Corpus Essonnien

Histoire et patrimoine du département de l'Essonne

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Guillaume de Milly, prieur de Longpont

Chronique du Vieux Marcoussy –Marcoussis————— _———————————- Octobre 2008

C. Julien

« Presque dans tous les temps, ce Prieuré a été possédé par de grands personnages » dit l'abbé Lebeuf. À la fin du XIIe siècle, un fils cadet de famille noble, Guillaume de Milly, prend le froc de moine au prieuré bénédictin de Longpont, puis, il a été successivement prieur de Longpont et prieur de Saint-Martin-des-Champs pour finir comme chef suprême de l'Ordre, abbé de Cluny. Cette chronique fait partie d'une série sur les prieurs remarquables de Longpont. Ici, nous retraçons la vie de Guillaume de Milly au cours de sa brillante carrière dans la congrégation clunisienne.

Le prieuré N.-D. de Longpont

Nous avons donné, à plusieurs reprises, les statuts du prieuré N.-D. de Longpont , le premier couvent clunisien implanté en Île-de-France. L'importance du couvent s'est fortement accrue au XIIe siècle grâce aux donations pieuses qui ont permis la constitution d'un groupement régional. Toutefois, à l'époque qui nous concerne, la construction de l'église conventuelle de Longpont n'est pas achevée. Bâtie selon les plans du type « Cluny II ». Le portail de Longpont, de pur style gothique ne sera terminé qu'au milieu du XIIIe siècle proclamant la gloire de la Vierge.

En 1151 , le privilège du pape Eugène III, porte confirmation et détails des biens de l'église de Longpont pour les dîmes et autres droits sur les églises de Longpont, Montlhéry, Saint-Julien-le-Pauvre à Paris, Orsay, Forges, Pecqueuse, Champlan, Bondoufle, Orangis, Fleury, Nozay, Viry, Monceaux, Soliny, Saint-Médéric, le Plessis, Savigny, Ver, Villejuif, Fresne, etc. En 1154, son successeur, le pape Anastase IV, renouvelle le privilège des dîmes et autres droits, sur les églises ci-dessus détaillées. Ce pontife promet protection sur tous les biens du prieuré. La bulle du pape Alexandre III, datée du 1164, portant confirmation de la sentence rendue au sujet de la contestation entre les prêtres de Linas et le couvent de Longpont, sur le cimetière des lépreux (1). Ainsi, Longpont contrôle une bonne quinzaine d'église dont huit prieurés secondaires.

Le rayonnement de Longpont vient également des pèlerinages à la Sainte Vierge qui est une institution très ancienne puisqu'elle remonte dès la fin du XIe siècle. Le trésor de l'église devient considérable, pourvu d'objets sacrés et de nombreuses reliques dont un morceau du voile de la Vierge.

Le jeune moine de Longpont

Positionnons-nous en 1175, date d'où part la chronologie de cette histoire. C'est l'année où Guillaume de Milly prenant le froc à Longpont présente sa dot au prieuré, laquelle est constituée par des biens qui venaient du patrimoine familial à Milly « Milliacum » (2).

La charte XVIII du prieuré de Longpont nomme directement Guillaume de Milly, fils de Jean de Courances, neveu de Renaud, doyen de Milly, prenant les habits de moine à Sainte-Marie de Longpont « Guillelmus de Milliaco, filius Johannis de Cosenciis, nepos autem Rainaudi, decani de Milliaco, apud sanctam Mariam de Longo Ponte monachicum habitum suscipiens ». Sa dot comprend une terre dans laquelle est située la maison de Milly , un pré et une vigne qui sont contigus à la maison « terram, in qua domus de Milliaco sita est, et pratum et vineam que domui adjacent ». Ce don est fait avec l'approbation de ses frères Baudouin et Payen, et leurs sœurs. Philippe, seigneur dont les biens sont dans la mouvance donne également son accord « concedente et Philippo, de cujus feodo movebat » ainsi que Laurent, moine bénédictin qui avait bâti cette maison et dans laquelle il avait beaucoup travaillé et avait acheté ce droit pour 40 sols « pro XL solidis » au seigneur Philippe. Les plèges de ces donations furent : le chevalier Eudes de Mont-Saint-Pierre, le chevalier Gui Nanter, le régisseur Théodore et Geoffroy Anglicus.

