère”.

Terminons cette première partie par une visite de la commanderie, et laissons la parole à frère Etienne Bernard, commandeur de Senlis: “que en ladite commanderie y a une belle chapelle chargée de trois messes et garnie d'ornements et autres choses nécessaires pour icelle; audit lieu n'a point de maison pour le commandeur, y a habitation pour le fermier laquelle est assez bien entretenue …

Autres éléments de chronologie non utilisés pour l'histoire du Déluge:

En 1141, Louis VII accorde aux moines de St Thomas d'Epernon, le droit d'usage dans la forêt d'Yvelines et dans les bois du Déluge. Il prend sous sa garde ce prieuré ainsi que les autres églises dépendant de l'abbaye de Marmoutiers. Cet acte ne concerne pas le Déluge de Marcoussis et sera cité comme tel par plusieurs auteurs.

En 1223, une transaction est réalisée entre les ordres religieux de Marmoutiers et ceux de Saint Magloire. Il s'agit des dîmes novalles en la forest du déluge. Ce lieu se situe près d'Epernon en la paroisse d'Hermeray, et paraît être celui cité par erreur par l'abbé Lebeuf au sujet de l'origine du nom Déluge.

En 1244, l'abbé Lebeuf cite également: “Johannes de dilugio, chevalier, vivoit”, (source Gallia Christiana). (Voir annexe ci-dessous)

En 1263, mention faite dans un dictionnaire qu'une ” information fust fete diligaument par frère Baudoin, mestre du déluge, et par Robert jadis clerc de la prévosté de Montlhéri.“. Cette mention vient illustrer une notice concernant la surveillance des digues d'un fleuve!!!

Annexe patronyme “Déluge”

Une recherche sur ce patronyme nous montre qu'il a existé au nord de la région parisienne une famille portant ce nom. C'est ainsi qu'en 1237, que “Girardus de Diluvio, chevalier, et Thebaldus de Diluvio”, vendent à l'église de Saint Denis en France un fief à Ully (à 10 km du Déluge)…

Egalement “Johannes de Dilugio, écuyer”, apparaît en juin 1244, avec mention de Girardus aussi en relation avec les religieux de St Denis. Curieusement l'abbé Lebeuf en citant Gallia Christiania, attribue la relation à la forêt près d'Epernon diocèse de Chartres; il s'agit plus probablement de la paroisse du Déluge dans l'Oise, qui correspond aux actes ci-dessus ainsi qu'à un amortissement datant de 1280 pour 22 arpents à Neuilly (Noyaco?) avec également un dénommé “Johannes de Dilugio”.

à suivre …

dagnot/chronique02.02.txt · Dernière modification: 2020/11/10 23:51 de bg