Corpus Essonnien

Histoire et patrimoine du département de l'Essonne

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Le moulin de Basset à Longpont (2) (1619-1715)

Chronique du Vieux Marcoussy –Marcoussis————— _————————————- Août 2008

Plan géométral du XVIIIe siècle montrant le moulin de Basset installé sur l'Orge à Longpont.

JP. Dagnot

C. Julien

Cette chronique est la deuxième partie de l'histoire du moulin de Basset à Longpont-sur-Orge (cant. Montlhéry, Essonne). Nous étions restés au début du XVIIe siècle quand le moulin, étant la propriété du seigneur de Brétigny, avait été affermé au meunier Noël Moullin qui quittait Basset au profit de Jehan Lelièvre. Nous arrêterons le récit de cette chronique vers 1715 pour le continuer dans une chronique suivante.

Le moulin de Basset en 1619

Revenons un temps sur la description physique du moulin de Basset. L'Orge est une rivière qui, bien qu'avec un débit faible d'environ un mètre cube par seconde, fut équipée, dès le haut Moyen Âge par des ouvrages hydrauliques pour faire tourner les moulins à farine (1). Ils exigeaient divers travaux d'aménagement sur le cours de la rivière : canal de dérivation ou bief, barrages, vannes de régulation, etc. Par conséquent, avec une faible chute d'eau, la plupart de ces moulins sont du type “ roue par en dessous ” pour lesquelles le courant arrive horizontalement pour frapper les palettes de la roue à aubes.

Le moulin de Basset a été construit sur la rivière aménagée ou “ rivière vive ” qui est suspendue par rapport au lit naturel de l'Orge appelé la “ rivière morte ” dite aussi “ morteau ”. Ce sont bien les termes du décret de déclassement du moulin « le propriétaire du moulin déclassé devra remettre la rivière dans son lit naturel, c'est-à-dire dans le thalweg, et qu'en ce qui concerne Basset, cette clause ne peut-être remplie puisqu'il existe des usines en dessous de ce moulin ». Le lit naturel qui s'étale en fond de vallée sur la rive droite est formé à cet endroit par des prairies inondables qui, au Moyen Âge étaient des marécages puisque les terres alentour de Longpont ont pris les micro-toponymes qui indiquent l'idée d'eau stagnante. Les “ Bourbiers ” sont, comme leur nom l'indique bien, des endroits pleins de boue. Les “ Douvières ” sont des endroits où il y a des douves qui sont entre autres nombreuses significations, des fossés, mais aussi des berges humides. Quelle que soit la traduction exacte, tout indique l'idée de marais, de marécages qu'il faut toujours associer au lointain passé de ces terres, comme la “ Guayère ” qui, au XVe siècle, désignait un canal d'irrigation (2).

Le bief amont du moulin de Basset est compris entre le déversoir de la chaussée de Guiperreux et la vanne de décharge du moulin. Le déversoir du pont de Guiperreux régule le niveau des eaux dans le bief amont, rejetant le trop dans la fausse rivière . Ainsi, le bief a un double rôle il amène l'eau pour faire tourner la roue et, vu sa grande capacité, joue le rôle d'un réservoir d'eau. Le nivellement a été repris plusieurs fois. Le règlement de 1748 a imposé de mentionner la moiêle du repère pour régler la vanne de décharge. Les règlements sur l'eau ont été reconsidérés sous la Révolution et appliqués strictement au XIXe siècle (3). Le nivellement de 1846 définit la hauteur de la vanne de décharge ainsi placée à 1.786 mm par rapport au repère Té inversé du pont de Guiperreux.

Plan du bief amont du moulin de Basset à Longpont-sur-Orge.

En 1711, les caractéristiques techniques du moulin donnaient « une roue de 10 pieds 8 pouces de diamètre », ce qui fait que la machine hydraulique de Basset possède une puissance de 11,2 chevaux vapeur. Avec une meule de six pieds de diamètre tournant à une vitesse d'environ 80 à 100 tours par minute, le moulin de Basset pouvait moudre environ un setier de blé à l'heure (4).

