Corpus Essonnien

Histoire et patrimoine du département de l'Essonne

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Le fief de Villefeux à Villebon XIe-XVe siècles

Chronique du Vieux Marcoussy –Marcoussis————— _——————————- Décembre 2008

Extrait de l'Atlas de Trudaine

JP. Dagnot

C. Julien

Cette chronique ne prétend pas narrer l'histoire de ce lieu, mais simplement mettre en ligne des notes collectées au fil du temps (1). La recherche de documents sur Villebon et par suite sur Villefeux n'a été réalisée qu'en raison des seigneurs de Villebon qui ont possédé Villejust et Villarceaux à Nozay pendant un certain temps. Avant d'entrer dans le sujet, pour les lecteurs non familiers de la région, un clic sur ** permet de localiser le site.

On peut remarquer que ce lieu est en limite d'un certain nombre de localités dont le toponyme comprenant le dérivé latin « villæ » qui désigne “ un domaine ou une exploitation agricole gallo-romaine ”. Ce sont Villebon, Villejust, Villefeux, Villevents, Villehiers, Ville du Boys, Villarceaux, etc.

Les documents anciens

Sans chercher des origines compliquées, le toponyme Villefeux peut trouver une explication simple « Ville-Fous » dont on trouve la racine dans les toponymes de lieux voisins. Il s'agit de la composition latine de « villæ » et de « fagus, fous », “ le hêtre ” en bas-latin. La terre de Fous à Montlhéry est également évoquée dans plusieurs chartes de l'abbaye des Vaux de Cernay « sita prope Montem-Lethericum, in loco qui dicitur Fous ». C'est le même lieu qui est évoqué un demi-siècle plus tôt dans une charte du prieuré de Longpont. Mentionné depuis le XIe siècle, ce toponyme, à la consonance bizarre qui intrigue beaucoup les gens, vient du latin “ fagus ”, qui a évolué en “ foul ” et “ fous ” désignant “ le hêtre ”. À Longpont-sur-Orge même, deux chantiers portent encore ce nom. Ce sont les Bas-de-Foux et les Hauts-de-Foux qui ont appartenu à la seigneurie de Villebouzin jusqu'en 1789. Nous avons non loin de Longpont un Torfou qui a la même origine.

Ainsi, avant le XIIe siècle, le domaine de Villefeux était un lieu où les hêtres dominaient dans cette parcelle de la grande forêt d'Yveline. On remarquera que la terminaison en –x est la plus utilisée dans les textes.

Pour revenir un court instant au prieuré de Notre-Dame de Longpont, l'une des chartes nous donne quelques informations sur les antiquités de Villebon « Villa Bona ». En 1090, un chevalier du nom de Gautier de Villebon « Galterius de Villa Bona » assiste le prieur Géraud, quand Milon Chastel, seigneur d'Orsay « Domnus Milo Castellus » prend les habits monastiques à Longpont. Ce chevalier constitue sa dot en léguant au couvent, ce qu'il a de plus précieux, trois terres sises à Montlhéry et Orsay. La première terre est située sous le château de Montlhéry, près du marais de Rainier Calzon, entre la porte de Paris et la terre qui a appartenu à Thibaud de Vaugrigneuse « terram quam habebat sub castello Montis Letherici, apud marchesium Rainerii Calzonis, que terra est inter portam Parisiensem et terram que suit Thebaldi de Valle Grinosa ». La seconde est une place sise à Orsay qui rapportait un cens de 3 oboles. Il donna aussi quatre arpents de terre situés à Fous qui est contiguë de cette terre qu'il donne pour le repos de l'âme de sa femme. Ce sont des terres situées à Montlhéry et une place à Orsay « et, apud Orceacum, quandam plateam reddentem censum trium minutarum ». Enfin, le troisième lot est constitué par quatre arpents situés au chantier de Fous à côté de la terre, donnés pour le salut de sa femme « et item dedit quatuor arpennos terre apud Fous , juxta illam terram quam dederat pro anima uxoris sue ». Il s'agit de la même terre montlhérienne mentionnée plus tard dans une charte des Vaux de Cernay.

Les fiefs de Villefeux

Jeudi après Noël 1353, un contrat de vente est conclu devant Lebègue, notaire au Châtelet de Paris, par André Potain à Pierre de Rocheny, chevalier seigneur de Montjaye de trois pièces de bois, près le bois de Guillerville, situé sous l'hôtel de Villefeux , tenues en fief. La vente faite moyennant 180 livres . Cet achat se retrouvera dans une vente datée en 1459.

