Corpus Essonnien

Histoire et patrimoine du département de l'Essonne

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Les fermes prieuriales de Brétigny

Extrait du plan napoléonien de Brétigny-sur-Orge (1809) Janvier 2008

C. Julien

Chronique du vieux Marcoussy

Cette chronique est un essai historique des deux fermes agricoles qui étaient situées à Brétigny-sur-Orge (ch.-l. cant., arr. Palaiseau, Essonne). C'étaient les fermes qui appartenaient au prieuré de Longpont. Rappelons que le toponyme de Brétigny vient de la forme latine “Britini, Brittenacus, Britiniacum, Bretigniacum” et la forme romane “Breteigny”, nom de domaine carolingien, d'un anthroponyme Britto , désignant une personne d'origine gallo ou bretonne.

Les documents anciens

C'est bien évidemment le Cartulaire du prieuré N.-D. de Longpont qui atteste l'existence des fermes de Brétigny au début du XIIe siècle. L'ancienneté des ces exploitations agricoles remonte aux temps reculés des défrichements du sud parisien que certains auteurs attribuent à l'époque carolingienne au temps de l'abbaye parisienne de Saint-Germain-des-Prés et de l'abbaye de Saint-Denis (1).

Sur les terres du Hurepoix, la société féodale s'était établie sur les fiefs repris par les seigneurs laïcs, suite à la politique de “clientélisme” des premiers carolingiens, avant 800, et des premiers capétiens après 987. On se souvient de la charte de Pépin le Bref (juillet 768) qui redistribua les propriétés de l'abbaye de Saint-Denis situées dans la forêt d'Yveline.

Vers 1100, alors qu'il était mourant, Milon Brito, frère du prieur Henri donna deux hôtes à Brétigny, à savoir Richer et Dodon (charte CLXIV). Puis, Gautier de la Bretonière donna la moitié de son patrimoine à Brétigny au lieu-dit Voisin « apud Brititiacum, ad locum qui dicitur Ad Vicinum » ; ce fief relevant de Vaugrigneuse comprenait la ferme du château de Brétigny et quelques arpents de terre. C'est en 1150 que Guy de Vaugrigneuse lègue sa dîme de Brétigny qu'il avait de la tenure d'Évrard de Liers, et la moitié de la dîme de huit métayers de cette tenure.

Le jour de l'enterrement de son frère Milon Brito, Hersende, soeur du prieur Henri, donne des biens dans les hameaux de Brétigny : toute la terre de Fontaine, la terre de Cossigny, la terre de Fresnes (2), & l'hostise de la Ferté (charte CLXX). Vers 1100, Gautier dénommé Payen, étant à l'agonie, donne deux hostises à Brétigny avec l'accord de sa mère Hersende (charte CXLIV). Puis, viennent à Longpont Hugues de Chamilli, sa femme Letholde et Thomas leur fils, les possesseurs éminents qui donnent leur accord sur le don fait par la famille Brito.

Les nombreuses donations faites au couvent de Longpont constituèrent le fief prioral de Brétigny, les possessions du prieuré sont reparties dans tous les hameaux et cantons des deux paroisses Saint-Philbert et Saint-Pierre :

• En 1090, Eudes, fils d'Arvi donne deux arpents de terre à Brétigny avec le consentement de toute la famille, sa femme, ses fils et filles, ses frères et sœurs.

• Au commencement du XIIe siècle, le moine Thibaud et son frère Gautier donnent un demi arpent de vigne à Rosières (charte CXLII).

• Vers 1108, Hervé de Donjons étant malade et la mort venant, donne, pour le repos de son âme, quatre hostises à Brétigny, au lieu nommé la ferme de Summum, devenu Essonville « quatuor hospites apud Britiniacum, loco qui dicitur ad Summum Villæ » (charte CXLII).

• Aymon de Donjons, fils d'Hervé donne 5 hostises à Brétigny quand il sent la mort venir en 1110. Sa mère déposa la donation le jour de l'enterrement en présence de Payen de Donjons et du chevalier Evrard de Brétigny.

• Gui de Linas, pour la rédemption de son âme, celle de son père, celle de sa mère, celle de son frère Milon, celle de sa soeur Hersende et celle de tous ses ancêtres, & pour le chevalier Wulgrin qui avait épousé sa soeur donna deux parts de dîme de l'église Saint-Pierre-de-Brétigny (charte CXLVII).