Droits et devoirs du meunier sous l'Ancien régime

Aux XVIe et XVIIe siècles, Basset était un moulin banal de la seigneurie de Brétigny. La banalité est une des caractéristiques du système féodal qui fut abolie le 4 août 1789, au même titre que les autres privilèges, et déclarée rachetable « les bleds qui sont conduits au moulin bannal doivent être moulus dans l'ordre où ils arrivent » . Le moulin banal ou bien simple gagne-pain d'un meunier est souvent doté d'une mauvaise réputation.

L'usage et presque toutes les Coutumes s'accordent à décider que le seigneur est tenu de faire moudre les grains de ses sujets dans les 24 heures qu'ils sont apportés au moulin banal (5). Dans le traité des droits féodaux, nous lisons « Lorsque le sujet bannier ne reçoit pas sa farine dans les 24 heures, ou le terme fixé par les Coutumes, il lui est loisible de retirer son bled pour le mener moudre ailleurs; il lui est également loisible de le faire, lorsque le moulin bannal a cessé de moudre pendant 24 ou 36 heures, faute d'être en état, selon qu'il est réglé par les Coutumes. Il y en a qui veulent que, lorsque le moulin redevient en état, le seigneur le fasse savoir au prône des messes paroissiales ».

Pour éviter les fraudes, plusieurs ordonnances furent promulguées (6). L'ordonnance du roi Jean, des mois de février et décembre 1350, porte que « les meuniers auront des balances et des poids bien ajustés pour peser les bleds qu'ils reçoivent et les farines qu'ils rendent ». Un autre règlement de 1631, ajoute que « les meuniers ne pourront changer les grains, ni les farines, leur défendant de mettre les farines en lieux humides, pour en augmenter le poids ». L'ordonnance du 19 septembre 1439 porte lorsque le sujet bannier paye sa mouture en argent « le meunier est obligé de rendre le même poids, en farine, qu'on lui a donné en grain, déduction faite du déchet. Ce déchet est réglé à 2 livres par septier, mesure de Paris, qui pèse 240 livres en froment; et ainsi à proportion des autres poids et mesures. S'il en manque, le meunier est tenu de payer en nature de farine; sinon, pour chaque livre de farine, ce que vaudra la livre de pain le même jour, avec amende arbitraire ».

Le seigneur de Brétigny tout comme le prieuré de Longpont n'exploita pas directement sa propriété du moulin de Basset. Il avait besoin d'un expert, tant pour la marche quotidienne que pour les réfections de la machine. Aussi, les contrats étaient passés avec les meuniers, chargés de régler l'ensemble de ces problèmes au bénéfice du couvent propriétaire. « C'est le meunier qui doit aller acheter et transporter les meules, les évaluer et les marchander. Mais le prix des meules et les frais de leur transport, tous doivent les prendre à parts égales, tant le seigneur que le meunier, selon la part que chacun détient dans le moulin ; et entre temps le meunier vivra sur le bien commun selon ce qui a été prévu en commun. Lorsque les meules parviendront à la porte du moulin, le meunier devra trouver sur son bien propre tout ce qui est nécessaire pour trouer les meules et les mettre en place, et faire tout ce qui doit être fait autour d'elles. Cependant, les gros fers neufs seront faits en commun ».

Baudoin, meunier à Basset

Revenons à notre description chronologique du moulin de Basset. En 1619, le notaire Beauperrin avait dressé un bail de six ans au meunier Noel Moullin. Le 8 janvier 1623, ledit Moullin quitte Basset. La prisée est organisée par le seigneur de Brétigny propriétaire dudit moullin de Basset « furent présents Noel Moullin, musnier demeurant au moullin du Carrouge et Philbert Bauldoin musnier demeurant au moullin de Basset lesquels ont dit et déclarés qu'ils ont fait la prisée du moulin, ledit Baudoin a promis et promet acquiter et se tenir quitte ».

