Corpus Essonnien

Histoire et patrimoine du département de l'Essonne

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L'église Sainte Madeleine de Marcoussis (3) (Eléments décoratifs du monument )

Chronique du Vieux Marcoussy —————————– —- _————————— Décembre 2009

Plan de l'église de Marcoussis (1847).

C. Julien

JP. Dagnot

Dans cette cette chronique, troisième volet de l'histoire de l'église paroissiale de Marcoussis, nous continuons de décrire les éléments d'architecture de l'église de Marcoussis. Après avoir donné quelques indications sur le gros œuvre et la chronologie de construction, nous présentons d'autres éléments d'architecture dont la charpente et les combles, enfin les éléments décoratifs du monument sont examinés (1).

Les combles et la charpente

La charpente du chœur de Marcoussis est exceptionnelle par sa forme de fermes-chevrons en coque de navire renversée grâce à un assemblage subtil des arbalétriers (Figure 1). Les combles du chœur comptent cinq poinçons principaux à base épatée qui reposent sur les entraits (sur lesquels ils sont maintenus par des tirefonds métalliques). Les entraits sont de grosses pièces de bois de 33 cm ( 14 pouces environ) de côté. On note l'absence de fiches, par contre les poinçons ont des contre-fiches. Les chevrons sont raffermis par de grandes jambes de force, un entrait supérieur les réunit. La forme en coque de navire inversée est constituée de faux-entraits travaillant à la compression, assemblé aux arbalétriers par tenon et mortaise. Cette structure élimine en grande partie les poussées latérales sur les murs gouttereaux. La force de compression est ramenée par une double rangée de jambes de force depuis les arbalétriers sur les pannes qui reposent sur les entraits.

Notons que la technique employée par les charpentiers du XVe siècle a consisté à mettre un œuvre une grande quantité d'arbalétriers afin d'éliminer l'emploi de pannes et de chevrons. Les lattes reposent directement sur les arbalétriers donnant un aspect de charpenterie de marine à l'ensemble.

Cette charpente qui porte lattes et tuiles depuis six siècles semble n'avoir subi aucune altération. Des recherches récentes de dendrochronologie du bois datent les fermes précisément de l'hiver 1402-1403. Ce sont des chênes de l'ancienne forêt primaire d'Yveline avec lesquels les charpentiers ont construit la charpente de Marcoussis. La bonne conservation des bois est assurée par une bonne aération grâce aux empochements des murs gouttereaux et des deux ouvertures qui laissent passer l'air autour de l'entrait, pour éviter le pourrissement.

Figure 1. Charpente au dessus du chœur de l'église de Marcoussis (photo CVM).

Les combles du chœur et de la nef sont séparés par un mur de refend situé au dessus de l'arc triomphal. La charpente de la nef est beaucoup plus rudimentaire, classique avec des fermes courantes. Chaque ferme dite «latine» est composée d''un entrait, d'un poinçon, de deux arbalétriers eux-mêmes soutenus par deux fiches. Cette fois nous avons des pannes supportant des chevrons (cf. Figure 2).

La raison de cette différence entre les deux charpentes est simple, c'est celle que nous avons déjà rencontrée lors de la construction du monument. Le chœur appartient au patron, la nef à la responsabilité des paroissiens, petites gens qui ne peuvent se permettent des dépenses somptuaires pour l'édification de la partie du bâtiment à leur charge. Bien évidement, le patron est un riche seigneur ecclésiastique ou laïc. Celui de Marcoussis n'est autre que le prieur de Saint-Vandrille, le personnage qui détient les grosses dîmes dans la paroisse.

La coutume de Paris, organisation de la société féodale et médiévale, donnait la priorité des droits honorifiques au patron sur le haut-justicier. Ainsi, le patron faisait valoir son droit de patronage lors de la construction du bâtiment, la décoration du chœur était le témoignage direct de la richesse du fondateur. Avec la reconstruction de 1402-1404, Jean de Montagu permettait au prieur d'exercer son droit de patronage, ne s'arrêtant pas à l'aspect intérieur du bâtiment (dans le chœur) mais de fond en comble, c'est le cas de la dire.

La charpente de la nef semble avoir été posée à la même époque avec une surélévation des murs gouttereaux. Les entraits sont de mêmes dimensions et équarris de la même manière que ceux du chœur. Par contre les chevrons sont plus grossiers, irréguliers et plus récents pour bon nombre d'entre eux. Notons également qu'il n'y a pas de plancher dans les combles où le sol irrégulier est constitué par les voûtes d'ogives du chœur et de la nef.