• Guillaume Cuchivis, chevalier de Montlhéry, donna, avec le consentement de sa femme, son fils et son frère, le sixième des dîmes de la paroisse de Brétigny avec une somme 15 livres tournois (charte VII). Ce legs est fait avec la ratification de Theobald, l'évêque de Paris qui est le collateur de Brétigny « decima de feodo nostro est, ita esse concedimus » (3). Quelques temps plus tard, une chicane éclata avec Hugues de Chamilli quand Guillaume Cochevi voulut donner les droits féodaux sur 4 hostises à Brétigny. Finalement, Guillaume donna une seconde fois une somme de vingt sols, & pour les hostises qui étaient retenues, il donna deux autres, celles de Hermier de Saint-Philibert & celle de Frédéric, ses tenanciers, qui pour deux arpents de terre acquittaient douze sols de cens aux moines (charte CCXXV).

• Ermengarde dote son fils, novice à Longpont, du reste de la dîme qu'elle possédait à Cochet (charte XIX).

• Vers 1150, Gui de Vaugrigneuse dit le jeune donne, avec l'accord de son frère Burchard, et de son oncle Galfid, la dîme de Brétigny qu'il avait de la tenure d'Évrard de Liers, et la moitié de la dîme de huit métayers de cette tenure (charte CLXVI). Ce legs est fait pour réparer les fautes de sa mère.

• En mars 1136, le jour des obsèques de sa femme, Burchard de Vaugrigneuse donne la moitié de la dîme qu'il possédait à Brétigny « partem suam de Xma quadam apud Britiniacum, cujus residua pars nostra erat », l'autre moitié appartenant déjà aux moines.

• Avec l'accord de son suzerain, le seigneur Anseau de Chailly dont les droits censuels étaient ses droits féodaux, Guillaume Zonzi donne, vers 1120, une terre à Fresnes (charte CCXLIX).

• Les dîmes de Brétigny sont énoncées dans la bulle d'Eugène III (1152) en ces termes « decimas de Britiniaco & Plesseiz » (charte I).

Le prieur Henri, enfant du pays

En 1086, Henri Brito devint le cinquième prieur conventuel de N.-D. de Longpont sous le nom de Henri 1 er . Il resta en fonction pendant 39 ans, jusqu'en 1125. Il était le fils de Henri Brito, seigneur éminent de Brétigny. Aucun document ne renseigne sur la vie du prieur Henri, mais au travers de la lecture des chartes, on voit qu'il devint moine à Longpont alors qu'il était très jeune, du temps de Guy 1 er de Montlhéry sous le priorat de d'Etienne 1 er . Il succéda à Eudes de Péronne en 1086. En 1080, le prieur Eudes et le moine Henri furent témoins « Odo, prior ejusdem loci & Henricus, monachus » de la donation faite par Geoffroy Turpin et Doda (charte CVI). À cette époque, seuls les aristocrates et les fils de la noblesse pouvaient prendre l'habit de moine. Outre Guy de Montlhéry à l'époque de son veuvage, de nombreux nobles devenus moines sont cités dans le cartulaire de Longpont comme Aymon de Donjon (1080), Milon de Château, Hugues de Champigny, Hugues de Vaugrigneuse (1110), Guillaume de Milly, Renaud de Launay, Guy Cocherel, Burchard de Liers et Guy de Massy (1140).

Le prieur Henri « domnus Heinricus, prior de Longo Ponte » et la famille Brito furent très généreux avec le couvent de Longpont. Henri légua tout son patrimoine. Vers 1100, devant une assemblée considérable «domnus Henricus, prior de Longo Ponte & monachi ipsius loci » (4) donna de sa propriété de Fontenelles les deux frères Rainbaud et Jean à proximité [du fief] de notre affectionné seigneur Gui de Linas un arpent de pré qui est sous Lysui de Longpont, duquel les moines reçoivent chaque année quatre deniers de cens (charte CXII). Henri était un familier des seigneurs de Montlhéry ; vers 1106-1107, il participa au mariage d'Elisabeth, fille de Guy Troussel et de Mabilia, et de Philippe de Mantes, fils du roi Philippe 1 er .

