Corpus Essonnien

Histoire et patrimoine du département de l'Essonne

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Les douleurs du Hurepoix pendant la Fronde

Chronique du Vieux Marcoussy ————————————- _——————————-Juillet 2009

Le village en temps de paix (David Teniers).

C. Julien

JP. Dagnot

Cette chronique fait état des villages du Hurepoix durant la Fronde. C'est une étude relative à la démographie pendant la période 1647-1655 qui ressemble plutôt, vu les évènements, à une rubrique nécrologique. Le choix des villages a été guidé par la présence de registres paroissiaux accessibles car toutes les paroisses ne possèdent pas encore d'état civil constitué au milieu du XVIIe siècle.

Préambule

Nous ne décrirons pas les causes de la Fronde et les faits historiques pendant cette période qui est très bien documentée par ailleurs (1). Les Frondeurs et les partisans des princes accusaient unanimement Mazarin d'être la cause de tous les malheurs de la France « la confusion était alors à son comble dans Paris. Les paysans des villages voisins s'y réfugiaient en foule, apportant la terreur et la désolation qui précèdent toujours une armée ennemie » (2).

Alors que la Fronde est rarement présentée comme source de paupérisme dans les livres d'histoire, cette période dépasse tout ce qu'on sait généralement de celles reconnues de tous comme les plus malheureuses. De ce point de vue, dans ses gravures de Callot avait, avec un grand réalisme, buriné les malheurs de son temps avant que l'on songeât à les écrire.

Démographie pendant la période 1647-1655

La lecture des registres paroissiaux renseigne sur l'état des campagnes du Hurepoix au temps de la Fronde et résument la situation sociale et économique. L'étude sur la période 1647-1655 permet d'analyser et de visualiser l'effet de la guerre civile sur la population. La mort fait réellement partie de la vie de chaque instant au cours des deux années 1652-1653. Les cloches des l'églises sonnent le glas tous les jours et les cimetières ne peuvent plus contenir les tombes.

Malheureusement les informations sont limitées car il faut remarquer que nous sommes à une époque où la tenue régulière des registres paroissiaux n'est pas encore totalement observée par les curés. Il faut attendre la grande ordonnance de Saint-Germain de 1667 pour connaître de façon fiable l'état de la population de nos paroisses (3) . Malgré tout, quelques curés avaient suivi l'édit d'Henri III, et c'est grâce à ces prêtres que nous avons accès aux données démographiques de plusieurs villages durant la Fronde.

Les épidémies de l'été 1652

En 1652, une sécheresse extrême sévit dans le Nord et en région parisienne où l'été fut caniculaire. Des processions générales furent organisées en juin pour obtenir la fin de cette calamité. Selon les historiens, la chaleur augmentant en juin et juillet infesta « extraordinairement l'aïr, cet aïr corrompu joinct à la mauvaise nourriture » causa beaucoup de maladies et de morts. Un moine des Célestins de Marcoussis écrivit que « l'on pouvait appeler le Chastiau et nostre Monastère des hospitaux généraux et oultre cela nostre maison le cimetière du pays » car les moines enterraient les morts, ceux du château et enfin tous ceux qu'on leur apportait ou qui étaient trouvés à leurs portes du parc ou de la rue. « Toute la cérémonie, de ceux qui les apportoient, estoit de grande puissance, et crié à pleine voix qui l'estoit des corps morts tant bien que mal ensevelis ».

Un moine âgé, qui avait été Prieur et qui ne faisait autre chose que d'administrer les sacrements aux malades, fut pris tant de fatigue « montant tantost dans des greniers tantost allant de salles en salles, de chambre en chambre » qu'il mourut de la maladie qu'il gagna dans ce pénible « mais glorieux et charitable exercice ».

Catherine d'Elbène, dame de Marcoussis, femme de Léon d'Illiers d'Entragues « quoy qu'infatigable et inépuisable dans sa charité envers les pauvres et les malades qui estoient en grand nombre dans son chastiau succomba ». Madame d'Entragues mourut en septembre de la même année quoique “Monsieur son mary” ait fait venir deux fois à trois grands frais Monsieur Tallot, premier médecin du Roy, car il dut acquitter 600 livres tournois pour ses deux voyages, où il fallut encore payer un transport pour les sorties et les carrosses de relais.