Cette charte est riche d'enseignements. Premièrement, elle confirme, qu'aux XIe-XIIe siècles, les moines de Longpont, comme ceux de Cluny, sont tous des aristocrates, chevaliers ou écuyers « miles ou armigeri », à l'exemple du fondateur Gui, seigneur de Montlhéry. Guillaume est le fils cadet d'une famille noble illustre qui possède de nombreux fiefs dans le sud parisien, dans le Hurepoix et le Gâtinais.

La seconde leçon de la charte est la donation de la maison de Milly construite par le moine Laurent. Comme décrit dans la Bibliotheca Cluniasensis pour les titres du prieuré de Longpont « in archiepiscopatu Senonensi, prioratus S. Laurentii prope Milliacum », il s'agit donc du prieuré Saint-Laurent de Milly qui faisait partie du groupement régional. Selon les comptes du temporel donné au chapitre de Cluny, ce prieuré était occupé par deux moines au XIIIe siècle, à l'époque où le réseau clunisien de Longpont comptait 60 moines et prêtres. Le prieuré de Milly dispose donc, dans son enclos, d'une vigne et d'un pré « pratum et vineam ».

Toutefois, Jules Marion qui édita le Cartulaire de Longpont semble avoir fait une erreur en datant la charte vers 1136. Nous pouvons penser que le jeune homme était un novice encore adolescent, disons qu'il était âgé de 15 ans au plus. Il est couramment admis que Guillaume de Milly, fils de Jean de Courances, prit les habits de moine à Longpont en 1175. C'était au temps du prieur Thibaud qui resta trente ans à la tête de la communauté clunisienne se liant d'amitié avec le roi Louis VII. Cet homme respecté était un prélat qui sut agrandir adroitement le temporel du prieuré Notre-Dame. Ses successeurs furent successivement le prieur Simon de 1180 à 1190, suivi par Géraud en 1190 et par Guillaume de Milly en 1198.

Baudouin fut désigné comme successeur et occupa le siège prieural de 1216 jusqu'à sa mort en 1232. C'est Eudes de Condom qui fut présenté au priorat de Longpont cette même année.

Les libéralités nobles de Milly

Les moines de Longpont avaient reçu de nombreuses libéralités de la part des nobles de Milly et des environs. Vers 1064, du temps du prieur Robert, Gautier Castel et Sanceline, sa femme, avaient donné le moulin de Crochet situé sur la commune de Boigneville (charte CCCXIII). Au commencement du XIIe siècle, Tescelin, fils de Foulques de Buno approuva la donation faite par le vicomte Aymon, de deux arpents de prés à Buno-Bonnevaux (charte LXXV). À la même époque, obtenant l'approbation de sa femme Élisabeth, ses fils Foulques, Daimbert, Bernoale, Théodore, Gautier, ses filles Adèle et Gibeline, le chevalier Adam de Milly, pensant à son salut, fit une libéralité pieuse au couvent de Longpont « Adam de Milliaco, pro anima sua, dedit Deo et sancte Marie de Longo Ponte, et monachis ejusdem loci ». Il s'agissait de toute la terre et le bois qu'il possédait à Villiers et une hostise à Milly tenue par le nommé Girold « totam terram et silvam quam habebat apud Villerium, et unum hospitem, Giroldum nomine, apud Milliacum, cum omnibus suis » (charte CCXCI).

Le Crédo des apôtres (saint-Barthélemy, patron secondaire de Longpont).