En juillet , le même Philbert Baudouin, meunier demeurant au moulin de Basset, prend le bail à ferme du moulin de la Roue à Linas. « Fut présent en sa personne honorable homme Jehan Bourdon, marchand demeurant à Montlhéry au nom et comme receveur et admadiateur de la terre et seigneurie de la Roue, lequel a volontairement baillé et délaissé à titre de ferme et moison de grain, jusqu'à quatre années, à Philbert Baudouin, meunier demeurant au moulin de Basset . … Ce bail fait sur tous les subjets de ladite seigneurie de la Roue, mouldre au moulin et rendre les farine deux fois vingt quatre heures, puis conditions habituelles outre moyennant la quantité de deux muids deux septiers de bled mousture bon loyal et marchand et dans la mousture n'entrera aucune espèce d'orge ny avoyne, mesure de Montlhéry ». En 1625, Philbert Baudoin, meunier demeurant au moulin de Basset, transporte le bail du moulin de la Roue à Jehan Pasquier « aussy musnier demeurant au moulin d'Aulnay, le temps qui reste à expirer du bail à luy fait par honorable homme Jehan Bourdon, marchand de Montlhéry, receveur de la terre et seigneurie de la Roue et du moulin de la Roue où naguères estoit Jacques Baudoin père du ceddant acceptant de jouir du moulin de la Roue ».

Il semble que le nommé Baudoin soit un riche entrepreneur de la meunerie puisque nous trouvons un acte de 1624 le mentionnant à Paris « Guillaume Plancher, musnier demeurant au faubourg Saint-Jacques les Paris, paroisse Saint-Jacques-du-Haut et Philbert Beaudoin, musnier au moullin de Basset, il avoit pris un moulin à van audit faubourg, ledit bruslé par la faute dudit Beaudoin ». Trois ans plus tard, le même Philbert Baudoyn est qualifié « musnier demeurant au moulin de Basset ».

Les meuniers du XVIIe siècle

Les affaires de la famille Baudouin avaient périclité, laissant la place à Noël Laisné dont les ancêtres sont depuis toujours meuniers dans la région. Il semble d'après le bail suivant que la dame de Brétigny avait loué le moulin à Noël Laisné le 24 novembre 1627, quand son collègue Philbert Baudoin était parti. Le 14 janvier 1629, fut présent en sa personne Noel Lesné, meunier demeurant au moullin de Basset, lequel a volontairement ceddé et transporté à Georges Coignet, meunier du moulin du Breuil et à Jacques Coignet, meunier au moulin de Villemoisson, le droit de bail à loyer fait par dame Suzanne Lenoir, femme et espouze de messire François Martel, chevallier seigneur de Fontaine à Brétigny. Il s'agit « d'un moulin à eaue, pour faire farine, avecq les logis et terres sur la chaussée de Guiperreux tel qu'en a joui Philbert Baudouin et après ledit Lesné avec la pesche de la rivière moyennant trois cens livres par chacune des huit années ». Puis, le droit de pesche de la rivière est loué à Michel Marles, moyennant vingt livres. Il n'est pas douteux que l'Orge fût empoissonnée à cette époque, ce qui provoqua d'ailleurs des chicanes entre les moines de Longpont et le seigneur de Brétigny (7).

En 1631, George Coignet est toujours maître meunier à Basset. Puis, en 1637, Michel Catholle, marchand de Linois, transporte de bail du moulin à Martin Brémant, musnier du moulin de l'Estang. La prisée du moulin de Basset est faite le mois suivant, à la requête de Georges Coignet, musnier demeurant audit moulin appartenant à Messire François Martel, chevalier, seigneur de Brétigny . Plusieurs confrères viennent faire la prisée qui ne mentionne pas de dimensions.

