Corpus Essonnien

Histoire et patrimoine du département de l'Essonne

Outils pour utilisateurs

Outils du site


dagnot:chronique03.05

Page en chantier


Le moulin à vent de Longpont Le moulin du Mesnil ou du Boulay (d'après le terrier de Marcoussis, 1781)

…………….

de

1357

à

1625

Avril 2007

JP. Dagnot et C. Julien

Chronique du vieux Marcoussy

Le moulin du Mesnil ou du Boullay

Au travers les vicissitudes communes à tous les moulins de la région, cette Chronique relate l'histoire du moulin à vent de Longpont-sur-Orge (cant. Montlhéry, arr. Palaiseau, Essonne) dont on connaît l'existence sur la période 1303 et 1800. Ce moulin à vent est inscrit sur de nombreux documents graphiques dont la carte particulière de Jaillot (1706), la carte de Cassini (1733), le plan terrier (XVIIIème s.), le plan d'intendance (1787), etc. Par contre, le plan napoléonien (1809) n'indique plus rien.

Situé sur un monticule de sable assis sur les marnes vertes, c'est un lieu-dit qui fait face à la tour de Montlhéry. Ce promontoire domine la plaine dite « des Larmes » entre Longpont et Montlhéry où se déroula le 16 juillet 1465 la fameuse bataille entre Louis XI et Charles le Téméraire (1). De nos jours, on dit encore « la Butte du Moulin à Vent». Ce chantier fut pendant longtemps constitué de petits lopins de terre et de vergers que les Lonpontais cultivaient soigneusement. C'est le point le plus haut de Longpont culminant à quelques 92 mètres . Les terres sont restées en vergers jusqu'à l'arrivée du béton en 1992.

En fait, le moulin de Longpont fut toujours appelé « moulin du Boulay » ou « moulin du Mesnil ». Le Boulay (qui vient de butella , lieu planté de bouleaux) est le toponyme du chantier. Le Mesnil (ou Mesnil-sous-Longpont) est le hameau contigu. Le Boulay comme le Mesnil étaient des fiefs dans la mouvance de Villebouzin. Cette seigneurie possédait un autre moulin à eau, le moulin de Biron situé sur la Salemouille (2).

Nous apprendrons par la suite que le moulin du Boulay était un moulin-tour (3).

Les documents les plus anciens

Le premier document date de 1357 . Amaury de Meulan, sire de Neufbourg et de la Queue-en-Brie , vend aux maîtres et écoliers de Saint-Nicolas-du-Louvre et des Bons Enfants de Paris, le fief du Mesnil-sous-Longpont , le fief du Mesnil sous Longpont, mouvant du roi dans le comté de Montlhéry . Ces biens consistent en cens, droitures, grains, champarts et notamment quatre arpents de pré et un moullin baillé pour vingt septiers de moûture. C'est le moulin à vent du Boulay qui est concerné.

Un hôpital des pauvres écoliers de saint Nicolas fut fondé en 1187 par Robert 1er de Dreux, en même temps que l'église collégiale Saint-Thomas du Louvre . En 1217 les écoliers obtinrent permission d'établir une chapelle et un cimetière, ce fut le collège Saint-Nicolas du Louvre et de Bons Enfants, partie de l'ancienne Université de Paris, supprimé (1541) par le cardinal Jean du Bellay. Cette fondation perpétuelle était destinée à l'hébergement de quelques pauvres étudiants. Outre ses activités charitables, l'institution gérait de nombreux biens en tant que seigneurie. La présence de ces collèges est confirmée par un mémoire relatant, “qu'en 1415 eut lieu un jugement au profit des maîtres et écoliers des collèges St Nicolas et des bons enfants, concernant la justice que les écoliers maintenaient avoir au lieu du Mesnil”.

Robert de Dreux, frère de Louis VII, fonda un hôpital des Pauvres Ecoliers de Saint Nicolas en même temps que l'église collégiale Saint-Thomas du Louvre. C'était en 1187. En 1217 les écoliers obtinrent permission d'établir une chapelle et un cimetière, ce fut l'hospice Saint-Nicolas du Louvre , supprimé (1541) par le cardinal Jean du Bellay .