Au XIIIe siècle, la famille Brito était alliée aux Chamilli, chevaliers de Plessis-Pâté. Letelde (ou Letholde), fille d'Hersende et nièce du prieur Henri avait épousé Hugues Chamilli. Cette famille continua les donations à Longpont. Ainsi, vers 1100, Hugues, sa femme et leur fils Thomas donnèrent leur accord lors de la donation de la terre de Fontaine par le prieur Henri, sa soeur et son neveu le sénéchal Gautier qui avait promis ce legs « Sciendum est quod Hugo Chamilli & Letholdis, uxor ejus, & Thomas, ipsorum filius, affirmaverunt & concesserunt » (charte CLIX). Hugues Chamilli possédait un fief à Etréchy qu'il avait voulu retenir quand Milon II de Montlhéry l'avait offerte à Longpont (5). Vers 1150, Gui Chamilli légua aux moines une hostise au Plessis-Pâté, tenue par un nommé Payen, et deux arpents de terre. Etant mourant, il regretta d'avoir contesté le legs fait par sa mère Letelde au temps de Christian, prêtre de Brétigny (charte CLI).

La famille Lysiard possédait de nombreux fiefs sur la rive droite de l'Orge et plus particulièrement à Brétigny. Alors qu'elle était mourante en 1090, Eustachia, sœur de Burdin Lysiard donna le fief de Hugues Basset situé à Brétigny, et toute la dîme, le cimetière et l'offrande la terre boisée qu'elle possédait à Bondoufle. Le prieur Henri reçu le legs dans la maison de la donatrice à Montlhéry. Le jour de l'enterrement, la donation fut déposée sur l'autel de la Vierge par son mari Rodolphe (charte L). La même année Gui Lysiard devenant moine au monastère de Longpont, donne une hostise à Brétigny & la moitié d'un droit qu'il possède dans la forêt dite de Séquigny & vingt deniers avec vingt-six sols avec vingt setiers de vin provenant de l'hostise de Herbert. Le legs fait devant le prieur Henri, les moines Otard, Georges et André, a été accepté par Geoffroy surnommé Burdin, le fils de Gui (charte LIII).

Il faut dire que le prieur de Longpont est un homme puissant que l'on consulte pour régler les conflits féodaux. Il assure les fonctions de responsable d'une communauté de plus de 25 moines, de seigneur de Longpont et de chef du réseau régional clunisien. Au début du XIIe siècle, il est épaulé par le sous-prieur Georges et par les deux serviteurs Garnier et Robert .

La ferme du Mesnil

Le toponyme Mesnil vient de “ mené ”, « la maison de famille du chef ». En vieux français, le mot Mesnil désignait un domaine rural dans le sens large du terme. Il est issu d'un terme de latin tardif mansionile , transcription moyenâgeuse de mansione (habitation).

Au commencement du XIIe siècle, la ferme du Mesnil appartenait à Hugues Basset qui, au moment de trépasser, la donna au couvent de Longpont en même temps que deux hostises à Grotteau. Alors qu'il avait dénoncé cette donation à cause de sa femme Odeline qui était détentrice du droit héréditaire, Bouchard de Chastres accepta par crainte de la « calomnie et de la colère divine » (6). Milon de Basset, oncle maternel du donateur et son cousin Philippe, donnèrent leur accord (charte CLV).

En 1658, une dépense de 682 lt 5 sols est réglée pour des réparations des murailles du clos à la ferme du Mesnil. Une diminution de l'affermage de 300 lt est accordée au fermier du Mesnil « alloué en esgard à la mauvaise année ».

En 1702, l'état des revenus du prieuré mentionne « la ferme du Mesnil affermée à Anthonin Moulin moyennant 550 lt ». C'est Anthoine Pouilleau qui afferme Le Mesnil le 14 mai 1706 pour 575 livres et six chapons. Le prieur claustral Dom Valeilhes écivit dans son mémoire « les enciens fermiers ne payoent point la rente de 120 lt à Mr le seigneur de Brétigny, cela le prenoit sur la ferme du Mesnil ».

Le 15 mai 1707, Nicolas Suert de Lambert, avocat au parlement de Paris, fondé de procuration de Fredéric-Constantin de La Tour-d'Auvergne, prieur commendataire de Longpont, fit un nouveau bail de 9 ans de la ferme du Mesnil à Antoine Polleau, laboureur, et Catherine Machelard, sa femme, qui en étaient devenus fermiers, par bail du 6 mars 1697, sous le priorat du cardinal de Coaslin et par l'intermédiaire de son procureur Cholmette. La contenance est évaluée à 200 arpents de terre labourable, prés et pâture, et le loyer annuel fixé a 575 livres et 6 chapons gras.

En 1772, le prieur de Longpont loua la ferme du Mesnil, moyennant un loyer annuel de 1.866 livres 14 sous, à Etienne Roinville le jeune, qui y décéda le 9 septembre 1779. Sa veuve, Marie-Angélique Hautefeuille, mère de 2 mineures, fit procéder, le 9 mai 1780, à l'inventaire des biens de la communauté.