La maladie la plus courante est la dysenterie se montre particulièrement dans l'été et dans l'automne, lorsque l'atmosphère est humide, et offre des changements rapides dans sa température. Elle est plus commune dans les lieux bas et marécageux, exposés au sud et à l'ouest; dans les camps, et parmi les individus de la classe indigente. Quelques médecins ont considéré le froid humide comme la cause spécifique de la dysenterie : l'usage des aliments indigestes en est encore une des causes. On considère généralement aujourd'hui la dysenterie comme contagieuse: mais sa contagion n'est pas suffisamment démontrée (4).

Les malheurs de La Ville-du -Bois

Au XVIIe siècle, La Ville-du -Bois n'était pas paroisse, l'église matrice étant Nozay. Toutefois, la forte progression de population au XVIe siècle avait résulté dans l'édification de l'église Saint Fiacre, annexe de Saint-Germain de Nozay. La paroisse possédait donc deux sanctuaires desservis par un curé secondé d'un vicaire. Le dénombrement de 1709 donne 100 feux à La Ville-du -Bois.

On pourrait croire que La Ville-du -Bois, village où règne un vignoble important et au relief difficile, ne fut pas touché par les conséquences de la Fronde. Il n'en est rien. Comme partout ailleurs dans les paroisses du Hurepoix, nous observons des bouleversements considérables dans la population : une baisse des mariages et une diminution des naissances. Dès 1651, le nombre des naissances s'effondre pour atteindre seulement 3 nouveaux-nés en 1652. Les conceptions reprennent l'année qui suit le passage des reîtres de Condé, puis celui des mercenaires de l'armée royale, résultant en un nombre exceptionnel de naissances. Nous comptons 28 baptêmes inscrits sur le registre de 1654 alors que la moyenne annuelle des naissances est 14 bébés à La Ville-du -Bois.

Par contre, il est surprenant de voir un nombre si faible de décès à La Ville-du -Bois. Soit que nous soyons en présence d'un curé qui négligeait le registre des sépultures, soit que vraiment le nombre de décès à La Ville-du -Bois ait été faible en ces temps de troubles ; ce qui est difficile à admettre. Cela voudrait dire que La Ville-du -Bois a bien résisté aux famines engendrées par la Fronde , ce qui pourrait être compris par le fait que l'économie du village était tournée vers la viticulture et le jardinage.

Les malheurs de Ballainvilliers

La paroisse de Ballainvilliers, fondée en 1265 après le détachement de Longjumeau était peu peuplée, principalement constituée de fermes qui employaient un grand nombre de journaliers et manoeuvriers. L'église est placée sous le titre de saint Jacques et saint Philippe. Le dénombrement de l'élection de Paris donne 55 feux en 1745, que l'on peut facilement réduire à moins de 30 au milieu du XVIIe siècle.

Il est significatif qu'aucune union ne soit célébrée à Ballainvilliers en 1652. On compte 25 décès ce qui est considérable pour une paroisse où la moyenne se situe à 5 par an. Sur les 11 enfants qui décèdent en 1652, 7 meurent durant l'automne 1652, sans doute de malnutrition et de dysenterie. D'août à octobre, 14 inhumations ont lieu dans le petit cimetière de Ballainvilliers. Le fossoyeur, aidé du bedeau, n'a de cesse pour ouvrir des tombes. Toutes les familles du village sont touchées : les Danest, Berthier, Richer, Mesnager, Lecoq, Lambert, etc. Les 5 et 6 novembre, le père Valentin Langlois, curé de Ballainvilliers enterre successivement le fils et le père Charles Rioult. Chez les Aboillard, Sophie, fille de Pierre, et Jeanne, fille de Robert, disparaissent en ce sinistre mois de novembre 1652. Il convient de noter également le nombre important de décès chez les femmes mariées. Nous n'en comptons pas moins de sept.

