Corpus Essonnien

Histoire et patrimoine du département de l'Essonne

Outils pour utilisateurs

Outils du site


dagnot:chronique05.03

Page en chantier


Le Bois Courtin

Plan de bornage

.

De 1362 à nos jours

Août 2007

JP Dagnot.

Chronique du vieux Marcoussy

Aux religieux de la Fondation de la Salle qui m'ont aidé par leurs souvenirs et les documents qu'ils possèdent, et surtout à Yvonne Dol, en religion sœur Madeleine, qui a réalisé dans cet endroit une œuvre remarquable.

La chronique sur ce lieudit est venue fortuitement lors d'une visite récente de l'endroit afin de connaître l'étendue des biens de Pauquet de Villejust. Les habitants de la région qui ne connaissent Villejust que de nom, ne sont jamais allés à cet endroit en cul de sac. Pour trouver ce domaine, depuis Tommy primeurs qui vend des légumes dans les champs, prendre la direction Villejust et tourner trois fois à gauche. Par ce trajet, au bout d'une allée de tilleuls, vous avez contourné la propriété dans laquelle est un petit chateau.

Comme à l'accoutumée, nous commencerons le récit avec les documents les plus anciens que nous avons déjà rencontré lors de la chronique sur les seigneurs de Villejust. Notamment celui de 1372, où Regnault de Villejust déclare dans ses biens “14 arpents au bois Courtin”. Nous retrouvons également Jean de Montagu en 1398, faisant de même . Puis Thomas de Balsac dans son aveu des seigneuries de la Roue (Linas) et de Villejust qui lui cite “le bois des courtines” tenant aux fourches (patibulaires) de Villiers.

Nous pourrions continuer la liste des différents propriétaires déclarant ce bois, ce qui présente peu d'intérêt. Notons simplement qu'Anne de Longjumeau, veuve dudit Thomas, échangera ce bien avec Augustin de Thou.

Nous arrivons au début du 17ème siècle. Votre narrateur n'étudiant pas les seigneuries d'Orsay et de Villebon, ce bois restera dans les biens de ces seigneuries, sans plus d'informations jusqu'en 1789.

Pendant la Révolution, Pierre Marie Gaspard Grimod, comte et seigneur d'Orsay, émigre en Autriche. Il y décède en 1809 (à la Sainte Trinité près de Vienne), laissant ses deux fils héritiers. Ces derniers reviennent en France en 1815, et retrouvent une partie de leurs biens dont le bois Courtin.

Nous sommes en 1820, Jean Alexandre Pauquet de Villejust, fraichement annobli, réalise sa plus belle affaire. Elle correspond à son besoin de paraître, en sus du domaine de Villejust, il se rend propriétaire de 114 hectares de bois: - Jean François Gaspard Grimod, comte d'Orsay, aîné, maréchal des camps et armées du roi, demeurant allée d'Antin, quartier des Champs Elysées, - Maximilien Joseph, jeune, chambellan de l'empereur d'Autriche, demeurant à Vienne, de présent à Paris, Lesquels vendent à notre personnage lesdits bois en 21 pièces parmi lesquelles la pièce n°21, appelée Courtin, contenant 60200 m2. La vente faite moyennant 117000 frs.

Deux après, pour régler des litiges, il fait procéder à l'arpentage du bois qui sera délimité par seize bornes de grès (plan en tête de chronique). La description mentionne “un bois percé de quatre routes de chasse, à l'extrémité intérieure desquelles est une demi-lune”. Notons aussi le long de ce bois, du chemin de la mine qui conduit au bois de la mine d'or à Villebon.

Pauquet décède en 1839, sans postérité. Sa succession n'est pas aisée, un tribunal prend l'affaire en main et il autorise les héritiers à procéder à l'adjudication d'une coupe de bois audit lieu:

Les charrois s'effectueront par le chemin du bois de la mine. La coupe est adjugée à Denis Cossonet, marchand de bois ,à la grange aux cercles (Ville du Bois).

La succession Pauquet sera décrite dans une prochaine chronique. Revenons au bois Courtin: il est adjugé en février 1841, au tribunal civil de la seine, associé à la ferme des pavillons. François Eugène Jarry, avocat parisien, se voit attribuer ce lot 21 à l'issue d'une enchère atteignant 22000 frs. Quatre ans après, l'avocat revend ce bois, ayant demandé l'année précédente l'autorisation d'y exploiter une carrière à ciel ouvert, de pierres meulières. L'acheteur, Guillaume Edouard Buran, exerce la profession de chimiste, et demeure à Paris, rue du faubourg Saint Martin, il obtient ce bois, à essence dominante de chêne, pour 10000 frs. On trouve la trace de l'exploitation de la carrière par le congédiement du locataire qui n'avait qu'un bail verbal… ce sera le début des fosses dans la propriété. L'acte mentionne également, qu'il existe en son milieu un petit bâtiment composé de deux parties en forme de pavillon, partie bois et partie zinc, et un autre sur le bord du chemin à usage de forge, couvert de tuile. Le vendeur se réserve les pierres déjà extraites, présentes sur le terrain. Le bois n'est toujours pas un lieu d'habitation.