L'inventaire contient quelques détails à relever : « 1'horloge sonnante de cuivre jaune, garnie de ses poids de plomb et cordages dans sa boîte et lanterne de bois de chêne peint en jaune, estimée 26 livres ; 1/2 queue, jauge d'Orléans, vin rouge, cru du pays, année 1779, 40 livres ; 1 cheval limonnier, hors de marque, borgne et boiteux, avec son harnais, 30 livres ; 1 cheval de 7 a 8 ans, avec ses gros et menus harnais. 200 livres ; 8 vaches, 850 livres ; 1 porc gras, 48 livres ; 129 brebis et moutons, 967 livres 10 sous ; 3 charrettes et ridelles garnies de leurs roues et essieu de fer, 260 livres . On estime que 2,000 gerbes de blé froment doivent rendre 40 setiers, mesure d'Arpajon, à 17 livres le setier ; que 1,000 gerbes d'avoine doivent rendre 25 setiers, mesure de Montlhéry, à 10 livres le setier ; que 200 gerbes de vesces doivent rendre 2 setiers, même mesure, à 10 livres le setier. 350 bottes de luzerne, 1 re coupe, sont prises 60 livres ; 1,100 bottes de foin, 264 livres . II y a du blé estimé 16livres le setier. 200 pièces de volaille. en coqs et poules, valent 85livres. L'arpent de terre, labouré de 3 façons, avec fumier, ensemencée en blé d'hiver, est estimé 40 livres et 34 livres ; de 4 façons, charroi de fumier et semence en blé de mars, 40 livres ; de 3 façons, fumier et semence de seigle, 31 livres ; d'une façon et semence d'avoine, 12 livres ; de 2 façons et semence d'orge, 18 livres ; d'une façon, charroi de fumier et semence d'un mélange de foin et vesces, 21 livres . 1 gobelet a pied, pesant 4 onces 1/2 gros, estimé à raison de 52 livres 2 sous 4 deniers le marc, comme vaisselle montée, 25 livres 8 sous 5 deniers ; 1 cueiller et 1 fourchette à bouche et 5 timbales d'argent, poinçon de Paris, pesant ensemble 2 marcs 2 gros 1/2, estimés à raison de 50 livres 9 sous 10 deniers le marc, comme vaisselle plate, 102 livres 19 sous ; 1 paire de boucles de souliers, 1 de jarretière, 1 porte-col à agrafe,1 paire de boutons de manches, 1 paire d'agrafes de capote, le tout d'argent blanc, poinçon de Paris, pesant ensemble 6 onces 5 gros 1/2, prisé, à raison de 50 livres 2 sous 4 deniers le marc, comme vaisselle montée, 41 livres 17 sous 9 deniers ». Marie-Angélique Hautefeuille épousa en secondes noces, par contrat du 27 mai 1780, Claude Cahouët, laboureur à la ferme seigneuriale de Brétigny, âgé de 24 ans 11 mois 1/2, fils de feu Jean Cahouët et de Marie-Anne Fennechon. Elle fut assistée au contrat par ses frères, Antoine et Pierre Hautefeuille, laboureurs à la Moinerie.

En 1787, le fermier s'appelle Pierre-Nicolas Hautefeuille et sa femme Marie-Angélique Hautefeuille, comme on le voit par une information criminelle faite, le 31 juillet de cette année, au sujet d'un vol commis, pendant la nuit du dimanche 29 au lundi 30 du même mois, dans l'écurie de la ferme du Mesnil. Le bail lui fut renouvelé, par acte du 30 septembre 1788, pour 9 années, à commencer du 11 novembre de ladite année, et moyennant un loyer annuel de 900 livres . Les bâtiments de la ferme et 9 pièces de terre d'une contenance totale de 50 arpents 33 perches 1/2, étaient seuls compris dans ce bail. La ferme se composant de 183 arpents de terre et prés, tout ce qui n'était pas dans le bail fait à Hautefeuille, était loué par parcelles à Jean-Louis Lambert, François-Pierre Morand, Michel Le Blanc, Pierre Hébert, Barthélemy Prunier, Thomas Logre, Louis et Pierre Lazard, Antoine Prunier, Antoine Souchard, Denis Belet. Pierre Saulnier, Louis Degoutte, Jacques Perrot, Louis Jubin, Jean-Baptiste Delanoue, Charpentier, Bucot, Pierre Prunier, Charles Le Roy, Denis Robin, Pierre Logre, François Bourre, Etienne Bourdelot, Marie-Geneviève Souchard, Gaultry, Simon Bouchard. Jean-Louis Prunier, Antoine Le Cocq, Jean-Baptiste Pannet et Denis Donnet.