Ce même chevalier possédait de nombreux fiefs. Cinq ans auparavant, il avait fait un legs considérable aux moines de Longpont. Il s'agissait de tous les droits qu'il avait dans le village de Champlan, sur l'église, l'atrium, la dîme, le cimetière, et tout le droit censuel de la terre qu'il possédait dans ce fief « villam Champlant, in ecclesia, in atrio, in decima, in sepultura, & totam terram censualem ». De plus, le donateur laissait la terre de Campo Garnodi , que tenait Ricolde, femme de Wimbert Presbiter, et une autre terre dont Adam chargée de 14 deniers dans la censive de Longpont. L'acte fut posé sur l'autel de Sainte Marie par Adam et sa femme Elisabeth et leurs fils Foulques et Daimbert. Se rendant à Milly au nom de la communauté de Longpont, le moine Gilon avait reçu la confirmation de la part de toute la famille réunie : en premier Adam lui-même, Élisabeth, sa femme, Foulques, Daimbert, Bernoale, Théodore et Gautier, ses fils, et Adèle et Gibeline, ses filles (charte CCXXII).

En 1130, un autre chevalier de Milly nommé Arraud « Arraudus de Miliaco » assista les frères Isembert et Frédéric d'Etampes quand ceux-ci donnèrent, avec l'approbation de leur mère Aremburge et toute la famille réunie, l'église Saint-Denis de Boudoufle avec l'atrium, le cimetière et toutes les dîmes des lieux qui dépendent de cette église, y compris le village de Fleury.

Plus tard, en juin 1247, un autre descendant de la famille, Guillaume de Milly et sa femme Isabeau « Guillelmus de Milliaco et Isabellis ejus uxor » , possédant une moitié de maison à Glatigny, au chevet de Saint-Denis de la Châtre, près celle de Guillaume Aux-Patins, la grèvent d'une rente de dix sols au profit de Nicolas du Val, bourgeois de Paris.

Le prieur de Longpont

Bien que nous ignorions le cursus universitaire de Guillaume de Milly, il aurait pu suivre ses études à l'école de théologie de Notre-Dame . Devenu religieux profès, Guillaume de Milly, étudiant brillant, devient un moine influant à Longpont et reconnu comme tel par la hiérarchie clunisienne. Il fut remarqué pour sa vivacité d'esprit et on lui donna des responsabilités dans la gestion du prieuré. C'est le cartulaire du prieuré parisien de Saint-Martin-des-Champs « Sanctum Martinum de Campis » (3) , considéré comme le troisième couvent de la congrégation de Cluny par son importance, qui nous renseigne sur la vie de Guillaume de Milly.

Après un séjour de 23 ans sur les bords de l'Orge, Guillaume de Milly fut nommé prieur de Longpont et pris possession du couvent, en 1198, à la mort du prieur Géraud. Nous sommes l'année où le pape Innocent III, qui vient de monter sur le trône de Saint-Pierre, condamne Philippe-Auguste pour bigamie. Ce roi avait confirmé plusieurs biens acquis par le prieuré de Longpont dont la dîme de Marolles en 1181 et la forêt de Montfaucon en 1283.

C'est au cours de son voyage à Longpont , en janvier 1201, que l'abbé Hugues V de Cluny avait rencontré les responsables de Saint-Martin, le sacristain Richard, Herbert, prieur de Gournay, Léonard, prieur de Grosbois et le sous-chambrier « Hugo supprior et Richerius sacrista noster, Herbertus de Gornaio et Leodegarius de Silvanectis priores, et Albertus subcamerarius, essent in itinere constituti, invenerunt juxta Longum Pontem ». La communauté de Saint-Martin-des-Champs notifie, alors au chapitre de Cluny, le choix fait par l'abbé Hugues, du chambrier Guillaume « Quod Willelmus, camerarius Sancti Martini de Campis » pour succéder au prieur Robert qui venait de mourir ; elle prie le prieur et le couvent de Cluny de s'associer à ce choix.

