Corpus Essonnien

Histoire et patrimoine du département de l'Essonne

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La saga des Montlhéry en Terre Sainte

Les routes de la première Croisade (1096).

Avril 2008

C. Julien

Chronique du vieux Marcoussy

Cette Chronique relate les voyages et les aventures des membres de la famille de Montlhéry en Terre Sainte pendant une période de 100 ans qui court depuis la première croisade (1096) jusqu'à la fin du XIIe siècle. De cette famille sont issus les rois de Jérusalem et de nombreux barons dirigeant l'état latin d'Orient qui fut, en quelque sorte, une “affaire de cousinage”.

En commençant cette entreprise, je n'imaginais pas l'importance de cette famille partie pour délivrer le Saint-Sépulcre. Je donnerai donc qu'une vue succincte en classant chronologiquement les différents personnages. Les sources sont nombreuses et le lecteur pourra s'y reporter pour élargir les biographies ébauchées dans cette chronique (1).

La première Croisade et les Montlhéry

La première croisade commence en 1096, quand barons et chevaliers européens décident de libérer la Terre Sainte. Quatre armées se forment : les Lorrains commandés par Godefroi de Bouillon, les Méridionaux menés par le comte Raymond IV de Toulouse, les Normands de Sicile conduits par Bohémond de Tarente et les Français dont Robert Courteheuse et le comte Baudouin de Flandre (2). Parmi les seigneurs de haut lignage, on trouve Baudouin du Bourcq, cousin de Godefroy de Bouillon, son “ consanguineus ”, dont Milon de Montlhéry est l'oncle maternel (3). Le roi Philippe 1er ne participe pas « pour raison d'excommunication » disent les chroniqueurs, « par trop occuper à satisfaire les femmes » dit Suger. C'est son frère cadet, Hugues le Grand, comte de Vermandois, qui, parti en août 1096, conduit les barons français dont les chevaliers de Montlhéry.

Milon 1er , seigneur de Montlhéry, dit le Grand ou le Vieux « senioris de Monteletherico » en raison de ses exploits, est considéré comme le patriarche. À l'âge de 56 ans, il emmène avec lui son fils aîné Gui II Troussel. Il confie son domaine seigneurial à sa femme Lithuise, vicomtesse de Troyes et à ses fils cadets, Milon et Renaud. Outre ses neveux Rethel, on trouve également parmi ses proches parents : • son frère, le sénéchal Gui le Rouge, seigneur de Rochefort, • son neveu Hugues de Crécy, le fils de Gui et d'Elisabeth de Crécy, • ses neveux du Puiset : Evrard III, Galéran, Hugues II et Gildrin, les fils de sa sœur Alix mariée à Hugues Blavons, • son neveu par alliance Galon de Beaumont-sur-Oise, mari d'Humberge du Puiset sœur d'Evrard III, • et beaucoup d'autres que nous allons découvrir tout au long de cette chronique, sans oublier les femmes et les filles des Croisés.

L'immense armée des Croisés se rassemble à Constantinople fin décembre 1096 et se heurte au basileus Alexis 1er Comnène qui exige le serment d'allégeance et la restitution des terres prises sur les Turcs. Les Croisés reprennent leur route en progressant lentement pour arriver à Antioche le 20 octobre 1097. Le siège est terrible, dure près de huit mois et finalement la forteresse tombe le 3 juin 1098. C'est alors que les vainqueurs se trouvent en situation d'assiégés par les troupes de Kerbogha. Une épidémie sévit à Antioche pendant l'été 1098, dévastant le camp des Croisés (4). On assiste à des défections dont Pierre l'Ermite, le comte Etienne-Henri de Blois (5), et Gui Troussel, le fils du seigneur de Montlhéry (6).

Siège d'Antioche (1098) et prise de Jérusalem (15 juillet 1099).

Tous les manuels d'histoire racontent la prise de Jérusalem le 15 juillet 1099 et l'horrible massacre qui s'ensuivit. Les états latins d'Orient comprennent alors le royaume de Jérusalem, le comté de Tripoli, la principauté d'Antioche et le comté d'Edesse. Le royaume de Jérusalem comprend quatre grands fiefs : le comté de Jaffa avec 4 arrière-fiefs, la seigneurie d'Outre-Jourdain, la principauté de Galilée avec 5 arrière-fiefs et le comté de Sidon. Godefroy de Bouillon fut élu roi de Jérusalem. Tous ces états seront tenus un jour ou l'autre par un membre de la famille Montlhéry.