Une saisie féodale est prononcée le 3 mai 1640 contre le seigneur de Brétigny qui n'a pas fait ses devoirs auprès de Gaston d'Orléans, prince du sang apanagé des comtés de Montlhéry et de Limours par son frère Louis XIII. « En vertu d'une requeste et ordonnance de Monsieur le presvot de Montlhéry et d'une commission y attachée en date du 19 juillet dernier, et à la requeste de Monsieur le procureur du roy de Monseigneur son frère unique du comté, prévosté et chatellenie de Montlhéry, je, huissier, faute de foy et hommage non faictz, faute de droits non payés aveu et dénombrement non baillés, saisy et mis en la main du roy nostre sire, le fief et moullin de Basset, assis en la paroisse de Longpont, ses appartenances et deppendances , mouvant ledit fief dudit comté et chasteau dudit Montlhéry, et en la personne de Jehan Dupuys marchand, commissaire pour faire son debvoir, exploit, signifie et fait scavoir au seigneur dudit fief et moullin, parlant à Martin Bréman, musnier demeurant et tenant ferme du moullin auxquels on prétend ».

Pendant ce temps, Michel Tamponnet qui dit habiter à Guiperreux puisqu'il est meunier au moulin de Basset, reprend le moulin de Biron et le 30 septembre 1641 « recongnoit estre detempteur & possesseur dudit moulin de Biron, consistant en plusieurs bastimens, eddifices, cour, jardin situé audit lieu de Biron ». En 1647, Martin Bréman est de nouveau meunier à Basset. Le 21 janvier 1643, un nouveau bail est accordé par Michel Tamponnet, meusnier demeurant au moulin de Basset par Georges Coignet qui prend le moulin de Biron pour six ans moyennant 240 livres.

Puis, le 7 mars 1652, Michel Catholle est meunier du moulin de Basset « à cause du bail à loier à luy faict par Romaine Lanoullier de la chasse de tous les grains de Nozay et Ville-du-Bois du 26 février 1652, transporte à Estienne Lesné, meusnier du moulin de l'Estang, le droit de chasse sur Nozay ». Ce meunier devra prendre les grains dudit Nozay, les convertir en farine iceux en deux fois dans le délai de 24 heures accoustumées, et laisser faire semblable chasse par le meusnier du moulin à vent de Marcoussis, ce bail faict en outre moyennant le prix somme de trente livres.

Cette période ne semble pas très faste pour la meunerie à Longpont puisque, suite à la Fronde des princes, les armées du roi puis celles de Condé ravagent la région. Avec guerre, le meunier de Basset éprouve des difficultés pour faire « tourner son moulin » et éviter la déconfiture. Il semble dire qu'il y a beaucoup trop de moulins pour l'étendue mise en culture dans la région. De plus, l'assolement triennal et les nouvelles cultures des fèces, des poix et autres légumes ont diminué les surfaces en céréales. D'autre part, le meunier du moulin de Basset, qui tenait le ban de la seigneurie de Brétigny, était obligé de chasser sur les paroisses voisines.

En 1655, le terrier de la terre et seigneurie de Brétigny mentionne le moulin article 163. Nous retrouvons une description identique à celle de 1565. Le domaine est passé dans les mains de René Martel, fils de François, seigneur de Fontaine. A partir de 1670 de nombreux travaux sont nécessaires pour la bonne marche du moulin. Un problème de fourniture de roue apparaît le 7 septembre 1671 entre Jean Guichard, meunier et Alexandre Giroud, charpentier. Finalement, le meunier de Basset s'adresse au charpentier Jean Marchand et, en décembre de la même année, passe un marché de fourniture d'une roue audit moulin. Le procès-verbal de prisée de 1677 précise que le moulin appartient à Messire François Martel, seigneur de Brétigny et qu'il y a une roue de onze pieds et des meules de six pieds.