Les baux passés au cours des années 1788-1789, fixent le prix de location de 1'arpent de terre à 18 livres ; ce prix est de 15 livres dans un seul bail passé le 18 février 1790. 4 arpents de pré sont loués, le 26 décembre 1788, moyennant 160 livres de loyer annuel, soit 40 livres l'arpent. La ferme du Mesnil, avec les autres immeubles provenant du prieur de Longpont, fut vendue par adjudication, le 19 mars 1791, à Jean-Jacques Hogguer, demeurant à Paris, rue d'Artois. Elle avait alors une contenance de 178 arpents 89 perches de terre en 40 pièces. En 1881, la maison bourgeoise du Mesnil appartenait à Mr. Jules Marquis, chevalier de la Légion d'honneur, ancien maire de Brétigny, ancien membre du Conseil général de Seine-et-Oise.

La ferme de la Moinerie

La Moinerie est une ferme non loin de la Garde et dont les bâtiments donnent sur le chemin de Marolles à Brétigny. D'après le recensement de 1881, on y compte 1 maison, 2 ménages et 9 individus. En toute logique, ce domaine a pris le nom de «Moinerie» puisqu'il appartenait depuis toujours au couvent de Longpont.

Il serait possible que la Moinerie représente une portion de la terre de Fontaines, « terram de Fontanis » donnée, avec d'autres biens, vers l'année 1100, au couvent de Longpont par Gautier, surnommé Payen, sa mère Hersende, sa sœur Letelde avec son mari Hugues Chamilli « Galterius. cognomento Paganus, et mater sua, Hersendis, et soror sua, Leteldis, cum marito suo, Hugone Chamilli ». Dans cette charte de donation, les objets donnés sont l'aleu de Fontaines et de Cossigny et un hôte de la Ferté « alodium de Fontanis et de Cotiniaco, et hospitem de Fertada ». Mais dans la charte de la même époque, delivrée par Hersende, on lit « terram de Fontanis, terram de Cotiniaeo, terram de Marches tue et hospitem de Fertada », c'est-à-dire la terre des Fontaines, la terre de Cossigny, la terre de Marchais-tué et un hôte de la Ferté (charte CLII).

Contrairement à l'opinion émise par l'éditeur du Cartulaire de Longpont, l'alodium de Fontanis, la terre alodiale de Fontaines, ne s'applique pas au hameau de Fontaine, mais bien au lieu-dit aujourd'hui la Moinerie. La confirmation est donnée dans l'acte d'affermage de 1640 « la mestairie de Fontaine austrement la Monnerye affermée pour 400 lt. ». Cette opinion parait avoir été commune au XVIII ème siècle : ainsi, le 3 septembre 1706, Nicolas Suert de Lambert, avocat en Parlement et fondé de procuration de Frédéric Constantin de la Tour d'Auvergne, prieur commendataire de Longpont, baille à loyer à Marie Chevalier, veuve de Jacques Guéné «la ferme et métairye de la Fontaine , autrement dit de la Moynerie pour 520 livres », et ce lieu-dit ici la Fontaine était alors de la paroisse de Saint-Pierre, tandis que le hameau de la Fontaine était de la paroisse de Saint-Philibert. De son vivant Jacques Guéné avait loué La Moinerie pour 505 lt.

En 1383, le prieuré de Longpont possédait à « Fontaines » une maison, cour et jardin, d'une contenance d'environ 4 arpents, 100 arpents de terre arable d'un seul tenant, et 1 arpent 1/2 de pré.

En 1626, Louys Le Cesne, laboureur, demeurait à la ferme de la Moinerie , comme fermier du prieuré de Longpont ou plutôt du prieur Dominique de Vic; il était en même temps fermier des dîmes; il céda le tout à Geoffroy Fronteau, marchand et jardinier à Brétigny, par acte du 5 avril 1626. Le fermier de la Moinerie en 1654 s'appelait Pigeon ; il payait 400 livres de loyer par an. Ce loyer était de 475 l .t. en 1679. En 1705, l'état des revenus du prieuré mentionne « la ferme de la Moinerie affermée à Jaquin Guinée moyennant 505 lt ».