Le premier des Montlhéry tombé sur un champ de bataille en Palestine est Evrard III du Puiset, tué le 21 août 1099. D'autres parents de Milon partiront plus tard pour la Palestine , soit individuellement, soit à l'occasion de l'expédition, dite « de secours » vers 1102. Parmi les Croisés, nous avons vu qu'une grande partie des neveux et nièces de Milon se retrouvent en Terre Sainte : les neveux Puiset, Galéran et Hugues II, les frères d'Evrard III et fils d'Alix de Montlhéry et d'Hugues Blavons, le neveu Josselin de Courtenay qui fera souche en Palestine, les nièces Rethel, Hodierne et Béatrice.

Trois batailles ont opposé les Croisés aux musulmans d'Egypte à Ramla (ou Ramalah) près du port de Jaffa en Palestine en 1101, 1102 et 1105. La bataille qui nous intéresse eut lieu le 19 mai 1102 quand les troupes du vizir al-Afdal surprennent l'armée de Baudouin 1er de Jérusalem. Le roi échappe à la capture « en se cachant dans les roseaux » dit la chronique, mais de nombreux chevaliers sont tués et faits prisonniers.

Milon 1 er de Montlhéry qui avait participé à la première Croisade, revient en Palestine avec l'expédition de soutien en 1101. Le chroniqueur dit qu'il ne pouvait supporter la trahison de son fils Gui Troussel et est reparti à l'âge de 62 ans vers Jérusalem pour « laver l'honneur de la famille ». Alors que la bataille de Ramalah est perdue, le vieux chevalier de Montlhéry est pris par les infidèles qui le font périr sous les tortures en captivité. Le comte Etienne-Henri de Blois, dont la fille fut fiancée plus tard à Milon II de Bray était revenu en Palestine au printemps 1101 (7). Il subit le même sort à Ramalah. Albert d'Aix rapporte qu'il aurait été capturé puis décapité.

Les Rethel-Jérusalem

C'est la branche des rois de Jérusalem (lat. Reiteste, Reistetum ). La plupart des petits-enfants de Gui et Hodierne issus de Mélisende de Montlhéry, épouse d'Hugues 1er de Rethel (mort le 28 décembre 1118 selon le nécrologe de Saint-Rémi de Reims), sont partis par la Terre-Sainte :

• Manassès, décédé peu après 1115, • Gervais, archevêque de Reims puis succède à son père comme comte de Rethel (†1124), • Baudouin (‡), seigneur du Bourcq (†1131), puis roi de Jérusalem, qui suit, • Mathilde, comtesse de Rethel (†1152), mariée à Henri de Grandpré, puis à Eudes de Vitry, • Hodierne (‡) de Jérusalem, qui suit, • Cécile ou Béatrice (‡) mariée vers 1102 à Léon 1er prince d'Arménie.

Dans cette branche, on retrouve les prénoms féminins forts en usage chez les Montlhéry : Hodierne, Alix et Mélisende.

Baudouin du Bourcq est venu en Palestine avec ses cousins Eustache III de Boulogne, Baudouin de Boulogne et Godefroy de Bouillon « duo fratres, dux Godefridus et comes Balduinus » qu'il avait rejoints en Sicile. Ses sœurs le rejoignent plus tard. Fils cadet de Melisende et Hugues, il possédait la seigneurie de Bourcq avant la Croisade , d'où il tire son nom « Balduinus cognominatus de Burgo, domini Hugonis comitis de Retest filius » (8). Compagnon de Baudouin 1er à Edesse, il obtient le comté en 1100 lorsque Baudouin succède à son frère Godefroy sur le trône de Jérusalem. À la mort de son cousin en 1118, il est élu roi de Jérusalem sous le nom de Baudouin II.

Comme la plupart des Croisés, Baudouin II noue des alliances avec les seigneurs arméniens de Marach et Mélitène en épousant Morfia, la fille du prince Gabriel de Malatya (Mélitène). De cette union, sont nées quatre filles qui portent le nom de leur grand-mère et grand-tantes : • Mélisende de Jérusalem (1101-1161), couronnée reine le 14 septembre 1131, • Alix de Jérusalem, mariée à Bohémont II d'Antioche, • Hodierne II de Tripoli, • Yvette, abbesse du couvent Saint-Lazare de Béthanie.