En 1543, Robert 1er Grisson, conseiller, secrétaire et notaire du roi François 1er , acheta la seigneurie de Villebouzin qui resta dans la famille pendant deux siècles. Robert Grisson avait « le droit de moyenne et basse justice sur toute la seigneurie de Villebouzin, à charge que les appels ressortissent du seigneur de la Tour de Montlhéry ». En fait, il avait également droit de mouture et droit de pressoir. La seigneurie comprend les fiefs du Mesnil, du Boulay, des Fontenelles, des Gabrielles et de cens commun ; c'est-à-dire qu'elle s'étend depuis Ballainvilliers jusqu'à Linas où se trouvait le moulin de Biron. La situation vassalique de Villebouzin était complexe puisque la seigneurie était à la fois un arrière-fief de Valgrand et de Montlhéry.

En 1593 (date certainement fausse en raison du bail de 1578), l'abbé Lebeuf cite un échange entre Robert Grisson (Pislon par Lebeuf) avec les mêmes collèges des bons enfants et de Saint-Nicolas, des biens qu'ils possédaient au Ménil, Boulay et Fontenelles, pour d'autres héritages. Le fait est probable, néanmoins Robert est décédé avant 1592 et c'est son fils Jehan qui lui succède. Un aveu de 1633 confirmera que ce fief a dépendu des bons enfants du Louvre.

Dans la déclaration d'aveu et dénombrement de 1629, lors de l'installation du duc d'Orléans à Montlhéry, il est écrit « un moulin à vent situé sur ledit fief du Boulay, bâtiment, cour et jardin en dépendant, de 4 arpents 50 perches ».

Economie du moulin du Boulay

Moulin et four sont des installations vitales pour les communautés paysannes dont le pain représente la plus grande partie de l'alimentation solide (4). Les meuniers occupent donc une situation économique de premier ordre entre les producteurs (les manants attachés à leur tenure) et les boulangers (5). Ils avaient aussi des obligations: se tenir à la disposition de chacun, assurer une production suffisante, de bonne qualité, à prix fixes. Les meuniers et leur ménage devaient prêter serment (6).

Plusieurs questions légitimes peuvent être posées à propos du grand nombre de moulins dans la région de Montlhéry : étaient-ils justifiés par l'économie locale ? Permettaient-ils une économie viable ?

En effet sur quelques lieues alentour on ne compte pas moins d'une dizaine de moulins : Grotteau, Basset, la Folie , la Chaussée (Longpont), Carouge (Brétigny), Biron, La Roue , Guillerville (Linas), la Ferté (Marcoussis), le Boulay (Villebouzin). Soient cinq moulins sur le terroir de Longpont ; c'est énorme ! N'oublions pas que sous l'ancien régime, tout comme le four, le pressoir, la forge, le moulin faisait partie du ban seigneurial, c'est-à-dire un monopole auquel nul ne pouvait se dérober. La banalité était un droit réel, lié à un bâtiment; elle persistait même après la cessation de son exploitation. Par conséquent chaque seigneurie avait au moins un moulin affermé avec les nombreux droits féodaux attachés. Pour la plupart, ces moulins ressentirent la lente dégradation qui marqua la vie paysanne sous l'ancien régime. C'est-à-dire les éléments défavorables qui ont lourdement pesé sur le mode campagnard de Longpont au cours d'une longue période de plus de trois siècles, entre 1285 et 1680. L 'état de dépression économique commença à la fin du XIIIème siècle par une crise monétaire suivie d'une crise frumentaire en 1315-1317, elle-même suivie par Peste Noire qui dépeupla la France en 1348.

Les évènements extérieurs ont participés à l'appauvrissement du Hurepoix. Sans revenir sur les malheurs de la guerre de Cent ans, nous pouvons évoquer trois périodes plus récentes. En 1465, la bataille du Bien Public fut tout autant catastrophique pour l'économie de Longpont que « oultre estoient les champs plains de bledz et de febves et autres grains très fort, car le territoire y estoit bon ». «.. et les fruictz de la terre longs et fors, qui les [les archers bourguignons] empeschoient à aller ». Le récit de Commynes se termine par cette vision : « la plaine [de Longpont] fut complètement dévastée et aucune récolte ne fut possible cette année. Une grande misère s'en suivit ». Un siècle plus tard, les soldats de l'armée huguenote qui profanèrent l'église ont contraint les moines de Longpont à fuir le monastère. Ils furent accueillis dans leur prieuré parisien de Saint-Julien-le-Pauvre. La Fronde fut aussi néfaste quand l'armée de Condé arriva à Montlhéry (1652). Un auteur a récemment écrit « en ce triste XVIIème siècle déjà ravagé par des épidémies récurrentes de peste, les campagnes sont dévastées par les gens de guerre et des populations qui fuient ».