En 1658, une facture de 37 lt est payée pour achat de chaux pour effectuer des réparations à la ferme de la Moinerie.

Le 3 septembre 1706, le bail de la ferme de la Moinerie fut renouvelé, pour 9 ans, à Marie Chevalier, veuve de Jacques Guéné, qui en jouissait par bail du 16 janvier 1697, moyennant un loyer annuel de 520 livres et 8 chapons. L'acte ne donne pas la contenance de la ferme, se bornant à la courte description qui suit: « La ferme et métairye de la Fontaine , autrement dit de la Moynerye , consistant en maison, cour, grange, escurye, bergerye, terres labourables, prez ».

Antoine Hautefeuille tenait la ferme de la Moinerie en 1770, lorsque fut dressé l'inventaire après décès de sa femme, Marie-Angélique Force. Le préambule de cet acte indique la ferme de la Moinerie comme étant sise au hameau de la Garde , paroisse Saint-Pierre de Brétigny. Voici quelques renseignements puisés dans l'inventaire. « 1 branlante à diamant avec son clavier, le tout d'or , un autre petit clavier d'argent, prisés ensemble 30 livres ; 1 grand et un petit gobelet, 1 tasse a essai, 1 boucle de ceinture d'argent blanc, le tout poinçon de Paris, pesant 1 marc 4 onces 1/2, à raison de 47 1.t. 12 s. 2 d. le marc, comme vaisselle montée, 74 1.t. 7 s. 9 d. ; la demi-queue, jauge d'Orléans, de vin rouge, récolte de 1769, 601. t. ; 2 quarteaux 1/4 de queue de cidre de différentes espèces de fruits, 9 1.t. ; le setier de blé, 24 1.t. ; le setier d'avoine, 13 1.t. ; 7 chevaux dont 2 hors d'âge, avec harnais, traits, etc. 2100 l .t. ; 15 vaches laitières, à raison de 75 1.t. la pièce ; 314 bêtes à laine, 3,400 l .t. Le cent de bottes de luzerne, 1 re coupe de 1769, 20 1.t. ; le cent de bottes de gros foin, 15 1.t. ; 2 porcs à 36 l .t. pièce ; 60 coqs ou poules, à raison de 12 s. pièce ». Antoine Hautefeuille, qui avait épousé, en secondes noces, Marie-Françoise Le Coy, mourut dans la ferme de la Moinerie , le mardi 18 mai 1779; il était âgé d'environ 50 ans; il fut inhumé dans l'église Saint-Pierre « au-dessous de la chaire, dans la nef ».

En 1787, la ferme de la Moinerie était tenue par Pierre et Antoine Hautefeuille, fils du précédent. Lorsque, le 19 mai 1791, les biens du prieuré de Longpont furent adjugés a Jacques Hogguer, les bâtiments et terres de la Moinerie étaient loués à divers. Les bâtiments consistaient alors en « bâtiments pour le logement du fermier et pour l'exploitation d'icelle (ferme), cour devant, close de murs, le tout contenant 97 perches 3/4. ; tenant d'un coté à Monsieur Delafosse, d'autre à un terrain vague dépendant de ladite ferme, sur lequel il y a deux marres, un chemin entre deux, d'un bout au jardin cy-après, et d'autre bout à un autre chemin. Un jardin derrière ladite ferme, clos, en partie, de hayes, contenant soixante-trois perches. La contenance en terres est de 201 arpents 66 perches, en 13 pieces ».

Le fief de Fontaine

Nous avons vu que le prieuré de Longpont a joui pendant longtemps du fief de Fontaine à Brétigny. Les moines l'avaient reçu en partie par les donations de la famille Brito quand Henri était prieur du monastère au XIIe siècle et en partie par achat. Le hameau de la Fontaine était de la paroisse de Saint-Philibert. C'était un arrière-fief dans la mouvance de la seigneurie de Brétigny tenue par la famille Chamilli. Vers 1100, le sénéchal Gautier Brito dit Payen avait donné sa terre allodiale de Fontaine avec l'accord de Gautier d'Arpajon. Ce même Gautier qui, en 1105, avait disputé aux moines une terre située Savigny. Gui le Bossu de Chetenville vendit aux moines une dîme qu'il avait à Fontaine ; Guillaume, maire du lieu, fut témoin de la vente. De plus pour la reception d'un religieux, il leur donna du blé. Guillaume Cuchivis les gratifia d'une portion de dîme qu'il y possédait pareillement.