Vers 1120, la famille Rethel-Montlhéry détient les trois-quarts des états latins d'Orient.

Pieux, intelligent et courageux, Baudouin II a aussi la réputation d'un homme habile. Guillaume de Tyr nous en fait le portrait « C'était un des hommes les mieux faits de son tems. Il avait la taille avantageuse, le visage agréable, la chevelure bonde, peu épaisse et mêlée de blanc, la barbe claire, descendant néanmoins jusqu'à la poitrine, les couleurs vives et tirant sur la rose… ». La vie de Baudouin fut une succession de bataille et de captivité. Une première fois fait prisonnier avec ses cousins Courtenay à la bataille de Harran (1104). Relâché après 3 ans de prison, il doit reconquérir Edesse pour évincer Richard de Sicile. Après le désastre du Champ du Sang « Ager Sanguinis » où est tué son beau-frère Roger de Salerne, il assure la régence d'Antioche. Prisonnier à nouveau en 1123, il est relâché le 29 août 1124 contre une rançon. Il meurt à Jérusalem le 21 août 1131.

Hodierne de Jérusalem , sœur du roi Baudouin II de Jérusalem, elle épouse le croisé ardennais Héribrand II de Hierges (‡), seigneur de Hierges (seigneurie près de Givet dans les Ardennes), fils d'Héribrand 1er de Saussure et de Hedwige d'Orchimont. Veuve en 1117, Hodierne convole avec Roger de Salerne (‡), prince régent d'Antioche. C'était une femme courageuse et autoritaire. On lui reconnaît le caractère trempé des Montlhéry. Elle a contribué à sauver Edesse et Antioche, la première fois en 1104 lors de la capture de son frère Baudouin, et la seconde en 1119, après la bataille du Champ du Sang « Ager Sanguinis » et la mort de Roger de Salerne. Pendant ce temps, par son énergie, elle tient Antioche à bout de bras, refusant de capituler jusqu'à ce que son frère le roi Baudouin II, lui fasse parvenir son anneau frappé aux armes de Jérusalem, prouvant qu'il était vivant et arrivait à son secours. De son premier mariage, Hodierne a un fils Manassès, né vers 1110, qui fut connétable du royaume de Jérusalem et chef de l'armée à la fin de 1145. Il fut contraint de rentrer en France, la noblesse nourrissait contre lui des sentiments de jalousie et de haine. Manassès en quittant la Terre Sainte eut soin d'emporter avec lui une relique précieuse, un morceau de la vraie croix.

Mélisende de Jérusalem , arrière-petite-fille de Gui et Hodierne, est la fille aînée de Baudouin II et de Morfia de Mélitène, née en 1101. Mélisende est désignée héritière du royaume de Jérusalem en 1129 et convole avec Foulque V d'Anjou (fils de Foulque IV le Réchin et de Bertrade de Montfort) l'année suivante (10). De cette union naîtront deux fils qui seront rois de Jérusalem : • Baudouin III (1131-1162). Roi le jour de Noël 1144. La régence du royaume est assurée par sa mère pendant sa minorité. À sa majorité (1153), il chasse sa mère qui se retire dans la seigneurie de Naplouse. • Amaury 1er (1136-1174), qui suit.

Devenue reine de Jérusalem , un scandale éclate en 1132 quand Mélisende est accusée d'adultère avec son cousin Hugues II du Puiset, divisant le royaume en deux partis. Quand son mari meurt d'une chute de cheval à Acre le 10 novembre 1143, elle assure la tutelle de ses deux fils mineurs. Le nécrologue d'Angers mentionne « IV Id Nov Fulco prius Andegavorum comes postea rex Hierusalem ». Mélisende fonda l'abbaye de Béthanie où sa sœur Cécile fut nonne. Très liée à ses sœurs Alix et Hodierne, Melisende les aida à se maintenir à la tête de leurs seigneuries, les comtés d'Antioche et de Tripoli.

Alix de Jérusalem , ( Haalis ) fille de Baudouin II, née en 1110, sœur de la reine Mélisende. Elle convole en 1126 avec Bohémond II, prince d'Antioche dont elle aura une fille Constance (1131-1163). Au décès de son mari (février 1130), la princesse d'Antioche assure la régence d'Antioche pour sa fille mineure mais se trouve évincée par son père suite à un pacte qu'elle avait envisagé avec Zengi, l'atabeg d'Alep. Défaite par son beau-frère, le roi Foulque d'Anjou, Alix est exilée définitivement d'Antioche en mai 1136 et se retira à Laodicée.