En 1669, François Martel afferme le moulin au meunier Jean Guichard « pour neuf années à la feste Sainct Martin d'hyver, moyennant le prix somme de six cens trente six livres tournois en argent et six chapons, la somme de 636 livres payable par quartier et esgalle portion la somme de cent cinquante sept livres dix sols », le moulin de Basset « garny de ses ustensiles de moulin faisant grain farine que son moulant tournant et autres ustensiles nécessaires à faire de grain farine, la maison manable et logeable du maisnier couverte de tuilles, deux estables couvertes de tuilles, cour, jardin et dépendances du moulin de Basset et deux arpents de préz sis dans la prairie d'Orge au lieu-dit Chancueil du costé de la chaussée de Guipereux ».

Il semble que le meunier de Basset n'avait pas complètement satisfait les clauses de son bail en matière de réparations. Au printemps 1678, un jugement est rendu au profit de René Martel, comte de Brétigny . La sentence du 16 mai condamne le meunier à faire les travaux pour la restauration du moulin « étant sur la dite rivière d'Orge proche le versoir qui est proche le pont et première arche de la chaussée de Guiperreux ». Dans ses attendus, le procureur du roi précise que « le pignon portant l'arbre de la roue du moulin qui est recongnu estre en péril éminent » et que le meunier du moulin de Carouge proteste sur le niveau des ouvrages. Le jugement est rapidement exécuté le lendemain « Nous Jean Leroy, lieutenant de la gruerye des Eaux et Forest de Montlhéry, en exécution du jugement du jour d'hier, rendu au proffit du mesme René Martel, chevalier, seigneur de Fontaine, Brétigny et autres lieux, nous nous sommes transportés en la présence du substitut du procureur du roy, assisté de nostre greffier, au moulin de Basset situé paroisse de Longpont, à l'effet de visiter et reconnaistre les réparations que ledit seigneur prétend et nécessaires à faire tant au pignon dudit moulin étant sur ladite rivière et le versoir qui est proche le pont et première arche de la chaussée de Guiperreux, mentionné en la requeste et nous nous sommes présentés, l'arbre de la roue du moulin est appuyé sur ledit pignon tournant et servant… ».

En 1687, Henri Martel, seigneur de Brétigny , baille le moulin de Basset avec deux arpents de pré à Pierre Chrestien moyennant 550 livres tournois. En cette période, nous remarquons encore une fois que la situation économique de la meunerie suit les difficultés agricoles. Les mauvaises conditions climatiques sont la cause des récoltes calamiteuses et de la famine qui engendre une mortalité considérable. L'année suivante, un nouveau meunier arrive à Basset. C'est Nicolas Laisné qui loue le moulin avec cinq arpents de prés en deux pièces moyennant 550 livres et 6 canards.

Le changement de statut du moulin

Le 26 août 1693, le moulin de Basset change de statut. Henry Martel, seigneur de Brétigny cède le moulin par un bail à cens et rente à Charles Jumelle avec plusieurs pièces de terre et prés pour une contenance de 8 arpents. Le bail est passé moyennant 650 livres de rentes. Quelques jours plus tard, le nouveau propriétaire passe un marché de « curure de la rivière ».

En ce temps, meunier à Leuville, Charles Jumelle avait épousé Jeanne Henry, puis Claude Bouquet et enfin Louise Dolier (ou Daulier), sa troisième femme. On comprend que le meunier, véritable entrepreneur, exerce aussi une activité agricole. Il faut remarquer que Charles Jumelle est un riche meunier et un homme d'affaire redoutable qui, travaillant successivement au moulin de Breuillet puis à Essonne possèdera deux moulins à Longpont : le moulin à eau de Basset et le moulin à vent du Boulay (8). Il mourut au printemps 1709 et son fils aîné Pierre assura la succession à Basset. L'inventaire après décès mentionne : « on trouve dans l'écurie du moulin trois chevaux estimés pour leur bastinc, licou et bride à 290 livres, trois vaches estimées à 120 livres. Dans la cours une douzaine de canes, une douzaine de poules et un coq ». Pierre Jumelle était marié depuis 1709 à Geneviève Duguet qui lui donna sept enfants dont cinq vivait encore en 1716. A la mort de son père, il est aidé à Basset par les garçons meuniers Michel Fouquet, Jean Bourgeron et Pierre Lenormand. Lyonnard Moret était garçon meunier et garde-moulin à Basset. En 1696, il obtient le transport du bail du moulin de l'Etang par Michel Jardan à, du temps qui reste à expirer du bail fait par le chapitre de Linas en 1691, moyennant 300 livres et 12 chapons.

