Corpus Essonnien

Histoire et patrimoine du département de l'Essonne

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Bois-Courtin à Villejust (3) (1945- 1950)

Chronique du Vieux Marcoussy –Marcoussis————— _—————————–___—– Mai 2009

Bois-Courtin à Villejust (extrait d'un plan cadastral de 1942).

JP Dagnot

C. Julien

Cette chronique est la troisième partie de l'histoire du Bois-Courtin à Villejust (Essonne, cant. Villebon-sur-Yvette). Il y a une rue du Bois-Courtin à Villejust. Sur la commune de Villebon-sur-Yvette plusieurs voies empruntent ce toponyme : la rue du Bois-Courtin, le chemin du Bois-Courtin ainsi que le chemin du Bois-Courtin à Villiers.

Que signifie ce toponyme ? Il tout naturel de faire intervenir une notion de forêt, le Bois-Courtin étant le reste de la forêt du Hurepoix sur le rebord du plateau de Villejust-Courtabeuf. Nous avons le choix entre deux possibilités : soit le toponyme vient du latin « cortina », “vase rond”,“chaudron” ou “chaudière”, celle-ci aurait pu être installée dans ce lieu au temps des charbonniers gallo-romains, soit du latin « corticeus », “d'écorce”,“qui coule de l'écorce des arbres”. Nous connaissons plusieurs endroits qui ont rapport avec les tanneurs utilisant les écorces de chênes ou de châtaigniers.

L'installation des religieuses de Bethanie (1)

Le 3 octobre 1946, une déclaration de l'Association Charitable d'Entr'aide Féminine est déposée à la préfecture de police. Le but recherché est de « soulager les détresses morales féminines ». Le siège 80 rue de Prony Paris. Les statuts ont été publiés régulièrement au Journal Officiel le 24 octobre 1946 : « l'association est représentée par Madame Yvonne Dol, en religion soeur Madeleine, demeurant à Villejust, lieudit le Bois-Courtin ».

Le 6 novembre 1946, le ministre de la population écrit au directeur de la population de Seine-et-Oise: « Je vous adresse une copie des instructions du 24 octobre 1946 concernant les centres d'accueil prévus par la loi du 13 avril 1946. Dans votre département, la maison Marie-Jean Joseph est en cours de formation à Bois-Courtin, sous les auspices de l'association Charitable d'Entr'aide Féminine ayant comme président maître Auboyer Treille, avocat au conseil d'état, et comme directrice mère Magdeleine de Jésus. La subvention demandée par ce centre est de 300.000 frs, pour quelques réparations et mobilier, me fournir les détails relatif aux locaux et aménagements, faites les démarches pour obtenir le bénéfice de l'AMG à ce centre ».

Le 13 décembre 1946, le président de l'association familiale de Villebon écrit à l'inspecteur de la population : « Il vient de se créer à Villejust par les soins des dominicaines de Bethanie, un ouvroir susceptible de rendre bien des services aux mères de famille de notre canton. Il faut organiser un service hebdomadaire de ramassage prenant le linge à raccommoder et le rapporter quand il est prêt. J'ai la voiture il me manque l'essence … ». N'oublions pas que nous sommes en pleine période de rationnement.

Le lendemain 14, un courrier de soeur Madeleine est envoyé au fonctionnaire représentant le ministère de la santé, pour des devis cités plus bas. Le 26 du même mois, un second courrier de soeur Madeleine, souhaite ses vœux aux services du ministre de la santé.

Le 6 janvier 1947, le directeur départemental de la population donne son accord au directeur du service des carburants à Versailles pour une allocation mensuelle au centre d'accueil de Bois-Courtin « Cet établissement est destiné à accueillir à leur sortie de prison, des femmes avec parfois des enfants du premier âge. Vu l'éloignement de la gare, il est indispensable que les enfants soient amenés en auto. D'autre part, un ouvroir y a été organisé : le ramassage hebdomadaire du linge nécessite une auto prêtée ». Une attribution de quatre bons de 10 litres d'essence pour les liaisons du centre d'accueil et le fonctionnement du centre de raccommodage est faite le 19 février 1947. Sœur Madeleine accuse réception de bons de carburant le 25 du même mois avec mention de « l'accueil d'une femme condamnée pour racolage qui parait très relevable et se montrer une des plus travailleuses ». Egalement prévision d'une visite à la prison de Versailles, et demande des coordonnées du visiteur de prisons.