Figure 2. Charpente au dessus de la nef de l'église de Marcoussis (photo CVM).

Dimensions du monument

Après avoir visité le chœur, la nef et les combles, nous pouvons appréhender les dimensions du vaisseau (cf. Figure 3). D'une longueur totale de 34m10 l'église de Marcoussis comprend une nef de 17m65 y compris l'arc triomphal et un chœur d'une profondeur de 14m55 depuis cet arc. La nef a une largeur intérieure de 7m80 m alors que de la largeur totale de l'église au niveau du transept est de 20 mètres environ.

Figure 3. Plan de coupe simplifié de l'église de Marcoussis (CVM).

Les voûtes de la nef s'élèvent à 10 mètres environ du sol naturel, le chœur étant surélevé de quelques dizaines de centimètres comme d'usage. La panne faîtière des combles est placée à 6 mètres du sommet des voûtes, ce qui fait une hauteur totale de l'édifice de 16 mètres environ.

Les fenêtres et baies

On observe divers types de fenêtres dans l'église de Marcoussis, dont trois baies hautes qui éclairent la nef du côté méridional :

• six fenêtres ogivales au chevet et croisillons du chœur (XVe. s.).

• une fenêtre ogivale sur le mur méridional de la deuxième travée de la nef (XVe. s.).

• une fenêtre ogivale sur le mur méridional des première et troisième travées de la nef (XVIe s.).

• une grande baie ogivale sur la façade occidentale (XVIe s.).

• cinq petites fenêtres rectangulaires étroites à linteau unique taillé en biseau sur le croisillon sud (XVe. s.). Ces fenêtres qui contrastent avec les baies ogivales rappellent plutôt an art militaire.

La figure 4 nous montre ces baies vues à l'extérieur. Nous devons prêter attention, un instant, sur la structure de ces fenêtres dont le décor est un précieux indice de datation du bâtiment. À l'exception des petites ouvertures rectangulaires et des fenêtres romanes obturées dont nous avons parlé précédemment, toutes les baies sont des croisées avec traverse, d'inspiration gothique. Les fenêtres à remplage ont été aussi pratiquées dès le début de la période Montagu sur le chevet, plus tard sur la façade méridionale pour chacune des trois travées, et enfin sur le pignon occidental au cours de la période gothique flamboyant (2) . Les baies ont des remplages à courbes et contre-courbes rayonnantes. Toutes reçoivent des vitraux dormants.

Figure 4. Les quatre types de fenêtres ogivales de l'église de Marcoussis. 1. Chevet et croisillons du chœur (XVe. s.). – 2. Deuxième travée de la nef (XVe. s.). – 3. Première et troisième travée de la nef (XVIe s.). – 4. Façade occidentale (XVIe s.).

Figure 5. Détails de la façade méridionale de l'église de Marcoussis.

Dans la fenêtre du chevet de l'église de Marcoussis (XVe s.), la structure se compose de deux piles centrales, de trois arcs extradossés, d'un œil indépendant recevant, en feuillure, des redents formant une rose à six lobes. Entre l'œil et les arcs des vides reçoivent aussi des vitres. Les redents maintiennent par leurs extrémités, un cercle en fer qui sert à attacher les panneaux de verre. C'est un modèle classique de baie gothique qui était apparu complet dans la structure de fenêtres des chapelles du chœur de la cathédrale de Reims dès 1215. Les autres fenêtres du chœur et du croisillon nord possèdent la même structure, toutefois, de largeur moindre, elles ne comportent que deux ogives seulement. La partie supérieure, décorée d'arcs trilobés jumelés, est caractéristique du premier quart du XVe siècle pour les baies du chevet.

La fenêtre à remplage du gothique classique de la seconde travée possède un squelette en pierre fait de nervures en forme d'ogives trifoliées caractéristique du début du XVe siècle. Des nervures intermédiaires s'intercalent entre les ogives du bas et la grande ogive du haut. Vue par les spécialistes, le symbolisme d'une telle fenêtre est donné par la forme d'une lance verticale pointée vers le ciel. Les ogives inférieures sont attachées par un entrelacs de nervures en forme de fleur de lys. Ainsi, l'espace « inter-ogival » contient un ensemble de pétales qui permet l'attache du système ogival. De l'expression analytique, on distingue que la forme de l'unité d'ensemble se retrouve dans les multiples divisions. Cette caractéristique est celle des formes dites « fractales » par les mathématiciens. Dans ces fenêtres, seule la symétrie verticale existe : celle qui nous montre le Ciel que tout chrétien aspire à atteindre.