En 1698, Charles Jumelle, meunier, demeurant en la ferme de Basset, baille et délaisse pour trois années, à Michel Foulquier, meusnier à Grousteau, le moulin de Basset faisant de bled farine avec ses tournans et travaillans avecq la maison manable composée d'une chambre basse, au bout de ladite chambre, une chambre haulte le tout dans la cour jardin entre deux eaux du moulin et un autre jardin derrière la grange, idem plusieurs pièces de terres. Pour cette fois le loyer est payable en nature moyennant huit muids de bled.

En 1708, Charles Jumelle, meunier du moulin d'Essonne, baille à Christophe Filleuil, meunier de Guillerville pour neuf années, le moulin de Basset et le moulin à vent du Mesnil « ledit Jumelle comme propriétaire d'iceux moulins ». Le nouveau meunier entre en jouissance au printemps 1709, le bail moyennant 1.000 livres. En marge de l'acte de 1708, le notaire mentionne le désistement du bail des deux moulins entre la veuve de Charles Jumelle, Louise Dolier, Pierre Jumelle, fils, avec Léon Christophe Filleul.

Après le décès du propriétaire de Basset, un titre nouvel de 650 livres et 6 canards de rente est rendu en 1709 par Louise Dolier, veuve de Charles Jumel, et Pierre Jumelle, fils dudit Charles d'un premier lit, à Henriette Martel, dame de Brétigny.

Basset au seigneur de Lormoy

La famille Jumelle ne peut plus assurer les charges du moulin de Basset qui change une nouvelle fois de mains. Le 7 juillet 1710 par une adjudication par licitation et sentence de la prévôté de Montlhéry, Christophe Pajot , seigneur de Launais, Saint-Michel et Lormoy, devient propriétaire du moulin de Basset vendu par les héritiers Jumelle . La description du moulin exclut les tournants et travaillants « les bastimens consistant en une chambre basse, chambre haute, écurie, estable, toit à porcqs et autres édifices le tout couvert de thuille, une cour entre deux, l'antien jardin dépendant dudit moulin avec des petits bastimens couvert de chaulme le long du jardin, cave sous lesdits lieux ». Cette adjudication avait été enchérie par l'abbé Pajot à hauteur de 2.575 livres.

Bien qu'ayant vendu le moulin de Basset, Pierre Jumelle y reste en tant que meunier locataire. En 1711, le bail du moulin est accordé par l'abbé Christophe Pajot, conseiller du roy en Parlement et grande chambre d'icelle, abbé commendataire des abbayes de la Chassaigne et Valsainte, seigneur de Launay, Saint Michel et de Lormoy, de présent audit château de Lormoy « lequel à baillé et délaissé à titre de loyer et prix d'argent pour neuf années, à Pierre Jumelle, le moulin de Basset situé sur la rivière d'Orge consistant en dépendances suivant l'adjudication quy en a été faite le 7 juillet 1710, ledit moullin garny de ses ustancilles, moyennant le prix et somme de 950 livres de ferme et loyer ». En outre, le bail fait obligation de curer la rivière. Il est également précisé que « ledit moulin est chargé de 650 livres envers le seigneur de Brétigny », apparemment inclus dans les 950 livres.

Donc, nous venons de voir la complexité féodale. Le moulin appartenant au seigneur de Launais est dans la mouvance du seigneur de Brétigny à qui reviennent les redevances, le cens et la rente seigneuriale. De ce fait, le loyer est chargé d'autant. En 1715, nous assistons à une donation entre vifs. Messire Christophe Pajot, seigneur de Launay et Saint-Michel-sur-Orge, lègue tous ses biens, y compris le moulin de Basset, à son neveu messire Jean-Baptiste Pajot, chanoine et maître de chapelle et musique de l'église de Paris.