Hodierne de Tripoli , fille de Baudouin II, mariée à Raymond II, comte de Tripoli. De cette union sont nés Raymond III, comte de Tripoli et Mélisende. Sa beauté la rendit célèbre. Elle serait l'objet de la chanson poétique « amor de lonh » du troubadour gascon Geoffroy Rudel parti pour la seconde Croisade et devenu amoureux de la belle princesse sans la connaître. « A 20 ans, la sœur cadette de la reine Mélisende est très belle, d'une beauté orientale qu'elle tenait de sa mère, la matité de sa peau rehaussait l'éclat bleu de ses yeux et de longues tresses brunes encadraient harmonieusement le pur ovale de son visage ».

Amaury 1er de Jérusalem (1136-1174), arrière-petit-fils de Gui et Hodierne, est le fils de Foulque V d'Anjou et de Mélisende de Jérusalem, la petite-fille de Mélisende de Montlhéry. En 1158, il épouse en premières noces sa cousine Agnès de Courtenay, fille de Josselin II de Courtenay, comte d'Edesse. Lorsqu'il succéda à son frère Baudouin III en 1162, les barons jugèrent Agnès de Courtenay indigne de ceindre la couronne de Jérusalem. Ils l'accusaient d'être trop légère et trop cupide et obligèrent Amaury à s'en séparer. Le roi Amaury et Agnès eurent deux enfants :

• Baudouin IV dit le lépreux, surnom qui lui vient de la maladie qu'il contracta dans sa jeunesse, est né en 1161. Il succède à son père sur le trône de Jérusalem en 1174. Se querellant avec son beau-frère Gui de Lusignan, il désigne son successeur en la personne de son neveu Baudouin V qui lui succéda au printemps 1185. Malade, Baudouin V meurt en août 1186 à Acre.

• Sybille, née en 1159, mariée en premières noces à Guillaume Longue-Epée, comte de Montferrat, dont elle eut le roi Baudouin V. Proclamée reine de Jérusalem par son cousin Josselin III de Courtenay, Sibylle succède à son fils, couronnée par le patriarche Heraclius. Par son mariage en 1180 avec Gui de Lusignan, celui-ci devient roi. Sous son règne Jérusalem fut pris par Saladin (2 octobre 1187). Mêlé à de nombreuses intrigues, Gui quitte la Palestine pour devenir roi de Chypre.

Après son expédition désastreuse en Egypte (octobre 1168), Amaury 1er dut conclure une alliance avec Constantinople et épousa Marie Comnène, nièce de l'empereur Manuel 1er Comnène. Ils eurent une fille Isabelle qui devint reine de Jérusalem (1192-1206) et qui, d'après René Grousset, eut 7 enfants avec 3 maris successifs (11).

Les Courtenay-Edesse

La branche de Courtenay, issue d'Isabelle de Montlhéry (ou pour certains auteurs Elisabeth), fit souche dans l'un des états chrétiens d'Orient : le comté d'Edesse situé en Mésopotamie, dans la région du cours supérieur de l'Euphrate.

Josselin 1er de Courtenay est le petit-fils de Gui et Hodierne, fils de Josselin “ Ioscelinus de Cortenai ” , seigneur de Courtenay et d'Elisabeth (ou Isabelle) de Montlhéry. Il arrive en Terre Sainte en 1101 avec le contingent du comte Guillaume II de Nevers appelé la Croisade “de secours” et rejoint son cousin germain Baudouin du Bourcq dans le comté d'Edesse. Né vers 1065, il décède en 1131 et fut successivement seigneur de Turbessel (1101-1113), prince de Galilée et de Tibérias (1113-1118) et enfin comte d'Edesse (1118-1131) quand Baudouin devient roi de Jérusalem. Le chroniqueur Guillaume de Tyr le nomme “ Joscelinus de Cortenay vir nobilis de Francia de regione dicitur Gastineis ” comme étant cousin de Baudouin “ consobrinus Balduinus cognominatus de Burgo ”. Josselin meurt la même année que son cousin Baudouin (1131).