Château Bois-Courtin (coll. Association Regards en Arrière).

Le centre Charitable d'Entr'aide Féminine

Une enquête demandée le 7 mars 1947, par le ministre de la santé concernant un centre d'accueil de prostituées nommé la maison Marie Jean-Joseph à Bois-Courtin : « Que ce centre n'a pu fonctionner au complet faute de literie et d'accident de chaudière. Il y a en permanence six ou sept pensionnaires pour un séjour variant entre quinze jours à un mois, après lequel elles sont placées ou établies … ». Une demande de subvention de premier établissement est déposée. Il peut être considéré comme une expérience de relèvement de prostituées. Notons que chauffage central est installé. Durant la première période des sœurs, les messes se faisaient au château chaque semaine, une partie du mobilier de l'église momentanément emprunté pour célébrer les offices, exception faite des grandes fêtes religieuses où l'on rouvrait l'église.

Un rapport entre ministères est rédigé le 27 mars 1947 où il est fait mention de l'intérêt de personnalités de Seine-et-Oise, suite à une causerie à l'union des oeuvres de Versailles. Une demande écrite est faite le 11 avril par sœur Madeleine « pour acquérir des outils agricoles et faire exploiter le terrain de la propriété, un bon jardinier nous aide. Nous voudrions acheter un cheval ». La santé de la sœur l'a immobilisé et de ce fait n'a pas pu aller à la prison de Versailles. Le téléphone existe dans la maison. Le 25 du même mois, suite du projet “cheval”, le jardinier est trouvé et mets en valeur la propriété. « Il y a actuellement sept femmes, l'une va se marier, elle avait un enfant qui sera reconnu par son mari, nous l'avions à la maison depuis six mois… ». Le 7 juillet, sœur Madeleine remercie pour les bons d'essence.

Le 20 janvier 1948, un courrier au directeur de la santé à Versailles a pour objet l'agrément du centre d'accueil d'ex-prostituées, maison Marie-Jean-Joseph à Bois-Courtin. La direction du peuplement note le siège de l'association est à Paris et que sœur Madeleine reçoit déjà des pensionnaires venant de la Roquette et des Tourelles. Un sombre problème administratif apparaît pour prendre en charge les prix de journée. Le 11 février suivant, le directeur de la santé écrit à l'inspecteur directeur de la population : « Je vous rappelle la création du centre d'accueil de Bois-Courtin destiné à recevoir d'ex-prostituées en vue de leur reclassement professionnel et de leur relèvement moral » et demande des instructions pour l'assistance médicale gratuite qui doit payer des frais de séjour à des pensionnaires ne recevant pas de soins médicaux. Le lendemain 12, la sœur se plaint « qu'elle n'a pas droit aux tickets de matières grasses et aux pâtes, étant classés comme ruraux; réclame des bons d'essence et d'alcool ». Toujours le maudit rationnement. Le nombre de pensionnaires est important et le travail ne manque pas.

La réclamation a été entendue puisque sœur Madeleine envoie des remerciements le 17 mars, pour 16 bons d'alcool à brûler, le 30 pour les bons d'essence « en attente de la réponse de la subvention ». Le nombre de pensionnaires est important dont une jeune sortant de l'hôpital et que l'air de Bois-Courtin remet tout à fait.

Un courrier entre directeurs de la population et de la santé est échangé le 21 avril 1948. Il est rappelé « l'ouverture du centre d'accueil fin 1946, pour ex-prostituées sortant de prison ou d'hôpital; ces pensionnaires doivent recevoir des soins spéciaux et se préparer à un reclassement professionnel. Le prix de journée sera couvert par l'assistance médicale gratuite, les pensionnaires ayant souvent des maladies vénériennes… ». Une autre lettre du 6 septembre a pour objet « Le reclassement de prostituées, maison Marie Jean Joseph. Accord pour la subvention et le paiement du séjour des anciennes prostituées uniquement ». Un état nominatif des pensionnaires est dressé le 24 septembre, avec leur provenance, la date d'entrée et celle de sortie, pour obtenir les règlements de journées intéressant pour voir la fréquentation de la maison de Bois-Courtin depuis sa création en 1946. L'état nominatif des pensionnaires du 1er octobre, pour les trois premiers trimestres 1948 donne 14 pensionnaires pour 647 journées soit 2,4 lits.

Le 26 octobre 1948, le directeur de la santé affirme qu'un vélo-solex est indispensable à la directrice soeur Madeleine !!! Nous sommes vraiment dans une période difficile !!!