Après avoir été moine, puis, le treizième prieur de Longpont, désormais, Guillaume de Milly détient la charge de Saint-Martin. Il est alors qualifé « frater Willelmus, prior Sancti Martini de Campis » dans les chartes du XIIIe siècle.

Le document de 1201 a pour objet de calmer les susceptibilités du chapitre de Cluny, qui, contrairement aux précédents, n'a pas été associé au choix fait, « molu proprio » , par l'abbé, du nouveau prieur de Saint-Martin. Les moines de la communauté parisienne se déclarent satisfaits de ce choix et en demandent la confirmation. C'est donc par méprise que la Gallia christiana (VII, 525) résume ainsi cette affaire « Guillelmus II. Martiniani monasterii camerarius erat, quando per obitum Roberti ab Hugone abbate Cluniacensi, tunc Parisius commorante, prior ejusdem loci nominatus fuit, irrequisito monachorum consensu, qui ea de re apud Longo Ponte, priorem et conventum Cluniacensem conquesti sunt. Isti vero anno 1200 rogaverunt Martinenses monachos, ut id acceptum haberent » , c'est-à-dire que Guillaume II, chambrier, devenu prieur de Saint-Martin après le décès de Robert n'avait pas reçu l'assentiment des moines, alors qu'il était prieur du couvent de Longpont de l'Ordre de Cluny.

Le 24 mars 1201, le pape Innocent III mande à Hugues V, abbé de Saint-Denis, Guillaume prieur de Saint-Martin-des-Champs, et Jouin, écolâtre d'Orléans, qu'ils admettent Henri, grand archidiacre de Chartres, à se purger canoniquement par le serment de trois prêtres, si, après le monitoire publié dans la cathédrale, il ne se présente pas d'accusateur qualifié pour s'y opposer (charte DLXXXI).

En août 1202 , le prieur Guillaume II et sa communauté cèdent, moyennant un cens annuel de dix marcs d'argent fin et loyal, au poids troyen, aux moines de Montier-en-Argonne, leur maison de Saint-Martin-le-Pauvre, au diocèse de Châlons « Sancti Martini Pauperis in episcopatu Cathalaunensi sitam » (charte DXCII ). En décembre de la même année, le prieur Guillaume II confirme la cession faite par son couvent à l'évêque de Meaux, Anselin, de l'église Notre-Dame de La Chapelle-sur-Crécy, pour y établir des chanoines (charte DIC).

À la même époque, Eudes, évêque de Paris , « Odo, Dei gratia Parisiensis episcopus », à la sollicitation de trois frères : maître Thierri, chanoine de Bourges, Pierre, curé de Saint-Jean, et Jean, prêtre, les autorise à fonder, avec l'agrément de Simon, leur frère aîné, et de leurs sœurs Richeud et Sybille, une chapellenie de Saint-Jacques, dans l'église Saint-Saturnin de Champigny-sur-Marne, dont Guillaume II, prieur de Saint-Martin, aura la présentation ; pour le repos de leurs âmes et de celles de leurs ancêtres, Guérin et Simon, Mahaud et Constance épouses de ceux-ci, donnent leur assentiment. Les moines de Saint-Martin et Eudes de Saint-Merry contribuent par leurs libéralités à doter cette chapellenie (charte DCIII).

C'est la charte DCXIV de 1203, qui nous apprend que Guillaume de Milly avait été pourvu du siège de prieur de Longpont en 1198 « Guillelmus qui jam anno 1198 prior Longipontis, cognominatus de Milliaco » . Il le restera jusqu'à son départ de la région parisienne en 1208. Au début du mois d'avril 1203, Guillaume, prieur de Saint-Martin et de Longpont, fait avec le doyen Hugues Clément et le Chapitre de Notre-Dame de Paris un échange qu'approuve ensuite Hugues V, abbé de Cluny.

