Corpus Essonnien

Histoire et patrimoine du département de l'Essonne

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Les sources et fontaines de Villebouzin

Chronique du Vieux Marcoussy —————————– —- _————————— Novembre 2009

Plan du domaine de Villebouzin dressé en 1929.

C. Julien

Le but de cette Chronique est la description des sources de Villebouzin sur la commune de Longpont-sur-Orge (cant. Montlhéry, arr. Palaiseau, Essonne). Pour les lecteurs extérieurs à Longpont, rappelons que le hameau de Villebouzin, situé au nord de la commune, est partagé avec Ballainvilliers. Au XVIIIe siècle, c'était une seigneurie laïque qui s'étendait depuis Ballainvilliers jusqu'à Linas.

Les documents anciens

L'abbé Lebeuf fait remonter l'origine de Villebouzin au VIIe siècle, ce qui parait contestable d'autant que l'historien a confondu le domaine appelé Butio , mot latin qui signifie « buisson » avec ce qui est devenu Buisun , c'est-à-dire le lieu d'implantation du prieuré Saint-Wandrille à Marcoussis (1).

Le toponyme de Villebouzin proviendrait d'une villa carolingienne donnée en propriété à un homme d'origine franque. Bosin dériverait de l'anthroponyme germanique attesté böse qui signifie mauvais, malin, vilain. On retrouve der Böse , le Diable. Il est permis de supposer que cette exploitation agricole fut donnée à un guerrier franc, surnommé « le méchant ».

Dans les textes du Moyen Âge, on trouve les toponymes suivants : Villa Bossin, Villa Bosen, Vilebosein, Villa Boissen . Vers 1100, un certain Constancius de Villabosen apposait sa signature comme témoin de la charte qui distribuait le cimetière de Montlhéry (2). Au cours du XIIe siècle, en 1136 exactement, une bienfaitrice de l'église de Longpont, Holdearde, femme de Burchard Cocherel fait une libéralité au sacristain de Longpont en donnant un muid de vin à prendre chaque année dans son clos de Villebouzin « dominium modium vini, in clauso suo apud Vilebosein unoquoque anno accipiendum & in perpetuum possidendum ». Son beau-frère Thibaut signe la charte (charte CCCXLIV).

Un des chevaliers de la famille, Guy Cocherel, fils de Thibaut, devient moine au couvent de Longpont vers 1140. Sa dot de prise d'habit consista en deux setiers de blé à prendre dans le patrimoine familial de Fontaine (charte XXXI). Au début du XIIIe siècle, le nom de “Ville Boussain” est apparu. Le domaine est aux mains de Thibaud Cocherel. Les Cocherel, seigneurs de Ville-Bousain , gardèrent longtemps ce fief puisqu'un siècle plus tard, un rôle des fiefs de Montlhéry fait mention « de ce que Garin de Verly [est] déclaré homme lige du roi Philippe Auguste à cause de la terre de Thibaud Cocherel, appelée Ville Bousain ». Sous l'ancien régime, la motte Villebouzin restera un arrière-fief dans la mouvance de Vert-le-Grand.

Dans le registre des insinuations du Châtelet, on peut lire que le 14 juillet 1545, Jean Morise, prêtre, curé de Saint-Martin de Chevreuse, avocat en Parlement, demeurant à Paris fait une donation à son neveu François Coutant, procureur au Parlement. Le legs concerne des « vignes dans les paroisses de Savigny-sur-Orge et d'Epinay-sur-Orge, aux terroirs de Villebouzin (près Ballainvilliers) et de Ballainvilliers, à charge de payer 8 deniers parisis de cens par arpent au seigneur de Ballainvilliers et de pressurer en son pressoir, à raison de 2 sols tournois par muid de vin et de ses biens meubles à Ballainvilliers, dans la maison de la Fontaine ». Il s'agit bien de la fontaine de Villebouzin où les vignes étaient sur le coteau méridional, de part et d'autre du chemin du Perray.

Extrait du plan napoléonien de 1809 et regard de la source de Villebouzin, rue André Chermette (photo de l'auteur).

Transportons-nous quelques siècles plus tard, en 1656, quand le comte François de Montgomery épouse Marie-Louise Grisson, dame de la Motte-Villebouzin. Le nouveau seigneur édifie un château dans le style Louis XIII sur l'emplacement d'un ancien château féodal. Le corps central couvert d'un grand comble à quatre pans est encadré de gros pavillons carrés coiffés de toits en pavillon. La façade sur parc est agrémentée de deux petits pavillons formant retour. Des fossés d'eaux vives entourent complètement le château et forment à l'avant une grande cour d'honneur.

Le parc comprenait un jardin à la française dont le grand axe était marqué par une allée centrale. Remanié plusieurs fois, le parc fut agencé au goût du XVIIIe siècle. Après 1785, le marquis d'Eschoisy remania la décoration intérieure du château et aménagea à l'anglaise une partie du parc. Vers 1750, l 'abbé Lebeuf décrit Villebouzin ainsi « le château est neuf et accompagné d'un paysage verdoyant, il a un vignoble assez considérable ».