Pendant l'été 1103, Josselin prend part au raid contre le territoire d'Alep tenu par Bohémond 1er prince d'Antioche prisonnier de Muslimiye. En 1104, il est fait prisonnier avec Baudouin II d'Edesse par Soqman à la bataille d'Harran et relâché en 1107. Suspecté de vouloir supplanter son cousin à Edesse, celui-ci l'emprisonne pendant quelques mois en 1112, puis lui donne le comté immédiatement après l'élection au royaume de Jérusalem en 1118. A nouveau fait prisonnier par Balak à Saruj en 1123, il réussit à s'échapper l'année suivante de la forteresse de Khartpert. Josselin épousa, en premières noces, Béatrice d'Arménie, fille de Constantin 1er, puis, en 1121, convola avec Marie de Salerne sœur de Roger prince d'Antioche.

N. de Courtenay est née du mariage du comte Josselin 1er d'avec Marie d'Antioche. Elle devient abbesse du convent de Sainte-Marie-Majeure près du Saint-Sépulcre à Jérusalem. Elle est dite “ jam natu grandævam ” quand elle atteste la consanguinité entre Amaury 1er roi de Jérusalem et sa nièce lors de l'annulation de leur mariage en 1162.

Josselin II de Courtenay “ …Ioscelinus de Cortenai… ” est l'arrière-petit-fils de Gui et Hodierne, fils de Josselin 1er et de Béatrice d'Arménie. L'histoire retient Josselin II comme un homme manquant d'envergure, un pillard qui détruit l'œuvre de son père. Guillaume de Tyr le décrit comme “ vir supinus, a patria degener honestate, sordibus effluens, libidine dissolutus ”. La perte du comté d'Edesse est consommée après la prise de la ville par Nur ad-Din le 27 octobre 1146 avec le massacre de la population arménienne et l'abandon de Turbessel en 1149. Il fut capturé par l'armée turque en avril 1150, emprisonné à Alep où il meurt en 1151. De sa femme Béatrice décrite “ mulier pudica, sobria et timens Deum ”, il eut : • Josselin III, seigneur de Joscelin, fief près de Saint-Jean-d'Acre, • Agnès de Courtenay qui suit, • Isabelle de Courtenay qui épousa Thoros II d'Arménie en 1159.

Guillaume de Tyr décrit Joscelin comme une homme sordide et dépravé “ vir supinus, a patria degener honestate, sordibus effluens, libidine dissolutus ”.

Joscelin III de Courtenay , fils de Joscelin III. N'ayant plus de terre dans le comté d'Edesse, il vécut dans le royaume de Jérusalem et administra la seigneurie de Josselin à Saint-Jean-d'Acre. Fait prisonnier par Nur ad-Din en 1164, il resta 12 ans en captivité. Il devient, avec Renaud de Châtillon, l'un des leaders progressistes parmi les Croisés nouveaux arrivés et les chevaliers du Temple. Son neveu, le roi Baudouin IV le nomme Sénéchal de Jérusalem en 1176. Il épousa Agnès de Milly, la fille d'Henri “ Bubalus ” de Milly qui lui donna deux filles : l'aînée Béatrice (1176-1245) et la cadette Agnès.

Agnès de Courtenay , née en 1133, est la fille de Josselin II comte d'Edesse, prince de Tibériade et de Béatrice. La chronique rapporte qu'elle était une femme légère et cupide. Elle se mariera quatre fois. En premières noces, elle épouse Renaud de Marash qui périt avec Raymond de Poitiers à Fons Mures le 29 juin 1149. Devenue veuve, elle convole en 1158 avec le roi Amaury 1er de Jérusalem. Ils auront deux enfants : Sybille (1159-1191 et Baudouin IV dit le lépreux (1161-1185). Après l'accession au trône, le patriarche de Jérusalem refuse de reconnaître le mariage à cause du degré de parenté. Le mariage est annulé en 1162 pour cause de consanguinité au 4ème degré, mais les enfants sont reconnus (12). En troisièmes noces, Agnès épouse Hugues d'Ibelin, seigneur de Rama. Redevenue veuve en 1170, elle épouse en quatrièmes noces Renaud de Garnier, seigneur de Sidon (fief du royaume de Jérusalem) dont elle aura deux enfants. Femme de caractère, Agnès a joué un grand rôle à la cour de Jérusalem en obtenant, en 1176, la charge de sénéchal pour son frère Joscelin III et en jouant de son influence sur ses enfants Baudouin IV et Sibylle de Jérusalem. Agnès mourut en septembre 1184 ou en février 1185.