Les fenêtres à remplage de la première et troisième travée ont des caractéristiques différentes. Alors que l'ogive supérieure est conservée, la division fractale est rompue et remplacée par des arcs en anse de panier ou arc surbaissé. Cette forme d'arc devient commune dans la seconde moitié du XVe siècle pour servir à l'amortissement des ouvertures. Les redents ont disparu à cette époque. De style gothique flamboyant, ces deux fenêtres différentes de la seconde travée sont attribuées à la période Jeanne de Graville qui les aurait faites percées au début du XVIe siècle (cf. Figure 5). Nous retrouvons la même forme dans le portail occidental.

La façade occidentale est d'une facture assez austère avec sa baie à vitraux dormants de la dernière période du XVe siècle ou début XVIe siècle. Cette verrière comprend deux colonnettes. La partie supérieure du remplage, décorée de nervures en forme de flammes (soufflets et mouchettes), est caractéristique du style gothique flamboyant, sans aucuns redents mais avec des contre-courbes terminant l'arc en accolade (cf. Figure 4). C'est pendant le XVe siècle que l'on voit apparaître les contre-courbes au sommet des arcs aigus. Elles ne prennent d'abord que peu d'importance, puis peu à peu elles se développent et deviennent un des motifs les plus riches de l'architecture gothique à son déclin. On notera la faible importance des contre-courbes due à la petite largeur de l'arc ogival.

Les vitraux

Les verrières figurées de l'église de Marcoussis placés au XIXe siècle illustrent des scènes évangéliques (cf. Figures 6 à 8) :

  la verrière ouvrant sur la nef représente Le Repas chez Simon est une grisaille sur verre de 1899 signée par le peintre verrier Léon Daumont-Tournel. Dans cette scène biblique nous voyons sainte Marie-Madeleine agenouillée, Jésus couché, une bénédiction, table, vaisselle et un paysage avec architecture.
  la seconde verrière figurée de la nef représente la résurrection de Lazare.
  la verrière du chœur de structure à lancettes et tympan ajouré est conçue comme un triptyque, relatant un épisode du Nouveau Testament dans lequel Jésus est reçu chez Marthe et Marie (cf. Figure 7): sainte Marthe est debout, de dos, Jésus est assis sur un banc de pierre et Marie est assise sur le sol. Le décor montre une terrasse devant un jardin. C'est une grisaille sur verre, jaune d'argent. C'est une œuvre du maître verrier chartrain Lorin Veuve, datée de 1887.
  la verrière au-dessus de la porte occidentale représente le Triomphe de la Vierge. Elle comporte également un ensemble de petits vitraux montrant les armoiries des seigneurs laïcs et ecclésiastiques qui se sont succédés à Marcoussis depuis les Montagu jusqu'à leurs successeurs du XVIIe siècle, mais aussi les armes des Célestins (cf. Figure 8). Ainsi on peut admirer les armes de Jean de Montagu, Jacqueline de la Grange, Graville, l'amiral de Graville, Balsac d'Entragues, Balsac d'Entragues-Graville, Illiers et Balsac d'Entragues-Illiers. Notons que la verrière ne comporte pas d'armoirie d'Esclignac comme on peut le lire parfois.

Figure 6. Vitraux latéraux de la nef : la résurrection de Lazare et le repas chez Simon (photo CVM).

Figure 7. Verrière du chœur : Jésus est reçu chez Marthe et Marie (photo CVM).

Figure 8. Verrière de la façade occidentale : le triomphe de Marie avec les blasons des seigneurs (dessin CVM).

Portail occidental

Le portail qui est de style gothique flamboyant, appelé aussi gothique tardif, a été construit à la fin du XVe siècle, à l'époque des Graville (cf. Figure 9). Bien que le décor ait évolué vers un ornement exubérant, caractérisé par une grande virtuosité dans la taille de la pierre, le portail de Marcoussis ne comporte aucune scène religieuse, préface du monument. On pourrait y voir un élément d'architecture civile mais quelques détails peuvent nous faire croire le contraire. Il n'y a ni portique, ni narthex. On rentre de plein pied dans la nef par une seule porte monumentale, à deux battants.

Figure 9. Le portail gothique flamboyant de l'église de Marcoussis avec les détails du gâble (photo CVM).