C'est au début du XXe siècle que Villebouzin retrouve son faste d'antan. Le château est restauré en 1912 par l'architecte Paul Friesé, qui construit également les communs. Un parterre à la française est rétabli après 1911. Nombre de détails d'ornementation témoignent du souci de donner un cachet harmonieux à la propriété qui comprend une grande pièce d'eau, un canal et une grotte proche du “Trianon”, une magnifique roseraie, des bosquets et une futaie. Au-delà de la roseraie, une allée de platanes donne une perspective sur la tour de Montlhéry.

Dans son “Almanach des Gourmands” Grimod de la Reynière , le célèbre gastronome et littérateur du XIXe siècle, raconte la fête du 5 octobre 1806 organisée à Villebouzin et dit « situé au milieu d'un parc de plus de 80 arpents, distribués en bois, en vergers, en potagers, en parterres et prairies, en canaux, rivières, grottes et rochers, dans un parfait accord ». Il va de soi, que ce parc réclamait une alimentation en eaux qui fut organisée autour des sources du hameau.

Les douves du château, la pièce d'eau et les jeux d'eau dans le parc de Villebouzin.

Les eaux de Villebouzin

La présence de sources à Villebouzin est attestée par la place de la Fontaine . Les anciens se souviennent qu'il y avait une fontaine publique dont la pompe à eau a disparu vers 1975.

Comme dans de nombreux villages du Hurepoix, la géologie de Villebouzin est favorable au jaillissement de sources. Les sables de Fontainebleau se présentent en couches profondes où culminent les grès et les couches imperméables des marnes constituées d'un mélange d'argile, de calcaire et de sable favorisant les nappes et l'apparition de sources. Au dessous de cet étage, les marnes vertes mélangées aux gravières sont favorables aux pâturages. Le versant de la vallée de l'Orge étant dominé par les plateaux argileux occidentaux, ce sont les cassures du coteau qui donnent le contexte topologique pour le jaillissement des eaux de nappe au travers des graviers inférieurs. Les eaux proviennent principalement du plateau de Nozay et de la plaine de Ballainvilliers qui s'effondre dans la cuvette de Villebouzin. En certains endroits, l'eau affleure la surface ; avec une pluviométrie ordinaire on l'atteint en général à moins d'un mètre de profondeur, comme à Villebouzin, par exemple, où la couche argilo-sableuse formait un marécage situé dans “la pièce des Grands-Échassons”.

La source de Villebouzin . Le regard de la source de Villebouzin consiste en une construction en maçonnerie élevée au niveau du sol. C'est une petite salle de forme rectangulaire qui mesure cinq mètres de longueur sur trois mètres de largeur. Elle est couverte par une voûte dont la maçonnerie est en blocage de pierre meulière et calcaire à joint beurré ; au fond, la galerie captante voûtée abrite le canal qui amène les eaux d'une pierrée (voir photographie). Une conduite passant sous la rue André Chermette transporte les eaux au château et au parc de Villebouzin. Le débit estimé par l'auteur de ces lignes était de 42 m3/jour en 1992.

La source de l'avenue . En 1764, l'allée du Château, c'est « une avenue plantée de quatre rangs d'arbre, essence de tilleuls, en face du ci-devant château de Villebouzin, s'étendant en longueur depuis la demi-lune jusqu'à la grande route de Paris à Orléans, contenant environ 330 perches dont 245 perches et demie en terre labourable, le surplus un chemin pavé ». Elle s'appelle avenue de Villebouzin sur le plan cadastral de 1811. En 1905, le propriétaire du château décide le captage des eaux de l'avenue pour les conduire dans les douves puis les répartir dans le parc. La conduite, faite de poteries alvéolées, rassemble les eaux drainées sur les terrains contigus et celles de la source proche la route d'Orléans (3). Auparavant, ces eaux étaient utilisées pour alimenter la cressonnière située au-delà de la demi-lune du château. En 1901, on trouve Marcel Julien y cultivant du cresson qu'il vendait aux halles de Paris.

Les mares et les drainages des Échassons . Le ruissellement des eaux était régulé par un certain nombre de mares et d'étangs qui servaient aussi à de joyeuses parties de pêche. Sur le plan de 1929, on aperçoit la présence de mares dans les terres sur le chantier des Échassons. Mentionné pour la première fois en 1652, ce chantier se retrouve sur le plan de 1733 en tant que “Grande pièce des Échassons”. Cet endroit avait la réputation d'être marécageux et il est permis de supposer que des oiseaux de l'ordre des échassiers, tels que échasses, hérons, poules d'eau, râles d'eau, bécasses y étaient familiers à cette époque-là. Signalons que le cartographe du cadastre napoléonien (1809), influencé sans doute par la présence de vignoble dans le coin, mentionne « les Grands Échansons ». Au XIXe siècle, les terres avaient été drainées amenant les eaux dans la pièce d'eau, appelée « le miroir d'eau de Villebouzin » par le poète. De nos jours les mares ont été comblées et sont disparues avec l'urbanisation.