À suivre…

Notes

(1) La juridiction féodale faisait que les eaux elles-mêmes appartenaient aux seigneurs hauts justiciers ( ex cujus feodo erat ).

(2) Ce nom apparaît pour la première fois en 1529 sur le terrier de la seigneurie de Longpont. Son orthographe a subi bien des avatars, puisqu'on trouve indifféremment Gayère, Guayère (1764) et même Guyère (1835).

(3) Au Moyen Âge le droit de l'eau est interprété comme un droit d'usage. L'édit de Moulins de 1566 rend le domaine royal inaliénable et prévoit sur les rivières de simples concessions. Ce texte demeure aujourd'hui la référence pour déterminer les droits fondés en titre. La Révolution française amène son lot de modifications législatives mais ce n'est que la loi du 4 avril 1898 qui détermine enfin l'évolution du droit de l'eau qui, va désormais s'organiser autour d'une seule idée : réduire la propriété sans jamais la remettre en cause. Cette loi demeure, après de nombreuses réformes, le texte de base du régime juridique de l'eau. Il faut attendre celle du 3 janvier 1992 pour que le législateur prévoie pour tous les travaux, installations, ouvrages, activités réalisées à des fins non domestiques, un régime unique d'autorisation et de déclaration, en fonction de l'importance des travaux, des risques encouru.

(4) En 1730, le rendement de l'arpent de blé cultivé dans les terres de bonne qualité du Hurepoix (première catégorie comme à Longpont) est évalué entre 60 et 200 gerbes, soit en moyenne 130 gerbes et le produit du grain est en moyenne 2 setiers et demi par 100 gerbes ou trois setiers et demi par arpent.

(5) F. de Boutaric, Traité des droits seigneuriaux et des matières féodales (Toulouse, 1775).

(6) Les meuniers avaient développé des astuces comme de mettre le moulin en marche lors de l'achat de la farine. Le tassement produit par le mouvement de trépidation du plancher permettait de tasser davantage de grain dans une même mesure. De certains contentieux, le plaignants demandent « que tous les meuniers soyent tenus d'avoir chez eux une balance et des poids, pour que chaque particulier puisse s'assurer qu'il ne lui a pas été fait tord », ou encore « que les meuniers, surtout des moulins à eau, rendent en son et en farine le même poids qu'ils ont reçu en grains, conformément à différents arrêts de la cour ». Les fraudes liées à la farine et au pain pouvaient avoir des conséquences graves, voire dramatiques, lorsque le grain était rare, la famille nombreuse et la récolte insuffisante.

(7) Extrait de l'édit de 1566 : « Si la propriété des rivières non navigables appartient aux seigneurs Hauts Justiciers, il faut aussi que le droit de pêche leur appartienne, l'un est une suite naturelle de l'autre. Les seigneurs peuvent, par la possession immémoriale, acquérir le droit de pêche dans les rivières qui coulent dans leur justice et dans leur fief. Le droit de permettre ou de prohiber la pêche dans les rivières qui ne sont pas navigables, est constamment un droit de la Haute Justice ».

(8) Au décès de François comte de Montgomery, seigneur de Villebouzin, sa veuve avait vendu le moulin du Boulay à Charles Jumelle. Un bail avait été établi par Louise de Grisson, veuve « à titre de rente non rachetable annuelle et perpétuelle moyennant le prix et somme de 50 livres de rente ». Vingt ans plus tard, la rente a été portée à 50 livres et 6 chapons. Le moulin du Boulay est resté dans les mains de la famille Jumelle jusqu'en 1740 quand le nouveau seigneur de Villebouzin le racheta pour l'affermer à Jacques Guignard, meunier à Biron.

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