La porte placée dans l'axe de la nef possède des dimensions relativement modestes, mais se trouve bien proportionnée sur la façade. Le linteau de la porte, en forme d'anse de panier surbaissé, est identique à ceux que l'on peut admirer à Blois dans l'aile Louis XII ou à Bourges dans l'hôtel Jacques Cœur. L'ouverture est encadrée par une frise d'ornementation, moulure sculptée d'éléments végétaux fruits (raisins) et feuilles. Deux colonnettes, décorées par un motif à lobes et terminées par des pyramides, sont placées de part et d'autres.

Le gâble à contre-courbe, sans aucune fonction utile, est un motif de décoration de la porte. Toutefois, il présente les lignes agréables de l'architecture gothique flamboyant. Ses rampants sont garnis de douze redents délicats, qui semblent être des anges assis. Le nombre douze étant bien connu dans la symbolique chrétienne. Entre le linteau de la porte et le gâble, un médaillon a été placé ou sont gravés l'alpha et l'oméga (qui rappelle la nature éphémère du passage sur la Terre par la naissance et la mort), plus un entrelacs d'un X, un I et un R, lettres qui rapellent l'acronyme INRI de l'expression latine « Iesus Nazarenus Rex Iudæorum » , pour Jésus-Christ le Nazaréen, roi de Jérusalem .

On peut remarquer les deux gratte-pieds disposés de part et d'autre de la porte, grilles métalliques à l'entrée de l'église, servant autrefois à racler les semelles des sabots. La façade aurait été restaurée vers 1887, sans doute la municipalité et les habitants de Marcoussis voulaient effacer les offenses faites pendant la Révolution.

Décorations intérieures

Plusieurs éléments de décoration sont remarquables à l'intérieur du sanctuaire. Ce sont :

  l'arc triomphal avec une poutre de gloire qui supporte un Christ en croix,
  un ensemble de huit culs-de-lampes du XVe siècle : sculpture en calcaire taillé de personnages de l'Ancien Testament. Ce sont quatre prophètes tenant un phylactère et des anges portant un écusson qui était celui de Montagu. Les sculptures reposent sur les consoles des arcs de la chapelle seigneuriale.
  la sacristie a été aménagée dans le croisillon méridional,
  la chapelle de la Vierge est placée sous le clocher roman,
  une statue de saint Vincent, en bois peint polychrome, du premier quart du XIXe siècle (hauteur 1m66). Saint Vincent, revêtu de la dalmatique, tient dans ses mains une grappe de raisin et une palme.
  un ensemble de quatre clés de voûte, sculptures de calcaire taillé et peint. La clé de la croisée centrale de la nef est ornée d'un ange portant les armes de l'amiral de Graville ; sur celle de la troisième travée, une tête d'homme est entourée d'une corde entrelacée et nouée. Ces sculptures sont attribuées à la première moitié du XVIe siècle.
  le maître-autel de style néo-gothique datant de la fin du XIXe siècle, sa façade sculptée représente les pèlerins d'Emmaüs.
  les fonts baptismaux sont constitués par une cuve octogonale en fonte surmontée d'une statue de saint Jean-Baptiste. Le dessous de la cuve est orné d'une frise de feuillage et d'une double rangée d'arcatures décorées de choux frises et de pampres. Ces fonts baptismaux ont été donnés à la commune en 1864 par Mr. et Mme Mignon, propriétaires du château de Soucy.
  autrefois (œuvre volée dans la nuit du 23 au 24 mai 1973), un tableau exécuté en 1855 par Théodore Chassériau représentant Jésus reçu chez Marthe et Marie avait été donné par M. Moreau-Nélaton.

L'église abrite la belle statue de la Vierge à l'Enfant en marbre blanc de Carrare du XVe siècle donnée en 1408 par le duc de Berry au couvent des Célestins. Cette statue a été confiée au XIXe siècle à l'église Sainte-Marie-Madeleine (cf. la chronique “ La vierge de Marcoussis ”).

À suivre…

Notes

(1) E. Viollet-le-Duc, Dictionnaire raisonné de l'Architecture Française du XIe au XVIe siècle , tome 5 (Imprimeries Réunies, Paris, 1856) p. 365.

(2) En architecture, le remplage désigne une armature en pierre d'une baie. Ce procédé s'est développé avec la période gothique qui a engendré des ouvertures de plus grande taille. On distingue généralement la partie haute du remplage : “le réseau” et la partie basse où sont alignés les “meneaux” et les “lancettes”. Les divisions obtenues par le remplage sont appelées “jours” ou “ajours”.

dagnot/chronique38.02.txt · Dernière modification: 2020/11/12 05:00 de bg