Corpus Essonnien

Histoire et patrimoine du département de l'Essonne

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Jacques-Joseph Le Dolledec

Sermon du 26 mai 1842

Préface de Bernard Gineste (2023)

  • Jacques-Joseph Le Dolledec, prêtre breton, après avoir fait sa carrière en Vendée, pays resté très catholique, avait été nommé en 1841 à la cure de Mérobert, à l'âge de 57 ans. Dans cette terre beauceronne gagnée depuis longtemps, en matière de religion, par une grande indifférence teintée d'hostilité, jusque dans les rangs de ceux qui fréquentaient encore l'Église catholique et ses cérémonies, il fut visiblement à la peine. Son témoignage est précieux parce qu'il illustre d'une manière presque caricaturale, par sa rigueur doctrinale et disciplinaire, le point de vue désespéré et la situation sans issue d'un pasteur profondément sincère et profondément dévoué, qui ne trouve en face de lui qu'indifférence et froide politesse, au point d'en venir à une rage quasiment insultante envers ses ouailles, qui explique sans doute pourquoi il regagna sa Bretagne natale dès l'année suivante.

Scan de l'édition de 1842

Transcription (2023)


  • RÉPONSE AUX QUESTIONS FAITES À M. LE CURÉ DE MÉROBERT PAR TROIS MEMBRES DU CONSEIL MUNICIPAL, le 18 mai 1842, écrites et fait imprimer par MM. Lochin, Barouin, et Gouelleux, habitans de Paris, mais présens au prône.