En 1857, commencent alors de curieuses tractations, le chimiste Buran vend à Pierre Lezé, son voisin au faubourg saint Martin (le nom de Lezé est rayé et est remplacé par Félix Canier) le bois, avec une description classique, les bâtiments ont disparu. Un mois après, chez le même notaire, Félix Canier fait une donation aux Lezé père et fils: - le père obtient la jouissance des biens sa vie durant, - le fils mineur, absent, représenté par son père, la-nue propriété qui sera réunie à l'usufruit au décès du père. Notons que Canier et Lezé sont tous les deux “ingénieur civil”.

Par ailleurs, la magouille est très élaborée, Lezé fait à Ursule Jocham, épouse Canier, un bail sous seing privé du Bois Courtin, sur cinq ans, d'un loyer annuel de 400 frs , avec paiement immédiat des cinq premières années, soit 2000 frs.

L'année suivante Lezé est condamné par le tribunal de la seine pour défaut de paiement d'une somme de 2000 frs. On commence à comprendre en partie le changement de nom et la donation! Quelques mois après, la saisie arrive, Pierre Lezé a disparu. Un cahier des charges de vente aux enchères est constitué, contre le débiteur sans domicile ni résidence connue en France, pour l'adjudication de la jouissance de Bois Courtin, comprenant: - un bâtiment neuf en forme de pavillon, au milieu de la propriété, à usage d'habitation bourgeoise ayant un comble plat couvert en zinc, élevé d'un rdc et d'un premier étage, ayant au midi cinq ouvertures , fermées par des portes doubles, cinq croisées sans persiennes, une marche en pierre servant de seuil à chaque entrée; au nord, autre porte de deux croisées au rdc, trois croisées au premier , formant avant corps; au couchant et au levant autres croisées à glace sans persiennes, perron de deux marches au nord à la porte d'entrée … - au levant une fermette de service, scellée dans le mur; - autre logement servant au concierge ou au jardinier …. - remise à côté, le tout couvert en ardoises; - écuries & vacheries ensuite, - basse cour à la suite, Le tout construit par Mr Lezé, Dans l'intérieur de cette propriété se trouvent: - trois pièces d'eau vive et un bassin entouré de treillages , - une cave voutée donnant sur le potager, - cette propriété est close de fossés et murs en terrasse à pierre sèche. Elle a une entrée sur ledit Villejust fermée par une grille, une autre entrée au levant sur porte à claire voie. Les bois sont de l'age de 12 ans, partie jardin d'agrément et potager. Ces lieux paraissent être occupés par Monsieur Canier se disant locataire d'iceux. Le logement du jardinier est occupé par Jacquillard, jardinier de la maison bourgeoise, et n'est pas habité. Ils sont d'après les contributions foncières pour 1859 au nom de Louis Canier ingénieur civil à Belleville, d' un revenu de 117 frs. On comprend mieux la difficulté pour Lezé ou Canier? d'assumer finacièrement la construction d'une telle propriété. La présence des trois mares signifiant que les pierres des constructions en ont été extraites.

Un dénommé Manière obtiendra cet usufruit pour 3600 frs. Ceci se passe trois mois avant le décès de Pierre Lezé à Lisbonne! Ce fait non connu à l'époque, l'usufruit revient à la nue-propriété! Le fils Lezé possède alors le tout avec l'acceptation de la donation… Cependant trois mois plus tard, il a dû apprendre le décès de son père et également savoir qu'il était couché sur l'acte fait par Canier. Il déclare ne pas être au courant et refuse purement et simplement la donation.

Que cache ce refus, qu'avaient-ils combiné? On apprend au fil du temps que Canier est endetté et qu'il doit notamment 6000 frs à un propriétaire de Lisbonne! Pour corser le tout, en 1861, Cagnier déclare qu'il a fait élever les constructions à Bois Courtin de ses deniers, comme architecte, constructeur et fournisseur ( en contradiction avec le cahier des charges de 1859!), et comme il veut dégager cette propriété de ses biens, il la revend à sa femme moyennant 16000 frs.

Les obligations financières desépoux Canier sont multiples. En 1865, Legrand, négociant à Fontenay sous Bois, leur sert de prêteur trois fois succesives, la dernière pour 20000 frs… Canier et Legrand décèdent peu de temps après. Ursule Jocham, veuve Canier, est redevable envers les héritiers Legrand de la modique somme de 29000 frs, ceci en 1875.