Pendant deux ans les conceptions sont pratiquement nulles pour trouver un nombre exceptionnel de naissances en 1654, quand la tourmente passée, les jeunes couples reprennent confiance dans l'avenir. Un formidable baby-boom avec 11 naissances se produit deux ans après le désastre. Le clocher ne sonne plus le glas mais l'arrivée de nouveaux chrétiens. Il faudra attendre près de cinq ans avant la pleine reprise des activités agricoles. En 1657, six mariages sont célébrés, chiffre considérable, qui s'explique par l'arrivée de nombreux valets de fermes venus de différentes provinces comme le picard Adrian Fourmeur qui marie la Mulotte alias Elisabeth Mollet originaire de Champagne, ou bien Jean Desmares qui épouse Claude Picard tous deux normands travaillant dans la ferme du seigneur Ballainvilliers. Le frère de cette dernière, Etienne Picard, était jardinier au château et avait épousé Antoinette Marchand le 20 novembre 1654.

Les mendiants au temps de la Fronde.

Les malheurs d'Épinay-sur-Orge

Épinay-sur-Orge est un village qui appartenait à l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés dès le VIIIe siècle. Une charte mentionne que ce monastère possédait 32 maisons « mansi ingenuiles XXXII » en ce lieu. Le dénombrement de 1709 compte 80 feux tandis que le dictionnaire universel de 1726 marque 469 habitants à Épinay-sur-Orge.

L'année 1652 est terrible pour les Spinoliens. Avec un seul mariage et les évènements cruels les conceptions ont fortement diminuées pour seulement 4 naissances dans l'année qui suit alors que la moyenne des naissances est de 20 bébés par an pour la période 1647-1655. Nous sommes en présence d'une population terrorisée par la guerre et les conséquences économiques les plus terribles que l'on ait connu en ce siècle. Mais le chiffre le plus significatif est celui des décès : 130 morts à Épinay.

C'est le mois de septembre 1652 qui est le plus meurtrier à Épinay-sur-Orge. Les moissons ont été ravagées, la famine est présente dans tous les foyers et les maladies sévissent avec sans doute des diarrhées et des épidémies de dysenterie, de rougeole. Le 3 septembre le curé d'Épinay enterre 6 cadavres : 3 nourrissons, 1 homme et deux femmes mariées. Le lendemain, de nouveaux 5 corps, des enfants de moins de 8 ans, sont inhumés. Le cimetière du village n'est pas assez grand, il fallut l'étendre. Parmi les 66 enfants morts en 1652, on compte 21 nouveaux-nés de moins d'un an et 45 enfants de moins de 15 ans. C'est bien cette génération qui est la plus touchée par les carences alimentaires. Le nom des Bazille, la famille la plus touchée apparaît 14 fois sur le registre des sépultures d'Épinay. Le meunier du Breuil, Jean Regnieu assiste souvent le curé d'Épinay-sur-Orge lors des enterrements.

Les malheurs de Saulx-les-Chartreux

Située sur les bords de l'Yvette, l'église de Saulx fut d'abord un prieuré de Saint-Florent de Saumur, nommée en 1186 par la bulle d'Urbain III « ecclesiam sanctæ Mariæ de Psallis cum capella sancti Juliani de Villa justa », appelée en vieux français « ecclesia de Saud ». À l'époque qui nous préoccupe, l'abbé de Saint-Florent donna Saulx aux Chartreux de Paris à condition de recevoir une pension. Toutefois une partie avait été conservée par l'église cathédrale de Paris. Le dénombrement de 1709 donne 139 feux à Saulx alors que le visiteur épiscopal avait déclaré 20 paroissiens en 1469.