  • Dans son prône, le dimanche 26 du même mois, le susdit curé s'expliqua en ces termes:
  • Il y a huit jours, mes chers paroissiens, que trois de MM. les membres du Conseil municipal de cette commune me vinrent trouver au presbytère, et me firent les questions suivantes auxquelles je répondis; mais comme les susdites questions intéressent tous mes paroissiens qui pourraient me les faire de nouveau, je vais y répondre en public, tant pour leur épargner la peine de me les faire à l'avenir, que pour les transmettre à ceux qui ne seraient pas présens, attendu que mes réponses à de semblables questions seront toujours les mêmes.
  • Voici donc, mes très chers paroissiens, les questions telles qu'elles me furent adressées par ces messieurs.
  • Monsieur le curé, au nom des habitans de cette commune, nous vous déclarons que nous vous reconnaissons pour notre pasteur, pour un bon prêtre, que nous vous aimons, et que nous désirons vivre avec vous, etc.; mais nous demandons quelles sont les autorités, et en vertu de quelles lois, vous ne voulez pas vous servir à l'autel, au chœur, ni pour présenter le pain béni1), ni pour porter le guidon2), ni pour être parrain et marraine, ni pour recevoir la sépulture chrétienne, ceux qui ne se seraient pas confessés dans l'année, et n'auraient pas communié à Pâques?
  • Avant de répondre à vos questions, messieurs, permettez-moi de |2| vous faire observer que votre locution n'est pas correcte, puisque vous supposez que je ne veux pas, tandis qu'il est constant que je n'ai rien tant à cœur que tous mes paroissiens fussent dignes et capables d'être admis à tous les emplois de l'église, à toutes les cérémonies religieuses et notamment à la participation des offices divins , pour la sépulture chrétienne. Vous vous rappellerez sans doute, messieurs, l'époque où je fus envoyé par Monseigneur l'Évêque3) et le gouvernement au milieu de vous, comme pasteur et administrateur spirituel des habitans de cette paroisse; vous vous rappellerez, dis-je, que de la chaire de vérité je vous annonçai et je vous expliquai ma mission, qui consistait à bêcher, à biner et tailler à temps la portion de vigne dont Monseigneur l'Évêque me confiait la culture; qu'en plus j'étais chargé de conduire son troupeau dans les bons pâturages, de veiller à sa conservation, d'en éloigner les dangers, d'y ramener les brebis égarées, etc., etc.; et que, sauf à moi d'être fidèle à mes engagemens, j'en serais responsable et comptable; pour faire disparaître une prévention préjudiciable, j'ajoutai qu'aucun motif humain ne concourrait à mon acceptation, que je ne demandais rien, que je ne voulais rien autre chose que le gîte et que tous mes paroissiens fussent de bons catholiques, foulant sous mes pieds tout motif d'intérêt pécuniaire ou spéculations humaines.
  • II est vrai, messieurs, que vous n'étiez pas obligés de vous en rapporter à ma seule déclaration; mais j'avais cru vous en offrir quelque garantie en faisant faire à mes frais et seule responsabilité pour 4,050 fr. de réparations à votre église dans l'espace de six mois, sans que la fabrique y contribuât pour plus de 21 fr. 25 cent.
  • Vous me demandez quelles sont les autorités et les lois: quant aux autorités, messieurs, la première, c'est l'Être suprême; la seconde, c'est Jésus-Christ sauveur et rédempteur du genre humain; la troisième, c'est l'Église chrétienne et catholique ne pouvant se tromper dans ses enseignemens, étant conduite par le Saint-Esprit; la quatrième, sont MM. les ministres de la justice et des cultes, et le préfet de ce département4), premier administrateur. Voilà, messieurs, les autorités qui m'obligent à me conduire de la sorte.
  • Quant aux lois, messieurs, si mes paroissiens avaient bien écouté et retenu les instructions que je leur ai faites depuis que je suis leur pasteur, ils les connaîtraient, puisque vous savez que, depuis mon arrivée, tous les dimanches et fêtes, tout l'Avent et tous les jours de Carême, je leur ai fait une instruction d'au moins trois quarts d'heure, n'exigeant pas qu'on s'en rapportât à moi, mais que, le code divin et les lois civiles à la main, j'ai démontré à mon auditoire, sans qu'une seule personne ait pu ni nier, ni contester un seul article, que, d'après le contenu de toute l'histoire et des susdites lois, Dieu avait institué la pâque et le précepte d'y être fidèle sous peine de mort corporelle; que, quinze cents ans plus tard, Jésus-Christ l'avait maintenu et élevé à la dignité de sacrement de son amour, avec l'obligation d'y être fidèle sous peine de mort éternelle, puisqu'il déclare que celui qui ne mangerait pas son corps et ne boirait pas son sang n'aurait point la vie éternelle en lui.
  • J'ai lu et clairement expliqué les lois de l'Église sur ce sujet, qui |3| démontrent qu'il est aussi impossible de se sauver hors de son sein, qu'il est impossible d'être préservé du déluge hors de l'arche de Noé.