Revenons un temps sur l'économie céréalière longpontaise au début du XVIIIème siècle. Une analyse est nécessaire car les bilans pécuniaires du prieuré de Longpont ne font jamais apparaître un tel calcul. Le rendement par arpent ensemencé en blé froment était évalué à un nombre de 150 gerbes et le produit en grain variait entre 2 à 3 setiers, soit une moyenne de 2 setiers 1 mine par 100 gerbes ou 3 setiers 1 mine ½ par arpent. En outre, le battage de 100 gerbes donnait 6 boisseaux de criblure. La semence de chaque arpent de blé était estimée à 8 boisseaux, à raison de 12 l .t. le setier. C'est-à-dire que le rendement était sensiblement supérieur de 1 pour 5 grains pour une terre travaillée à trois façons de labour et fumure. En 1711, le setier de froment était vendu 15 l .t. 5 s. sur le marché de Montlhéry, la criblure était prisée à raison de 10 s.t. le boisseau et la paille au prix de 12 l .t. les 100 bottes. Sur ces revenus, il convient de soustraire les frais de labour et de récolte « pour avoir scié, lié, charrié, engrangé le grain et les frais de battage ». En 1712, les frais de récolte s'élevèrent à 51 l .t. 15 s.t. pour la récolte sur environ 9 arpents de terre. Soit une dépense totale de 9 l .t. 15 s.t. par arpent. Le bilan général de 1711 donne un revenu net d'environ 62 l .t. par arpent. Considérons maintenant la seule ferme de Longpont contenant 136 arpents de terre et prenons les 68 arpents ensemencés en froment, la somme de 4.216 l .t. constitue le rapport de la directe.

Il y avait de plus en plus de moulins ; cette situation engendre des conflits puisque, parfois, les meuniers débauchent la clientèle des seigneuries voisines. La chasse consiste à aller quérir les grains chez le particulier qui voudra bien les bailler, les moudre en son moulin et ramener la farine de blé bien moulu. Le meunier prélève une quotité de farine pour rétribuer son travail. Le travail devant être fait sous 48 heures.

Les meuniers du Boulay

Le premier document sur le moulin à vent de Villebouzin, concerne le transport du bail de ce dernier en 1578: Gervais Caille cède le bail du “moullin appartenant au seigneur de Villeboussin”, à Martin Berquemont, charpentier de la grande cognée à Saint Lambert prez Chevreuse, ce dernier acceptant le bail fait par le seigneur de Grisson, du moulin à vent de Villebouzin.

Depuis cette époque l'histoire de ce moulin peut être suivie de manière continue (7) .

Sept mois plus tard, un autre meunier, Jehan Beusnois, demeurant au moulin à vent de Villebouzin, vend à un laboureur du Mesnil, la quantité de six septiers de bled mousture, moyennant sept escus d'or sol.

Il faudra patienter un peu pour voir le premier bail passé par Radegonde Picot, épouse du seigneur de Villebouzin, notaire et secrétaire du roy, lieutenant de son hôtel. C'est un bail à ferme et pension de grain, jusqu'à six années, passé à Benjamin Glynet, demeurant audit moulin à vent, comprenant ledit moulin, maison, et deux arpents de terre, moyennant deux muids de blé métail mesure de Montlhéry, une douzaine de poulets et deux chappons (8) . Une prisée et inventaire seront faits avant trois mois; de même qu'une pareille prisée sera faite en fin de bail des tournants travaillants et ustensiles. Le bail est passé au château de Villebouzin.

Deux mois après, Nicolas Hanyard, meunier du moulin à vent de Marcoussis, accorde “le droit d'aller chasser les blés et moudre dans le village de la ville du bois”, au meunier de Grouteau et à celui de Villebouzin (9) . Benjamin Glynet devra payer pour ce droit de chasse, trois septiers de blé métail sans orge ni avoine.