Le registre de Saulx-les-Chartreux possède des lacunes qui pourraient provenir de l'absence du curé suite à l'abandon des moines de Saint-Florent au profit des Chartreux de Paris. La situation de Saulx offre la même désolation, nous comptons 101 inhumations en 1652 dont 90% d'enfants. Le vicaire est complètement débordé et enregistre le décès sans aucune précision ne mentionnant ni la date, ni le prénom de l'enfant « En l'an 1652, a esté inhumé un enfant de Pierre Massy ». Chez Guillaume Delamare, deux enfants meurent le même jour. Un fermier d'Orléans, passant, décède à Saulx où il est inhumé. Etienne Robillon, vicaire de Saulx décède également en cette année 1652. C 'est le bedeau Marin Mignan qui rédige le registre ce qui expliquerait le manque de précision. Toutes les familles sont touchées, certaines sont décimées comme chez Aimé Desmasures qui perd successivement son fils Cosme et deux filles. Les frères Lescrivain, Jean, Louis et Olivier, perdent chacun un enfant et leur mère. En septembre 1652, Fiacre Mignan disparaît avec deux enfants.

Après tant de malheurs la vie reprend ; c'est dans la nature humaine. Les années 1654-55 verront naître 50 enfants à la suite des 14 mariages célébrés en 1653.

Les malheurs de Limours

La paroisse saint-Pierre de Limours avait été donnée en 1091 par Geoffroy de Boulogne, évêque de Paris, aux moines de l'abbaye de Bourgueil qui y avaient fondé un prieuré. Le dénombrement de 1709 marque 114 feux à Limours-en-Hurepoix.

À Limours, alors une des résidences favorites du duc Gaston d'Orléans, et qui, par conséquent, se trouvait dans les meilleurs conditions pour être à l'abri de tous fléaux déchaînés à l'envi. Donnons la parole aux chiffres du registre de Limours que l'on ne peut pas accuser d'être déclamatoires !!

L'année 1651 s'arrête au 27 novembre pour le registre des sépultures et ne reprend qu'au 14 mai 1652. C 'est-à-dire que pendant près de six mois on ne tient plus note des décès, tant ils sont nombreux probablement. La lacune des mariages est plus frappante : il n' y plus d'unions durant quatre années, de 1650 à 1654. Ce pourrait être un manque d'enregistrement, mais plus vraisemblablement le manque de sécurité qui ne permet pas aux jeunes gens de s'engager dans le mariage.

L'année 1652 voit plus de 100 décès à Limours et une baisse significative des baptêmes, ce qui nous fait imaginer que les évènements ont des conséquences plus grandes en pays de grosses cultures céréalières, mais que, d'autre part, les femmes enceintes avaient fui la paroisse pour se réfugier dans des lieux plus sûrs, Limours étant situé sur la grande route de Paris à Chartres.

Une autre constatation peut être faite à propos de la reprise des activités au lendemain de la crise : le nombre des naissances n'augmente pas à Limours après 1652, comme il a été observé dans la plupart des communes voisines. Cela confirmerait l'hypothèse d'un exode important, sans retour des réfugiés.

Les malheurs de Forges-les-Bains

L'église Sainte Marie de Forges, qui avait été donnée au XIIe siècle au prieuré de Longpont, était une cure-prieuré. Le dénombrement de 1709 marque 102 feux dans cette paroisse. Pendant les trois années 1650-1652, trois mariages seulement sont célébrés à Forges-les-Bains, dont deux appartiennent à la petite noblesse. En 1649, on en comptait quatre et en 1653, ils montent à cinq. De 1640 à 1648, la moyenne des décès est de sept. Pendant les quatre années de la Fronde elle s'élève à 20, les naissances tombent à 15, au lieu de 23 en moyenne.

Les malheurs de Champlan

Les habitants de la paroisse Saint-Germain de Champlan avaient gardé dans la mémoire collective l'empreinte des désastres de la guerre de Cent ans qui avait causé tant de désastres que le nombre de paroissiens était réduit à 14 en 1470. Le dénombrement sous le règne de Louis XIV pouvait être d'environ 60 feux.