La propriété est une fois de plus saisie et mise en vente. La description ressemble à celle de 1860. Notons plusieurs pièces d'eau provenant de fouilles de pierres. C'est Jules Emile Mauras, marchand de peigne, demeurant à paris faubourg Sébastopol qui l'obtient pour 20000 frs. Il la gardera cinq ans pour la revendre à un médecin parisien demeurant rue de Rivoli. Ce dernier, d'après les revenus fonciers, y fera des transformations que nous supposerons être le grenier.

Qu'a donc ce lieu, trois ans après, le médecin revend la propriété à Charles Roullier, rentier de Neuilly. Cette fois c'est au bout de deux années que notre rentier cède la domaine au comte d'Ysarn Freissinet , propriétaire parisien, demeurant rue Victor Hugo. On peut raisonnablement penser que ce personnage va être celui par qui ces bâtiments deviendront château.

En effet, toujours d'après les impôts fonciers, ces derniers ont plus que triplé, tant pour la maison que pour les communs, l'année suivant son arrivée. Le comte et la comtesse de Freissinet y séjourneront jusqu'à la fin du 19ème siècle.

Alexandre Marie Hugues Jacques, comte d'Ysarn Freissinet, propriétaire, & Alice Evelina Sogler, comtesse demeurants maintenant à Neuilly, lesquels vendent à Auguste Blain, entrepreneur de carrières à Choisy le roi: - le chateau du Bois Courtin, composé: 1° d'un bâtiment principal comprenant au rdc, grand salon, salle à manger, office, cuisine et cabinet de débarras; deux chambres avec cabinet de toilette, water closet. Au premier trois chambres à coucher et salle de bain. Au second deux chambres de domestiques, et grenier. Caves. 2° communs comprenant petit appartement, composé de trois pièces cuisine, maison de jardinier avec chambre et cuisine, trois écuries, trois remises, fruitier, poulailler. 3° grand parc contenant six hectares divisé en potager, planté en fruitiers, prairie, bois, pièce d'eau. 4° chemin d'accès conduisant à la Poupardière. La vente réalisée moyennant 40000 frs. La description, à la tourelle près, ressemble à la demeure actuelle.

Les propriétaires continuent à se succéder fréquemment. L'entrepreneur de carrières a dû extraire les dernières pierres restant sur le site, et au bout de trois ans, revend la propriété avec les meubles, au couple Mathieu, parisiens venant de la rue Lecourbe. Ce dernier entrepreneur de couverture, décède en sa propriété de Villejust en 1909. Sa veuve et ses enfants y resteront encore deux ans et vendront le domaine à François Pau dit Edouard, entrepreneur de serrurerie. La vente pour 47000 frs.

La première guerre mondiale arrive, rien ne se passe jusqu'en 1919, où Edouard vend le domaine à Adrien François Vochelle, négociant demeurant à Paris rue Soufflot, pour 75000 frs.

1923, la propriété passe à madame Revol, propriétaire résidant rue de Courcelles, moyennant 100 000 frs.

1927, Marguerite Blanchet, propriétaire, veuve Jean-François Revol, demeurant à Paris rue d'Edimbourg, laquelle vend à Eléonor Hérudon Steele, américaine sans profession, divorcée, épouse actuelle de Louis Debonnesset, docteur en médecine, demeurant avenue du président Wilson, mariée sous le régime de la séparation de biens, une propriété d'agrément dite le château de Bois Courtin avec ses dépendances (description du comte de Fressinet) . Notons que la veuve confirme qu'une partie des terrains a été exploité en carrières. La vente faite pour 300 000 frs payés comptant.

La périodicité de quelques années continue: Eleonor Herudon Steele, américaine, propriétaire, divorcée en premières noces du comte Alexandre Basele de la Greze, en secondes noces de Louis Marie Charles de Bonnesset, & épouse en troisième noces de Mr Hall Clovis, propriétaire avec lequel elle demeure à Villejust au château de Bois Courtin, vend à Armand de Ocampo, propriétaire, moyennant 400 000 frs payé comptant. Relevons qu'elle réside à Paris au n°1 de larue des Italiens. “Provenant des cartes postales de regards en arrière”

Ce récit s'arrête pour une pause, en raison de la suite originale de l'histoire de ce lieu: - Achat par un argentin et donation à une association charitable, - Centre d'accueil d'ex-prostituées, dite maison Marie Jean Joseph, dirigée par soeur Madeleine - Occupation par des frères de la fondation de la Salle.

dagnot/chronique05.03.txt · Dernière modification: 2020/11/11 01:31 de bg