Ainsi au milieu du règne de Philippe-Auguste, nous trouvons l'exemple d'un prieur de Saint-Martin dirigeant en même temps un autre monastère, ce qui semble être, au XIIIe siècle, assez fréquent pour le prieuré Saint-Martin. La comparaison des obituaires de Longpont et des Champs donne bien souvent l'impression d'une administration commune.

Guillaume de Milly, prieur de Saint-Martin

En juin 1204, André de Coulours, précepteur du Temple, « domorum milicie Templi » échange un arpent de pré à Noisy, « apud Nosiacum super Maternam » avec une soulte de cent sols, contre un état devant la halle « macellus » de la porte de Paris, que lui cède Guillaume II, prieur de Saint-Martin (charte DCXVII). Quelques jours plus tard, l'échange est ratifié par l'assemblée conventuelle.

Le 2 avril 1206 , le prieur Guillaume II concède à Renoud Chérin et à Sibylle, sa femme, un arpent de terre dans la censive de Saint-Denis-de-la-Châtre, du consentement de Jean, prieur de Saint-Denis, pour édifier l'église et le cimetière de Saint-Honoré (charte DCXXXVI). Renoud Chérin « Renoldus Chereins » fit, l'année précédente, une autre libéralité ainsi relatée par un acte de l'évêque Eudes de Sully. En 1205, Roger de Meulan approuve l'échange que son vassal Anseau d'Amboile et Comtesse, sa femme, ont fait avec Saint-Martin-des-Champs (charte DCXXXV). Ce Roger « Rogerius de Moulendo », quatrième fils de Galéran II de Meulan et d'Agnès II de Gournay était un descendant par les femmes de Gui le Rouge, fils cadet de Gui et Hodierne de Montlhéry. Le prieuré de Gournay avait été fondé par la branche cadette de Montlhéry et avait été rattaché au prieuré de Saint-Martin. Quelques mois plus tard, le même Roger de Meulan et sa femme Isabeau, leurs fils Amauri III et Guillaume s'accordent avec le prieur de Gournay-sur-Marne pour fixer à dix livres la dîme de leurs revenus de Gournay et La Queue, concédée par leurs devanciers au prieuré. Les plèges sont Guillaume de Garlande et le vicomte Payen de Corbeil, Pierre de Neuilly, Evrard de Chevry et Théobald de Clacy (charte DCXXXVI).

Le 28 septembre 1207, Hugues V, abbé de Cluny, visite Saint-Martin au temps du prieur Guillaume II et fait accorder des tricenaires à ses compagnons « tricenaria sua fieri, audito obitu eorum » (4). En septembre 1207, le prieur Guillaume II accorde des tricenaires au prieur de Courtenay et à un autre moine de la Charité, allant en Angleterre ; au chevalier Aubert de Lagny, au prieur et à trois moines de Lentona (charte DCLII).

Nous venons de présenter quelques documents rassemblés montrant que Guillaume II était en charge à Saint-Martin lorsqu'il fut appelé par les suffrages des capitulants à diriger l'ordre clunisien. L'initiale W. se rencontre dans toute une suite de chartes du début du XIIIe siècle, où elle s'interprète “ Willelmus ” et se réfère au prieur Guillaume II qui, en 1207, devint abbé de Cluny.

Guillaume de Milly, abbé de Cluny

Selon Gallia christiana , Hugues V de Radingen, abbé de Cluny, mourut le 28 septembre 1207. Il avait pris ce nom car il avait auparavant administré le monastère de Radingen en Angleterre. Son successeur à la tête de l'Ordre fut Guillaume de Milly, élu par l'assemblée capitulaire de Cluny « Willelmi de Milliaco, abbas Cluniacensis » . Outre les moines de Cluny, la dière était constituée par les prieurs des maisons filiales. Élu abbé de Cluny, Guillaume II tient chapitre à Saint-Martin-des-Champs et associe aux prières du couvent deux moines de Saint-Germain-des-Prés.