Le courrier du 21 décembre, du ministre de la santé au préfet, a pour objet le reclassement de prostituées. Comme toujours, les administrations se rejettent la balle pour ne pas payer les prostituées devenant minoritaires par rapport aux délinquantes.

Le 4 janvier 1949, en plein hiver rigoureux, sœur Madeleine pose une demande de charbon ou d'alcool à brûler pour le besoin pour l'infirmerie, n'ayant pas le gaz. « L'oeuvre a pu héberger durant l'année une quarantaine de pauvres femmes libérées ou prostituées, la moitié continue à nous donner de leurs nouvelles, elles persévèrent dans leurs bonnes intentions et nous avons pu leur procurer du travail, plusieurs reviennent même passer leur jour de congé ici,…, les autres ont voulu se placer elles-mêmes et nous n'avons plus de nouvelles, j'en ai retrouvé dernièrement deux à la Roquête !! La formation est longue il faut tout leur apprendre ». Sœur Madeleine demande l'adresse d'une pouponnière pour placer une de ses pensionnaires comme femme de service, elle a 24 ans et à été condamné pour vol par entrainement, néanmoins elle se rachète par son travail et sa conduite.

La lettre du 19 février est adressée par le ministère de la santé au préfet qui demande à la maison de Villejust d'obtenir un agrément au titre de l'AMG. Apparemment le prix de journée n'est pas encore calculé. Le 10 mars, un état nominatif des anciennes prostituées pour le quatrième trimestre 1948 donne 9 pensionnaires pour 343 journées soit 3,8 lits. Un autre courrier daté du 11 mars, entre ministères convient que la maison devient « centre d'accueil féminin ». Parlant des frais de journées pour l'entretien des anciennes prostituées, il est fait mention des enfants recueillis par ladite maison qui ne constituent que des cas isolés, et donneront lieu au remboursement sous forme d'allocations de recueil temporaire, en fonction du prix de pension versé aux nourrices des pupilles de l'état. À titre d'information, l'association d'entr'aide féminine a l'intention d'acheter Bois-Courtin. Un prêt de 3 millions devra lui être consenti.

Le 19 avril 1949, la sœur, tapant à la machine annonce à la santé de Versailles, l'agrément AMG pour six mois en faveur des prostituées et libérées de justice. Mention de l'aménagement d'une infirmerie et installation d'une aumônerie permettant d'aménager deux nouveaux lits, et un cabinet d'examen médical : « … nos pensionnaires sont en liaison avec le dispensaire anti vénérien d'Orsay ». L'état nominatif des pensionnaires du 31 mai donne pour le second trimestre 1949 : 13 pensionnaires pour 457 journées soit 9,1 lits. Le 11 juillet suivant, sœur Madeleine envoie par courrier le relevé du second trimestre 1949 dans l'attente de l'admission à l'assistance médicale gratuite. La sœur pense emprunter 3 millions pour acheter la maison !! La maison est toujours pleine « l'une de nos enfants va se marier, elle vient de l'assistance publique ».

Sœur Madeleine dirige Bois-Courtin sans épargner ses efforts et rédige quantité de lettres pour obtenir satisfaction pour ses « pauvres pensionnaires ». Dans son courrier du 10 novembre 1949, sœur Madeleine espère établir des cours ménagers. Au dos du document au crayon, il est fait mention de : - soeur Madeleine sans âge, Melle Dol, - Melle Boivin à l'économat 33 ans, - Melle Taumard comptable 44 ans, - cuisinière logée Mme Dandannot, 50 ans, - jardinier Mr Jancovic 55 ans, - Melle Cygal (?), puéricultrice autorisée 33 ans, - Melle Bara 43 ans infirmière autorisée 43 ans. En marge : ouvroir agrément définitif 12 lits, 6 mars 1950. Ensuite de 18 mois à six ans 10 enfants 9 mars 1955. Monsieur Thourot confirme le jardinier habitant hors le château à la place des Nicias.

Un courrier de sœur Madeleine du 19 juin 1950 concerne une pensionnaire belge qui désire obtenir une carte de travail.

À suivre…

Notes

(1) La congrégation des Sœurs dominicaines de Béthanie a été fondée en 1866 par le Père Jean Joseph Lataste qui avait pris conscience de la détresse des femmes sorties de prison. La maison généralice est située à Saint-Sulpice-de-Favières (Essonne).

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