  • J'ai lu, dis-je, les commandemens de cette Église qui obligent à la confession annuelle et communion pascale, les décrets et canons de cette même Église infaillible qui rejette de son sein et de sa communion, en les couvrant d'anathème, tous ceux qui, sans raison légitime et sans plausible empêchement, n'auraient pas satisfait à ses préceptes et commandemens.
  • J'ai lu et expliqué qu'on pouvait renoncer et apostasier cette religion par écrit ou déclaration, mais aussi par le seul refus d'obéir à ses commandemens, ce qui était une désertion de ses rangs et de ses drapeaux , une apostasie et une révolte formelles. J'ai démontré que tous ceux qui auraient agi de la sorte se seraient, par le seul fait, fermé la porte de l'Église, et qu'en conséquence, il était défendu à tous ses ministres d'avoir aucune communication avec eux dans les choses divines sans s'exposer à l'excommunication, au moins mineure. Les lois à la main, j'ai lu et démontré que l'Être suprême avait créé l'homme libre, que Jésus-Christ avait maintenu cette liberté, que la nation l'avait décrétée et proclamée, qu'en conséquence, chacun était libre de croire et de faire ce qu'il voudrait en matière religieuse, mais que les ministres de la religion n'étaient pas libres d'agir contre les lois, la justice, leur devoir et leur conscience, ou sans quoi ils seraient infidèles, punis de Dieu, ainsi que par les lois civiles.
  • Voilà, encore une fois, messieurs, les autorités, les lois et les raisons qui s'opposent impérieusement à ce que je me serve, dans l'église et dans aucune cérémonie religieuse, des personnes qui, soit par déclaration ou par le seul fait, se trouveraient en pleine révolte contre Dieu et son Église.
  • Ces personnes auraient-elles des autorités plus fortes à opposer, ou des lois nouvelles qui détruiraient les premières? Dans ce cas, qu'elles me les fassent connaître; certes, je m'y soumettrai et les observerai. S'il arrivait qu'elles n'en eussent pas, pourquoi violer celles existantes? Pourquoi voudraient-elles contraindre leurs semblables à devenir prévaricateurs? Si ces personnes croient à la vérité, à la justice de la religion chrétienne et catholique, pourquoi ne l'observent-elles pas? Si, au contraire, elles n'y croient pas, pourquoi voudraient-elles en faire usage et s'en servir, à moins qu'elles ne soient insensées ou de mauvaise foi?
  • Non, Monsieur le curé, elles ne sont ni insensées, ni de mauvaise foi; mais elles croient qu'on peut être bon catholique en priant Dieu, en assistant à la messe, sans aller se confesser à une personne semblable à elles, puisque Dieu connaît tout, et que lui seul a le droit de pardonner, et que la première communion est suffisante pour la vie de l'homme, etc., etc.
  • S'il s'en trouvait parmi vous, messieurs, qui pensassent comme vous le déclarez, il s'ensuivrait nécessairement qu'ils ne croiraient ni en Dieu, ni dans son Église, ni en leur pasteur; et d'abord en Dieu, puisqu'il déclare que celui qui aura observé neuf des commandemens et violé le dixième se sera rendu coupable comme s'il les avait tous violés5), ce que la plus faible raison et le gros bon sens nous disent |4| aussi, puisqu'il ne suffit pas de commencer un service ou un ouvrage, il faut le faire en entier si l'on veut avoir des droits à une rétribution. Ils ne croient donc ni en Dieu ni en son Église; ils ne croient pas non plus en leur pasteur, puisque, dans mes instructions, je leur ai démontré qu'on n'aimait pas Dieu si l'on ne faisait pas ce ce qu'il commandait, ou si l'on faisait ce qu'il défendait. Je leur ai démontré qu'il était impossible de dire un seul mot de prières d'un bout de la vie à l'autre qui puisse être écouté et exaucé, puisqu'il ne serait que mensonge; il y aurait donc un despotisme et une intolérance insupportables à vouloir forcer un ministre de la religion à se servir de semblables personnes.
  • Tout ce que vous dites-là, Monsieur le curé, nous paraît juste et raisonnable, mais pourquoi vos confrères le font-ils? pourquoi ne faites-vous pas comme eux en admettant tout le monde sans exception?
  • Je ne puis croire, messieurs, à ce que vous dites-là, et d'abord, parce que j'ai des preuves du contraire dont le détail serait trop long, et parce qu'ils sont plus instruits et éclairés que moi.
  • Je conçois que l'on puisse par moment tromper leur bonne foi, ce que l'on m'a fait aussi souvent; je conçois qu'ils peuvent avoir des raisons de temps, de lieux et des circonstances qui pourraient les obliger à varier sur la forme, mais jamais sur le fond, puisque nous avons tous les mêmes lois, les mêmes règles, les mêmes devoirs et les mêmes obligations à observer. Je ne puis donc croire à ce que vous me dites sous ce rapport; mais, en supposant qu'il en serait ainsi, s'il arrivait que quelques uns de mes confrères fussent trompés, qu'ils se trompassent eux-mêmes, ou s'écartassent volontairement de leurs devoirs, serait-ce une obligation pour moi d'en faire autant? Je vous laisse, messieurs, à en tirer la conséquence.