Par l'acte du 16 novembre 1580, les religieux de Longpont cédèrent tout le fief de Fontaine par échange à Jean Blosset, seigneur de Torcy et Plessis-Pâté. Ce sont toutes les censives et rentes foncières qui leurs appartiennent aux villages de Plessis-Pâté et Fontaine de Saint-Pierre et de Saint-Philibert de Brétigny

• « une maison, grange, bergerie et étable étant en ruine, cour et jardin le tout contenant 2 arpents et demi assis au Plessis-Pâté et divers censives dans le fief de Fontaine »,

• contre « une maison, grange, étable, toit à porc, fournil, couvert de chaume, cour close avec 2 arpents et demy ou environ tant en cour, jardin, que vignes et terres près ladite maison sise au village de Charcoix, paroisse de Brétigny, 18 arpents de terre étant près de la maison situé à Charcoix et 40 arpents de terre en deux pièces au même champtier. Sçavoir 26 arpents tenant d'une part et d'un bout sur les terres de la Justice et 14 arpens tenant aux trois terres de la Justice d'autre aux terres des Noues appartenant à l'Hôtel-Dieu de Paris. Valant lesdits deux pièces en revenu annuel 20 écus d'or sol que ledit seigneur sieur Blosset promet faire valoir auxdits Religieux tous les ans » (7).

Mais, il semble que cet échange ne fut pas respecté puisque des actions en justice suivirent. Le 30 avril 1599, une sentence des requêtes du Palais est obtenue par « Messire Nicolas Leguay, prieur der Longpont contre Messire Louis de Montbrun, seigneur de Fontaines et du Plessis-Pâté condamné à payer audit prieur 20 écus de rente par rapport à la cession de droits seigneuriaux dans la paroisse de Brétigny et 5 muids 2 septiers de grains & 4 chapons par an pour le bail de 99 années de la ferme des Fontaines et dépendances, lesdites rentes dues de plusieurs années ». La commission du 7 mai 1599 prise au greffe condamne Louis de Montbrun à payer « audit prieur la pension à luy düe acause de l'aliénation du fief des Fontaines ». Le contentieux continue en janvier 1605, repris par le nouveau prieur commendataire de Longpont, Monseigneur Dominique de Vic qui réclame de nouveau les fameux 20 écus à Louis de Montbrun.

Selon l'abbé Le Beuf, le fief de la Fontaine est composé de deux maisons seigneuriales séparées par le chemin, relevant toutes les deux de Vaugrigneuse. Ces deux maisons contiguës ne formaient originairement qu'un même fief qui fut partagé avant 1475 entre Jean Rouillé, écuyer, à cause d'Agnès d'Arly, sa femme, et Jean de Guillerville, écuyer, à cause de sa femme, sœur de ladite Agnès.

Les censives de Longpont

Dans l'aveu et dénombrement du 9 avril 1383, le prieuré de Longpont fait « Déclaration du temporel des prieurs et Religieux bénédictins de Longpont, ordre de Cluny, par eux donnés à Messire Charles de Mondunchel, commissaire nommé par le roi à cet effet consistant en ce qui suit » …. en la mairie de Fontaine, du Plessis et Brétigny :

• une maison, cour et jardin d'environ 4 arpens,

• une autre maison, cour et jardin d'environ 2 arpens,

• 184 arpens de terre,

• un arpens et demy de prez,

• 31 lt de rentes,

• 32 lt de droitures,

• la dixme et champart valant 28 muids dont 2 muids pour le curé,

• la dixme d'agneaux valant 4 lt 14 s,

• la dixme de vin valant 3 queues.

Du 13 février 1491, bail à cens passé par Messire Guillaume de Condat prieur commendataire de Longpont à Guillaume Blangrenon, laboureur demeurant à Brétigny « d'un pourpris mazure ou anciennement étoient maisons, grange, estable, cour jardin et vignes moyennant 16 sols parisis de cens et 40 arpens de terre moyennant 6 deniers de cens par arpen et 9 arpens et demi à raison de 6 deniers par arpen faisant en tout 45 sols parisis ».

Du 10 décembre 1607, un titre nouvel a été passé par Martin Drouet, marchand mercier à Linas de « 25 sols de rentes seigneuriales et 8 deniers de cens à percevoir par les Religieux de Longpont sur 5 quartiers de prés sçis à la prairie de Brétigny lieudit Chanqueil ».