Le ru Gaillard. C'est un ruisseau aujourd'hui oublié qui, prenant sa source sur les graviers de La Ville-du -Bois, se mêle aux eaux du Mort-Ru du côté du Mesnil. L'histoire du ru Gaillard remonte loin dans le temps. En 1724, dans le terrier du chapitre de la Collégiale Saint-Merry de Linas, on note une demande des habitants de La Ville-du -Bois pour la construction d'un lavoir au lieu-dit « champtier Gaillard ». En 1724, le chemin de Gaillard est prolongé jusqu'à la route royale et des réparations furent effectuées au lavoir. Le lavoir Gaillard était alimenté par la source même du ru. Il fut démoli en 1953. Depuis, ce ruisseau avait été graduellement transformé en égout et fut recouvert en 1971 lors de l'urbanisation des Échassons.

Les lavoirs de Villebouzin

Il y avait de nombreux lavoirs à Villebouzin. Les deux plus connus sont le lavoir des Petits Échassons et le lavoir public du hameau (voir les plans). D'autres lavoirs privés ont été construits au XIXe siècle dont certains existent encore de nos jours. Tous ces lavoirs étaient alimentés par des eaux de sources captées dans leur voisinage. On trouve la trace du lavoir des Petits Échassons, d'une part sur le plan de la seigneurie de Villebouzin (dressé en 1733) et d'autre part dans l'inventaire du 30 mars 1792 lors du séquestre du domaine. Le lavoir faisait partie du quatrième lot « Six arpent de terre appelée la pièce du lavoir. Tenant d'un côté au ruisseau, d'autre au bois, d'un bout à la plate-bande énoncée art. 12 du 1er lot et d'autre au chemin du lavoir. Le lavoir construit dans ladite pièce de terre est excepté du présent lot. L'adjudicataire sera tenu … de conserver en chemin pour arriver au lavoir le terrain séparant ladite pièce de celle composant le 5e lot …il aura le droit d'entrer et sortir avec chevaux et voitures par la grille qui est au bout du chemin du lavoir ».

Le lavoir de Villebouzin est situé en face du château de l'autre côté de la rue André Chermette. D'une superficie de vingt pieds sur vingt-huit, il avait été construit au début du XVIIIe siècle. Lors de la discussion de 1834 sur les servitudes communales, il est dit « tous les jours, les habitants de Villebouzin y lavent leur linge. N'y a-t-il pas lieu d'exiger à cet égard un titre recognitif pour ne pas laisser prescrire cette jouissance qui existe depuis un temps immémorial des habitants du hameau de Villebouzin ? ». Les membres du Conseil municipal décidèrent que cette servitude en faveur des habitants du hameau de Villebouzin sur le lavoir doit être conservée.

Le 12 mai 1850, la commune signe une convention avec l'entrepreneur Jean-Eustache Lemerle pour l'entretien annuel des quatre lavoirs publics. Il a été convenu que « le sieur Lemerle se chargerait d'entretenir les lavoirs de Longpont et des hameaux, en les vidant nettoyant, savoir : du 1 er avril au 31 octobre, deux fois par semaine et du 1 er novembre au 31 mars une fois par semaine moyennant une somme de cent dix francs ».

Une réunion extraordinaire est tenue le 12 octobre 1862 sous la présidence d'Alexis Cossonnet, maire qui expose « des plaintes continuelles et nombreuses s'élevaient sur l'insalubrité que présentait la tranchée d'écoulement des eaux sales du lavoir de Villebouzin lesquelles exhalaient une odeur fétide et des miasmes dangereux ». Messieurs Godmet père et fils, voisins du lavoir qui avaient commencé à relever le mur de soutènement des terres sur 40 mètres , sont épaulés par Messieurs Aviat et Baudouin pour finir les travaux et assainir l'endroit jusqu'à l'aqueduc qui passe sous le chemin de Villebouzin. Ces derniers propriétaires prennent en charge les travaux « dans un but purement philantropique ». D'autres travaux sont également entrepris : le chemin du lavoir est élargi à 2m70, la tranchée d'écoulement des eaux sales est couverte et l'alimentation du lavoir est améliorée « des recherches faites avec soin n'ont fait découvrir d'autre pierrée que celle qui déjà alimente le lavoir et qui tire sa source dans le clos nord de M.M. Godmet père et fils. Cette pierrée a du être relevée dans un parcours de 36 mètres . Un regard placé à la tête de cette pierrée empêchera désormais que le sable ne l'engorge. L'eau est plus abondante et tout fait présumer qu'elle le deviendra davantage ».

Une convention est signée le même jour avec les généreux donateurs et bienfaiteurs de la commune. Le lavoir de Villebouzin a été vendu à un particulier en 1960.

Notes

(1) Lire la Chronique du Prieuré de Marcoussis.

(2) Cartulaire du prieuré N.-D. de Longpont, charte LXII, p. 106. Il convient de rectifier ici la faute grammaticale latine faite par Maumené « Constancius des Villas Bosein » qui fut reprise par d'autres auteurs.

(3) Vers 1988, la canalisation étant cassée avant l'entrée sur les terres du château, les eaux furent détournées et jetées sans vergogne dans la conduite des eaux pluviales du réseau communal.

dagnot/chronique36.05.txt · Dernière modification: 2020/11/12 04:38 de bg