Devant les évènements de la guerre, un grand nombre de réfugiés arrivent à Champlan comme à Chilly-Mazarin et au couvent Saint-Éloy -les-Longjumeau. La famille Certainvilliers est réfugiée comme beaucoup d'autres au château où Anne, fille de Agan Certainvilliers et Guillemette Guezard naît le 25 mai 1652. Le nouveau-né est baptisé à l'église de Palaiseau en présence du parrain Toussaint Certainvilliers et de la marraine Nicole Certainvilliers. Le 23 septembre le mariage de Claude Carré et Denise Aboillard est célébré à Palaiseau « où nous étions réfugiés » écrivent-ils sur le registre paroissial.

À Champlan, la mortalité de 1652 est identique à celle d'Epinay-sur-Orge avec 111 décès. La population du village est fortement décimée, ce qui provoquera un faible nombre des inhumations les années suivantes : 4 seulement en 1654 alors que 18 actes de sépulture sont enregistrés en moyenne. Les enfants de moins de 10 ans et les vieillards sont les plus touchés. L'augmentation du nombre des mariages au lendemain des troubles est suivit par une nette reprise de la natalité observée à partir de 1654.

L'hécatombe de 1652 se produit à Champlan pendant les fortes chaleurs des mois de juillet et août avec 35 décès dont 18 enfants et 8 veuves. Certains habitants de Champlan étaient partis se réfugier au château de Palaiseau. Toussine Garouste, femme de Mathieu Soye, y décéda et fut inhumée au cimetière de Palaiseau le 27 mai 1652. Le frère de cette dame, Barnabé Garouste, bedeau et carillonneur de Champlan y fut enterré le 30 juillet. Pendant les évènements de septembre 1652, deux autres personnes de Champlan décédèrent au château de Palaiseau ; il s'agit de Sainte Aboillard, veuve du bedeau de Champlan, et Noël Carré, fils de feu Martin Carré et Louise Hoster. Cette dame qui était bienfaitrice de l'église de Champlan fut inhumée le 11 octobre dans la nef de l'église. Antoine Mathieu mourut également au château de Palaiseau, s'y étant réfugié, et fut inhumé à Champlan le 13 octobre 1652.

Les malheurs de Chilly-Mazarin

Au XVIIe siècle, cette paroisse porte le nom de Chilly ou Chailly. Ce village, à deux lieues de Montlhéry, bâti à la gauche du grand chemin de Paris à Orléans, est un pays de labourages, de vignes et de prairies. On peut estimer qu'environ 250 âmes habitaient ce lieu où le maréchal Antoine Coiffier-Ruzé d'Effiat avait fait construire un magnifique château proche l'église Saint-Étienne.

Sous la Fronde le marquisat de Chilly appartenait à Charles de la Porte , duc de La Meilleraye du chef de sa femme Marie Coiffier de Ruzé, fille du maréchal. Nommé surintendant des Finances en 1648, le duc reste un des fidèles de la royauté durant les troubles de la Fronde.

Quels furent les malheurs de Chilly durant cette période ? Un désastre !!!

Il n'est que de lire le tableau extrait des registres paroissiaux. L'année 1652 est terrible : 192 décès !!! La semaine la plus noire est celle du 2 au 8 septembre avec 13 inhumations.

Les années qui suivent montrent bien l'ampleur des dégâts subie par la démographie. Seulement 18 naissances en 1653. Par contre, les mariages qui n'étaient que peu célébrés depuis 1648, deviennent le fait marquant de l'année 1653 avec 19 unions ; ce qui aura pour conséquence l'envolée des naissances dans les années qui suivent avec plus de 70 nouveaux-nés en deux ans.

Pendant les évènements, à cause de son éloignement des grandes voies de communication, Chilly devient une terre d'asile. Le grand nombre de réfugiés expliquerait la quantité considérable des inhumations. Plusieurs actes mentionnent cette situation. Nicolas Hervieu, originaire de Tilleul-Loton, résidant à Longjumeau, prêtre vicaire était « réfugié a cause de la guerre » à Chilly où il fut enterré le 22 juin 1652. De même, François Senestre, résidant ordinairement à Épinay-sur-Orge, mourut à Chilly le 29 mai ; « à cause de la guerre de la Fronde » avait écrit le curé. Nous trouvons également d'autres réfugiés comme Jean Rousseau décédé chez le jardinier du château le 13 septembre tandis que Léonard Limosin meurt chez la veuve Rioult le 3 octobre.