Le 26 octobre 1638, acte passé devant de Beaumont, notaire royal, par lequel les prieur et Religieux de Longpont cèdent à titre d'échange au sieur Pierre Coucher, sergent du Bouchet, la terre et seigneurie de Verpetit en échange de la ferme Dessonville [d'Essonville] sise paroisse de Brétigny, ledit acte enregistré le 14 juin 1639.

En 1685, les dîmes de Saint-Pierre et de Saint-Philibert de Brétigny sont affermées au curé de Saint-Pierre. Comme toujours des procédures sont engagées entre le bas clergé et le prieur de Longpont. Finalement un compromis est signé le 9 mai 1699.

En 1705, l'état des revenus du prieuré mentionne « les dixmes des deux paroisses de Brétigny affermées à Anthonin Pellerie moyennant 950 lt et 4 septiers d'annone ». A la prise de possession du prince Frédéric de la Tour d'Auvergne, les dîmes de Brétigny se montent à 800 livres. Une rente de 120 livres est payée au seigneur de Brétigny.

Le 28 mai 1710, les paroissiens de Brétigny vinrent en procession à Longpont le mercredi des Rogations sans leur curé malgré l'interdiction lancée par le cardinal de Noailles, archevêque de Paris pour éviter les désordres et les rixes avec les autres paroissiens de Nozay, La Ville-du-Bois et Plessis-Pâté. Le prévôt de Montlhéry dressa un procès-verbal pour constater que les paroissiens avaient renoncé au repas que le curé de Longpont leur offrait. Les repas furent remplacés par des offrandes affectées aux œuvres de leurs paroisses.

Lors du procès sur le droit de pêche dans l'Orge (1730-1738), le mémoire en réponse détaille les droits féodaux à Brétigny «… il est encore à remarquer que les prez qui sont dans la paroisse de Brétigny et le long de la rivière, ne sont pas même pour la plus grande partie dans la censive [du seigneur de Brétigny], ils sont les uns de la censive de Villebouzin, les autres du prieuré du château [de Montlhéry], les autres du prieuré de Longpont et les autres enfin aux Religieux dudit Longpont comme étant aux droits de l'Hôtel-Dieu de Paris » (8).

L'état du temporel du prieuré de Longpont rapporté au Chapitre général de Cluny en 1750 fait mention « les terres des fermes de la Moinerie, du Mesnil, les dixmes en entier de Saint-Philibert, les deux tiers des dixmes de Saint-Pierre de Brétigny et des dixmes de Plessy-Paté, le gros du curé de Saint-Philibert payé, cy 2.500 livres ».

Notes

(1) Extrait d'un mémoire de 1682 sur le droit féodal sur la rivière d'Orge «La terre de Brétigny est composée de plusieurs fiefs ou domaines yceux ne rellevent du Roy. L'un relève de Vaulgrigneuse, un autre du Plessis, un autre du seigneur de Châtres comme étant aux droits de MMrs les Religieux de Saint-Maur, et de même des autres fiefs qui composent ladite terre de Brétigny».

(2) Marchescue (ou Marches-tue ) est le nom primitif du hameau de Fresnes.

(3) Theobald fut évêque de Paris de 1143 à 1159. Il avait succédé à Etienne de Senlis.

(4) Le scribe écrivit que cette donation avait été faite pour faire cesser toutes calomnies « fine ulla calumpnia » envers Henri qu'on accusait d'avoir gardé ses biens.

(5) Milon II de Montlhéry avait fait un obit lors de l'enterrement de son oncle Guy le Rouge, seigneur de Rochefort. L'obit était constitué par la terre d'Etrechy contenant une demi charruée ( 50 à 60 arpents) et cinq muids d'annone. Pour éteindre la chicane de Hugues Chamilli, Guy Troussel, fils de Milon, avait établi un concordat avec les moines de Longpont (charte CLXV).

(6) On trouve dans les chartes toutes les précautions juridiques pour éviter les chicanes : le consentement des familles et des détenteurs des droits féodaux était requis ; de plus pour ajouter à la puissance juridique l'excommunication et la damnation éternelle étaient évoquées envers les opposants.

(7) L'écu d'or sol est la monnaie créée par Louis XI. L'avers représente l'Écu de France couronné sommé d'un soleil avec la légende LVDOVICVS DEI GRA FRANCORVM REX. La rente de 20 écus d'or sol correspond à 60 livres tournois.

(8) Le prieuré Saint-Pierre du château de Montlhéry avait été rattaché à Longpont par le roi Louis VII en 1141. Les censives de l'Hôtel-Dieu de Paris avaient été transférées à Longpont lors de l'échange de 1655.

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