Au sujet de l'élection du prieur Guillaume II et de sa gestion comme abbé de Cluny, la Gallia christiana fournit les renseignements suivants « Guillelmus II, ex priore Cluniacensi et Sancti Martini de Campis creatus abbas Cluniacensis anno 1207. De ipsius electione legenda est Balduinus, subprioris Sti Martini de Campis ad Bartholomeo, priorem claustralem et conventum Cluniaci ». Baudouin est le sous-prieur et Barthélemy le prieur claustral de Saint-Martin. De plus, le texte dit « seu 1215 uti hodie computamus. Quo anno, post regimen annorum septem, totidemque mensium, Guillelmus abdicavit feria IV ante Pascha… Diem clausit ultimum 1222, XI cal. Octobris », c'est-à-dire qu'il abdiqua en 1215 et mourut en 1222. Mais, nous reviendrons sur cet aspect.

Après le 28 septembre 1207 , la charte DCLIII précise que le prieur Guillaume II, élu abbé de Cluny, accorde un tricenaire à lui-même et à son compagnon Imbert de Magny. Au cours de l'automne 1207, Baudoin, sous-prieur de Saint-Martin, et toute la communauté, écrivent au grand-prieur de Cluny, Barthélemi, pour lui rappeler que l'élection du prieur Guillaume II comme abbé de Cluny a privé leur monastère de son chef et pour demander qu'un autre supérieur leur soit donné (charte DCLVI). Il semble que le problème fut solutionné assez rapidement puisqu'une charte, datée au plus tard en avril 1208, concerne un règlement de contentieux sur le moulin de Villepinte entre le seigneur Roger La Pie, sa femme Adèle et le nouveau prieur de Saint Martin nommé Foulques « Ego frater Fulco , prior Sancti Martini de Campis » (charte DLX). Le 20 décembre 1209 , le prieur Foulques 1er gratifie de l'association à la communauté, et du tricenaire après son décès, Dreux, jadis prieur de Saint-Éloi de Noyon, compagnon de Guillaume II, abbé de Cluny, qui s'était rendu à Rome pour défendre la cause des moines de Saint-Martin contre l'archiprêtre de Saint-Jacques, et leur assura le gain du procès (charte DCXC). Le prieur Foulques était un personnage important au sein de la hiérarchie clunisienne, puisqu'il était chambrier de l'abbé de Cluny en la province clunisienne de France « humilis prior Sancti Martini de Campis, camerarius domini Abbatis in Francia ».

Outre Foulques, le successeur de Guillaume de Milly au siège prieural de Saint Martin fut le prieur Jean à qui le pape Innocent III confia le 3 février 1216 une délégation apostolique pour frapper de censures les fauteurs du mariage clandestin d'Erard de Brienne avec Philippe, fille du comte de Troyes. Puis, en 1220, le sous-prieur et la communauté de Saint-Martin-des-Champs adressent une lettre de rappel à l'abbé de Cluny pour obtenir la nomination d'un prieur qui remplisse les devoirs de sa charge ; le prieur Baudouin « frater Balduinus » est nommé.

La charte d'avril 1225 précise que Baudouin, prieur de Saint-Martin-des-Champs est également prieur de Longpont « humilis prior Sancti Martini de Campis et Longipontis ». Avec les moines de Longpont, ils notifient que leur frère Gui, fils de sire Jean de Massy, chevalier, et de dame Marguerite, a été mis en possession par ses parents de biens consacrés à des œuvres pies, suivant la teneur de lettres de feu Guillaume II de Seignelay , évêque de Paris.

Le temporel sous le prieur Guillaume

Un second cartulaire du prieuré de Longpont fut vidimé en 1713 et nous donnons les actes notariés passés sous le priorat de Guillaume de Milly. Dès son entrée en fonction, en 1198, un partage eut lieu entre le prieuré de Longpont et le prieur Robert de Saint-Maur. La même année, le partage des hôtes du lieu-dit Leudeville « Odovilla » anciennement communaux du village de Longpont, fut confirmé.