Les malheurs de Savigny-sur-Orge

La paroisse de Savigny-sur-Orge était peuplée de 117 feux en 1709. Placée sous l'invocation de saint Martin, l'église avait été rebâtie au XIVe siècle dont la moitié appartenait au prieuré de Longpont avec la dîme depuis le XIIe siècle « medietatem decimarum de Saviniaco ».

Au milieu du XVIIe siècle, nous pouvons estimer la population de Savigny à partir des dénombrements de 1470 (24 feux) et de 1709 (117 feux) c'est-à-dire 400 personnes environs. Plusieurs nobles et bourgeois habitent les lieux dont Ferdinand des Jardins, capitaine du château et Jeanne du Pin sa femme ; Pierre Lemasle, greffier du bailliage ; Pierre Brissonnet, écuyer, sieur et lieutenant d'une compagnie d'infanterie au régiment de « La Frette Sennetière » ( ?).

La situation de Savigny-sur-Orge est la pire qu'on ait rencontré : 181 inhumations en 1652 alors que le prêtre enterrait moins de 15 corps en moyenne par an. Chaque jour du mois d'août, on peut voir de trois à quatre convois funèbres .Tous sont atteints. Le meunier du moulin de Savigny, Noël Gresset est inhumé dans l'église d'Epinay le 16 juillet, le marchand boucher Toussaint Chauver, le 17 du même mois est « enterré proche l'église » . Le prestre et vicaire de Villemoisson, Nicolas Boivin, meurt à Savigny le 26 avril 1652 ; il est « inhumé dans le clocher de Savigny ». Le registre précise pour beaucoup le lieu de la sépulture car, semble-t-il le cimetière ne peut recevoir tous les corps « inhumé proche l'église », « inhumé sous le pavé du portique de l'église », « inhumé sous le portique », « inhumé dans la fabrique » . Les horsins à la paroisse sont priés d'enterrer leurs morts chez eux. Pour Estienne Desjours, maréchal de Juvisy, le curé écrit « inhumé proche l'église et emporta la bière ». Jean Daragon doit être enterré « au cimetière d'Epinay, sa paroisse », de même les corps de Jean Perrot et Toussaint Hingand, décédés à Savigny, sont apportés à Épinay. Pour Gilles Brusle, il sera porté « dans le cimetière de Viry sa paroisse ». Pierre Chemin habitant de Morsang est prié de transférer le corps de sa femme dans son cimetière paroissial.

Le procureur de la terre et seigneurie de Savigny, Pierre Leroy, est inhumé dans le chœur de l'église. Le jardinier du château, Sébastien Blézart le rejoint le 28 septembre 1652. Le 8 janvier précédent, on avait inhumé maître André Trude dans l'église, un autre jardinier du château tandis que le garçon jardinier nommé Jean de Cléry avait été enterré le 19 mars « proche l'église ». On ignore les circonstances de la mort de Mathurin Penneau, berger de la ferme de Champagne, mais le curé précise sur le registre « tué au château et inhumé proche l'église le 25 juin 1652 ».

Le 31 août, c'était le prêtre et vicaire de Savigny qui était emporté « Messire Charles Pelley qui était de l'évêché se Coutances est inhumé dans le chœur de l'église aux pieds de l'autel de saint Blaise ». Puis, le 14 septembre, c'est Marin Alin, riche laboureur d'Orangy que l'on inhume dans le chœur de l'église de Savigny. Le 24 du mois, Gratien Crespinet, vigneron de Savigny est « inhumé furtivement dans le chœur de l'église ». Etait-ce hors la vue des marguilliers ?

Messire Pierre Boyvin, curé de Savigny et Villemoisson est inhumé dans l'église le 18 octobre 1652 ; il est remplacé par le curé Collemart Le tableau ci-dessous donne les actes de sépultures de Savigny-sur-Orge pour la période 1648-1655.