  • Il est vrai, Monsieur le curé, que quand vos confrères auraient été trompés ou auraient mal fait, il n'y aurait pas d'obligation pour vous d'en faire autant; mais nous ne supposons pas qu'ils se trompent tous et qu'ils fassent mal, et cependant ils le font tous dans tout le diocèse, dans les cinq diocèses qui nous environnent.
  • On vous a étrangement trompés, mes amis, car je ne connais pas tous les habitans de tous ces diocèses, mais j'en connais plusieurs de leur principale ville et plusieurs membres du clergé, je puis attester, sans crainte de démenti, que j'y ai appris, que j'y ai vu par moi-même que tous les bons catholiques des susdits diocèses non seulement y faisaient leurs pâques, mais encore se confessaient et recevaient le sacrement de pénitence plusieurs fois l'année.
  • Cela pourrait être dans quelque ville, mais non pas dans les campagnes.
  • Est-ce que le Dieu des campagnes ne serait pas le même que celui des villes?
  • Si bien, Monsieur le curé; mais ce n'est pas l'usage ici d'aller à confesse et de faire ses pâques.
  • Comment, ce n'est pas l'usage? Est-ce que les habitans de cette paroisse n'auraient pas appris leur catéchisme, les commandemens de Dieu et de l'Église, les symboles des apôtres, etc., etc. ? Est-ce qu'ils |5| n'auraient pas fait leur première communion, sous la promesse et l'engagement solennel d'observer ses commandemens, les enseignemens de l'Église, aussi bien que ceux des villes?
  • Ne regarderaient-ils pas comme très malhonnêtes et dignes du plus profond mépris ceux qui auraient manqué à leur parole, violé leur serment et engagement? Dieu serait-il moins juste, moins puissant et moins à redouter que leur semblable? Pourquoi donc seraient-ils assez téméraires pour enfreindre et fouler aux pieds tous les commandemens d'un Dieu si juste et si puissant? C'est ce que les idolâtres et les sauvages n'ont jamais fait.
  • Les habitans de ce pays-ci voudraient-ils s'avilir, et se mettre au-dessous de ces peuplades barbares ?
  • Connaît-on le Créateur du ciel et delà terre et de tout ce qui existe?
  • On ne le connaît pas personnellement, Monsieur le curé, puisqu'on ne l'a jamais vu; mais on le connaît par ses ouvrages en tout ce qui existe, et par sa parole qui est l'Évangile.
  • Connaît-on aussi Jésus-Christ? Oui, puisqu'on est tous chrétiens.
  • Pourquoi donc ne pas observer ce qu'il commande. — Encore une fois, M. le curé, parce que ce n'est pas l'usage du pays. — Mais depuis quand ? — Depuis quarante-cinq ou cinquante ans. — Qui a eu le droit de supprimer le premier de tous les devoirs pour lui substituer un usage contraire à la raison, à la justice, à toutes les lois divines et humaines?
  • Est-ce que leurs ancêtres n'observaient pas la religion catholique il y a quarante-cinq ou cinquante ans, mille et dix-huit cents ans? — Si bien, M. le curé, mais l'usage s'en est perdu. — Mais s'ils avaient perdu leur bourse ou quelque chose de valeur, ne feraient-ils pas tout possible pour le recouvrer, à moins qu'ils ne soient devenus plus imbécilles et plus brutes que les animaux qui ont encore assez d'instinct pour rechercher la nourriture ?
  • Auraient-ils donc tous renoncé à faire usage de la raison, ne sauraient-ils pas qu'il n'y a que deux espèces de personnes que l'on puisse appeler véritablement raisonnables, celles qui aiment et servent Dieu de tout leur cœur, parce qu'elles le connaissent, et celles qui le cherchent, parce qu'elles ne le connaissent pas encore. Rien ne pourrait donc excuser ceux qui vivraient dans l'indifférence en matière de religion, puisqu'il s'agit de savoir qui nous sommes, d'où nous venons, où nous sommes, où nous allons, pourquoi nous sommes sur la terre, et quel sera notre sort après cette courte vie, connaissance que l'on ne peut acquérir que par la religion.
  • Tout cela est juste et vrai, Monsieur le curé, mais que voulez-vous, a l'on vous dise; c'est l'usage et l'habitude de notre pays, où l'on croit être bon chrétien, bon catholique et bien observer la religion a sans aller à confesse ni faire ses pâques.
  • Permettez donc, messieurs, par réciprocité, de vous faire à mon tour quelques questions. D'après votre déclaration , les habitans de cette paroisse et de cette contrée reconnaîtraient Dieu, Jésus-Christ et son Église, Quel serait donc l'abrutissement ou la fatalité, ou au moins le défaut d'intelligence, qui les éloigneraient de la pratique qui leur est commandée par ces trois premières puissances qu'ils reconnaissent, |6| puisqu'ils veulent participer aux avantages et aux cérémonies de la religion catholique?