En 1200, la reine Adèle de Champagne, mère de Philppe-Auguste, confirma le règlement d'une dette par le prieuré. Puis, Aldèle porta que Jzloumou et Soleminus, juifs de la Reine et Judit aussi juive de la Reine , ont quitté le prieuré de Longpont, après avoir reçu tout ce qui leur était dû. La même année, une reconnaissance fut faite par Simon Defer au profit des religieux de Longpont de deux muids et cinq setiers de grains pour certaines censives que son ayelle avait donné au couvent à la réserve d'usufruit. Un accommodement eut lieu entre Salomon et son neveu, d'une part, et les prieur et religieux de Longpont, d'autre part, touchant plusieurs différends entre eux. Enfin, nous trouvons une reconnaissance par Simon de Ver de la redevance de deux muids et cinq septiers de bled pour une certaine terre que son ayeulle avait donnée par aumône à l'église de Longpont, à condition que la dite terre retournerait au prieuré après sa mort.

En 1202, une donation fut faite aux religieux de Longpont par Acho du Coudray, du consentement de ses frères et soeurs, de la dixme de Marolles. L'année suivante un différend apparut touchant les dixmes de Marolles et Viry. Quelque temps plus tard, une convention porta que le prieuré de Longpont avait des dixmes sises à Marolles et que l'église de Paris avait les cens de Viry. Pour éteindre la cicane, un échange entre le chapitre de Paris et les religieux de Longpont, par lequel ledit chapitre cède auxdits religieux de Longpont la dixme de Marolles, et en contre-échange lesdits religieux cèdent ce qu'ils possèdent à Viry et payent en outre une somme de « septante livres de retour ».

En 1204, les lettres d'Odon, évêque de Paris, portèrent sur plusieurs héritages qui précisaient la dixme du diocèse donnée ou acquise à l'église de Longpont. Philippe-Auguste confirma la donation de la dixme de Marolle au couvent de Longpont. Puis, une autre confirmation fut donnée par le comte d'Evreux de la donation faite par Robert Castel à l'église de Longpont de tout ce qu'il possédait à Pecqueuse, tant en terres labourables, forêts, prés, four à ban, que censives.

Le différend sur le cimetière des lépreux de Saint-Lazare de Linas dura plus de quarante ans. Commencé avant le pontificat d'Alexandre III, ce pape avait réuni à éteindre la contestation par l'arbitrage d'Estienne, évêque de Meaux, et d'Eudes, abbé de Saint-Denis. Le jugement condamnait les administrateurs de la léproserie à inhumer seulement les lépreux à l'exclusion de toute autre défunt, y compris les frères convers. La chicane reprit de plus belle au tournant du XIIIe siècle. Le cartulaire de Longpont nous indique, en 1204, un nouveau contentieux entre les religieux de Longpont et les chanoines de Linois « touchant la sépulture des lépreux de Linois ». Deux ans plus tard, une autre sentence est rendue, puis en 1240, sous le règne de Saint-Louis, nous trouvons un acte similaire « touchant le cimetière des lépreux de Lynais ». La même année, un autre procès toucha la donation des dixmes du Plessy.

En 1205, un conflit apparut entre les religieux de Longpont et le curé de Jouy, touchant la dixme et la construction d'une grange. La prébende dans l'église de Saint-Pierre de Montlhéry, appartenant à l'abbaye de Saint-Victor, fut donnée au prieuré de Longpont, et en échange lesdits religieux ont donné les terres et vignes qu'ils possédaient près le village d'Athis. La même année, les religieux de Longpont reçurent une terre de Vovea (on croit que c'est Vanves, près de l'abbaye du Lys, vers Melun).