Un aveu et dénombrement (expédition en parchemin) de la mouvance active de la seigneurie d'Orsay rendu le mardy après Noël 1396 par Pierre de Mantrasse, écuyer , à Messire de Puisieux, seigneur d'Orsay, comprend 10 articles : • le fief de Villefeux consistant en une maison, grange, bergerie et jardin, • 36 arpens de terre à forme couronné tenant à Jean Delaigny d'un côté et d'autre, • environ 45 arpens tant terres que hayes devant la porte, • 29 arpens de terre ou environ entre Courtabeuf et ledit hôtel tenant à Gillet Viviot (Vivier?), • 9 arpens sur le petit Villefeux tenant à ceux dudit hôtel, • 5 arpens de terre et un arpen de pré sis sur le bois des Fosses tenant à Jean Delaigny d'un côté et d'autre, • 4 arpens de terre tenant au jardin devant la porte, • 4 arpens de hayes et buissons où il y avoit vignes, • 28 sols 9 deniers de cens payable chacun an le jour de saint Rémy audit hôtel de Villefeux, • le Petit Villefeux tenu cy devant à cens dudit hôtel et alors de nulle valeur ledit fief étant en désert consistant en 20 arpens tant masures, buissons que friches. Et la moyenne et basse justice.

Ce deuxième acte peut nous laisser croire qu'il existe deux lieux distincts: le premier, Villefeux (grand) comprenant un hôtel qui n'est pas en ruine, le second, petit Villefeux, de nulle valeur consistant en masures friches qui a déjà dû subir les dommages de la guerre de Cent ans. Le suzerain d'Orsay qui doit protéger le vassal fait partie de la famille des Puisieux dont les biens principaux ne se trouvent pas à Orsay mais au nord de Paris à Puisieux-les-Louvres. Rappelons nous qu'Arnoul de Puisieux a obtenu de faire le guet et la garde de la forteresse d'Orsay en 1362. Et donc, il devait s'il en était maître, protéger son vassal de Villefeux… n'oublions pas que nous sommes en pleine période de dévastation du Hurepoix. Arnoul Boucher décède vers 1400.

En mai 1403, le même écuyer rend foy et hommage au nouveau seigneur d'Orsay, Messire Raymond Raguier « à cause de son château d'Orsay » sous le scel et devant Dubois, notaire à Palaiseau (2). L'aveu et dénombrement de la mouvance active concerne le fief et maison de Villefeux , clos de fossés, colombier, grange, bergerie et jardin. Cette fois le déclarant insiste sur l'état de ruine d'une partie du fief et des terres « 3 arpens de buissons derrière la sale où y avoit vignes tenant à messire Henri le Coq, plus 20 arpens tant en masures que friches sis au petit Villefeux lesquels sont demeurés sans propriétaire et de cens non payés tenant au seigneur de Paloisel, plus 36 arpens d'autre terre au Marchais Pucelle tenant à Jean Delaigny d'une part et d'autre, plus 10 arpents de terre ou environ au petit Villefeux, plus 20 arpens en friches tenant aux bois de Messire Raymond Raguier et aux bois de Monsieur de Palaiseau ». Pierre de Mantrasse déclare également qui possède la moyenne et basse justice sur son fief de Villefeux, mouvant d'Orsay pour la haute justice.

Ce second acte, montre que le propriétaire est resté sur la région parisienne. Qu'à l'évidence il a cru comme Montagu que l'on pouvait reconstruire. Son fief s'est amélioré par l'adjonction d'un colombier, apanage des fiefs et clos de fossés.

Notons également en 1410, dans un aveu au seigneur de Bures, un arrière-fief tenu par Pierre de Mantrasse, chevalier, à cause de sa femme c'est à savoir 80 arpents de bois que « gastines séant dessous Villefeux en la paroisse de Palloysel ». L'histoire de Villefeux comprend donc trois lieux: les grand et petit Villefeu, ainsi que 80 arpents de Bois.

Après la guerre de Cent ans

En date du 11 février 1459, un acte de réception à foy et hommage est fait à Bureau Boucher, seigneur d'Orsay par Antoine de Vaire, écuyer, « d'un fief vulgairement appelé Villefeu assis en la paroisse de Paloiseau ou terroir d'environ appartenances et dépendances, tenu mouvant et relevant dudit Messire Bureau Boucher d'Orsay à cause de sa ditte terre et seigneurie d'Orsay ». Pour la petite histoire, Raymond Raguier a eu une fille Gilette qui s'est unie à Bureau Boucher. Cette famille va régner sur Orsay pendant plusieurs siècles.