Encore une fois les Montlhéry-Courtenay et Montlhéry-Rethel prennent le pouvoir en Terre-Sainte par des alliances plus ou moins licites.

Les Puiset-Jaffa

Cette branche est issue d'Alix de Montlhéry “ Adelidis ”, dame de Villepreux (m. après 1097), seconde fille de Gui et Hodierne, mariée à Hugues 1er Blavons, seigneur du Puiset (1067) et vicomte de Chartres (1073) “ Hugonis de Puteolo patris ejusdem nepotis sui… ”. Le couple Puiset-Montlhéry eut 9 enfants dont trois fils sont partis en Palestine où ils ont fini leur vie “ Adelidis uxor vicecomitis, filii eorum, Ebrardus, Hugo, Guiddo et filia Unberga ”.

Evrard III du Puiset , fils d'Alice de Montlhéry. Nous savons qu'Evrard était parti en 1096 avec le contingent de Robert comte de Flandres. Il participa à la prise de Jérusalem et meurt le 21 août 1099, suite à une blessure grave qu'il a eue au cours de la bataille d'Ascalon.

Galéran du Puiset , petit-fils de Gui et Hodierne était le frère puîné d'Hugues 1er de Jaffa. Il est cité dans une charte de 1095 “ …Hugo frater ipsius Ebrardi, Gilduinus quoque et Gualerannus fratres ipsorum… ” ( Cartæ Prioratuum Dunensium , CXLIX, p. 137). Galéran se croise en 1107 avec son beau-frère Joscelin de Lèves, le mari d'Odeline. Galéran reçut la seigneurie de Bira, fief du comté d'Edesse et convole en 1116 avec la fille d'Abulgharib. Il dirigea la ville d'Edesse quand son cousin Baudouin fut élu roi de Jérusalem. Fait prisonnier par les Turcs en 1122, il meurt en captivité avant 1126.

Galon de Beaumont-sur-Oise “ Galo de Calvo Monte ” était le neveu par alliance de Milon de Montlhéry. Sa femme est Humberge du Puiset, la fille d'Alix. Parti avec son oncle à l'été 1096, il décède peu de temps après son arrivée en Palestine.

Hugues 1er de Puiset-Jaffa “ Hugo de Puteacio ” était, par sa mère Alix de Montlhéry, cousin germain de Baudouin du Bourcq, fils de Mélisende, et de Josselin 1er d'Edesse, fils de d'Elisabeth. Après avoir administré la seigneurie du Puiset comme tuteur de son neveu Hugues III, il se marie et part en 1106 pour la Terre Sainte avec sa femme Mabille de Roucy. Dès son arrivée il reçoit le comté de Jaffa. Jaffa est le second port le plus important du royaume pour l'arrivée des pèlerins en Terre Sainte. Le monastère de la vallée de Josaphat en Palestine appartenait à la famille du Puiset établie dans le la seigneurie de Jaffa. Ce couvent fut confié à Gelduinus, moine de Cluny qui en devient l'abbé. Hugues est mort en Palestine en 1118.

Hugues II du Puiset-Jaffa , comte de Jaffa. Fils de Hugues 1er est vers 1106 en Apulée pendant le voyage de ses parents en Terre Sainte. Marié à Emma nièce du patriarche Arnoulf de Roeux et veuve d'Eustache 1er de Grenier, seigneur de Césarée dont Gautier 1er était le fils. Hugues était cousin de la reine Mélisende de Jérusalem, femme de Foulque d'Anjou. Etant trop familier avec sa cousine, la rumeur l'accusa d'adultère et il entra en conflit avec le mari jaloux. De plus, on le disait très arrogant et refusant de rendre hommage au roi. Accusé de trahison et soumis au duel judiciaire auquel il ne vint pas, il fut coupable par défaut et s'exila chez son parent Roger II de Sicile (mari de Béatrice de Rethel, petite-nièce de Baudouin du Bourcq). Hugues II est mort au Proche-Orient vers 1134.

On peut dire que le “clan des Montlhéry”, formé par les descendants de Gui et Hodierne, a dirigé les états latins du Levant pendant plus d'un siècle.

Notes

(1) Pour plus de détails, on peut consulter les ouvrages de l'académicien René Grousset, Histoire des Croisades et du Royaume Franc de Jérusalem , et L'Empire du levant : Histoire de la Question d'Orient (1949). « L'Art de Vérifier des Dates des Faits Historiques » (tome V, édition de 1818) est accessible sur le site http://books.google.fr/books. Enfin les livres « Mélisende de Jérusalem » et «Hodierne de Jérusalem» par Elyane Gorsira (chez Manuscrit.com ; Paris) sont des sources intéressantes.