Après une telle catastrophe il n'y a plus personne dans les rues de Savigny, tout le monde ou presque est au cimetière. Le fossoyeur Picard creuse plusieurs fosses par jour. Bien souvent le curé se plaint de ne pas avoir reçu son casuel « qui na peu le droitz », « qui na perçu ses droitz » ou bien « Picard a reçu pour l'église ». Un témoin écrivit même : « J'ai payé à Monsieur le curé l'ouverture de la fosse ». Remarquons également qu'il n'y a aucune célébration de mariage sur le registre de 1652.

Épilogue

Après l'entrée triomphale du roi à Paris et la mort de Mazarin après 19 ans de ministère, l'ordre fut rétabli « la soumission fut absolue…, il semblait qu'on fût déjà à un siècle des troubles de la Fronde » (5) . L'époque de Mazarin avait activement affaiblit la force parlementaire, les privilèges provinciaux et le caractère guerroyant de la noblesse et le pouvoir des princes du sang. Encore une fois c'était le peuple qui avait payé chèrement l'affrontement des classes privilégiées avec le roi. Avec les famines qui vont suivre à la fin du XVIIe siècle, la population de la France s'en trouvera diminuer fortement.

Un rapport d'ordonnance de police du 6 août 1653 confirme la singularité économique après la Fronde « …attendu la rareté des gens de journée causée par la grande mortalité, rareté dont le résultat est de tripler ou quadrupler la cherté de la main-d'œuvre, enjoint aux mendiants valides et autres personnes sans conditions, femmes et filles, d'aller travailler dans la campagne à la récolte des grains et aux vendanges, et leur défend de rentrer à Paris avant la Toussaint , à peine de prison et de punition corporelle ».

L'abondance des blés en 1656 apporta un instant de répit dans la situation misérables des Français, mais les gelées fortes de l'hiver 1657 et le dégel brutal de fin février causa d'importantes inondations : à Paris, la seine est aussi grosse et vingt fois plus rapide qu'en 1651 « la petite rivière de Bièvre a noyé bien du monde et abattu bien des maisons » (6) .

Notes

(1) Le lecteur pourra consulter : (a) M. de Sainte-Aulaire, Histoire de la Fronde , Libr. Baudouin, Paris, 1827 ; (b) A. Feillet, La misère au temps de la Fronde , Libr. Didier, Paris, 1862.

(2) Le peuple était alors ardent frondeur, tous les métiers avaient arboré un signe qui caractérisait le dévouement aux intérêts de la Fronde : c'était un brin de paille attaché au chapeau en forme de croissant .

(3) L'acte de mariage était obligatoire depuis 1579 mais la signature obligatoire des époux ainsi que des quatre témoins fut requise seulement par l'ordonnance de 1667. Au XVIIe siècle, il est d'usage de se marier dans son milieu et dans son village. Quelques kilomètres suffisent à être traité d'étranger. La cérémonie se faisant généralement dans la localité de l'épouse , ainsi que le festin chez le père de la mariée.

(4) A. Béclard, Nouveau dictionnaire de médecine , tome premier (chez Gabon, Paris, 1826). La dysenterie aiguë est une inflammation des membranes intestinales caractérisée par la douleur du ventre, le ténesme et l'excrétion de mucosités, le plus souvent sanguinolentes. Toutes les portions du conduit intestinal peuvent être affectées dans la dysenterie, mais le rectum semble l'être presque toujours plus que le reste des intestins, et quelquefois même exclusivement.

(5) Certains auteurs prétendent que Louis XIV voulut s'installer à Versailles car « l'idée de quitter Paris ne l'a pas quitté parce qu'il y avait connu la Fronde ».

(6) La famine s'ensuivit du printemps jusqu'à l'automne, puisque le blé, qui en 1657 n'avait coûté que 12 livres 9 sous l'hectolitre, valut pour le moins 17 livres et s'éleva à 19 livres 4 sous.

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