Le lendemain 12 février, les titres de la seigneurie de Villebon contiennent un contrat de vente passé par devant de Quatrelivres et Prostit, notaires au Châtelet de Paris, par lequel Antoine de Vaire, seigneur de Villefeu d'une part, Jehan Courbadon, et Jehan Grandin d'autre part, c'est à savoir, - une maison appelée la maison de de Villefeux , cloze à fossés, jardins, granges, bergerie, - item trois arpents de bois derrière la salle aujourd'hui en vigne, - item 20 arpents séant au petit Villefeux , - item 40 arpents de terre devant l'hostel de Villefeux , - item 36 arpents, - item 5 arpents de terre et un arpen de pré, - item 24 arpents de terre entre Villefeux et Courtabeuf , - item au petit Villefeux, environs 10 arpents de terres arables et environ 20 arpents de friches, Tout ce dessus tenu en fief de la seigneurie d'Orsay. - item une pièce de bois séant sous ledit hostel, - item une vigne, - item une autre pièce de vigne nommée la Chenaye et une autre pièce de bois nommé les Fosses . Le tout moyennant 12 livres de rente annuelle et perpétuelle , non compris en la vente, les droits seigneuriaux.

Le 26 juin 1460, devant un notaire parisien, Antoine de Vaire, écuyer, rend foy et hommage de l'achat précédent au seigneur d'Orsay. Il s'agit du fief de Villefeux ainsi qu'il est détaillé en l'aveu et dénombrement rendu par Pierre de Mantrasse à Raymond Raguier le 16 mai 1403 « excepté qu'il en énonce au présent aveu que le domaine dudit fief a été aliéné à Jean Courbadon et Jean Grandin frères, moyennant 6 livres tournois de rente payable chacun an et deux corvées à Noël et à saint Jean-Baptiste à cause que lesdits lieux étoient en non valeur ». Dans le même, l'avouant reconnaît 22 sols 6 deniers de cens perçus sur les rotures dudit fief.

La guerre de Cent ans a laissé les traces habituelles, la région est ravagée et pour recouvrer une partie de leur biens les propriétaires tant laïcs que religieux, procèdent de la même manière en baillant à cens et rente perpétuelle les ruines et friches associées.

Un contrat de vente est passé le 15 février 1467, par devant Luillier et Bretart par Antoine de Vaires à noble Guillaume de Gaunay, conseiller et avocat du Roy en sa cour de Parlement, de 120 livres de rentes foncières et de tous les droits seigneuriaux dudit fief de Villefeux moyennant 120 livres payées comptant. Cette rente adossée à la vente de 1459. Suivant la coutume et le droit féodal, le 9 juillet 1468, messire Guillaume Gaynay, seigneur de Villefeu, rend foy et hommage à Messire Arnoul Boucher, frères et sœurs, « d'un fief appellé Villefeu assis près Paloiseau ou terroir d'environ toutes ses appartenances et dépendances, tenu, mouvant et relevant dudit Messire Boucher esdits noms à cause de sa terre et seigneurie d'Orsay ». Le même jour, craignant une saisie féodale, le seigneur de Villefeux rend également foi et hommage pour son fief à dame Gillette Raguier, veuve de feu Bureau Boucher, seigneur d'Orsay.

Acte de foy et hommage du 9 juillet 1468.

Un acte de réception en foy et hommage daté du 16 juin 1494, nous apprend que le fief de Villefeu est tenu maintenant par Jean Teuleu qui reconnaît ses suzerains en les personnes de Jean et Adam Boucher, seigneurs d'Orsay. L'acte d'aveu et dénombrement du fief de Villefeu est passé le 9 juillet 1502 par le même à Messire Jean Boucher que le déclarant reconnaît comme unique seigneur d'Orsay. L'acte reprend les articles que nous connaissons déjà dont l'hôtel avec grange, étable, bergerie et colombier et jardins. Le domaine a une contenance de 159 arpents de terres, prés et bois y compris le petit Villefeu. La rente de 6 livres est aussi déclarée. Prenant des précautions extrêmes, le seigneur de Villefeux passe un autre aveu, identique à celui de 1396, au nom de sa femme, damoiselle de Gaunay, en précisant qu'il existe un bail à rente de 6 livres qui n'inclut pas les 22 sols 6 deniers parisis de cens à prendre sur plusieurs héritages « ny la moyenne et basse justice sur tous les héritages réservés par lesdits bailleurs ». En un mot comme en cent, nous comprenons bien que les bailleurs ont la meilleure part.

À suivre …

Notes

(1) Ce sont les notes communiquées à Pierre Gérard de “l'Atelier d'Histoire et de Valorisation du Patrimoine” de Villebon-sur-Yvette, qui nous a fait profiter d'une visite sur le site de Villefeux, samedi 13 décembre 2008, sous une pluie glaciale.

(2) Raymond Raguier, seigneur d'Orsay était l'homme de confiance du grand maître Jean de Montagu, seigneur de Marcoussis. Il a supervisé tous les travaux entrepris à Marcoussis, tant au château qu'au couvent des Célestins et à l'église sainte Madeleine.

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