Ce meunier conserve le moulin cinq années, s'installe ensuite à Grouteau et transporte le bail du moulin à vent; il est prévu de faire la prisée du moulin en demandant au meunier du moulin à vent de Marcoussis et à celui de Chilly de chiffrer les tournants travaillants et autres ustensiles.

Plan d'intendance de Longpont-sous-Montlhéry (1787).

La période fatidique des guerres arrive, malgré un acte en série B non déchiffré où l'on devine un différent entre la dame de Villebouzin et la veuve d'un meunier, qui procèdent à une transaction sur le bail du moulin. Suit une période d'une quarantaine d'années, sans documents notariaux concernant le moulin, à l'exception d'une décision de justice en 1618, où le meunier du moulin à vent doit des dommages et intérêts à la suite d'une rixe.

Il est à penser que ce moulin comme ceux du voisinage a dû souffrir ou disparaître pendant un laps de temps. Des baux précédents on ne trouve pas mention de clôtures et il est isolé.

Les Grisson se succèdent et comme c'est la coutume à chaque changement, le nouveau seigneur doit présenter ses hommages à son suzerain; ainsi Marie Louise Grisson, héritière de son père, déclare pour le fief du Mesnil, Boulay, et Fontenay (Fontenelles), différents bien ainsi qu'un moulin à vent. De ces documents mis à part la mention du bâtiment, on n'apprend rien.

A la fin du XVIIème siècle, le moulin est baillé à plusieurs reprises par les boulangers de Montlhéry. Ce sont Marin et Philippe Massé, mais aussi Germain Carré le jeune. Le moulin est alors tenu par des meuniers à leur service. En 1692, le moulin à vent est exploité par le maître-meunier Charles Melaye et sa femme Louise Choisel, puis par Barthélémy Ruelle qui avait épousé la veuve Melaye en 1714 ; le maître est secondé par le meunier François Grandier et par Firmin Foiret et son fils Noël.

Notes

(1) Voir le récit de Philippe de Commines sur la bataille de Montlhéry.

(2) Le moulin Biron (commune de Linas) fera l'objet d'une Chronique spécifique.

(3) On distingue deux types d'architecture de moulin à vent. Le moulin-tour est constitué d'une tour maçonnée surmontée d'un toit orientable dans le sens du vent qui supporte les ailes fixées à un axe horizontal. Le moulin à pivot dit à chandelier est construit en bois et s'oriente avec le vent. Le plus souvent le chandelier est placé sur un support maçonné. La transmission du mouvement à l'axe vertical des meules se fait par un engrenage constitué du « rouet », roue solidaire de l'axe des ailes munie de dents en bois dur, ailes qui engrènent sur la « lanterne » à fuseaux solidaire de l'axe vertical. Pour fonctionner, les ailes du moulin doivent être face au vent qui est très changeant ; « le timon », dit aussi la queue du moulin est actionnée à l'aide d'un cabestan pour orienter le moulin.

(4) 100 kg de blé produisent environ 70 kg de farine et 25 kg de son.

(5) Sous l'ancien régime, le meunier est un personnage important du monde rural, et souvent mal vu par les paysans car sa paie, le droit de mouture , consiste, au XVIIème siècle, en la seizième partie du grain apporté par le tenancier et on l'accuse souvent de “gober” dans le sac plus que sa part.

(6) Lire « Une journée avec…Un meunier du Moyen-Age » de Régine Pernoud.

(7) Les meuniers ont été popularisés par tant de chansons et les belles meunières sont présentes dans les berceuses et les chansons d'amour. Généralement le meunier dort dans son moulin, à l'étage, car lorsqu'un changement de vent se produit il faut réagir vite. « Meunier, tu dors, ton moulin, ton moulin va trop fort… ».

(8) Sous l'ancien régime, les redevances seigneuriales furent payées en espèces (deniers parisis ou tournois) ou en nature (grains, vin, volailles, etc.). Cette dernière façon de s'acquitter prévalut à la suite des manipulations monétaires depuis le XIIIème siècle.

(9) La chasse consiste à aller quérir les grains chez le particulier qui voudra bien les bailler, les moudre en son moulin et ramener la farine de blé bien moulu . Le meunier prélève une quotité de farine pour rétribuer son travail. Le travail devant être fait sous 48 heures.

Fin de la première partie.

à suivre

dagnot/chronique03.05.txt · Dernière modification: 2020/11/11 00:30 de bg