(2) La croisade fut l'occasion de mutations importantes. Certains s'y sont ruinés. Pour réunir les fonds nécessaires à leur départ pour le Saint-Sépulcre, les Croisés vendirent leurs seigneuries. Godefroy de Bouillon vend son duché à Otbert, prince-évêque de Liège. Robert Courteheuse engage le duché de Normandie pour 10.000 marcs d'argent à son frère. D'autres firent des emprunts à des clercs, à des commerçants et même à des usuriers.

(3) La parenté entre Baudouin 1er, frère de Godefroy de Bouillon, second roi de Jérusalem et son successeur Baudouin II de Rethel, dit du Bourcq, est controversée. Guillaume de Tyr donne Judith, femme de Manassès de Rethel et sœur d'Eustache de Boulogne, père de Godefroy et Baudouin 1er. Une autre hypothèse inverse la proposition en passant par Ide de Verdun la mère de Godefroy et Baudouin. Enfin une dernière hypothèse donne les deux Baudouin comme cousins issus de germain.

(4) Pendant ce temps, Baudouin de Boulogne, frère de Godefroy de Bouillon, fonde le comté d'Edesse (9 mars 1098) qui sera attribué en 1100 à son cousin Baudouin du Bourcq.

(5) Etienne-Henri de Blois partit en compagnie de son beau-frère, le duc de Normandie Robert Courteheuse, et de son cousin le comte de Flandre Robert II. Ils arrivent en octobre 1097devant Antioche assiégée. Etienne-Henri décide de rentrer le 2 juin 1098, deux jours avant la chute de la ville. Considéré comme un lâche, il reprend la route de la Terre Sainte en 1100 à la tête d'un petit contingent composé des évêques de Laon et de Soissons, des comtes de Bourgogne, de Toulouse et de Mâcon et de quelques seigneurs champenois.

(6) Les aventures de Gui Troussel et sa défection lors du siège d'Antioche ont été décrites maintes fois (voir par exemple, « L'Art de Vérifier des Dates des Faits Historiques », tome XI ou André Jouanen, Montlhéry, douze siècles d'histoire , Ed. Soleil Natal, 1988).

(7) Milon II de Montlhéry, seigneur de Bray-sur-Seine, fils cadet de Milon 1er a été fiancé à Lithuise de Blois en 1112. Le contrat de mariage fut cassé l'année suivante par l'intervention de l'évêque Ives de Chartres (cf. Chronique “Mariages et Divorces à Montlhéry”).

(8) Guillaume de Tyr écrivit « primogenitus », mais depuis il a été montré que l'ordre de succession détermine le contraire.

(9) Le comté d'Edesse comprenait quatre fiefs principaux : seigneurie de Turbessel, la seigneurie de Bira, la seigneurie de Marach et la seigneurie de Malatya (Mélitène).

(10) L'état latin du Levant était théocratique avec une monarchie à la fois élective et héréditaire. Quand une femme héritait de la couronne, son mari était normalement élu roi, mais détenait son autorité des droits de sa femme. Ce fut le cas de Foulque V d'Anjou marié à Mélisende de Jérusalem, héritière de Baudouin II. Pour cette raison le choix du prince consort était une affaire hautement politique et sujette à des manœuvres considérables.

(11) Isabelle de Jérusalem fait un mariage d'amour avec Onfroy IV de Toron que les barons jugèrent indigne de régner. Elle épousa en secondes noces en 1190 Conrad de Montferrat. Veuve en 1192, elle se marie avec Henri II de Champagne, puis veuve à nouveau en 1197 avec Amaury II de Lusignan, roi de Chypre. D'après René Grousset [ L'Empire du Levant : Histoire de la Question d'Orient , 1949] , elle meurt en 1206, laissant 7 enfants de ses trois derniers époux.

(12) Récit donné par Guillaume de Tyr, clerc né vers 1128 à Jérusalem. Il était archevêque de Tyr en 1175 et chancelier du royaume de Jérusalem où il meurt en 1184. Historien des Croisades comprenant l'arabe, il a écrit l'une des plus grandes œuvres du XIIe siècle “ Historia rerum in partibus transmarinis gestarum ” ou “ Histoire d'Outremer ”.

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