  • Servons-nous donc un moment du langage de la raison. Puisqu'ils reconnaissent Jésus-Christ comme rédempteur et sauveur du genre humain, l'Église et ses sacremens établis par lui, pourquoi alors ne pas faire ce qu'il commande, quand la chose est juste et facile? Pourquoi, par exemple, les pères et mères exposeraient-ils leurs enfans à mourir sans baptême, et à être privés de la vue de Dieu pendant l'éternité plutôt que de les faire baptiser aussitôt après leur naissance, comme l'Église l'ordonne, et comme cela se pratique dans tout l'univers chrétien depuis dix-huit cents ans?
  • Pourquoi les femmes ne se feraient-elles pas purifier après leurs couches, comme cela se pratique dans tout le monde entier depuis plus de trois mille ans? Ils ne feraient donc pas comme les autres? Pourquoi ne satisferaient-ils pas au précepte de la pâque, ce qui se pratique dans tout l'univers, même chez les Juifs et les protestans? Les habitans de cette paroisse et de cette contrée ne feraient donc pas comme les autres? Pourquoi ne se serviraient-ils pas du sacrement de pénitence institué par Jésus-Christ pour être le remède efficace à toutes les blessures et maladies de notre âme toutes les fois qu'elle en a besoin, ce qui se pratique dans tout l'univers chrétien, ce que faisaient aussi leurs ancêtres il n'y a pas encore soixante ans; ils ne font donc pas comme les autres? Pourquoi ne s'abstiennent-il pas du travail, et ne sanctifient-ils pas le jour du Seignenr, ce que Dieu lui-même a commandé depuis l'origine du monde, ce qui se pratique partout, même chez les Barbares et les sauvages, et ce que faisaient leurs pères il y a cinquante ans; ils ne font donc pas comme les autres? Pourquoi n'observent-ils pas la loi du jeûne qui s'est observé de tous les temps, ce qui se pratique toujours par tous les bons catholiques, même chez les Juifs et les Turcs; ils ne font donc pas comme les autres?
  • Pourquoi n'observent-ils pas le sixième commandement de l'Église qui ordonne de s'abstenir de viande les jours de jeûne, de carême, le vendredi et le samedi, ce qui se pratique aussi fidèlement qu'exactement par tous les bons catholiques non seulement du royaume, mais de toute la chrétienté; ils ne font donc pas comme les autres?
  • Puisqu'ils ont appris et étudié leur catéchisme, ils doivent savoir que le sacrement du mariage est un sacrement des vivans qu'on ne peut recevoir qu'en état de grâce sans faire un sacrilège en attirant sur soi et sa postérité, pour le temps et l'éternité, les malédictions de Dieu. Tous les bons catholiques se préparent à le recevoir par de longues et fréquentes confessions, par de bonnes communions avant et après sa réception; plusieurs même ne le veulent recevoir qu'à jeûn: ils rougiraient et auraient honte d'eux-mêmes de se présenter à confesse seulement pour la forme, par mépris et dérision des choses saintes, le soir qui précéderait leur mariage, et d'aller le recevoir l'estomac rempli souvent jusqu'à l'ivresse; on ne fait donc pas comme les autres?
  • Tous les bons catholiques de l'univers ne se contentent pas de faire leurs pâques, il se confessent souvent, ils reçoivent le sacrement de |7| pénitence et de sainte communion aux grandes et bonnes fêtes de l'année, mais toujours avant la mort, ainsi que le sacrement de l'extrême-onction; ceux de cette contrée ne font donc pas comme les autres?
  • Tous les bons catholiques de l'univers reçoivent le sacrement de confirmation, et par là deviennent soldats de Jésus-Christ, s'opposant toujours, comme de fidèles soldats, à tout ce qui pourrait porter préjudice, insulter ou injurier leur maître. Ici, ils sont les premiers à l'insulter, à l'injurier et à le tourner en ridicule; ainsi ils ne font donc pas comme les autres.
  • Tous les bons chrétiens de l'univers catholique savent que les prêtres sont les représentans, les lieutenans de Jésus-Christ sur terre; qu'ils ont le pouvoir d'administrer les sacremens, de remettre les péchés, de fermer les portes de l'enfer et ouvrir les portes du ciel; que ceux qui les écoutent, écoutent Jésus-Christ même, que ceux qui les méprisent, méprisent Jésus-Christ même; que ceux qui les insultent, touchent Dieu à la prunelle de l'œil, etc., etc. Ici on ne considère les prêtres que comme des hommes ordinaires, qu'on ne peut assez tourner en ridicule par des sarcasmes et les calomnies les plus atroces; on ne fait donc pas comme les autres, etc. Y aurait-il quelque chose de faux ou d'exagéré ou même de contraire à la plus simple raison dans toutes ces question? Messieurs, il y aurait donc folie et abrutissement de tout bon sens de contrevenir à ces vérités. S'il se trouvait une contrée dans le monde qui renfermât des êtres aussi stupides, elle devrait être partagée du globe.