Au titre de l'année 1206, le cartulaire mentionne : - la donation d'une portion de dixme à Villebouzin, faite aux religieux de Longpont. - l'exemption de taille par Etienne, abbé de Cluny, aux habitants de Longpont qui sont entre les Trois-Croix. - la commission du pape Innocent III, la douzième année de son pontificat, adressant à l'official de Paris, pour terminer le différend touchant le patronage de Fargis. - le règlement du conflit touchant les lépreux de Linois. - la confirmation de la donation des églises d'Orsay, d'Auffargis, Forges, Bondoufle, Pecqueuse, Orangis, Champlant et Saint-Julien-le-Pauvre. - un arbitrage concernant l'église du château de Montlhéry pour la sépulture. - un bref du pape Alexandre adressant au chantre de Saint-Wulfran d'Abbeville pour réunir au couvent de Longpont les biens qu'il en avait aliénés.

En 1207, un règlement eut lieu entre Guillaume de Morsang et ses soeurs, d'une part, et le prieur et couvent de Longpont, touchant leurs biens, rachetés par le couvent de Longpont moyennant 84 livres parisis. La même année, un accord fut passé entre le prieuré de Longpont et l'église de Paris au sujet des dixmes de Marolles et le cens à Viry.

L'abdication de Guillaume de Milly

Dans l'histoire de Cluny, la fin du XIIe siècle est considérée comme une période critique pendant laquelle la congrégation se replie elle et demeure fragile tout en continuant d'attirer par un style de vie particulier (5). Gaullaume II, ancien prieur de Longpont, est un abbé qui garde un réel prestige dû à sa fonction et à son origine noble.

Comme tous les clercs et les princes, l'abbé de Cluny est contraint de choisir. Guillaume, sans hésitation, prend le parti du Saint-Père contre le roi qui fut excommunié pour bigamie. Le roi s'emporta contre ceux qui obéissaient au pape ; en vain il fit saisir le temporel du clergé.

Une crise grave secoue l'ordre à partir de 1198, à la suite du refus d'autorité de certains prieurés clunisiens. Une longue contestation apparaît entre la maison-mère et l'important prieuré de La Charité-sur-Loire qui demandait son autonomie. En 1210-1212, l'abbé Guillaume II en appelle au pape Innocent III contre le prieuré qui récuse les décisions de la Diète de Cluny. Celui-ci est excommunié en avril 1212. Enfin il se soumet.

Parce que, semble-t-il, il ne parvient pas à s'imposer lors du différend qui l'oppose à Hugues, prieur de La Charité, Guillaume abdique en 1215 . Son successeur est Gérard de Flandre qui démissionnera en 1220 pour devenir évêque de Valence.

Guillaume de Milly meurt le 11 octobre 1222. Il est porté au nécrologe de Saint-Martin-des-Champs au jour du 20 septembre, XII des kalendes d'octobre « Deposito domni Guillelmi, abbatis Cluniacensis ; condam prior hujus loci et postea abbas Cluniacensis ».

Notes

(1) Nous voulons signaler les nombreuses erreurs qui, encore de nos jours, apparaissent dans les textes nommant les papes qui se sont intéressés à Longpont. Nous conseillons aux auteurs d'exercer « L'Art de vérifier les Dates », ce qui éviterait de faire agir des papes décédés depuis longtemps…

(2) « Milliacum, Milleium, Mileium, Miliacum », Milly-la-Forêt (Essonne, ch.-l. cant.) autrefois Milly-en-Gâtinais.

(3) La collégiale de Saint-Martin-des-Champs à Paris, fondée en 1060 par le roi Henri 1er, sur l'emplacement d'un très vieux sanctuaire, fut donnée par le roi Philippe 1er à Cluny en 1079 pour devenir un prieuré de la congrégation. Avec plus de soixante-dix moines et une trentaine de dépendances monastiques, cet établissement monastique était le plus important de Paris.

(4) Série de trente messes, dites en trente jours consécutifs, pour un défunt (du lat. tricenarius , de triceni , trente).

(5) Pour en savoir plus, l'excellent livre : M. Pacaut, L'Ordre de Cluny (Fayard, Paris, 1986).

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