  • Puisque nous sommes sur le chapitre de la raison, n'en sortons pas encore, messieurs; employons la franchise et la vérité dans toute leur acception, puisqu'elles sont les plus beaux apanages de l'espèce humaine. Avouons franchement que tout ce qui précède est aussi véridique que rationnel, et que les seules causes pourquoi il se trouve des individus dans le monde qui ne veulent pas pratiquer ces vérités sont: 1° les mauvaises lectures qu'ils ont faites ou entendues; 2°les calomnies et diffamations; 3° les appetits déréglés d'une nature corrompue qui toujours demandent sans jamais se rassasier; 4° la soif de nos passions qui veulent à tout prix se contenter; 5° l'ennemi commun de Dieu et du genre humain, qui fait jouer ses mécaniques; surtout l'orgueil, la vengeance, la gourmandise, les passions honteuses, la jalousie, la paresse et le respect humain, etc. etc., qui élèvent entre Dieu et ses enfants un mur de séparation qui les empêche d'arriver à lui, et par conséqeunt au bonheur vers lequel ils tendent par leur essence.
  • Tous ceux qui sont enchaînés de la sorte sont de pauvres malheureux qui sont devenus sourds et aveugles, parce qu'ils sont ensevelis sous un manteau qui les prive du voir, de l'entente, même de l'intelligence; ce qui fait qu'ils ignorent jusqu'aux premiers principes du catéchisme, mais remplis de préjugés absurdes contre Dieu, ses ministres et son Église, ce qui, sans doute, faisait dire au Courrier français, dans son numéro du 21 novembre 1841: Que si l'on n'y prenait pas garde, les classes inférieures de nos populations ne seraient plus que de véritables bandes de bohémiens, sans temples ni |8| fêtes, passant au cabaret, à la débauche et au désordre les intervalles du travail au sommeil, sans penser au danger imminent qui est prêt à les engloutir.
  • Demandez-leur et priez-les de répondre, leur main sur leur conscience, s'ils sont certains qu'il n'y ait point de Dieu, qu'ils ne lui doivent rien? s'ils sont certains qu'ils n'aient point d'âme à sauver, qu'il n'y ait point d'autre vie après celle-ci, s'ils sont certains que la religion ne soit qu'une invention des prêtres; s'ils sont certains que tous ceux qui la pratiquent ne soient que des imbécilles ou des sots, s'ils sont aussi sûrs de tout cela comme de leur existence comme qu'il fait jour en plein midi — Ils vous répondront: Non, non et cent fois non; seulement, nous en doutons. Hélas! grand Dieu, ce seul doute ne serait-il pas plus que suffisant pour les tourmenter et les empêcher de dormir nuit et jour jusqu'à ce qu'ils aient découvert la vérité, à moins qu'ils ne soient dans un délire de folie, en jouant à croix ou à pile tout leur avoir présent et à venir. Non, non; ils se diront à eux-mêmes: quand la religion serait fausse, quand nous n'aurions pas d'âme, et qu'elle mourrait avec notre corps, nous ne serions pas plus malheureux après notre mort de l'avoir pratiquée; que si, au contraire, elle se trouvait vraie, nous nous trouverions bien désappointés et bien cruellement désappointés de l'avoir méprisée ou négligée; d'ailleurs, quand il serait aussi vrai qu'il est évidemment faux que toutes les personnes qui composent les six départemens qui nous environnent n'observaient pas la religion catholique comme elle l'exige, nous ne formerions que la quatorzième partie des habitans du royaume, sans parler de tout l'univers chrétien, nous n'en serions donc pas la cent millième partie; nous ne ferions donc pas comme les autres et comme le plus grand nombre. Pourquoi voudrions-nous être plus savans que l'univers, que les siècles qui nous ont précédés? Pourquoi vouloir avoir raison contre tout le monde? Pourquoi le respect humain, les dérisions et qu'en dira-t-on d'imbécilles nous retiendraient-ils plus longtemps dans les chaînes de l'ignorance, de l'abrutissement, de l'opprobre et de l'ignominie? Nous dirons et nous ferons comme l'enfant prodigue; nous quitterons le service des pourceaux pour mettre la paix dans nos âmes, le bonheur dans nos cœurs, la tranquillité dans nos ménages, les bénédictions et la prospérité sur nos biens, et pour servir le meilleur des pères qui nous appelle et nous tend les bras.
  • FIN.

  • Imprimerie de P. Baudoin, rue des Boucheries Saint-Germain, 38.

Bibliographie

1)
Il ne s'agit évidemment pas ici du pain eucharistique, que seuls les prêtres avaient alors le droit de tenir en leurs mains, mais de pains bénis dont on faisait la distribution aux paroissiens à la fin de la messe pour qu'ils l'emportent chez eux. — Note de B.G., 2023.
2)
— C'est-à-dire de porter la bannière de la paroisse en tête des processions. — Note de B.G., 2023.
3)
Il s'agissait alors de Louis Blanquart de Bailleul, archevêque de Versailles de 1832 à 1844. — Note de B.G., 2023.
4)
Joseph-Victor Aubernon
5)
Cf. Lettre de Jacques 2, 10. — Note de B.G., 2023.
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